Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur la dimension sociale de la mondialisation, Paris le 22 février 2005.

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Circonstance : Séance plénière du Conseil économique et social étudiant l'avis sur le rapport remis à l'Organisation internationale du travail "Vers une mondialisation juste" à Paris le 22 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Nous célébrons cette année le 10ème anniversaire du Sommet Mondial sur le développement social de Copenhague. C'est là que, pour la première fois, sous l'impulsion du Chili, et plus particulièrement de M. Juan Somavia, alors ambassadeur de son pays auprès des Nations Unies, a été mise en évidence la nécessité de donner une dimension sociale au phénomène de la mondialisation.
Depuis cette date, l'accélération de la mondialisation de l'économie n'a cessé de rendre cette exigence plus aigüe encore.
Il n'est donc guère surprenant que M. Juan Somavia - devenu entre-temps directeur général du Bureau International du travail -ait suggéré la mise en place au sein du Conseil d'administration d'un groupe de travail sur la dimension sociale de la mondialisation avant de constituer en 2002 une Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation.
Vous avez parfaitement rappelé, M. le rapporteur, la genèse de la Commission, la richesse et la diversité de sa composition.
Vous avez également fidèlement présenté la teneur de ses travaux et le sens des conclusions auxquelles elle est parvenue.
En un mot, tout en reconnaissant que la mondialisation est porteuse de progrès la Commission relève qu'elle s'accompagne d'importants déséquilibres, parce que les enjeux humains et sociaux sont insuffisamment pris en compte.
La commission confirme ainsi, si besoin était, la nécessité d'une approche plurielle de la mondialisation conciliant l'économique, le social et l'environnemental, dans la ligne du Sommet de Johannesbourg, en 2002.
Elle met en lumière un phénomène, qui n'a fait que s'accentuer au fil des années , celui de l'interdépendance des économies dans le monde. Elle souligne la nécessité, en retour, d'élaborer des réponses concrètes associant les gouvernements et les acteurs non étatiques.
C'est dans ce contexte, pour garantir la pluralité des analyses et la richesse des débats sur un sujet essentiel pour l'avenir de notre pays, que le Premier Ministre a décidé de soumettre ce Rapport à votre examen.
Les réflexions conduites au sein de votre assemblée répondent pleinement à nos attentes.
Certes, comme vous le soulignez, l'étendue et la complexité du sujet vous ont conduits à vous " limiter " à des pistes prioritaires d'actions. Mais ces pistes étayées par les nombreux travaux que le CES a déjà réalisés dans ce domaine, ouvrent des champs de réflexion particulièrement féconds.
Je ne reviendrai pas ici sur vos analyses très complètes et argumentées, Monsieur le rapporteur en a rappelé les principaux traits. Je me bornerai à réagir aux principales propositions, qui relèvent plus directement du champ des compétences de mon département ministériel.
Ces propositions sont d'autant plus précieuses, qu'elles s'inscrivent dans un calendrier européen et international crucial. Dans quelques semaines, en effet, le Conseil européen arrêtera la révision de la Stratégie de Lisbonne. Et, en septembre prochain, à New York, se tiendra un Sommet mondial sur le suivi ,5 ans après, des objectifs du Millénaire.
? Je rappellerai pour commencer que le gouvernement français est pleinement convaincu de la nécessité de conduire des politiques de développement humain durable qui associent progrès économique et progrès social.
C'est la philosophie qui inspire le plan de Cohésion Sociale que J.L. BORLOO et moi avons présenté avec l'ensemble des Ministres du pôle et sur lequel votre Conseil a été amené à se prononcer cet été.
Vous soulignez ensuite qu'une économie de la connaissance repose avant tout sur la valorisation des personnes et qu'il faut donc engager " une action plus volontariste en matière d'éducation, de formation, de recherche et de rénovation de la politique de l'emploi ".
Le gouvernement français partage pleinement votre souci de promouvoir des emplois de qualité assurant des revenus décents à leurs titulaires. C'est une des lignes forces qui guide l'action de tous les Ministres du pôle de Cohésion sociale et je compte sur l'aide des partenaires sociaux, dans le cadre d'un dialogue social revivifié, pour progresser encore dans cette voie.
Comme vous, je suis convaincu que "la démultiplication de la formation continue et la gestion des personnels doivent éviter l'obsolescence des qualifications et la mise à l'écart des salariés âgés". Dans la ligne de l'accord national interprofessionnel de septembre 2003, la loi du 4 mai 2004 a créé un droit à la formation individuelle pour tous les salariés. Nous nous employons aujourd'hui à promouvoir la concrétisation de ce droit, en particulier au profit des salariés âgés. C'est pour cette raison que nous avons fortement encouragé les partenaires sociaux à engager des négociations sur l'emploi des séniors.
Cette action volontariste en faveur de l'emploi et de la formation,c'est aussi au niveau européen qu'il nous faut la conduire.
Je partage à cet égard votre souci "d'insuffler une nouvelle dynamique" à la Stratégie de Lisbonne. Je vais d'ailleurs saisir l'occasion du prochain Conseil Emploi et Politiques sociales, qui se réunit à Bruxelles le 3 mars prochain, pour rappeler à la Commission et à mes collègues européens combien la France est attachée à la re-dynamisation de la Stratégie de Lisbonne, et rappeler que pour nous, la Cohésion sociale ne saurait être le parent pauvre du "partenariat pour la croissance et l'emploi" proposé par la Commission.
Je réaffirmerai que le social est une des conditions de la croissance et qu'il est aussi un facteur de compétitivité qui renforce l'attractivité du territoire européen. Je rappellerai qu'une gouvernance sociale équilibrée, impliquant l'ensemble des acteurs, est nécessaire pour mettre en oeuvre des réformes structurelles induites par les objectifs de Lisbonne.
Ceci est particulièrement important à quelques semaines du référendum sur la ratification du traité constitutionnel et alors que le débat sur la place du social dans la construction européenne s'avive de jour en jour.
Au-delà de la révision de la stratégie de Lisbonne, c'est aussi l'enjeu du Pacte européen pour la jeunesse lancé par le Président de la République. En effet, une société doit être à l'écoute de ses cadets. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un taux de chômage des jeunes aussi élevé que celui que nous connaissons. Nous ne pouvons sacrifier les espoirs que les jeunes doivent porter dans leur avenir. Il y va de l'avenir de notre société tout entière. N'oublions pas, par ailleurs, que l'Europe est confrontée à un défi majeur -celui du vieillissement- et qu'il est urgent de relancer la démographie en Europe, de jeter les bases d'une vraie solidarité intergénérationnelle.
Mais, dans ces domaines l'action de la France et de l'Europe ne peut se limiter au champ européen.
La dimension sociale des politiques extérieures de l'Union européenne doit bien sûr être renforcée. Je me réjouis, à cet égard, que le nouvel agenda social proposé par la Commission fasse de la promotion des principes et droits fondamentaux de l'homme au travail l'un des objectifs de l'action extérieure de l'Union.
Vous soulignez, à juste titre, que l'action européenne doit être mise en relation avec les Objectifs du Développement pour le Millénaire (ODM), adoptés par les Nations Unies en septembre 2000. J'ajouterai que nous devons également garder à l'esprit en vue la réalisation des engagements pris, dans le cadre du Sommet du développement social, à Copenhague en 1995 puis confortés à Genève, en 2000. Dans le cadre de l'anniversaire des 10 ans de Copenhague, j'ai rappelé, le 10 février dernier à New York devant la Commission du développement social, l'attachement que la France porte au concept intégré de développement social, forgé à Copenhague, qui englobe, au-delà de la lutte contre la pauvreté et le renforcement de la cohésion sociale, la recherche du plein emploi.
Dans le prolongement de ces travaux la France veillera, avec ses partenaires européens, à ce que " l'emploi décent et productif pour tous " soit consacré comme un objectif à part entière par la Communauté internationale. , lors du Sommet des Nations Unies de septembre, qui doit faire le point sur les Objectifs du Millénaire,
? Je voudrais à présent revenir sur les différentes propositions de réforme du système multilatéral que vous formulez pour donner plus de cohérence, de transparence et d'équité à la gouvernance mondiale.
Tout d'abord, au niveau national, afin de permettre une meilleure hiérarchisation des priorités et la mise en cohérence des positions de chaque département ministériel devant les différentes organisations internationales, vous préconisez la création " d'une instance de coordination interministérielle " qui prendrait la forme d'un SGCI aux compétences étendues.
Je partage votre souci de renforcer la cohérence des positions françaises et j'appellerai l'attention de Monsieur le Premier Ministre sur le caractère novateur de votre proposition, qui me paraît mériter un examen approfondi.
Au niveau européen aussi, il faut sans doute améliorer la concertation entre les Etats. A cet égard, je dois souligner l'existence, entre les Ministres français et allemand du travail, d'un groupe de travail sur la dimension sociale de la mondialisation qui poursuit justement cet objectif.
En ce qui concerne l'architecture institutionnelle mondiale, vos propositions ouvrent également des pistes intéressantes.
La France soutient fermement, devant les différentes instances internationales, la nécessité d'une cohérence renforcée entre les Organisations internationales financières, économiques, commerciales et sociales. En effet, les politiques économiques, les politiques sociales, les politiques du marché du travail interagissent au niveau national, mais aussi, de plus en plus au niveau international. Leurs relations harmonieuses constituent donc la condition nécessaire pour la croissance et les progrès sociaux.
A ce titre, comme l'a rappelé le Président de la République devant l'assemblée Générale des Nations Unies à New York en septembre dernier la France est favorable à la mise en place d'une " enceinte politique de gouvernance économique et sociale ".
J'ajoute, mais cela ne vous étonnera pas, que l'OIT, compte tenu de son caractère tripartite doit et peut jouer un rôle majeur dans cette croisade pour l'amélioration de la gouvernance mondiale
? Pour conclure, je rappellerai que je partage votre souhait de faire d'une mondialisation plus juste l'affaire de tous. Vous soulignez à juste titre l'intérêt d'agir localement mais de penser globalement, d'alimenter le débat sur la mondialisation et de diffuser les bonnes pratiques.
Cela passe notamment par la promotion de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) et la prise en compte par les entreprises de normes internationales, telles que celles définies par le BIT. Les Investissements socialement responsables méritent également d'être soutenus et les pistes que vous tracez pour améliorer la lisibilité des bilans sociaux et environnementaux des entreprises sont à cet égard prometteurs.
De même, je crois qu'il nous faut promouvoir de nouvelles formes d'organisation économique, et soutenir les initiatives économiques éthiques. Sur ce dernier point, je rappelle que nous avons déjà soutenu, à travers notre coopération avec le BIT, le développement d'initiatives d'économie solidaire et de micro-crédit. Nous veillerons à mettre à profit l'année 2005, proclamée par l'ONU comme l'année du micro-crédit, pour prolonger ce type d'action.
Je souscris au souhait du CES d'une plus grande implication des Conseils économiques et sociaux régionaux dans cette démarche. Ces dialogues décentralisés pourraient faire l'objet d'une évaluation et d'une synthèse périodique.
La responsabilisation des médias me parait aussi tout à fait déterminante, ainsi que la sensibiilisation des jeunes générations dès l'école.
Monsieur le Président,
Votre rapport consitute le point de départ d'un débat qui doit avant tout se tenir " au plus près des réalités de la vie économie et des entreprises ".
Il nous faut poursuivre avec détermination et à tous les niveaux notre combat pour placer l'homme au coeur de la mondialisation.
Chacun doit devenir un acteur de la mondialisation. Et la mondialisation doit être au service de chacun.
Dans cette dynamique, le CES peut, il vient de le montrer de façon éclatante, jouer un rôle déterminant pour nourrir le débat tant au plan national, qu'au plan international, en liaison avec l'Association des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires que préside actuellement M. DERMAGNE.
Je vous remercie.
(Source http: http://www.travail.gouv.fr, le 23 février 2005)