Déclarations de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, à l'issue de sa rencontre avec le ministre albanais des affaires étrangères, M. Kastriot Islami, et lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre albanais, M. Fatos Nano, sur les relations franco-albanaises et les perspectives d'adhésion de l'Albanie à l'Union européenne, Tirana le 7 septembre 2004.

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Circonstance : Voyage de Michel Barnier dans les Balkans les 6 et 7 septembre 2004 : entretiens avec le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères d'Albanie, à Tirana le 7

Texte intégral

(Déclaration à la presse de Michel Barnier à l'issue de sa rencontre avec le ministre albanais des affaires étrangères, M. Kastriot Islami, à Tirana le 7 septembre 2004) :
Bonjour à chacun et chacune d'entre vous. Je voudrais éventuellement, en quelques mots, avant d'aller voir le Premier ministre, répondre à vos questions. J'étais très heureux de l'accueil que m'a réservé ici à Tirana le ministre des Affaires étrangères, M. Kastriot Islami, que j'étais très heureux de revoir. Je suis, comme vous le savez, à la tête de la diplomatie française depuis quelques mois, cinq mois seulement, et néanmoins j'ai tenu, dans ces premiers mois, à bien comprendre ce qui ce passe, les préoccupations des hommes et des femmes, des dirigeants politiques de tous les pays des Balkans et, aujourd'hui en particulier, de l'Albanie. Cette préoccupation ne concerne pas seulement le ministre français qui parle dans le souci de renforcer les relations bilatérales et la coopération avec l'Albanie. Nous avons de vraies raisons de travailler ensemble sur le plan de l'histoire, de la langue, de l'économie. Nous allons nous attacher à développer cette coopération en lui donnant une dimension plus citoyenne et plus humaine, qui intéresse la vie quotidienne des Albanais. J'ai par exemple sous les yeux quelques projets auxquels nous allons contribuer, qui sont très concrets, illustrant cette coopération humaine et citoyenne : la rénovation du centre urbain de Tirana, que j'ai remarquée car j'ai été ministre de l'Environnement dans mon pays. Je m'intéresse beaucoup à ces sujets d'aménagement, d'urbanisme et de protection.
D'ailleurs, nous avons également parlé avec le ministre d'une coopération possible pour la protection de la côte albanaise qui est l'une des plus belles côtes de l'Europe. Et aussi d'un projet de gestion de l'eau, d'irrigation en milieu rural ou de la construction d'une clinique à Tirana. Voilà des sujets qui intéressent la vie quotidienne. Ce souci d'une coopération concrète et humaine, je veux l'avoir pour la France, mais aussi pour l'Union européenne, afin que ceux qui nous écoutent n'aient pas le sentiment d'une diplomatie seulement politique, mais d'une action de coopération qui les intéresse dans leur vie quotidienne.
L'Europe, puisque vous êtes sur la route de l'Union européenne, ce n'est pas seulement une super technocratie bruxelloise, c'est un projet formidable de paix, de stabilité et de progrès entre nous, pour la vie des gens, pour leur sécurité. C'est comme cela concrètement que nous conduisons ce projet depuis cinquante ans maintenant entre les pays qui l'ont fondé, dont mon propre pays, et votre pays voisin et ami qu'est l'Italie.
Je vais aller maintenant, avec le ministre, rencontrer le Premier ministre Fatos Nano pour parler du rôle de l'Albanie, de sa place dans cette région des Balkans, pour la paix et la stabilité dans cette région si importante pour toute l'Europe. Nous parlerons naturellement du rôle positif que doit et que va jouer l'Albanie pour la stabilité de cette zone avec tous ses voisins et aussi du chemin sur lequel vous êtes maintenant engagés vers l'intégration européenne, un jour.
Ce que je vais simplement dire, c'est que nous sommes prêts, nous Français, à accompagner votre pays sur ce chemin, en respectant les étapes, en faisant toutes les réformes, et que je suivrai personnellement ce travail à la fois comme ministre français, mais aussi parce que je viens de passer cinq ans à l'intérieur de la Commission européenne comme commissaire européen.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2004)
(Déclaration de Michel Barnier lors de la conférence de presse conjointe avec le Premier ministre albanais, M. Fatos Nano, à Tirana le 7 septembre 2004) :
Mes premiers mots seront pour dire devant les représentants de la presse que je remercie à mon tour de leur présence, combien j'ai été sensible, Monsieur le Premier ministre, à la qualité et à la cordialité de votre accueil après la réunion que j'ai eu avec votre ministre des Affaires étrangères. Je suis à la tête de la diplomatie française depuis quelques mois, cinq mois à peine, et j'ai pourtant considéré que cette visite, cette deuxième visite dans les Balkans, hier au Kosovo, aujourd'hui en Macédoine et en Albanie, était très importante malgré les circonstances difficiles. Je vous remercie de votre témoignage de solidarité au moment où deux de vos confrères journalistes restent enlevés et disparus à Bagdad. Je pense, comme vous Monsieur le Premier ministre, que le moment est venu d'un nouvel élan dans la coopération entre l'Albanie et la France. Et c'est le sens qu'il faut donner à cette visite que je fais aujourd'hui à Tirana. C'est dans cet esprit que j'ai confirmé au Premier ministre que le président de la République française sera heureux de le recevoir personnellement à l'occasion d'une de ses prochaines visites à Paris.
Il y a plusieurs raisons pour ce nouvel élan entre nos deux pays : des raisons d'abord qui tiennent à ce que nous sommes l'un par rapport à l'autre, l'histoire, la proximité culturelle, la langue - on me dit que 30 % des jeunes Albanais choisissent d'apprendre le français comme première langue ; vous-même, vous en êtes personnellement la preuve, comme le ministre des Affaires étrangères et d'autres dirigeants albanais. Nous allons intensifier les sujets de coopération culturelle et économique en pensant, comme je l'ai dit tout à l'heure, aux Albanais d'abord, à la vie quotidienne des Albanais qui doit être améliorée, je pense à ce que nous faisons dans le centre de Tirana pour l'aménagement urbain, à ce que nous faisons pour l'eau, l'assainissement, pour la santé. Il y a d'autres sujets sur lesquels les entreprises françaises peuvent être partenaires utiles et efficaces.
La deuxième raison qui justifie ce nouvel élan, c'est clairement la place et le rôle de l'Albanie au coeur des Balkans. Nous pensons que votre pays, monsieur le Premier ministre, a eu un rôle modéré, de modération, de responsabilité dans les crises récentes, et qu'il peut contribuer de manière très positive, à travers toutes les communautés albanaises qui vous sont proches, à faire réussir des processus de démocratie et de stabilité au Kosovo, en Macédoine et dans d'autres parties des Balkans.
Et puis il y a une troisième raison qui va avec celle que je viens de vous dire, puisque la stabilité des Balkans c'est la stabilité de l'Europe, c'est la marche de votre pays vers l'Union européenne. Je crois en une Albanie européenne. Je crois que la perspective de cette intégration de votre pays et d'autres pays des Balkans est une perspective nécessaire pour les jeunes Albanais et pour l'Europe tout entière. La route est longue. Il n'y a pas de raccourcis, il y a des étapes obligatoires à franchir, mais vous êtes sur la bonne route. Vous avez engagé pour franchir ces étapes, comme vous le savez nécessaire, un train de réformes important qu'il faut continuer sur le plan de l'économie et notamment sur le plan de l'Etat de droit et de la lutte contre la criminalité internationale et la corruption. Sur cette route-là, Monsieur le Premier ministre, la France va vous accompagner dans votre dialogue avec la Commission européenne. Voilà les trois raisons qui justifient et expliquent cette visite et justifient le nouvel élan que nous voulons donner à la coopération entre l'Albanie et la France.
Q - Quelles sont les dernières informations sur les otages français en Irak?
R - Christian Chesnot et Georges Malbrunot sont disparus en effet depuis plus de quinze jours maintenant. Nous continuons à travailler sur place à Bagdad dans la région et à Amman pour favoriser leur libération. Nous continuons à penser que leur libération est possible, et nous y travaillons avec tous ceux qui peuvent nous aider. Nous le faisons, je le répète, avec de la précaution, de la discrétion parce que c'est une des conditions de leur sécurité. Voilà ce que je peux dire aujourd'hui.
Q - Monsieur Barnier, vous avez déclaré que vous souhaitez une Albanie européenne et que la France soutiendra l'Albanie. Est-ce que vous pouvez être plus concret ? En quoi consistera ce soutien pour l'Albanie ?
R - L'Union européenne est un projet politique formidable, pour moi le plus beau des projets politiques à l'échelle d'un continent, parce qu'il ne nous interdit pas de garder notre identité nationale, notre langue, notre différence. L'Albanie restera albanaise et la France est restée française depuis cinquante ans. Mais nous avons quelque chose de plus qui nous réunit, qui nous donne plus de force, des politiques communes, des protections communes, une voix commune, notamment dans les négociations commerciales et politiques. Et ce projet, depuis cinquante ans, a tenu toutes ses promesses. Je vous le dis comme le ministre de l'un des pays fondateurs de ce projet. Ce projet, nous ne l'imposons à personne ; ceux qui entrent dans ce projet y entrent parce qu'ils le veulent. C'est le cas des dix pays qui viennent de nous rejoindre. Ce sera un jour le cas des pays des Balkans qui le voudront. Je pense que l'intérêt de l'Union européenne et l'intérêt des Balkans, c'est de se rapprocher pour que ce projet de paix et de stabilité recouvre les frontières de l'Europe. Vous n'entrez pas dans l'Union européenne en frappant simplement à sa porte. La porte est ouverte, mais pour la franchir, il faut un certain nombre de conditions, qu'on appelle l'acquis communautaire. Tous les pays qui viennent d'entrer ont été amenés à le respecter : l'économie de marché, l'Etat de droit avec une lutte impitoyable et rigoureuse contre toutes les formes de criminalité organisée et de corruption, des législations en matière d'environnement, et d'autres réglementations et d'autres lois qu'il faut mettre en oeuvre dans son propre droit national pour entrer dans l'Union européenne. Et en même temps l'Union, au moment où vous adhérez, apporte une aide économique, notamment par le biais de fonds structurels que je connais pour avoir été pendant cinq ans commissaire européen chargé de la politique régionale. Votre pays a commencé à prendre cette route et se prépare. C'est une préparation qui prendra un certain temps et, encore une fois, j'ai dit que nous aiderons l'Albanie dans son dialogue avec la Commission pour réussir à franchir les étapes une à une.
(...)
Q - Monsieur Barnier, vous avez parlé d'un nouvel élan entre Tirana et Paris. Que s'est-il passé en effet ces dernières années pendant lesquelles il y eu très peu d'échanges de visites diplomatiques depuis la visite de M. Védrine à Tirana. M. Nano, est-ce qu'il y aura un nouvel élan également dans les relations économiques, relations que l'Albanie développe avec beaucoup plus de succès avec l'Italie, la Grèce, l'Allemagne ou autres.
R - Je suis ministre depuis cinq mois, et je n'ai pas trop l'intention de regarder derrière moi, mais plutôt devant. Je pense qu'il y a beaucoup de raisons, je les ai dites très franchement, pour donner ce nouvel élan maintenant, dès l'instant où le Premier ministre et le gouvernement albanais en sont d'accord, un nouvel élan à la coopération ; ce sont des raisons qui tiennent à la coopération franco-albanaise, qui tiennent à la stabilité dans les Balkans, stabilité à laquelle la France veut contribuer dans le cadre de l'Union européenne, et dans la perspective d'une Albanie européenne. Ce sont des raisons de regarder devant nous et non pas derrière.
(...)
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2004)