Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Sénateurs,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
En pleine campagne électorale, me revoilà donc en République tchèque, puisque votre ambassade, superbement restaurée, est bien un morceau de la République tchèque à Paris.
N'importe qui de sensé m'aurait dit que ce nouveau voyage n'était pas raisonnable en cette période hautement sensible pour le Sénat. Mais outre que le voyage n'est pas si long, il est surtout destiné à honorer un ami fidèle, ce qui vaut plus que toutes les campagnes électorales.
C'est en effet pour moi un plaisir doublé d'un honneur de décorer, chez lui -je n'oublie pas, cher Président, que ces lieux sont chers à votre coeur- un authentique ami de la France et des Français.
Monsieur le Président,
Cette réception est trop amicale pour que je retrace dans le détail votre longue et brillante carrière. Vous me permettrez simplement d'en rappeler les grandes étapes.
Après des études de droit à l'Université Charles de Prague, vous enseignez à la Faculté de Droit, entrant parallèlement dans la rédaction d'un journal littéraire puis d'un grand quotidien.
Durant ces mêmes années, vous serez membre du parti communiste, avant d'en démissionner à la suite de l'écrasement du Printemps de Prague par les troupes du Pacte de Varsovie, en 1968. Cela vous vaudra de perdre votre emploi à la Faculté et de devenir manoeuvre puis comptable à l'Académie des Sciences tchécoslovaque.
Parmi les premiers signataires de la charte 77, vous perdrez de nouveau votre emploi, pour vous retrouver ouvrier-jardinier puis employé, pendant dix longues années, de 1979 à 1989.
1989 : année charnière ! Année décisive ! Pour vous, pour la République tchèque, et, il faut bien le dire, pour l'Europe.
Avec la révolution de velours, vous revenez sur le devant de la scène, retrouvant le chemin du quotidien " Lidove Noviny " (publié dans la clandestinité) et participant à la fondation du Forum Civique.
Un bonheur n'arrivant jamais seul, vous retrouvez alors un poste de maître de conférence à l'Université puis êtes élu député, en 1990, avant d'être nommé Vice-président du gouvernement de la République et enfin Premier ministre, poste que vous occuperez de 1990 à 1992.
Ayant quitté le gouvernement, vous êtes élu sénateur indépendant en 1996 et devenez, dans la foulée, votre notoriété vous précédant, Président du Sénat, fonction éminente -dois-je insister ?- que vous occuperez jusqu'en 1998.
Après un court intermède, durant lequel vous serez toujours Vice-président, vous redevenez Président de la Chambre Haute en décembre 2000, fonction dans laquelle vous êtes brillamment confirmé en décembre 2002 -c'était juste une semaine après ma dernière visite officielle à Prague...
Monsieur le Président,
J'ai là évoqué l'homme public. Il y a aussi l'homme privé, dont j'ai eu l'occasion d'apprécier les nombreuses qualités, tant d'esprit que de coeur.
Chacun sait ici quelle est votre vision du monde, vision qui laisse la première place à l'homme et fait du dévouement au bien public et à l'intérêt général la première des vertus.
Cette vision profondément humaine des choses et du monde, l'historien que vous êtes aussi l'a magistralement rappelée dans un récent article que vous avez publié sur Munich et l'esprit de Munich.
Cet article nous a touchés.
D'abord, parce que vous y montrez que tout est relatif et qu'il n'y avait pas d'un côté que de méchants Allemands, de lâches Français et d'hypocrites Anglais et, de l'autre, de courageux Tchèques.
Ensuite, parce que votre goût pour la France et les Français y apparaît clairement, lorsque vous rappelez que tous nos compatriotes ne se sont pas satisfaits de l'accord conclu en septembre 1938, à l'image du Général FAUCHER, Commandant de la Mission militaire française en Tchécoslovaquie, ou encore de Georges MANDEL ou de Paul REYNAUD. Merci pour eux. Merci pour nous.
Aujourd'hui, Monsieur le Président, ce n'est pas seulement l'un des derniers dissidents, acteur majeur de la révolution de velours, proche de Vaclav HAVEL -pour lequel, vous le savez, tous les Français ont une profonde affection, doublée d'une sincère admiration- qu'il me plaît de saluer.
C'est aussi l'intellectuel et l'homme politique, résolument engagé en faveur de la construction européenne comme de la réussite de l'élargissement et invariablement partisan du renforcement des relations entre la France et la République tchèque. Nous n'avons pas oublié, qu'aux pires moments de la crise iraquienne, vous avez toujours défendu la position française. Contre vents et marées.
C'est ce parcours personnel exemplaire et cet engagement permanent au service de l'amitié franco-tchèque que la République française a souhaité saluer avec la solennité requise.
Petr PITHART,
Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier de la Légion d'Honneur.
(Source http://www.senat.fr, le 13 octobre 2004)