Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur les contrats d'avenir, le retour à l'emploi et l'insertion sociale des Rmistes, Auxerre le 14 avril 2005.

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Circonstance : Signature des premiers contrats d'avenir et des premiers contrats RMA rénovés dans l'Yonne à Auxerre le 14 avril 2005

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Sénateur,
Messieurs les Députés,
Mesdames et messieurs les Maires,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs les Directeurs,
Mesdames et messieurs,
Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de m'accueillir, aujourd'hui à Auxerre, pour signer les premiers contrats d'avenir et les premiers contrats RMA rénovés dans votre département. Après la Côte d'Or le 30 mars, je dois reconnaître que la région Bourgogne a fait preuve, une fois de plus, d'un volontarisme sans faille et d'une mobilisation exemplaire pour assurer la mise en uvre de ces mesures, parmi les plus importantes du Plan de cohésion sociale, et d'une manière plus générale pour apporter un véritable soutien aux demandeurs d'emploi en difficulté d'insertion professionnelle.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour présenter également mes remerciements les plus sincères aux directeurs et à tous les collaborateurs des services extérieurs de l'Etat, de l'ANPE et du Conseil Général qui ont beaucoup travaillé ces dernières semaines pour rendre opérationnel ce volet du Plan. La loi promulguée fin janvier, les décrets et formulaires d'application parus mi-mars, et les premiers contrats signés aujourd'hui, c'est un record administratif. Et c'est grâce à la mobilisation de vous tous. Le Président de la République avait souhaité l'urgence réglementaire : c'est chose faite.
Mais lorsqu'on parle de contrats d'avenir, de CI-RMA de quoi parle-t-on au juste ?
En réalité, ces contrats sont beaucoup plus que le résultat de simples conventions passées entre des parties. Ils sont la traduction concrète et pragmatique d'une nouvelle façon de penser l'inclusion sociale, d'une nouvelle approche de la politique de l'emploi que porte le Plan de cohésion sociale. Une nouvelle approche qui, comme l'a rappelé le Président de RAINCOURT privilégie systématiquement l'activité à l'assistance et qui fait du retour à l'emploi une priorité absolue.
Mesdames et Messieurs, rappelez-vous, le 30 novembre 1988, la Nation faisait corps derrière le même projet, voté à l'unanimité par la gauche et la droite : le Revenu Minimum d'Insertion.
Dès son entrée en vigueur début 1989, 420 000 personnes recevaient cette allocation qui, comme le rappelait alors Michel Rocard, n'était pas " la bonne conscience de la modernisation, mais la condition de sa réussite ".
Ils sont aujourd'hui plus du double, environ 1,2 million d'hommes et de femmes, et ce chiffre ne cesse, hélas, d'augmenter.
Que s'est il passé pendant ces quinze années ? Pourquoi le dispositif n'a-t-il pas bien fonctionné ? Quel engrenage s'est grippé ?
Cette évolution s'explique tout d'abord par les difficultés économiques auxquelles notre pays a été confronté depuis : une croissance ralentie qui a entraîné une dégradation du marché du travail et une augmentation du chômage, et plus particulièrement chez les peu qualifiés. Et les rares années de forte croissance n'ont pas réussi à infléchir ces tendances lourdes.
L'augmentation permanente du nombre de RMIstes, sans perspective d'avenir, est venue, année après année, alimenter le chômage structurel. Si bien que dans notre pays, le taux de chômage évolue, au gré du cycle de croissance, dans un couloir compris entre 8 et 12 % de la population active, systématiquement 1 ou 2 points au dessus de nos voisins européens.
Mais le contexte économique n'explique sans doute pas tout.
Le RMI a été conçu à l'origine comme un filet de sécurité pour les plus faibles. Car il est bien du devoir de la société d'assurer une sécurité matérielle minimale aux plus fragiles des siens, à ceux qui rencontrent à un moment donné de leur vie de grandes difficultés. Mais, ce filet de sécurité ne devait, je dirais par construction, concerner qu'une infime minorité de la population. Ce ne devait être en effet qu'une situation transitoire pour les personnes connaissant des difficultés passagères à la suite d'une rupture professionnelle ou d'un accident de vie et leur donnant les moyens de se reconstruire. Le contrat d'insertion avait justement pour objectif de remettre les personnes aidées sur la voie du retour à l'emploi. Mais comme vous le savez, ce contrat d'insertion a été inégalement mis en uvre ; il n'a malheureusement pas toujours produit les effets escomptés là où il a été déployé. Reconnaissons le, nous avons, dans l'ensemble, échoué sur la vocation du " I " du RMI.
Au fil des ans, le RMI s'est transformé en une spirale d'assistance devenue impossible à désamorcer. Beaucoup d'allocataires du RMI sont entrés un jour dans l'assistance pour ne plus en sortir. Aujourd'hui, 10 % des inscrits au RMI le sont depuis sa création ; plus de la moitié des bénéficiaires de l'ASS ou du RMI perçoivent l'allocation depuis plus de deux ans. Et ne l'oublions pas, ces hommes et ces femmes sont souvent au chômage depuis plus longtemps encore !
Cette situation est décourageante pour les personnes et inefficace pour la compétitivité de notre pays. Il nous faut absolument rassembler toutes nos énergies pour y mettre un terme.
Tout ceci n'est pas anodin et est, en réalité, symptomatique de graves dysfonctionnements. Et ce sont ces observations qui ont conduit à l'élaboration du contrat d'avenir et du RMA que nous mettons en place aujourd'hui dans le département de l'Yonne.
Je le répète, l'assistance ne doit pas être une impasse. Il faut au contraire en faire une étape de reconstruction et un instrument de retour à l'activité.
Or nombre d'allocataires du RMI ou de l'ASS pour qui la marche est souvent trop élevée pour renouer avec l'activité ont en effet besoin - au moins temporairement - d'un cadre adapté et protégé.
Le RMA et le Contrat d'avenir constituent ce cadre. Ils ont été conçus pour établir la une passerelle vers l'emploi durable qui faisait défaut. Et tout cela, en utilisant l'argent déjà dépensé : c'est l'activation des dépenses passives. Les témoignages que nous venons d'entendre sur les entreprises PROVIB et Abbaye Royale Saint Pierre, apportent la preuve éclatante que l'on peut sortir définitivement du RMI en occupant un véritable emploi.
Mesdames, Messieurs, je veux croire qu'avec les contrats d'avenir, le RMI ne sera plus jamais cette trappe à inactivité qu'il a pu être par le passé.
Je ne vous cache pas que mon ambition et que l'ambition de ce type de contrats est qu'ils se substituent progressivement au RMI, pour redonner tout son sens au " I " d'insertion.
Favoriser le retour à l'emploi de ces personnes malheureusement frappées par l'insécurité sociale est vraiment au cur de notre mission d'élus républicain, parce que nous savons tous que la citoyenneté n'est plus seulement politique : pour exercer pleinement ses droits, le citoyen doit être en mesure de bénéficier de conditions matérielles adéquates. C'est cela la République d'aujourd'hui.
La citoyenneté républicaine est aussi économique et sociale : sans cette dimension là, il ne peut y avoir de véritable démocratie, parce que sans emploi et niveau de vie décent, il ne saurait y avoir de dignité pour l'homme. Le Président de la République est clairement engagé dans ce combat et Jean-Louis BORLOO et moi-même sommes bien évidemment à ses côtés.
Face à de tels enjeux, face à de tels objectifs, on comprendra facilement que seul le résultat compte.
Pendant trop longtemps les prérogatives et compétences des uns sont entrées en conflit avec celles des autres. Pendant trop longtemps les actions en direction des personnes en quête d'inclusion se sont croisées, superposées, parfois même gênées.
Mais comme je l'ai souvent dit, " personne n'est propriétaire des chômeurs ".
Et c'est bien l'esprit du Plan de cohésion sociale : quels que soient les prescripteurs, les maîtres d'uvre, les circuits de financement ou les financeurs : seul compte l'emploi et l'accompagnement que l'on va offrir à celui qui en a besoin.

Et pour cela, nous avons imaginé deux possibilités :
1. Le contrat d'avenir pour le secteur non-marchand, c'est-à-dire les collectivités locales, les associations, les services publics.
2. Le Contrat d'insertion-RMA pour le secteur marchand, c'est-à-dire les entreprises.
Et dans ces deux dispositifs, nous avons voulu " activer " les minima sociaux.
C'est-à-dire qu'une partie de l'allocation est transformée en aide à l'employeur qui accueille, accompagne et forme la personne. Celle-ci bénéficie d'un véritable contrat de travail de 26 heures pour les contrats d'avenir, d'au moins 20 heures pour les CI-RMA pouvant aller jusqu'à un temps complet. Elle bénéficie en outre d'un accompagnement personnalisé systématique.
Il s'agit donc d'un accord gagnant/gagnant.
L'allocataire du RMI ou de l'ASS est réellement en situation d'insertion professionnelle en lui permettant l'apprentissage de pratiques professionnelles et d'acquérir une qualification.
L'employeur bénéficie pour sa part d'une aide de la collectivité et d'exonérations de charges sociales.
Pour les entreprises, le CI-RMA constitue un moyen de diversifier les recrutements. J'approuve la stratégie retenue ici consistant à orienter les bénéficiaires vers les métiers en tension tels que l'hôtellerie-restauration, les métiers de bouche, sans oublier les secteurs du bâtiment et des travaux publics avec lesquels j'ai signé, au Ministère, une convention cadre nationale. La convention que nous venons de signer avec le Président CANO en constitue la première déclinaison territoriale. Je souhaite naturellement qu'il en soit de même avec d'autres fédérations professionnelles.
C'est la même logique pour les Contrats d'accompagnement dans l'emploi et les Contrats initiative emploi, qui remplacent les CES et les CEC. Je tiens à féliciter le Conseil général, et son président Henri de RAINCOURT, pour la décision adoptée le 25 mars d'apporter un soutien financier complémentaire à celui de l'Etat sur les CIE du secteur marchand et les CAE du secteur non marchand. Je comprends également que le Conseil régional soutiendra la formation professionnelle des contrats mis en uvre dans le département.
C'est bien par la mobilisation de partenariats multiples - employeurs, communes, conseil général, conseil régional, Etat -, respectueux des prérogatives de chacun, que nous réussirons la cohésion sociale. Tout le monde doit s'engager pour donner la main à ces femmes et ces hommes, et leur remettre le pied à l'étier et les installer dans un véritable parcours vers l'emploi.
Pour coordonner tout cela, il nous faut un espace de dialogue et de coordination. Ce sera le rôle des Maisons de l'emploi. Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui féliciter Jean-Paul ANCIAUX, député de Saône et Loire, bourguignon lui aussi, pour son travail remarquable réalisé, auprès de Jean-Louis BORLOO, sur la mise en place des maisons de l'emploi.
Là aussi, il s'agit d'une révolution. Nous sommes le seul pays d'Europe où les services d'assurance chômage et de placement sont déconnectés et réalisés par deux organismes distincts. La convention tripartite Etat/ANPE/ASSEDIC va remédier à cela et définir, d'ici le mois de juin, l'articulation des rôles de l'Anpe et l'Unédic et organiser leur travail en commun, avec en particulier la mise en uvre du dossier unique du demandeur d'emploi.
Il existe aussi bien d'autres acteurs : les missions locales, les collectivités locales, les chambres de commerce et des métiers, les services de l'Etat
Cette profusion d'interlocuteurs est difficilement acceptable pour le demandeur d'emploi. Nous devons respecter la légitimité de chacune de ces institutions. Il nous faut cependant fédérer et mutualiser les moyens et les énergies au service des demandeurs d'emploi, des salariés à la recherche d'une nouvelle orientation professionnelle et, naturellement, des entreprises.
Nous demandons à chacun, dans chaque bassin d'emploi, de continuer à faire son métier, tout en se coordonnant avec les autres : faire des prévisions, des besoins, mettre en marche des formations.
Nous le savons bien : tous les pays qui ont réussi en matière d'emploi ont un dispositif territorial cohérent et fédèrent leurs moyens.
Mesdames et messieurs, un pays n'est rien sans les individus qui le composent. Il se renforce et s'enrichit de la diversité des hommes et des femmes qui en font partie. Il est désormais impératif que notre République apprenne à mieux utiliser ses fantastiques gisements humains.
Faisons le tous ensemble !
Je vous remercie.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 2 mai 2005)