Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire,
Mes chers Collègues
Mesdames, Messieurs,
Plus que les années précédentes, la préparation de nos messages au Conseil de printemps revêt une importance particulière.
Il s'agit, en effet, d'envisager les orientations stratégiques de l'Union pour les 5 ans à venir et nous nous devons de faire entendre notre voix au Conseil européen, d'exercer pleinement notre responsabilité de ministres chargés de l'emploi et des politiques sociales.
Cette responsabilité est d'autant plus lourde alors que nos pays se préparent à la ratification du traité constitutionnel -je salue à cet égard les résultats obtenus en Espagne- et que le débat sur la dimension sociale de la construction européenne a pris -c'est particulièrement vrai en France dans la perspective du référendum- une acuité particulière.
Nous devons tout à la fois convaincre nos citoyens que l'Europe élargie est une chance pour garantir leur avenir et leur bien être individuel et collectif, et les appeler à aborder avec confiance les changements qu'imposent la compétition économique mondiale et notre vieillissement démographique. C'est à ces deux conditions qu'ils adhèreront à la stratégie de Lisbonne, car ils comprendront qu'elle se fait avec eux et pour eux.
La Commission, dans son rapport de printemps, souligne que les objectifs définis il y a cinq ans restent inchangés. Toutefois elle nous propose de nous centrer sur l'essentiel, pour que la stratégie de Lisbonne soit mieux comprise, mieux suivie et donc plus efficace.
Toute la question est de savoir ce qui doit être considéré comme essentiel dans les années qui viennent.
Nul doute que fait partie de l'essentiel tout ce qui peut renforcer la croissance, améliorer la compétitivité de nos économies et permettre à chacun d'avoir un emploi sûr, de qualité et rémunérateur.
Mais si la croissance et l'emploi sont les ingrédients essentiels du progrès social et s'ils sont une condition nécessaire pour assurer la pérennité de nos systèmes sociaux dont l'avenir, sans cela, serait menacé, ils ne sont pas en eux même générateurs de progrès de la solidarité et de la cohésion des sociétés. Nous savons pertinemment que des sociétés développées peuvent rester des sociétés profondément inégalitaires.
Eradiquer la pauvreté, combattre les exclusions et discriminations, réduire le plus rapidement possible les disparités économiques et sociales au sein de l'Union, sont des choses tout aussi essentielles.
Comment pourrait-on affirmer que le développement de l'emploi suffit à répondre aux problèmes de pauvreté, d'exclusion, de discriminations ou d'inégalités ?
Je ne vois pas pourquoi une stratégie européenne centrée sur l'essentiel devrait faire l'économie d'ambitions renouvelées pour affronter ces problèmes. Qui ici, au Conseil chargé de l'emploi et des affaires sociales dira à ses concitoyens : " attendez le retour de la prospérité et vous verrez, le progrès social s'ensuivra et nos sociétés deviendront plus justes "
Certes, nous nous félicitons de la prise en compte dans les propositions de la Commission de la prise en compte de l'initiative en faveur d'un Pacte pour la Jeunesse que nous avons initiée avec quelques partenaires. Mais ce Pacte ne peut résumer à lui seul la nécessaire dimension sociale de la stratégie de Lisbonne.
Le message politique de notre Conseil au Conseil européen ne peut pas ignorer les réalités quotidiennes de nos concitoyens : nous savons tous ici parfaitement que la croissance est nécessaire mais non suffisante. Nous ne pouvons donc pas accepter que les messages clés préparés pour nous conjointement par le comité de l'emploi et le comité de protection sociale ne reflètent pas cette vérité de bon sens. La France demande donc instamment à la Présidence de reformuler le premier paragraphe des messages clés de la façon suivante : " le Conseil EPSSCO prend note du recentrage sur la croissance et l'emploi proposée par la communication de la Commission, comme réponse aux trois enjeux majeurs auxquels l'Europe doit faire face aujourd'hui , mais tient à rappeler son attachement aux trois piliers indissociables et d'égale importance de la stratégie de Lisbonne : le pilier économique, le pilier social et le pilier environnemental. "
Il ne peut y avoir de stratégie à deux vitesses. L'une dont le Conseil européen serait le gardien vigilant, et l'autre qui intéresserait seulement quelques formations spécialisées du Conseil.
C'est pourquoi la France demande que la gouvernance de la stratégie révisée fasse toute sa place à la cohésion sociale et que le Conseil EPSSCO puisse, dans ce cadre, exercer pleinement ses responsabilités Le Conseil européen doit s'assurer chaque année que les progrès en matière de croissance et d'emploi servent bien au renforcement de la cohésion sociale. Les programmes d'action nationaux et le rapport intégré de la Commission doivent pour cela comporter quelques grands objectifs partagés de cohésion sociale, mesurables par des indicateurs communs reconnus. L'évolution du taux de pauvreté et la réduction des disparités intracommunautaires font partie des choses à examiner systématiquement.
J'ai le sentiment, en m'exprimant ainsi, d'avoir répondu à deux des quatre questions que la présidence nous a posées. J'en viens maintenant aux questions 3 et 4.
Nous partageons les grandes orientations de l'Agenda social et la méthode proposée pour le mettre en oeuvre, s'appuyant sur des moyens d'action diversifiés conjuguant les responsabilités des pouvoirs publics, des partenaires sociaux et de la société civile. Il n'omet aucun des domaines du champ social et les aborde de façon plus complète et circonstanciée que le " Lisbon action plan " qui donne parfois l'impression de faire rentrer le social au chausse-pied dans les souliers trop petits de la croissance et de l'emploi
Je noterai au passage quelques questions qui me paraissent essentielles :
- L'impératif des solidarités intergénérationnelles.
- L'anticipation et l'accompagnement des restructurations.
- La qualité du travail.
- Le développement du dialogue social et de la négociation collective.
- La promotion d'objectifs de développement social dans les relations extérieures de l'Union pour promouvoir le travail décent et éviter la concurrence par le moins disant social.
- La clarification du rôle des services sociaux d'intérêt général (à distinguer des autres services dans le cadre de la remise à plat de la directive " services ", telles que le Président de la République l'a demandée) et la reconnaissance de leur spécificité dans l'économie de marché.
Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mes chers collègues, nous avons, pour les années à venir, beaucoup à faire pour les Européens en matière d'emploi et de protection sociale. Je n'ignore pas que nos opinions peuvent différer sur certains points, mais nous nous trouverons tous d'accord pour dire que la cohésion sociale est au cur de notre stratégie de développement et que l'Europe des femmes et des hommes doit avancer au même rythme que l'Europe des biens et services.
Monsieur le président, votre grande expérience sociale et européenne est aujourd'hui une chance pour notre conseil. Nous aimerions que la présidence trouve le meilleur moyen - soit par des conclusions de la présidence soit au minimum en révisant, comme je l'ai proposé tout à l'heure, les messages clés- de porter cette exigence et cette ambition au Sommet Social Tripartite et au Conseil européen : les progrès de la cohésion sociale doivent être évalués chaque année par nos chefs de gouvernement, réunis au Conseil européen de printemps.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 4 mars 2005)
Monsieur le Commissaire,
Mes chers Collègues
Mesdames, Messieurs,
Plus que les années précédentes, la préparation de nos messages au Conseil de printemps revêt une importance particulière.
Il s'agit, en effet, d'envisager les orientations stratégiques de l'Union pour les 5 ans à venir et nous nous devons de faire entendre notre voix au Conseil européen, d'exercer pleinement notre responsabilité de ministres chargés de l'emploi et des politiques sociales.
Cette responsabilité est d'autant plus lourde alors que nos pays se préparent à la ratification du traité constitutionnel -je salue à cet égard les résultats obtenus en Espagne- et que le débat sur la dimension sociale de la construction européenne a pris -c'est particulièrement vrai en France dans la perspective du référendum- une acuité particulière.
Nous devons tout à la fois convaincre nos citoyens que l'Europe élargie est une chance pour garantir leur avenir et leur bien être individuel et collectif, et les appeler à aborder avec confiance les changements qu'imposent la compétition économique mondiale et notre vieillissement démographique. C'est à ces deux conditions qu'ils adhèreront à la stratégie de Lisbonne, car ils comprendront qu'elle se fait avec eux et pour eux.
La Commission, dans son rapport de printemps, souligne que les objectifs définis il y a cinq ans restent inchangés. Toutefois elle nous propose de nous centrer sur l'essentiel, pour que la stratégie de Lisbonne soit mieux comprise, mieux suivie et donc plus efficace.
Toute la question est de savoir ce qui doit être considéré comme essentiel dans les années qui viennent.
Nul doute que fait partie de l'essentiel tout ce qui peut renforcer la croissance, améliorer la compétitivité de nos économies et permettre à chacun d'avoir un emploi sûr, de qualité et rémunérateur.
Mais si la croissance et l'emploi sont les ingrédients essentiels du progrès social et s'ils sont une condition nécessaire pour assurer la pérennité de nos systèmes sociaux dont l'avenir, sans cela, serait menacé, ils ne sont pas en eux même générateurs de progrès de la solidarité et de la cohésion des sociétés. Nous savons pertinemment que des sociétés développées peuvent rester des sociétés profondément inégalitaires.
Eradiquer la pauvreté, combattre les exclusions et discriminations, réduire le plus rapidement possible les disparités économiques et sociales au sein de l'Union, sont des choses tout aussi essentielles.
Comment pourrait-on affirmer que le développement de l'emploi suffit à répondre aux problèmes de pauvreté, d'exclusion, de discriminations ou d'inégalités ?
Je ne vois pas pourquoi une stratégie européenne centrée sur l'essentiel devrait faire l'économie d'ambitions renouvelées pour affronter ces problèmes. Qui ici, au Conseil chargé de l'emploi et des affaires sociales dira à ses concitoyens : " attendez le retour de la prospérité et vous verrez, le progrès social s'ensuivra et nos sociétés deviendront plus justes "
Certes, nous nous félicitons de la prise en compte dans les propositions de la Commission de la prise en compte de l'initiative en faveur d'un Pacte pour la Jeunesse que nous avons initiée avec quelques partenaires. Mais ce Pacte ne peut résumer à lui seul la nécessaire dimension sociale de la stratégie de Lisbonne.
Le message politique de notre Conseil au Conseil européen ne peut pas ignorer les réalités quotidiennes de nos concitoyens : nous savons tous ici parfaitement que la croissance est nécessaire mais non suffisante. Nous ne pouvons donc pas accepter que les messages clés préparés pour nous conjointement par le comité de l'emploi et le comité de protection sociale ne reflètent pas cette vérité de bon sens. La France demande donc instamment à la Présidence de reformuler le premier paragraphe des messages clés de la façon suivante : " le Conseil EPSSCO prend note du recentrage sur la croissance et l'emploi proposée par la communication de la Commission, comme réponse aux trois enjeux majeurs auxquels l'Europe doit faire face aujourd'hui , mais tient à rappeler son attachement aux trois piliers indissociables et d'égale importance de la stratégie de Lisbonne : le pilier économique, le pilier social et le pilier environnemental. "
Il ne peut y avoir de stratégie à deux vitesses. L'une dont le Conseil européen serait le gardien vigilant, et l'autre qui intéresserait seulement quelques formations spécialisées du Conseil.
C'est pourquoi la France demande que la gouvernance de la stratégie révisée fasse toute sa place à la cohésion sociale et que le Conseil EPSSCO puisse, dans ce cadre, exercer pleinement ses responsabilités Le Conseil européen doit s'assurer chaque année que les progrès en matière de croissance et d'emploi servent bien au renforcement de la cohésion sociale. Les programmes d'action nationaux et le rapport intégré de la Commission doivent pour cela comporter quelques grands objectifs partagés de cohésion sociale, mesurables par des indicateurs communs reconnus. L'évolution du taux de pauvreté et la réduction des disparités intracommunautaires font partie des choses à examiner systématiquement.
J'ai le sentiment, en m'exprimant ainsi, d'avoir répondu à deux des quatre questions que la présidence nous a posées. J'en viens maintenant aux questions 3 et 4.
Nous partageons les grandes orientations de l'Agenda social et la méthode proposée pour le mettre en oeuvre, s'appuyant sur des moyens d'action diversifiés conjuguant les responsabilités des pouvoirs publics, des partenaires sociaux et de la société civile. Il n'omet aucun des domaines du champ social et les aborde de façon plus complète et circonstanciée que le " Lisbon action plan " qui donne parfois l'impression de faire rentrer le social au chausse-pied dans les souliers trop petits de la croissance et de l'emploi
Je noterai au passage quelques questions qui me paraissent essentielles :
- L'impératif des solidarités intergénérationnelles.
- L'anticipation et l'accompagnement des restructurations.
- La qualité du travail.
- Le développement du dialogue social et de la négociation collective.
- La promotion d'objectifs de développement social dans les relations extérieures de l'Union pour promouvoir le travail décent et éviter la concurrence par le moins disant social.
- La clarification du rôle des services sociaux d'intérêt général (à distinguer des autres services dans le cadre de la remise à plat de la directive " services ", telles que le Président de la République l'a demandée) et la reconnaissance de leur spécificité dans l'économie de marché.
Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mes chers collègues, nous avons, pour les années à venir, beaucoup à faire pour les Européens en matière d'emploi et de protection sociale. Je n'ignore pas que nos opinions peuvent différer sur certains points, mais nous nous trouverons tous d'accord pour dire que la cohésion sociale est au cur de notre stratégie de développement et que l'Europe des femmes et des hommes doit avancer au même rythme que l'Europe des biens et services.
Monsieur le président, votre grande expérience sociale et européenne est aujourd'hui une chance pour notre conseil. Nous aimerions que la présidence trouve le meilleur moyen - soit par des conclusions de la présidence soit au minimum en révisant, comme je l'ai proposé tout à l'heure, les messages clés- de porter cette exigence et cette ambition au Sommet Social Tripartite et au Conseil européen : les progrès de la cohésion sociale doivent être évalués chaque année par nos chefs de gouvernement, réunis au Conseil européen de printemps.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 4 mars 2005)