Message de M. Christian Poncelet, Président du Sénat, sur la lutte contre les discriminations, le racisme, le communautarisme et sur le multiculturalisme de la France, Paris le 2 avril 2005.

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Circonstance : Ouverture du colloque "Le printemps de la diversité en France", au Sénat le 2 avril 2005

Texte intégral

Chers amis,
D'emblée, je voudrais vous souhaiter la plus cordiale bienvenue, ici, au Sénat de la République. Vous êtes ici chez vous, dans cette Maison d'une République où trop nombreux encore sont celles et ceux qui peinent à y trouver leur place.
Permettez-moi ensuite de vous dire le regret qui est le mien de ne pas être des vôtres aujourd'hui, pour cette rencontre consacrée à la diversité en France.
Ce regret est d'autant plus sincère que le thème de votre journée " Le Printemps de la diversité en France " m'apparaît fondamental en ces temps où notre vouloir vivre ensemble est sérieusement menacé par des dérives communautaristes, une montée des intégrismes et une progression du repli identitaire.
Comme vous, je veux être positif et j'espère que le printemps de la diversité ne va pas tarder à éclore en France. Je crois que nous nous en approchons et que nous parvenons tout juste à sortir d'un l'hiver rigoureux. Pourtant, force est de constater que le combat pour la diversité n'est pas gagné. Loin s'en faut !
La diversité est une réalité française : elle est un visage de la France et une richesse pour la France ; cette France, terre d'accueil, patrie des droits de l'homme.
Il nous revient en effet d'animer et de faire vivre ce débat. La situation n'est plus acceptable. Nous ne pouvons plus nous voiler la face. Nous nous devons de nous emparer de ce sujet certes difficile mais essentiel pour l'avenir de notre pays et la survie de nos valeurs républicaines : l'intégration républicaine doit être une priorité.
Il est urgent que nous renforcions notre arsenal de lutte contre les discriminations de toute nature, contre le racisme, contre l'antisémitisme, contre l'homophobie. Un premier pas, et il est de taille, a été franchi, avec la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Il est primordial pour la République elle-même que la société traite de manière égale l'ensemble de ses citoyens.
La force de notre pays est son multiculturalisme. La République française est riche de sa diversité : elle est noire, elle est blanche. En un mot elle est métissée. Elle est plurielle. Elle est " arc-en-ciel ".
Mais le chemin qui est à parcourir donne le vertige tant le retard de la France est important. Pourtant traiter les conséquences en occultant les causes équivaut à se contenter de mettre un couvercle sur une marmite...
La lutte contre les discriminations est une de ses conséquences. Le manque de représentation des minorités en est une des causes engendrant frustrations, rejet des valeurs de notre République, crise identitaire, repli communautaire, racisme...
C'est ensemble, élus, membres associatifs, intellectuels éclairés et politiques engagés, que nous parviendrons à donner du sens à la vie de certains de nos jeunes concitoyens qui, faute de repères et de perspective d'avenir, sont devenus schizophrènes : Qui sont-ils ? Que représentent-ils ? Quelle place la République leur laisse-t-elle ? Comment vivre sa citoyenneté française sans renier ses racines ?
La seule communauté que je reconnaisse en France, c'est la communauté de citoyens qui forme notre République.
Autant de questions face auxquelles, trop souvent, ils se retrouvent seuls car, comme le disait si bien Kateb YACINE, " Tout est symbole pour celui qui n'a plus rien à lire ".
Traiter les causes. Le pari à relever est de taille : refuser l'humiliation ou l'absence de perspectives dont sont victimes de nombreux citoyens français issus ou dont les parents sont issus de l'immigration.
Notre pays a besoin d'une véritable politique publique d'intégration, structurée et coordonnée. C'est un enjeu majeur, c'est un enjeu d'avenir.
Je suis convaincu que la valeur de l'exemple, la méritocratie républicaine peut contribuer à relancer l'ascenseur social et à faire repartir la machine à intégrer.
La République doit demeurer une communauté de citoyens et non devenir une fédération de communautés. Je refuse de cataloguer mes concitoyens en fonction de la couleur de leur peau, de leurs origines ou de leur religion.
Mais, les tenants, soi-disant modernistes, d'un communautarisme à l'anglo-saxonne finiront par l'emporter si nous ne sommes pas capables de nous doter, dans les meilleurs délais, des moyens budgétaires indispensables à une véritable relance de la machine à intégrer, c'est-à-dire à une remise en marche du creuset républicain.
Telle est la France : pleine de force, de vie, de talents qu'elle ignore parfois. En tant que Président du Sénat, assemblée parlementaire à part entière, et aussi, c'est un plus, représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République, je continuerai à militer en faveur d'une politique structurelle de l'égalité des chances.
Mesdames, Messieurs, laissez moi vous dire fois encore mes souhaits de cordiale bienvenue, ici au Sénat de la République française.
Je forme des vux de plein succès pour vos travaux qui contribueront, à n'en pas douter, à bâtir une société aux couleurs de ses citoyens !
(Source http://www.senat.fr, le 7 avril 2005)