Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la politique gouvernementale et sur la nécessité de faire l'unité au sein de l'opposition afin de préparer l'alternance, Le Croisic, le 28 septembre 2000.

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Circonstance : Journées parlementaires du RPR au Croisic (Loire-atlantique) les 28 et 29 septembre 2000

Texte intégral

Madame la Présidente,
Messieurs les présidents des groupes parlementaires du R.P.R. de l'Assemblée nationale
et du Sénat,
Chers compagnons et amis,
Mesdames, Messieurs,
En guise d'introduction à nos travaux à huis clos, je voudrais vous faire partager l'optimisme raisonné que m'inspire la situation politique de notre pays.
Certes une hirondelle ne fait pas le printemps, mais plusieurs peuvent l'annoncer et constituer les signes précurseurs de lendemains qui chantent.
En effet, force est de constater que de gros nuages, lourds d'orages et peut-être de tempête, s'amoncellent sur la tête du Gouvernement.
Tout d'abord, la majorité plurielle devient de plus en plus plurielle et de moins en moins majoritaire. Elle se rétracte comme une peau de chagrin et devient singulière ou plutôt singulièrement socialiste.
La majorité tangue et le Gouvernement semble affaibli.
Affaibli, le Gouvernement l'est assurément par les départs de poids lourds comme Dominique Strauss-Kahn et Jean-Pierre Chevènement ou de " mammouth " comme Claude Allègre.
D'autres départs sont, d'ores et déjà, programmés comme celui de Martine Aubry, - qui nous laisse sa bombe à retardement des 35 heures pour prendre une pré-retraite à Lille - , ou celui d'Elisabeth Guigou qui aura du mal à conserver son " maroquin ministériel " si elle parvient à s'emparer d'Avignon.
Personne n'est indispensable, mais il me semble que le vivier des talents socialistes commence à se tarir et que la relève des ministres démissionnaires ou démissionnés s'avère de plus en difficile.
Affaibli aussi, parce que la méthode Jospin est désormais contestée par nos concitoyens comme en témoigne la chute brutale de la cote de popularité du Premier ministre. Certes les sondages sont les " yoyos de la démocratie ", mais l'image de Lionel Jospin semble durablement affectée et brouillée.
Le dogme de l'infaillibilité jospinienne a vécu et l'opinion sanctionne les " ratés " du plan fiscal, à finalité clientèliste et électoraliste de Laurent Fabius dont les baisses d'impôt, plus ou moins virtuelles, sont effacées par la hausse réelle du prix de l'essence.
Les Françaises et les Français sanctionnent la gestion aventureuse du dossier Corse avec l'absence d'un préalable indispensable, lors de la négociation des accords de Matignon, celui du renoncement à la violence et le flou soigneusement entretenu autour d'une éventuelle amnistie.
Ils s'insurgent contre la part trop belle faite à une faction minoritaire d'extrémistes anti-français au détriment de l'unité de la République.
Comme les habitants d'Ajaccio l'ont fait, dimanche dernier, nos concitoyens diront bientôt " Non " au compromis de Matignon...
Par ailleurs, les Françaises et les Français commencent à être agacés par la culture d'irresponsabilité du Premier ministre qui ne sait dire que " c'est pas moi " lorsque survient une affaire embarrassante comme l'affaire des paillotes ou celle de la cassette.
Mais surtout nos concitoyens condamnent l'immobilisme de Lionel Jospin, qui leur propose des réformes institutionnelles ou des gesticulations modernistes, au lieu de s'attaquer aux vrais problèmes de leur vie quotidienne. Ces préoccupations, laissées sans réponse, ont pour nom : insécurité, allégement de la fiscalité, financement des retraites, réforme du système éducatif ou accroissement du pouvoir d'achat au moment même où la croissance commence à montrer des signes d'essoufflement.
Nos concitoyens estiment que les politiques se fourvoient dans des combats douteux et des débats oiseux.
Mais au même moment, ils nous adressent une demande de vraie politique et nous pressent d'apporter des réponses concrètes à leurs préoccupations quotidiennes.
Tel est, à mon avis, le sens du message que nous a adressé, dimanche dernier, l'immense armée des abstentionnistes.
Enfin, dernière hirondelle annonciatrice du printemps de 2002 : le Sénat est requinqué et il a retrouvé toute son audience auprès des élus locaux qui sont de bons leaders d'opinion.
Une majorité divisée, un Gouvernement affaibli, une méthode contestée, un Sénat requinqué, tous ces signes, maintenant apparents, sont autant de facteurs d'optimisme.
Mais nous ne gagnerons les élections législatives, comme commencent à l'indiquer certains sondages, que si nous sommes unis.
Cette dynamique de l'unité, qui est la clef de la réussite de l'opposition, nous est, d'ailleurs, imposée, de manière catégorique, par le calendrier électoral de 2002.
L'unité est une ardente obligation car nous serons, lors des législatives, interrogés sur l'identité de notre champion commun pour les présidentielles - qui interviendront dans la foulée -, et jugés sur la cohérence de notre programme.
Loin d'être un handicap insurmontable, ce calendrier, qui certes bride certaines ambitions présidentielles, me semble constituer une chance pour l'opposition si elle respecte le devoir d'unité.
C'est pourquoi nous devons tuer dans l'oeuf toute initiative que certains seraient tentés de prendre pour inverser le calendrier électoral avec la complicité des socialistes.
Nos compatriotes ne comprendraient d'ailleurs pas une telle manoeuvre qu'ils seraient prompts à qualifier de " magouille politicienne ".
Unie, l'opposition doit l'être, toutes tendances confondues et toutes ambitions ravalées, en se regroupant autour d'un champion qui ne peut être que Jacques Chirac : par l'engouement populaire qu'il sait susciter, Jacques Chirac est le seul candidat qui soit en mesure de nous permettre de conserver la Présidence de la République.
Unie, l'opposition doit l'être, toutes tendances confondues, en se regroupant autour d'un projet d'alternance.
Plus aucune question fondamentale, que se soit l'Europe ou la décentralisation, ne divise désormais les différentes composantes de l'opposition.
Nous devons donc élaborer, dans les meilleurs délais, un projet d'alternance, en rupture avec le matérialisme des socialistes.
Il s'agit de bâtir un projet qui replace l'homme au centre d'une société fondée sur le primat de la personne humaine, le respect de l'initiative privée, le sens de la responsabilité, le devoir de solidarité et la libération des énergies locales.
Ce projet novateur doit émaner de nos partis politiques et de nos groupes parlementaires.
C'est à cette tâche que s'est attelée la réunion des présidents des groupes parlementaires de l'opposition à l'Assemblée nationale et de la majorité au Sénat, - qui fonctionne bien - ,en créant les Ateliers de l'alternance.
Plusieurs thèmes, comme le financement des retraites ou la sécurité, qui déboucheront pour chacun d'entre eux sur la tenue d'une convention, sont d'ores et déjà à l'étude.
D'autres suivront comme, notamment, la santé, la fiscalité, l'enseignement, l'environnement et la décentralisation.
Il ne s'agira pas d'élaborer un catalogue digne de " La Redoute " ou de dresser un inventaire à la Prévert, mais de bâtir une plate forme de Gouvernement comportant quelques mesures phares.
Au terme de cet exercice unitaire et après les échéances électorales de 2002, le temps sera alors venu de passer à l'étape suivante et de nous doter d'une structure commune à l'ensemble de nos familles politiques c'est-à-dire un parti unique avec des courants, conçus comme des espaces d'expression de sensibilités et non comme des écuries présidentielles.
Pour conclure ce propos, dicté par l'optimisme et l'enthousiasme, je voudrais, chers compagnons, nous exhorter à revivre les racines, les sources et les valeurs de notre engagement gaulliste.
N'oublions pas que le message du Général de Gaulle demeure d'une grande actualité avec sa lutte pour un Etat impartial et au-dessus de tous soupçons, son combat pour l'homme, - " la seule querelle qui vaille " - , et son action pour une France moderne, dynamique et solidaire.
Restons fidèles à cet enseignement pour le bien de nos concitoyens et de notre pays.
(Source http://www.senat.fr, le 22 novembre 2000)