Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur la parole et l'action publique et l'engagement d'une baisse des chiffres de la délinquance, Montluçon le 5 décembre 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral


Je sais pourquoi on m'a nommé, quel est mon travail, ce que vous en attendez et ce que je dois faire. Je n'ai pas l'âme de quelqu'un qui triche. J'essaye de parler pour que chacun comprenne, pour que personne ne puisse dire qu'il y a eu malentendu. J'ai été nommé pour que tous les Français puissent vivre tranquillement, que le crime et la délinquance reculent dans notre pays et que j'obtienne des résultats.
Je souhaite redonner confiance dans la parole et dans l'action publique. Pourquoi cette confiance a-t-elle été rompue depuis si longtemps ? De mon point de vue pour deux raisons. La première, c'est que souvent vous avez eu l'impression que les responsables politiques ne parlaient pas comme vous et ne parlaient pas pour vous. Souvent, vous avez eu l'impression qu'ils n'étaient pas prêts à prendre leurs responsabilités, justement. La délinquance et la montée de la violence, ce n'est pas inéluctable. D'ailleurs, moi je n'en veux pas à nos prédécesseurs, Daniel. Ils n'ont rien fait, mais c'est parce qu'ils croyaient qu'il n'y avait rien à faire, c'est logique.
C'est vrai, ils avaient analysé la délinquance comme un phénomène inéluctable. Une société moderne, c'était une société violente. La modernité et la violence. Le problème, c'est qu'ils n'avaient pas réfléchi à une chose : il y avait des Français bien nombreux qui se sentaient exclus de la modernité mais qui avaient récupéré la violence.
Moi, je veux me faire comprendre des Français les plus modestes, ceux qui vivent dans les quartiers où plus personne ne veut vivre, ceux qui mettent leurs enfants dans des écoles où plus personne ne veut mettre ses enfants. Ceux qui prennent les transports en commun à des heures où plus personne ne prend les transports en commun. Ceux qui sont obligés de baisser la tête pour rentrer dans leurs immeubles parce que quelques voyous ont décidé d'élire domicile dans le hall. Ceux qui se lèvent tôt le matin pour faire vivre leur famille et qui ne comprennent pas pourquoi on laisse quelques individus de se reposer, parce que ces individus justement n'ont pas à se lever tôt le matin, parce qu'ils n'ont jamais travaillé de leur vie et parce qu'ils n'ont pas l'intention de le faire. Moi, je veux être entendu de ces Français là.
Que les choses soient claires entre nous. J'habite dans un immeuble dont le hall est rarement encombré par des voyous. Au ministère de l'Intérieur, ils font attention. Je ne parle pas pour moi. Je parle pour celles et ceux d'entre vous qui ont peur. Parce qu'on ne vit pas quand on a peur. Parce que la peur, ça vous bouffe la vie, et que vous, vous n'avez pour vous défendre que l'Etat et personne d'autre. Si l'Etat est défaillant, s'il ne fait pas son travail, alors vous vous sentez abandonnés.
Je vous le dis, cela fait bien longtemps qu'on aurait du conduire cette action ferme. Et si c'est si difficile aujourd'hui, c'est justement parce que depuis trop longtemps, on accepte l'inacceptable. Voyez-vous, il est des choses dont c'est perte de temps que de chercher à les expliquer. Quand on explique l'inexplicable, c'est qu'on est prêt à accepter l'inacceptable. Quand on viole une adolescente dans une cave sordide, il n'y a rien à expliquer. Il y a à punir, à châtier pour que ça ne re commence pas. Quand on casse le bras d'une vieille dame pour lui voler son sac, il n'y a rien à expliquer. Il y a à punir pour avertir tous ceux qui auraient l'idée de le faire que le risque est grand de se faire attraper et d'être déféré devant la justice. Quand on lance un avion rempli de victimes innocentes contre une tour de New-York, remplie de victimes innocentes, il n'y a rien à expliquer. Il y a à combattre, il y a à punir, pour que plus jamais ça ne se reproduise. Expliquer l'inexplicable, c'est accepter l'inacceptable, et moi, je ne suis pas décidé à l'accepter. Parce que mon devoir, c'est justement de le combattre.
La critique qui m'a fait le plus de peine, celle que j'ai trouvée la plus sévère depuis 19 mois que je suis ministre de l'Intérieur, c'est Daniel Vaillant, mon prédécesseur quand il a dit : "Sarkozy me copie". C'est trop cruel. Je n'ai pas tout réussi, c'est exact, mais copier Daniel Vaillant : non.
Je vous recommande d'employer le bon vocabulaire. Lorsque des voyous empêchent un quartier de vivre, ne les appelez pas des jeunes, appelez-les des voyous et traitez les comme tels, qu'ils soient jeunes ou vieux, grands ou petits, gros ou minces, noirs ou blancs ne fait rien à l'affaire. Ce sont des voyous qui doivent être traités comme tels. Il ne faut pas faire d'amalgame avec l'ensemble des jeunes de notre pays. Utilisons le bon vocabulaire ; mettons au service de ce bon vocabulaire les idées qui vont avec et, surtout, faisons que ces idées se transmettent dans les faits. Quelle leçon ai-je tiré du 21 avril ? C'est que les Français veulent que nous agissions et que nous agissions vite. Car un Français qui a peur pour lui ou pour sa famille, n'a pas le temps d'attendre qu'on réussisse. Il veut des résultats et des résultats tout de suite.
Pourquoi un Français sur deux ne vote plus ? Et pourquoi 5 millions de Français ont-ils voté pour l'extrême droite ? Ce n'est pas la montée du fascisme. Pas la peste brune. La France de 2002, ce n'est pas l'Allemagne de 1932. Ce sont des femmes et des hommes qui ne comprenaient pas pourquoi la République donnait le sentiment de les abandonner à une réalité qu'ils ne supportaient pas. C'est à nous de dire à ces femmes et à ces hommes : revenez vers nous. Faites-nous confiance de nouveau. Exprimez-vous à travers des formations politiques républicaines, parce que la République est de retour. Oui, mon cher Daniel : sur chaque centimètre carré de notre territoire, policiers et gendarmes seront les bienvenus. On a trop parlé ces dernières années des délinquants, et pas assez des victimes. On a trop fait de colloques pour savoir pourquoi, quand, comment on était délinquant, et pas assez parlé de la victime laissée abasourdie après l'agression qu'elle a subie. Bien sûr que je reconnais, je n'oublie pas que je suis avocat, des droits pour les délinquants, mais je veux qu'au moins on reconnaisse les mêmes droits pour la victime parce que la victime a payé l'inefficacité de l'Etat.
Je suis là d'abord pour protéger les victimes potentielles de demain, pas pour m'interroger sur la réalité sociologique des délinquants. Voilà la vérité. Je voudrais que vous me compreniez bien. Je ne suis pas sûr de réussir tout et tout de suite. C'est difficile, vous savez... Mais il y a quelque chose que je peux vous promettre, c'est que je ne négligerai rien, ni mon temps, ni ma peine, ni mon engagement, pour obtenir les résultats que vous attendez.
Vous le savez, mes chers amis, si je n'obtiens pas des résultats, je partirai. Parce que la seule façon de redonner confiance dans la politique, de susciter de nouveau pour les responsables politiques le respect, c'est de dire quand on est chef, on assume ses succès - c'est facile - et ses échecs. Je vous ai promis des résultats, je les obtiendrai. Si je ne les obtiens pas, j'en tirerai toutes les conséquences et c'est normal. Un responsable qui ne s'engage pas à obtenir des résultats, c'est un responsable qui n'est pas à la hauteur de ses responsabilités. Naturellement que dans notre pays, nos concitoyens attendent cela. Mais les résultats : la dernière année socialiste, 2001, la délinquance en France, je parle sous le contrôle du directeur général de la Police nationale, a augmenté de 7,5 %, 300 000 crimes et délits de plus en une année Sur les onze premiers mois de cette année, la délinquance a reculé de 3,5 %, 150 000 crimes et délits de moins. Ca, c'est un résultat que nous devons aux policiers et aux gendarmes.
Ca ne suffit pas. Pas pour moi. Ca ne suffit pour vous. J'ai bien conscience qu'on ne peut pas se contenter d'une année de baisse de la délinquance alors que depuis 5 ans, la délinquance ne cesse d'augmenter. C'est pour ça que le combat continue pour nous.
Ne m'en veuillez pas. Mais j'ai bien l'intention de continuer à faire de la politique en étant franc, en étant libre, en disant librement ce que je pense. Voyez-vous, j'ai une grande ambition : je veux dire ce que je fais et je veux faire ce que je dis. Et cette ambition, je souhaite que vous la partagiez.
(source http://www.mairie-montlucon.fr, le 15 décembre 2003)