Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Chancelier,
Madame et Messieurs les Ministres,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Plus que tout autre, cette année 2005 nous conduit à nous souvenir et à tirer de nouvelles leçons. Notre passé est fait de guerres et de déchirements : un passé dans lesquels la barbarie a précipité dans la mort des dizaines de millions d'Européens ; un passé dans lequel nombre d'Etats, en Europe, n'étaient ni souverains ni libres, et c'était le cas de l'Autriche avant le Traité de 1955.
Ce passé n'est pas très lointain : soixante ans ! Moins qu'une vie d'homme. Se terminait alors la Deuxième Guerre mondiale et, avec elle, la barbarie nazie. Le monde découvrait l'horreur des camps. Et immédiatement après, l'Europe était coupée en deux.
Et pourtant, quelques hommes politiques courageux et audacieux ont apporté la preuve qu'il n'y a pas de fatalité à la division et aux conflits entre européens.
Sur ces ruines, ils ont décidé de construire un avenir différent, un avenir de paix et de progrès partagé, en mutualisant nos ressources, notre action, nos projets.
Depuis cinquante ans, ce projet européen, dont nous sommes à la fois les héritiers et les acteurs, a toujours respecté trois exigences :
- d'abord, le refus pour toujours, entre nous, Européens, du nationalisme et de la guerre qui l'accompagne. Ces guerres entre Européens, ce sont des "guerres civiles", disait Victor Hugo.
- Le mémorial de Berlin, en souvenir des Juifs assassinés d'Europe, nous le rappellera : le rejet du racisme, de l'antisémitisme et de toute forme de xénophobie, le respect des Droits de l'Homme sont des valeurs essentielles, sacrées. Les Européens ont fait la promesse de les défendre, ensemble et chacun pour tous.
- Et puis, il y a le combat pour la liberté et la souveraineté. Le Traité d'Etat autrichien en est un très bel exemple.
Il y a cinquante ans, les représentants des quatre puissances alliées et du gouvernement autrichien apposaient leurs signatures au bas du Traité d'Etat, et l'Autriche recouvrait ainsi sa pleine souveraineté et toute sa place dans le concert des nations.
Cet accord montrait la voie à une future réunification de l'Europe. C'était aussi un premier signe de détente entre l'Est et l'Ouest. Enfin, justice était rendue au courage et à la détermination avec laquelle le peuple autrichien a su, dans les années difficiles de l'après-guerre, entreprendre le redressement moral, démocratique et économique de sa nation. Une "renaissance" avez-vous écrit, Monsieur le Chancelier.
Il y a entre nous, Européens, une troisième exigence : la recherche du progrès en commun, sans rien nier de notre diversité et de nos identités nationales. C'est tout le sens de la construction européenne, engagée il y a 55 ans exactement.
Le 9 mai 1950, Robert Schuman lançait le défi d'une Europe unie, économiquement forte et socialement responsable. Ce défi a été relevé par les Européens, portés par la volonté de réconciliation. L'Autriche a rejoint cet ensemble il y a 10 ans, en 1995. Pour la deuxième fois de son histoire, elle en assumera la présidence au 1er semestre 2006. Votre pays joue un rôle essentiel dans l'Europe d'aujourd'hui, à l'endroit névralgique où vous êtes, au centre, au coeur de l'Europe réunifiée.
Cette Europe, nous l'avons construite pour progresser ensemble, mais aussi pour être plus forts et capables de consolider et d'équilibrer notre alliance avec l'Amérique, mais encore pour nouer des partenariats solides avec nos voisins, et en particulier la Russie, dont l'histoire s'est si étroitement et depuis si longtemps mêlée à la nôtre.
Cinquante-cinq ans après l'appel de Robert Schuman, quarante-huit ans après le premier Traité de Rome, qui ne voit les raisons d'être ensemble ? La paix, encore et toujours la paix. La démocratie, encore et toujours la démocratie !
Et puis, dans le monde tel qu'il est, tel qu'on doit le voir : en désordre, souvent dangereux, avec tant d'injustice, comment se protéger, comment se faire respecter, comment se faire entendre autrement qu'en étant ensemble !
Le projet européen doit ainsi se poursuivre et s'adapter à la fois. Notre défi aujourd'hui, avec notre nouvelle Constitution, est d'y mettre davantage de citoyenneté, d'humanisme, de gouvernance économique, de politique.
Mesdames et Messieurs,
Ce 15 mai 2005 est un jour heureux pour l'Autriche. Le souvenir et l'espérance à la fois. C'est donc un jour heureux pour vos partenaires européens et vos amis, et en particulier pour la France, qui s'honore d'avoir été présente, aux côtés de l'Autriche, depuis lors.
Je veux simplement conclure en assurant le peuple autrichien de notre amitié, et de notre confiance dans cet avenir désormais partagé.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 2005)