Tribune de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, dans "Les Echos" le 27 janvier 2004, sur l'élargissement de l'Europe en 2004 comme processus de développement économique et de création d'emplois et intitulée : " L'élargissement, notre moteur ".

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Média : La Tribune

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L'élargissement, notre moteur
L'année 2004 marque un nouvel âge de la construction européenne. L'élargissement représente un pas décisif qui fait entrer l'Europe dans une nouvelle période. Historiquement, cet élargissement est synonyme d'une transition politique réussie pour des Etats qui ont pris leur élan pour rejoindre l'Europe occidentale lors de la chute du mur de Berlin, dès 1989. Economiquement, l'adhésion des 15 nouveaux Etats membres de 2004 induit une phase de rattrapage, accroît la population de l'Union européenne de 20 % et son produit intérieur brut de 5 %.
Pour l'Europe dans le monde, l'intégration régionale est encore accrue. Cet élargissement démontre que la construction politique et économique connaît une dynamique propre, puissante et capable de se renouveler. Quand un accord sera possible, l'adoption d'une constitution permettra d'approfondir l'intégration politique et de fixer des règles permettant de fonctionner à vingt-cinq.
Dès maintenant, un espace européen de croissance et de solidarité se construit. Les citoyens et les entreprises y ont leur place. L'élargissement devient une priorité pour nos entreprises. J'ai constaté que celles-ci y réussissaient bien. J'en retire la conviction que la production et la consommation en Europe prennent une nouvelle dimension qui présente plus d'avantages que d'inconvénients.
La dynamique de rattrapage économique engagée dans les nouveaux Etats membres constitue une tendance à long terme que nous devons intégrer. Le niveau moyen de richesse par habitant y est aujourd'hui d'environ 40 % de celui de l'Union à 15. La croissance y est évaluée autour de 5 % en moyenne pour les prochaines années.
Cela nécessite de grands projets d'infrastructures environnementales et de transports pour lesquels des financements européens importants sont prévus : 14 milliards d'euros de fonds structurels et 7,6 milliards d'euros de fonds de cohésion pour les 10 nouveaux Etats membres de 2004 à 2006 inclus. Les fonds affectés par pays vont ainsi représenter en moyenne annuelle 2 % du PIB de la Pologne, 1,2 % du PIB de la République tchèque ou 0,8 % de celui de la Hongrie. Dans ces secteurs d'ingénierie, les entreprises françaises ont des compétences mondialement reconnues. La croissance repose également sur des besoins quotidiens d'équipement et de consommation courante des ménages : à nous d'offrir aux citoyens des nouveaux Etats membres des produits et des services correspondant à leurs attentes. Un certain art de vivre à la française gagne à être promu sur ces marchés de proximité, membres du marché unique dans quelques semaines et qui sont devenus les débouchés naturels de nos entreprises.
Nos exportations ont quadruplé depuis dix ans vers ces pays, pour représenter aujourd'hui plus de 12 milliards d'euros et un excédent commercial de plus de 2 milliards d'euros. Notre part de marché de 5 % montre qu'il existe une marge de progression certaine, évaluée à 2 ou 3 points au cours des dix années qui viennent. L'élévation du niveau de vie créé un nouveau marché pour nos entreprises qu'il faut saisir dès maintenant, tout particulièrement en Pologne dont la population représente plus de la moitié de celle des dix pays qui rejoindront l'Union en mai. Les craintes liées aux délocalisations de nos industries ne sont pas injustifiées. Celles-ci sont vécues durement lorsqu'elles frappent. Mais il ne faut pas les surestimer : les pays de l'élargissement n'accueillent qu'un faible flux des investissements français à l'étranger. Et ces investissements correspondent pour l'essentiel à la création de réseaux de distribution, à la construction d'infrastructures et de services environnementaux. Par ailleurs, en ce qui concerne la part correspondant à de véritables délocalisations, l'émergence des pays asiatiques, et tout particulièrement de la Chine, est dès aujourd'hui une menace sérieuse qui s'adresse plus aux dix nouveaux adhérents qu'aux industries françaises dont la compétitivité repose principalement sur une spécialisation et une créativité à forte valeur ajoutée.
L'élargissement est donc un processus économique gagnant gagnant, dès lors qu'il est bien conduit. Les négociations d'adhésion, d'une complexité sans précédent du fait du nombre de candidats et du volume de l'acquis communautaire, ont été conduites avec rigueur. Les périodes transitoires ou les dérogations convenues avec les adhérents sont le résultat d'une approche pragmatique. Depuis 2002, une veille effectuée par le réseau de nos missions économiques de nos ambassades dans les pays de l'élargissement, en liaison avec les entreprises et la Commission européenne, permet d'évaluer à partir de cas concrets, et de remédier aux obstacles aux échanges.
Abordons cet élargissement porteur d'emplois en France avec enthousiasme et esprit d'entreprise, pour l'Europe et la France !

(source http://www.u-m-p.org, le 27 janvier 2004)