Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur l'importance et la nécessité du lien entre l'armée et la Nation et sur la promotion de l'esprit de défense, au Sénat le 8 juin 2004.

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Circonstance : 3ème cérémonie de remise des trophées Civisme et Défense au Sénat le 8 juin 2004

Texte intégral

Mes chers collègues,
Messieurs les Officiers Généraux,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Il y a un plaisir, particulier pour les pionniers, pour ceux qui assistent à la naissance des grandes aventures, font des paris, courent des risques, de constater que ces aventures ne sont pas sans lendemain.
Il y a deux ans, après 25 ans d'éclipse, vous aviez décidé de relancer cette opération civisme et défense. Vous ne saviez pas encore si cette relance serait durable. Vous m'aviez demandé, parce qu'il s'agissait d'une grande cause et qu'il fallait dès sa naissance la placer sous les auspices d'une assemblée prestigieuse, qui incarne la pérennité de la République, d'accueillir cette première cérémonie.
La deuxième se déroula à l'Assemblée Nationale. Vous voici à nouveau ici, au Sénat, inaugurant peut-être un principe d'alternance qui est déjà en soi une manière de démontrer à vos lauréats passionnés par la chose publique, les mérites et les vertus du bicamérisme !
Vous voici plus forts grâce à un partenariat fructueux noué avec l'éducation nationale qui vous a permis de donner encore plus d'ampleur à vos actions.
Votre initiative, il y a deux ans, s'inscrivait dans le vaste mouvement de réflexion qui a traversé les armées après la disparition de la conscription, après le choix par le Président de la République d'un modèle d'armée de métier. Comment conserver un lien entre les armées et la Nation ? Comment éviter que l'institution militaire se replie sur sa compétence technique ? Comment faire que la société civile ne vienne pas à considérer les affaires militaires comme des affaires étrangères ?
Comme certaines initiatives pionnières, parfois lancées dans le doute, celle-ci s'est trouvée vite légitimée par les circonstances. En effet, les attentats du 11 septembre, la guerre en Afghanistan contre un régime qui acceptait de servir de base arrière au terrorisme, guerre dans laquelle des unités françaises de renseignement, le Charles de Gaulle et l'aviation française ont joué, aux côtés des Américains, un rôle important et précieux, ont modifié dans l'opinion la perception des menaces.
Et aujourd'hui, deux jours après la commémoration du débarquement de Normandie, d'une célébration associant toute la communauté internationale, alliés et ennemis d'hier, tous amis aujourd'hui, il ne peut que paraître évident d'affirmer que la Nation doit avoir à l'esprit les exigences de la Défense.
Pourtant, la situation internationale, notamment en Irak, donne d'autres occasions de mesurer l'importance et la nécessité du lien entre la Nation et ses Armées. On voit bien, en effet, lorsque l'on observe la manière dont chaque Nation occidentale a réagi à ce conflit, aux conditions juridiques de l'engagement que les opinions publiques ont beaucoup pesé. Du peuple américain, blessé en son cur par les attentats et soucieux, conformément à son histoire de répandre ses valeurs, au peuple espagnol, très hostile à l'engagement de son armée, on voit bien qu'aucune action militaire efficace d'une démocratie n'est possible si elle ne s'appuie pas sur une conscience profonde de la Nation de sa légitimité.
Cette situation impose aux armées d'être aussi toujours scrupuleusement fidèles aux valeurs de la démocratie. Parce que la défense de nos valeurs est, en dernier ressort, la principale justification de l'action extérieure, celle-ci ne peut jamais considérer que la fin justifie les moyens et recourir à des procédés que nous condamnons, sans trahir sa mission.
La défense de nos valeurs suppose donc qu'existe un lien puissant, une communauté de vues entre la Nation et ses Armées. Dans nos sociétés de consommation, cela suppose bien sûr que l'on puisse lutter contre un pacifisme facile et confortable pour que jamais la garde ne soit abaissée.
C'est l'utilité de votre action de promouvoir l'esprit de défense. C'est le rôle du Parlement qui, par le suivi précis qu'il fait de l'action, du budget, et des priorités de nos armées, est le garant d'une bonne compréhension entre la représentation nationale et l'institution militaire.
Les trophées qui vont être remis sont donc, à mes yeux, autant une incitation à cultiver l'esprit de défense qu'un encouragement à bien saisir pleinement le rôle irremplaçable des assemblées représentatives et du Sénat, en particulier, qui expriment à chaque instant l'esprit de la Nation.
Je vous remercie.
(Source http://www.senat.gouv.fr, le 10 juin 2004)