Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur les relations culturelles entre la France et la Chine et la coopération culturelle, Shangaï le 15 octobre 2004.

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Circonstance : 7ème réunion annuelle du Réseau international sur la politique culturelle (RIPC) à Shangaï le 15 octobre 2004

Texte intégral


Permettez-moi tout d'abord de remercier mon collègue, M.Sun Jiazheng, de son invitation qui nous permet de nous réunir à un moment historique, puisque viennent de s'ouvrir à l'UNESCO, le 20 septembre dernier, les négociations gouvernementales en vue de l'élaboration d'une Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques.
Analyse de l'avant-projet
Le texte proposé par les experts indépendants nous semble constituer une bonne base de travail. J'ai noté que cette appréciation était partagée par la grande majorité des délégations présentes à l'UNESCO notamment par les représentants de la Chine. Il répond en effet aux principaux objectifs que nous nous sommes fixés. Il peut toutefois être amélioré et je crois que notre réunion d'aujourd'hui doit nous conduire à proposer des améliorations.
- Il affirme le droit souverain des Etats à se doter de politiques culturelles. Je m'associe pleinement à mes collègues (canadiens, finlandais norvégiens, portugais, et tous les autres pays) qui ont pris la parole à l'UNESCO pour s'en féliciter.
- Ce texte reconnaît la spécificité des biens et services culturels, c'est une de nos priorités et la raison d'être de la convention.
- Il reconnaît la primauté des Droits de l'homme internationalement garantis.
Il encourage les Etats à renforcer la coopération et la nécessaire solidarité en faveur des pays en développement.
- C'est un texte normatif qui vient combler le vide juridique existant dans le domaine de la protection et de la promotion de la diversité culturelle.
Débat communautaire
En tant que Ministre d'un des Etats membres de l'Union européenne, il me paraît utile de vous informer des débats en cours au niveau communautaire concernant la Convention. Mes collègues estonien ou portugais souhaiteront peut-être compléter mes propos.
Les travaux en cours à l'UNESCO peuvent, à mon avis, donner à l'Union européenne une nouvelle occasion de réaffirmer son engagement en faveur de la diversité culturelle - un engagement qui est aussi une obligation inscrite dans l'actuel Traité de l'Union et qui est élevé dans le projet de Constitution européenne au rang des valeurs et des objectifs de l'Union. L'ambition européenne étant d'unir les peuples de ses 25 Etats membres, et pas seulement de bâtir une zone de libre-échange, le respect de la diversité culturelle et linguistique à l'intérieur de l'Union est un principe fondamental. C'est notamment pourquoi le projet d'article de la Constitution européenne sur la politique commerciale commune, prévoit que les Etats membres peuvent s'opposer à tout accord commercial qui porterait atteinte à la diversité culturelle.
Nous nous réjouissons que les 25 Etats membres de l'Union, soutenus activement par la Commission, puissent tous ensemble peser dans cette négociation en vue de son succès.
Déroulé de la négociation
Je voudrais conclure en rappelant que pour la France l'objectif est d'aboutir à l'adoption d'un texte en 2005. Cela ne veut bien sûr pas dire un texte " bâclé ". Les membres du RIPC peuvent continuer d'être une force vive de propositions et travailler activement avec leurs délégations permanentes auprès de l'UNESCO pour continuer à améliorer ce texte et aboutir à un projet que nous pourrions adopter à la prochaine Conférence générale à l'automne 2005.
Rôle du RIPC - déclaration finale
Le Réseau international sur la politique culturelle doit continuer, en relation avec l'UNESCO, à faire entendre sa voix. Certains parmi vous sont membres du comité de rédaction qui vient d'être créé et qui est ouvert à tous. Nous pouvons donc tous faire entendre notre voix. Les Ambassadeurs auprès de l'UNESCO de nos pays pourront se rassembler pour défendre nos positions, ainsi qu'ils l'ont déjà fait par le passé. Un autre groupe, celui des pays francophones, auquel je suis très attaché et dont plusieurs membres sont présents aujourd'hui, a lui aussi un rôle de coordination et de proposition à jouer à l'UNESCO.
Je vous propose, si vous en etes d'accord, de rappeler avec force, dans la déclaration finale, les principes directeurs de ce projet de convention auxquels nous tenons et que nous voulons voir clairement indiqués. Je vous invite également à reprendre dans les contributions écrites que nos Etats doivent faire parvenir à l'UNESCO d'ici le 15 novembre, ces éléments que nous partageons tous au sein du RIPC :
- la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels
- l'affirmation sans aucune ambiguïté du droit des Etats à développer des politiques culturelles
- la nécessité de développer la solidarité culturelle internationale afin de contribuer à un rééquilibrage des échanges de biens et services culturels et de favoriser le pluralisme des expressions culturelles
- l'obligation de conformité des dispositions de la future convention au régime applicable aux droits de l'homme internationalement garantis
l'affirmation de la non subordination de la convention aux autres traités existants.
Avant de terminer je voudrais évoquer une difficulté que nous rencontrons pour que cette convention soit effective. Il s'agit de la rédaction de l'Article 19 : cet article a, me semble-t-il, fait beaucoup parler de lui. C'est celui qui traite de la relation de la convention en cours de négociation à l'UNESCO avec les autres instruments juridiques existants. Il me semble que subordonner cette convention aux autres instruments la viderait de son sens et lui ôterait toute efficacité. Nous sommes tous ici, convaincus de l'importance de la diversité culturelle et de la nécessité de cette convention, nous devons donc inscrire cette convention sur un pied d'égalité avec les autres textes et lui donner une chance, en cas d'atteinte aux principes de la diversité culturelle, de dire le droit et protéger les Etats qui s'en réclameraient.
Autre point que je voudrais rapidement évoquer, celui des Mécanismes de suivi et règlement des différends : ils ont suscité également de nombreuses réactions lors de la première réunion des experts gouvernementaux à l'UNESCO. J'en retiens qu'il faut effectivement veiller à ce que les mécanismes ne soient pas inutilement lourds et onéreux mais je pense que, si nous souhaitons une application juste et équilibrée de cette convention, un suivi efficace est nécessaire. Essayons de l'améliorer ensemble. De la même façon le mécanisme de règlement des différends est nécessaire à une convention contraignante et je me félicite de la mention de la Cour internationale de justice comme organe suprême de recours.
En conclusion je voudrais chaleureusement féliciter ici le rapporteur de ces journées (Artur Wilczynski, président du groupe de travail sur la diversité culturelle au sein du RIPC) qui, m'a t-on dit, et j'ai pu le constater en lisant son rapport, a fait un travail remarquable avec un professionnalisme et une rigueur que nous pouvons tous apprécier ici.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 28 octobre 2004)