Texte intégral
Q- Aujourd'hui 12 janvier, c'est l'important coup d'envoi des soldes. Vous aussi, on vous reproche aujourd'hui de solder l'école...
R- C'est vraiment une accusation à laquelle je ne m'attendais pas ! Car non seulement nous ne soldons pas l'école, mais nous allons lui permettre une évolution, qui est une évolution très importante, qui ne renie rien de ses racines, qui ne renie rien de notre culture, mais qui veut donner à l'école plus d'efficacité. Au fond, notre objectif est la réussite, sous toutes ses formes, de tous les élèves.
Q- Si le Conseil des ministres vous dit "oui" tout à heure - et il ne dira pas "non" -, vous engagez la politique d'éducation pour les Français pour dix ans. Dix ans : cela ne vous donne pas d'angoisses ou de cauchemars de temps en temps ?
R- Vous savez, c'est à la suite d'un débat, qui a duré plus d'un an, et après des concertations extrêmement longues et le travail remarquable de la Commission Thélot, que nous engageons cette réforme. Cette question que vous posez permet d'ailleurs de dire qu'il n'y a pas des réformes de l'Education nationale tous les deux ans, comme je le lis régulièrement. La vérité, c'est qu'il y en a environ tous les quinze ans. Il y a eu trois grandes réformes... La dernière c'était la réforme Jospin. Et il est nécessaire aujourd'hui de reprendre cette réforme pour l'adapter à la fois à la réalité de l'école et donc aux échecs de ce texte, mais aussi à l'évolution de la société.
Q- Qu'est-ce qui vous garantit et nous garantit que c'est la meilleure ou la bonne réforme ?
R- D'abord, parce que je crois qu'elle est le résultat d'un très long travail de concertation, nous avons écouté les Français, il y a eu le grand débat sur l'école. Il y a eu le travail de la Commission Thélot. Certains s'étonnent que je n'en aie pas repris toutes les conclusions. En réalité, nous reprenons, je l'ai dit, dix-sept des vingt-huit propositions de la Commission Thélot...
Q- Et l'idée du socle commun...
R- Et nous reprenons surtout une idée, qui d'ailleurs n'est pas originale, parce qu'elle est utilisée dans d'autres pays européens qui ont de bonnes performances en matière scolaire. Nous reprenons cette idée de recentrer l'école sur des apprentissages fondamentaux à travers l'engagement que prend la Nation de transmettre à tous les élèves un socle commun de compétences et de connaissances fondamentales.
Q- Mais ne peut-on pas réformer l'école sans loi en France ?
Disons que c'est une loi qui avait organisé la réforme précédente, il faut
donc une loi pour en corriger les effets, même si c'est vrai que pour
l'essentiel, il s'agit de dispositions qui sont d'ordre réglementaire.
Vous dites qu'il y a dialogue social. On vous reproche au contraire
de ne pas avoir fait de dialogue social : la plupart des syndicats
d'enseignants et de parents d'élèves se plaignent. Mais est-ce que
c'est ça aussi qui vous donne raison ou qui vous fait croire que vous
avez raison ?
D'abord, je les ai beaucoup écoutés, j'ai passé beaucoup de temps à
travailler avec eux. Je n'ai pas constaté, en face de moi, un front qui
m'aurait permis de distinguer un projet alternatif. En réalité, parmi les
critiques qui sont formulées sur ce texte, il y a énormément de critiques
qui s'opposent. Il y a des organisations syndicales qui voudraient qu'on
ne change rien en réalité à l'organisation d'école et il y en a d'autres qui
voudraient le "grand soir" de l'école, qui voudraient que l'on
bouleverse le système, que l'on fasse exploser l'école telle qu'elle est
organisée aujourd'hui. Il n'y a donc pas d'alternative. Je constate
d'ailleurs qu'il n'y a pas d'alternative politique non plus : aucune
formation politique ne propose quelque chose de concret en face des
améliorations que nous proposons.
J.-M. Ayrault vient de vous demander la stabilité des moyens et une
grande ambition...
La "stabilité des moyens", on voit que c'est en effet une "grande
ambition" !
Mais cela veut-il dire que l'opposition est trop convenue, trop
fragmentée ? Il y a une grève le 20 janvier : n'y a-t-il pas de risque
de crispation sociale à cause de l'école ?
Je ne le crois pas, car je ne vois pas la communauté éducative se
mobiliser contre le principe de la réussite de tous les élèves, contre le
principe de la concentration de l'école sur des objectifs fondamentaux,
contre le principe de l'amélioration de l'apprentissage des langues qui
est un échec considérable dans notre pays ou encore sur le principe de
l'amélioration, de la formation des enseignants qui désormais sera de la
responsabilité pleine et entière de l'université.
On dit qu'au cur de la révolution Fillon s'inscrit : savoir lire,
écrire, compter. C'est un comble !
C'est à la fois nécessaire, mais c'est un peu réducteur en même temps.
Le socle, c'est la maîtrise de la langue - et pas seulement savoir lire.
C'est la maîtrise des notions de base de mathématiques, qui sont
indispensables notamment pour former un esprit logique. C'est la
maîtrise d'une culture générale, sans laquelle il n'y a pas de citoyen.
C'est la maîtrise d'une langue vivante étrangère, qui est aujourd'hui
absolument indispensable pour réussir dans un monde qui est
complètement ouvert. Et enfin, c'est la maîtrise des technologies de
l'information et de la communication. Voilà le squelette du socle, qui
devra ensuite être précisé par le Parlement, le Haut conseil de
l'éducation que nous allons créer et puis par le ministre de l'Education
nationale.
Q- Je lisais l'Humanité : on vous reproche de ne pas faire de la place à l'éducation physique.
R- L'éducation physique garde absolument la même place qu'aujourd'hui. Il y a le même nombre d'heures de cours. Les épreuves d'éducation physique restent obligatoires aux examens. Simplement, le socle, ce sur le quoi le Gouvernement, la nation s'engagent, ce sont les fondamentaux qui sont absolument nécessaires pour pouvoir poursuivre sa scolarité.
Q- Vous dites aujourd'hui qu'il y a 160.000 élèves, 80.000 collégiens qui sortent du système scolaire sans diplôme, ni qualification.
R- Voilà, c'est l'échec de notre système aujourd'hui, au-delà du fait que, dans les comparaisons internationales, nous avons tendance à reculer sur un certain nombre de sujets. Mais nous avons aujourd'hui une école à deux vitesses, avec un nombre d'exclus fabriqués par le système scolaire qui est en augmentation constante. Et c'est ce nombre d'exclus auquel le projet de loi veut s'attaquer. Ce que nous voulons c'est qu'il n'y ait plus personne qui sorte du système scolaire sans maîtriser le socle des compétences.
Q- Dans combien de temps verrez-vous les chiffres ?
R- Je pense qu'il faut cinq ans pour mettre en uvre cette réforme dans des conditions d'ampleur suffisante.
Q- Autrement dit, est-ce que vous serez là pour savoir si les promesses seront tenues ?
R- C'est peu probable, mais c'est le lot de tous les ministres.
Q- Vous voulez dire dans cette fonction-là ?
R- Oh, dans les fonctions gouvernementales en général...
Q- 80 % des jeunes au bac : L. Jospin l'avait promis, il y a seize ans, sans succès. Pourquoi cette fois-ci, le bac, aux six matières et qui a encore des contours flous, serait-il meilleur et plus efficace pour former les jeunes et leur donner des chances ?
R- Ce qui motive la réorganisation du baccalauréat, c'est surtout des raisons liées au fonctionnement de l'institution. Aujourd'hui, nous avons déjà l'année la plus courte de tous les pays en terme scolaire ; elle est en plus, pour beaucoup d'élèves, réduite par le fait qu'au mois de juin, les établissements scolaires ne travaillent pas, parce qu'il y a l'organisation du baccalauréat. Il y a une vingtaine d'années il y avait six épreuves au baccalauréat, il y en a douze aujourd'hui. C'est beaucoup trop, c'est beaucoup trop compliqué à organiser. J'ajoute que cela fait peser sur les élèves une pression extrêmement forte. Donc ce que je veux, ce sont six épreuves terminales - ce sera tout à fait suffisant pour faire du bac une épreuve sélective, qui permette de déterminer le niveau des élèves - et puis un contrôle, en cours de formation, sous forme de partielles, comme cela fonctionne aujourd'hui dans l'université.
Q- Vous demandez une logique d'entreprise, l'efficacité, la qualité etc. et des résultats. Qu'est-ce que c'est qu'un "résultat" ? Le résultat pour qui : pour l'élève ou pour le prof ?
R- Je ne demande pas une "logique d'entreprise", mais je demande effectivement que l'institution Education nationale ait la culture des résultats. Et, par exemple, nous nous fixons un objectif précis s'agissant de l'acquisition des fondamentaux : 100 % d'élèves doivent, en quittant le système scolaire, maîtriser le socle de compétences et de connaissances fondamentales. Eh bien, il faut que nous nous donnions les moyens d'obtenir ces résultats.
Q- Vous n'avez pas de crainte à propos de la manifestation du 20 janvier ?
R- J'aurais naturellement souhaité avoir un peu plus de soutien de la part des organisations syndicales, mais enfin, les Français sont habitués à un certain scepticisme des organisations syndicales dans le domaine de l'éducation nationale, face à toutes les réformes.
Q- La presse estime que vous orientez l'école vers l'Europe, que c'est une rupture avec l'histoire et dans l'histoire de l'Education nationale, parce que l'école doit s'adapter à l'Europe de demain et que vous voulez en faire une école qui répond aux besoins de l'économie mondiale et libérale...
R- Il faut être de très mauvaise foi pour trouver une inspiration libérale, au sens économique, dans cette réforme ! En revanche, que nous voulions ouvrir l'école sur l'Europe, c'est une évidence et je pense que personne ne peut aujourd'hui contester cette nécessité. Nous sommes en train de construire une Europe, nous sommes en train de construire un espace où les citoyens vont pouvoir circuler de manière libre. Il faut aussi que les systèmes éducatifs permettent cette circulation. Si je prends l'exemple des langues, il n'est pas acceptable que la France soit au dernier rang des pays européens pour l'apprentissage des langues. C'est un vrai handicap, à la fois pour les individus et pour le pays tout entier.
Q- Les parents sont actuellement inquiets de l'insécurité, du trafic de drogue aux abords des écoles, parfois même à l'intérieur. Avec D. de Villepin, est-ce que vous maintenez d'une manière aussi spectaculaire, des policiers dans l'environnement de l'école ?
R- On a voulu, le 6 janvier, donner un coup de klaxon, en prévenant tous les trafiquants, tous ceux qui se livrent à des actes délictueux qu'il y avait un changement...
Q- Vous avez tellement klaxonné qu'ils n'étaient pas là !
R- Si, si, il y en a une centaine qui ont été interpellés ! On a trouvé 75 détenteurs de drogue !
Q- Est-ce que vous allez redonner de nouveaux "coups de klaxon" ?
R- Non, on a donné le coup de klaxon pour dire : attention, on a changé d'époque, désormais il n'y a pas de sanctuaire, la police et la gendarmerie et la justice seront présentes pour assurer la sécurité aux abords des établissements et dans les établissements. Et maintenant, on va continuer un travail de fond qui va être beaucoup plus discret, naturellement, mais qui va être efficace.
Q- Janvier 2005, c'est le rendez-vous avec l'histoire, le passé pour mieux aborder l'avenir de l'Europe. Est-ce que vous souhaitez que tous les enseignants, tous les élèves dialoguent, se concentrent, réfléchissent autour des camps de la mort, du combat contre les extrémismes et l'intolérance, pour la paix. Est-ce que vous leur demandez quelque chose ce matin ?
R- Je leur ai déjà demandé de profiter de cette occasion de l'anniversaire de la libération des camps pour faire un travail de mémoire. J'ai demandé que l'uvre de Lanzmann, "Shoah", soit diffusée et fasse l'objet d'un travail pédagogique dans tous les établissements scolaires. Et j'aurai moi-même l'occasion de me rendre au camp d'Auschwitz avec des élèves à l'occasion de cet anniversaire.
Q- Il va y avoir beaucoup de monde à Auschwitz cette année. D'ailleurs, J.-P. Huchon est avec des élèves de l'Ile-de-France aujourd'hui...
R- Absolument et le président de la République lui-même s'y rendra, le jour de l'anniversaire de la libération du camp.
Q- Vous êtes le numéro deux du gouvernement. Est-ce qu'il est vrai que depuis le 30 novembre, le climat au sein du Gouvernement s'est apaisé, qu'il est plus tranquille, moins apeuré par le tempérament exigent de N. Sarkozy ?
R- Je ne crois pas que ce soit le tempérament de N. Sarkozy ou son départ qui ait changé le climat au sein du Gouvernement. Je pense que le président de la République, en confortant le Gouvernement et le Premier ministre, a donné du temps et de l'oxygène au Gouvernement pour travailler. C'est la raison principale de l'apaisement que vous évoquez.
Q- Et votre dos, cela va mieux ?
R- Cela va mieux, merci de vous en inquiéter. Mais je crois que beaucoup de Français souffrent du même mal !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 janvier 2005)
R- C'est vraiment une accusation à laquelle je ne m'attendais pas ! Car non seulement nous ne soldons pas l'école, mais nous allons lui permettre une évolution, qui est une évolution très importante, qui ne renie rien de ses racines, qui ne renie rien de notre culture, mais qui veut donner à l'école plus d'efficacité. Au fond, notre objectif est la réussite, sous toutes ses formes, de tous les élèves.
Q- Si le Conseil des ministres vous dit "oui" tout à heure - et il ne dira pas "non" -, vous engagez la politique d'éducation pour les Français pour dix ans. Dix ans : cela ne vous donne pas d'angoisses ou de cauchemars de temps en temps ?
R- Vous savez, c'est à la suite d'un débat, qui a duré plus d'un an, et après des concertations extrêmement longues et le travail remarquable de la Commission Thélot, que nous engageons cette réforme. Cette question que vous posez permet d'ailleurs de dire qu'il n'y a pas des réformes de l'Education nationale tous les deux ans, comme je le lis régulièrement. La vérité, c'est qu'il y en a environ tous les quinze ans. Il y a eu trois grandes réformes... La dernière c'était la réforme Jospin. Et il est nécessaire aujourd'hui de reprendre cette réforme pour l'adapter à la fois à la réalité de l'école et donc aux échecs de ce texte, mais aussi à l'évolution de la société.
Q- Qu'est-ce qui vous garantit et nous garantit que c'est la meilleure ou la bonne réforme ?
R- D'abord, parce que je crois qu'elle est le résultat d'un très long travail de concertation, nous avons écouté les Français, il y a eu le grand débat sur l'école. Il y a eu le travail de la Commission Thélot. Certains s'étonnent que je n'en aie pas repris toutes les conclusions. En réalité, nous reprenons, je l'ai dit, dix-sept des vingt-huit propositions de la Commission Thélot...
Q- Et l'idée du socle commun...
R- Et nous reprenons surtout une idée, qui d'ailleurs n'est pas originale, parce qu'elle est utilisée dans d'autres pays européens qui ont de bonnes performances en matière scolaire. Nous reprenons cette idée de recentrer l'école sur des apprentissages fondamentaux à travers l'engagement que prend la Nation de transmettre à tous les élèves un socle commun de compétences et de connaissances fondamentales.
Q- Mais ne peut-on pas réformer l'école sans loi en France ?
Disons que c'est une loi qui avait organisé la réforme précédente, il faut
donc une loi pour en corriger les effets, même si c'est vrai que pour
l'essentiel, il s'agit de dispositions qui sont d'ordre réglementaire.
Vous dites qu'il y a dialogue social. On vous reproche au contraire
de ne pas avoir fait de dialogue social : la plupart des syndicats
d'enseignants et de parents d'élèves se plaignent. Mais est-ce que
c'est ça aussi qui vous donne raison ou qui vous fait croire que vous
avez raison ?
D'abord, je les ai beaucoup écoutés, j'ai passé beaucoup de temps à
travailler avec eux. Je n'ai pas constaté, en face de moi, un front qui
m'aurait permis de distinguer un projet alternatif. En réalité, parmi les
critiques qui sont formulées sur ce texte, il y a énormément de critiques
qui s'opposent. Il y a des organisations syndicales qui voudraient qu'on
ne change rien en réalité à l'organisation d'école et il y en a d'autres qui
voudraient le "grand soir" de l'école, qui voudraient que l'on
bouleverse le système, que l'on fasse exploser l'école telle qu'elle est
organisée aujourd'hui. Il n'y a donc pas d'alternative. Je constate
d'ailleurs qu'il n'y a pas d'alternative politique non plus : aucune
formation politique ne propose quelque chose de concret en face des
améliorations que nous proposons.
J.-M. Ayrault vient de vous demander la stabilité des moyens et une
grande ambition...
La "stabilité des moyens", on voit que c'est en effet une "grande
ambition" !
Mais cela veut-il dire que l'opposition est trop convenue, trop
fragmentée ? Il y a une grève le 20 janvier : n'y a-t-il pas de risque
de crispation sociale à cause de l'école ?
Je ne le crois pas, car je ne vois pas la communauté éducative se
mobiliser contre le principe de la réussite de tous les élèves, contre le
principe de la concentration de l'école sur des objectifs fondamentaux,
contre le principe de l'amélioration de l'apprentissage des langues qui
est un échec considérable dans notre pays ou encore sur le principe de
l'amélioration, de la formation des enseignants qui désormais sera de la
responsabilité pleine et entière de l'université.
On dit qu'au cur de la révolution Fillon s'inscrit : savoir lire,
écrire, compter. C'est un comble !
C'est à la fois nécessaire, mais c'est un peu réducteur en même temps.
Le socle, c'est la maîtrise de la langue - et pas seulement savoir lire.
C'est la maîtrise des notions de base de mathématiques, qui sont
indispensables notamment pour former un esprit logique. C'est la
maîtrise d'une culture générale, sans laquelle il n'y a pas de citoyen.
C'est la maîtrise d'une langue vivante étrangère, qui est aujourd'hui
absolument indispensable pour réussir dans un monde qui est
complètement ouvert. Et enfin, c'est la maîtrise des technologies de
l'information et de la communication. Voilà le squelette du socle, qui
devra ensuite être précisé par le Parlement, le Haut conseil de
l'éducation que nous allons créer et puis par le ministre de l'Education
nationale.
Q- Je lisais l'Humanité : on vous reproche de ne pas faire de la place à l'éducation physique.
R- L'éducation physique garde absolument la même place qu'aujourd'hui. Il y a le même nombre d'heures de cours. Les épreuves d'éducation physique restent obligatoires aux examens. Simplement, le socle, ce sur le quoi le Gouvernement, la nation s'engagent, ce sont les fondamentaux qui sont absolument nécessaires pour pouvoir poursuivre sa scolarité.
Q- Vous dites aujourd'hui qu'il y a 160.000 élèves, 80.000 collégiens qui sortent du système scolaire sans diplôme, ni qualification.
R- Voilà, c'est l'échec de notre système aujourd'hui, au-delà du fait que, dans les comparaisons internationales, nous avons tendance à reculer sur un certain nombre de sujets. Mais nous avons aujourd'hui une école à deux vitesses, avec un nombre d'exclus fabriqués par le système scolaire qui est en augmentation constante. Et c'est ce nombre d'exclus auquel le projet de loi veut s'attaquer. Ce que nous voulons c'est qu'il n'y ait plus personne qui sorte du système scolaire sans maîtriser le socle des compétences.
Q- Dans combien de temps verrez-vous les chiffres ?
R- Je pense qu'il faut cinq ans pour mettre en uvre cette réforme dans des conditions d'ampleur suffisante.
Q- Autrement dit, est-ce que vous serez là pour savoir si les promesses seront tenues ?
R- C'est peu probable, mais c'est le lot de tous les ministres.
Q- Vous voulez dire dans cette fonction-là ?
R- Oh, dans les fonctions gouvernementales en général...
Q- 80 % des jeunes au bac : L. Jospin l'avait promis, il y a seize ans, sans succès. Pourquoi cette fois-ci, le bac, aux six matières et qui a encore des contours flous, serait-il meilleur et plus efficace pour former les jeunes et leur donner des chances ?
R- Ce qui motive la réorganisation du baccalauréat, c'est surtout des raisons liées au fonctionnement de l'institution. Aujourd'hui, nous avons déjà l'année la plus courte de tous les pays en terme scolaire ; elle est en plus, pour beaucoup d'élèves, réduite par le fait qu'au mois de juin, les établissements scolaires ne travaillent pas, parce qu'il y a l'organisation du baccalauréat. Il y a une vingtaine d'années il y avait six épreuves au baccalauréat, il y en a douze aujourd'hui. C'est beaucoup trop, c'est beaucoup trop compliqué à organiser. J'ajoute que cela fait peser sur les élèves une pression extrêmement forte. Donc ce que je veux, ce sont six épreuves terminales - ce sera tout à fait suffisant pour faire du bac une épreuve sélective, qui permette de déterminer le niveau des élèves - et puis un contrôle, en cours de formation, sous forme de partielles, comme cela fonctionne aujourd'hui dans l'université.
Q- Vous demandez une logique d'entreprise, l'efficacité, la qualité etc. et des résultats. Qu'est-ce que c'est qu'un "résultat" ? Le résultat pour qui : pour l'élève ou pour le prof ?
R- Je ne demande pas une "logique d'entreprise", mais je demande effectivement que l'institution Education nationale ait la culture des résultats. Et, par exemple, nous nous fixons un objectif précis s'agissant de l'acquisition des fondamentaux : 100 % d'élèves doivent, en quittant le système scolaire, maîtriser le socle de compétences et de connaissances fondamentales. Eh bien, il faut que nous nous donnions les moyens d'obtenir ces résultats.
Q- Vous n'avez pas de crainte à propos de la manifestation du 20 janvier ?
R- J'aurais naturellement souhaité avoir un peu plus de soutien de la part des organisations syndicales, mais enfin, les Français sont habitués à un certain scepticisme des organisations syndicales dans le domaine de l'éducation nationale, face à toutes les réformes.
Q- La presse estime que vous orientez l'école vers l'Europe, que c'est une rupture avec l'histoire et dans l'histoire de l'Education nationale, parce que l'école doit s'adapter à l'Europe de demain et que vous voulez en faire une école qui répond aux besoins de l'économie mondiale et libérale...
R- Il faut être de très mauvaise foi pour trouver une inspiration libérale, au sens économique, dans cette réforme ! En revanche, que nous voulions ouvrir l'école sur l'Europe, c'est une évidence et je pense que personne ne peut aujourd'hui contester cette nécessité. Nous sommes en train de construire une Europe, nous sommes en train de construire un espace où les citoyens vont pouvoir circuler de manière libre. Il faut aussi que les systèmes éducatifs permettent cette circulation. Si je prends l'exemple des langues, il n'est pas acceptable que la France soit au dernier rang des pays européens pour l'apprentissage des langues. C'est un vrai handicap, à la fois pour les individus et pour le pays tout entier.
Q- Les parents sont actuellement inquiets de l'insécurité, du trafic de drogue aux abords des écoles, parfois même à l'intérieur. Avec D. de Villepin, est-ce que vous maintenez d'une manière aussi spectaculaire, des policiers dans l'environnement de l'école ?
R- On a voulu, le 6 janvier, donner un coup de klaxon, en prévenant tous les trafiquants, tous ceux qui se livrent à des actes délictueux qu'il y avait un changement...
Q- Vous avez tellement klaxonné qu'ils n'étaient pas là !
R- Si, si, il y en a une centaine qui ont été interpellés ! On a trouvé 75 détenteurs de drogue !
Q- Est-ce que vous allez redonner de nouveaux "coups de klaxon" ?
R- Non, on a donné le coup de klaxon pour dire : attention, on a changé d'époque, désormais il n'y a pas de sanctuaire, la police et la gendarmerie et la justice seront présentes pour assurer la sécurité aux abords des établissements et dans les établissements. Et maintenant, on va continuer un travail de fond qui va être beaucoup plus discret, naturellement, mais qui va être efficace.
Q- Janvier 2005, c'est le rendez-vous avec l'histoire, le passé pour mieux aborder l'avenir de l'Europe. Est-ce que vous souhaitez que tous les enseignants, tous les élèves dialoguent, se concentrent, réfléchissent autour des camps de la mort, du combat contre les extrémismes et l'intolérance, pour la paix. Est-ce que vous leur demandez quelque chose ce matin ?
R- Je leur ai déjà demandé de profiter de cette occasion de l'anniversaire de la libération des camps pour faire un travail de mémoire. J'ai demandé que l'uvre de Lanzmann, "Shoah", soit diffusée et fasse l'objet d'un travail pédagogique dans tous les établissements scolaires. Et j'aurai moi-même l'occasion de me rendre au camp d'Auschwitz avec des élèves à l'occasion de cet anniversaire.
Q- Il va y avoir beaucoup de monde à Auschwitz cette année. D'ailleurs, J.-P. Huchon est avec des élèves de l'Ile-de-France aujourd'hui...
R- Absolument et le président de la République lui-même s'y rendra, le jour de l'anniversaire de la libération du camp.
Q- Vous êtes le numéro deux du gouvernement. Est-ce qu'il est vrai que depuis le 30 novembre, le climat au sein du Gouvernement s'est apaisé, qu'il est plus tranquille, moins apeuré par le tempérament exigent de N. Sarkozy ?
R- Je ne crois pas que ce soit le tempérament de N. Sarkozy ou son départ qui ait changé le climat au sein du Gouvernement. Je pense que le président de la République, en confortant le Gouvernement et le Premier ministre, a donné du temps et de l'oxygène au Gouvernement pour travailler. C'est la raison principale de l'apaisement que vous évoquez.
Q- Et votre dos, cela va mieux ?
R- Cela va mieux, merci de vous en inquiéter. Mais je crois que beaucoup de Français souffrent du même mal !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 janvier 2005)