Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les projets culturels de la mission 2000, notamment l'exposition "La Beauté" en Avignon le 1er mars 2000.

Prononcé le 1er mars 2000

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Circonstance : Conférence de presse "La Beauté" à Avignon le 1er mars 2000

Texte intégral

Madame le Maire d'Avignon,
Monsieur le Président de la commission culturelle de la région Provence,
cher Christian,
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames, Messieurs,
C'est la première fois depuis ce début d'année spectaculaire que nous nous retrouvons ensemble sous l'égide des célébrations de l'an 2000 et c'est pour moi un vrai plaisir.
Il n'est pas utile je crois de revenir sur les fêtes du 31 décembre, saluées par tous comme un grand succès populaire et en particulier par la presse étrangère, juge plus objectif encore s'il en fallait un.
Je voudrais remercier à travers son Président, la Mission, mais aussi Patrick Bouchain et son équipe pour le spectacle des roues et Christophe Berthonneau et Yves Pépin en charge de l'embrasement de la Tour Eiffel. De nombreuses villes en province, ont aussi fait de cette date un rendez-vous populaire. Mais n'allez pas croire que nous soyons restés inerte depuis le 1er janvier, bien au contraire.
Ainsi, chaque jour, l'Université de tous les savoirs affiche complet. Ce succès public est un réel encouragement. Nous avons voulu donner du sens aux manifestations de l'an 2000, c'était un pari auquel le public a répondu présent.
D'autres rendez-vous ont eu lieu...En janvier, ce fut le temps de la semaine des compositeurs au Châtelet et de la représentation de " la course du temps " par le Ballet de Régine Chopinot au Théâtre de la Ville, des expositions " le temps, vite " à Beaubourg, Major Möbius à Angoulême, " Konya et le règne des Seldjoukides " à Amiens.
Le mois de février fut illuminé par les expositions " Essais sur le monde " de Magnum, " l'autre moitié de l'Europe " au Jeu de Paume et " INRI : la vie de Jésus " de Bétina Rheims, mais aussi par les Hivernales à Avignon dont l'édition 2000 a été soutenue par la Mission.
Ce sont des grands rendez-vous qui forment notre programme, à Paris, mais aussi en province.
Dans le même esprit, j'ai souhaité que les grands projets culturels de la Mission 2000 en France qui laisseraient une trace durable dans l'imaginaire et dans la réalité urbaine aient lieu en région. C'est à Lyon, Bordeaux, Forbach, Nantes et en premier lieu à Avignon, que se tiendront les grandes expositions de l'année 2000.
Avignon ayant obtenu le statut privilégie de Ville européenne de la culture accueille une des manifestations les plus prestigieuses produites par la Mission 2000 en France. Notre projet a suscité un réel enthousiasme et de nombreux partenariats au premier chef duquel figure la ville mais aussi le département et la région bien sûr, et je salue Christian Martin dont je sais que, si besoin était, il fut sensibilisé à ce projet par sa collègue Elisabeth Guigou.
Le sujet de la beauté n'est ni un thème théorique, ni un thème social. Il s'agit plutôt d'explorer une recherche universelle qui nous concerne tous à l'égard de laquelle le ministère de la culture a une responsabilité particulière tout comme la ville d'Avignon de par son patrimoine et du festival qu'elle accueille chaque année depuis 50 ans.
Ministère des artistes, des arts et des publics, le ministère de la culture et de la communication est concerné au premier chef par la beauté.
Si le ministère de la culture a une responsabilité à l'égard de la beauté, ce n'est certainement pas pour la normaliser, la rendre acceptable, la contraindre, mais au contraire pour permettre qu'elle soit vivante, diverse, vibrante voire insolente. Lorsque Rimbaud a injurié la beauté dans une de ses lettres célèbres, ou que les artistes se sont défié de ce thème au XXème siècle, il visa une beauté conformiste dont les formes véhiculaient les replis de l'art et de la pensée. Aujourd'hui, les mutations technologiques, la modification de notre environnement urbain, notre relation à l'autre, la quête de sens et d'identité font naître des esthétiques infiniment diverses, innovantes, singulières.
Ce sont ces beautés tantôt fragiles, tantôt éphémères, ou sublimes capables de modifier durablement notre sensibilité dont il nous faut protéger l'éclosion. S'ouvrir à ce que les autres considèrent comme beauté et que l'on ne partage pas forcément, le comprendre, l'accepte, c'est l'ouvrir aux autres tout simplement, à leurs différences fondamentales.
C'est ce que cette exposition devra montrer si elle veut exprimer entres autres la diversité du siècle qui commence. Les beautés que l'histoire nous a léguées, les beautés technologiques, les beautés des oeuvres d'autres continents, des beautés naturelles ou d'autres encore qui appartiennent à la culture populaire.
En voyant la liste des entreprises mécènes de cette exposition, on se rend compte que la beauté est aussi un enjeu économique. Le souci d'associer des artistes ou des designers à la création industrielle est aujourd'hui un enjeu important. Le partenariat de nombreuses entreprises est un signe très positif du lien qui existe entre les créateurs et le monde économique.
Jean de Loisy, Commissaire de cette grande exposition, est en quelque sorte le magicien qui a su provoquer les rencontres d'artistes et des projets.


Il s'est attaché à ouvrir cette exposition à toute la ville d'Avignon, on cheminera ainsi du Rocher des Doms, au Clos des Trams en passant notamment par le quartier du Jardin neuf.
Un autre mérite de cette exposition sera d'avoir incité les artistes à insérer leur création dans le tissu urbain comme va le faire Christian Lacroix en pavoisant la ville, ou bien de permettre de redécouvrir des bâtiments longtemps fermés, comme l'église Saint-Charles qui, depuis 250 ans, a servi de dépôt lapidaire et qui va accueillir l'exposition de Björk ou Alexander McQueen ou encore les bains Pommer, chef d'uvre du XIXème siècle, qu'une contribution exceptionnelle de la direction des Monuments historiques a aidé à restaurer à l'occasion de La Beauté.
Cette exposition doit être une occasion de grande fierté pour les Avignonnais qui pourront se l'approprier, la faire vivre, redécouvrant leur ville dans sa partie cachée et conservant dans le temps des signes durables de ce rendez-vous majeur.
Il était important également de laisser des traces qui ne seront pas seulement celles que laisse une grande exposition, mais aussi des réalisations architecturales dont les habitants pourront bénéficier. Je pense en particulier à la création d'une piste de Skate Board par le grand artiste américain Vito Acconci qui fait l'objet d'une commande publique de la Délégation aux arts plastiques ou encore à la réalisation, pour la première fois en France, d'un bâtiment du célèbre architecte Gaetano Pesce qui réalise un pavillon en silicone au Jardin des Doms. Ajouté au réaménagement muséographique d'une dizaine de salles du Palais des Papes qui jusque-là étaient fermées au public, le ministère de la culture contribue, avec l'aide de toutes ses directions, à l'occasion de cette exposition, à rendre aux Avignonnais une partie de leur patrimoine. Ces efforts, réalisés à l'occasion de cet événement, sont autant d'effets qui porteront longtemps le souvenir de ce moment.
Je me réjouis enfin que Monsieur le Président de la République ait accepté notre invitation en inaugurant lui-même cette exposition.
Par sa présence, il donnera à cette grande exposition un éclairage digne du travail que nous allons maintenant vous présenter.

(source http://culture.gouv.fr, le 2 mars 2000)