Texte intégral
(Entretien de Michèle Alliot-Marie avec Europe 1, le 2 mars 2004)
Stéphane Soumier :
Le ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie est en direct avec nous. Bonjour madame Alliot-Marie.
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Q- Une première question sur l'ancien président Aristide, il dit " qu'il se sent comme en prison en République Centrafricaine, sous la garde d'officiers français. "
R- Le président Aristide a demandé à être accueilli en RCA pour quelque temps, en attendant d'aller dans une destination définitive. Aujourd'hui, il est protégé et non pas emprisonné. Dès qu'il voudra partir, il pourra partir.
Q- Mais protégé par des officiers français ?
R- Actuellement, en RCA qui a connu une grave crise au cours de l'année dernière, un certain nombre d'officiers français sont présents, simplement pour encadrer et pour former les officiers et sous-officiers du pays. C'est donc un bon moyen que d'avoir la garantie que les choses se passent le plus normalement possible. Mais ce n'est pas du tout la France qui " contrôlerait " les allées et venues du président.
Q- On l'a bien compris, vous voulez le protéger, pour vous, il s'agit de protéger Aristide.
R- Il s'agit simplement que son séjour transitoire en RCA se passe dans des conditions normales.
Q- Quelle est la mission exacte, maintenant, des forces qui se déploient en Haïti ?
R- Les forces qui se déploient en Haïti ont trois missions. La première, c'est bien entendu d'assurer la sécurité de nos compatriotes et des Européens qui peuvent être en Haïti. C'est d'ailleurs ce qui nous avait entraîné depuis déjà quelques jours à envoyer un certain nombre de gendarmes en renfort, et de mettre en alerte des éléments nous permettant éventuellement d'évacuer des personnels. La deuxième action de nos forces, c'est de sécuriser en particulier l'aéroport. Et puis enfin, c'est de participer au retour à une vie normale avec les autres membres de la Communauté internationale, et notamment avec les Américains, en attendant que soit mis en place la force que l'ONU décidera d'envoyer.
Q- Alors c'est ce " participer " au retour de la vie normale qui est un petit peu ambigu. Est-ce que ça veut dire des opérations de police, précises ? On pense notamment au quartier du port ou à certains quartiers du centre ville qui sont encore dévastés par des opérations de pillage. Est ce que là les soldats français peuvent intervenir ?
R- Les soldats français peuvent intervenir dans la mesure où il s'agit de protéger des personnes, et en particulier nos ressortissants. Ensuite, c'est en application de la résolution des Nations Unies qu'ils peuvent intervenir. Mais en République haïtienne, comme d'ailleurs partout dans le monde, le rôle des soldats français, c'est souvent d'essayer de faire en sorte que les gens se parlent. Ils jouent finalement un grand rôle diplomatique en appelant à la raison les responsables de part et d'autre. Je peux vous dire que ce matin, la situation est redevenue calme à Haïti. Ceci dit, il faut savoir que c'est aussi, compte tenu du contexte, une situation extrêmement mouvante. Les forces françaises sur place sont à l'heure où je vous parle au nombre de 200 militaires.
Q- Qui parlent créole d'ailleurs pour beaucoup d'entre eux, j'ai cru comprendre ; ils viennent de Martinique, certains de ces soldats sont martiniquais, parlent créole.
R- Il y en a quelques-uns. Mais il s'agit essentiellement de détachements qui viennent, pour les uns, effectivement de Martinique, mais ce ne sont pas tous des gens originaires de Martinique, car tous les quatre mois, il y a une relève de militaires. D'autre part, il y a un certain nombre de gendarmes qui arriveront de Mont-de-Marsan ainsi qu'une compagnie de légionnaires, venant de Guyane, et qui arrivera demain.
Q- Cela veut dire que ces soldats, enfin leur commandement, va discuter directement avec les rebelles, peut-être même avec le chef des rebelles pour assurer la transition, c'est ce qui se passe en ce moment ?
R- C'est aussi le rôle des militaires de part et d'autre : essayer d'établir des contacts entre toutes les parties prenantes de façon à les convaincre de faire avancer les choses sur un plan politique, et surtout essayer de désarmer ou en tous les cas de neutraliser les gens qui sont armés et qui peuvent créer des troubles.
Q- Neutraliser, cela veut dire, ils vont pouvoir intervenir directement contre ce qu'on appelle ces chimères ?
R- Non. Ce que je disais à l'instant, c'est qu'ils parlent aux chefs des parties en présence pour les convaincre d'empêcher leurs troupes de commettre un certain nombre d'exactions ou de se battre. Ensuite, le problème d'Haïti va être celui des groupes incontrôlés, d'autant, vous le savez, qu'il peut aussi y avoir de l'alcool, voire de la drogue. Avec des gens qui peuvent être ainsi très excités, il y a toujours un danger qui se pose. Les militaires français ont donc comme but le retour au calme, au bénéfice de l'ensemble de la population qui subit déjà depuis plusieurs jours des menaces voire même des agressions.
Convaincre sans obligatoirement agir, merci Madame Alliot-Marie d'avoir été en direct ce matin. On sent quand même que la mission est complexe.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 mars 2004)
(Entretien de Michèle Alliot-Marie avec France info, le 2 mars 2004)
Jean-Michel Blier :
Michèle Alliot-Marie bonjour.
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Q- Il y a aujourd'hui environ, ou il va y avoir, à peu près 500 militaires français en Haïti où la situation semble redevenue calme. Quelle est la mission de ces militaires ?
R- Les militaires français ont été présents très tôt en Haïti. Dès le début du week-end, nous avions envoyé des renforts de gendarmerie, suivis par la suite par d'autres militaires. Les militaires français ont trois missions. La première de ces missions, c'est d'assurer la sécurité des Français, des Européens et, de façon générale, des étrangers qui risqueraient d'être pris dans des combats, ou d'être directement visés. Aujourd'hui, nous sommes d'ailleurs à peu près rassurés sur ce point. La deuxième mission, c'était de sécuriser l'aéroport de façon à permettre le retour le plus rapide possible des vols, ce qui va être fait dans les 48 heures. La troisième mission, c'était de contrôler la transition, pour assurer effectivement une certaine stabilité et éviter le chaos, la dégradation de la situation humanitaire qui n'était pas très brillante et dans l'attente de la Force internationale de l'ONU.
Q- Voilà, alors cela ne préjuge pas de la Force multinationale qui va être mise en place, dans les jours qui viennent, suite à la résolution des Nations Unies, on parle d'une Force de 3 000 à 5 000 hommes.
R- C'est effectivement ce dont on parle aujourd'hui. Le secrétariat général des Nations Unies examine actuellement les besoins pour pouvoir ensuite adapter la Force. Ces forces ont, en général, un grand rôle dissuasif ; il est donc important d'apparaître nombreux et armés pour éviter que l'on en ait besoin et si jamais quelque chose se passe, qu'il puisse y avoir effectivement un moyen d'intervention. En Haïti, aujourd'hui, la situation est calme. Mais il y a beaucoup de groupes incontrôlés, armés, et qui peuvent souvent être sous l'emprise de l'alcool et de la drogue. On peut donc toujours avoir des incidents graves. Et il faut être prêt.
Q- Combien d'hommes la France peut-elle mettre à disposition ?
R- Dans l'immédiat, nous l'avons dit, il y a un peu moins de 500 militaires qui sont prévus. Il y en a environ 400 aujourd'hui, sur terre. Et nous avions en plus pré-positionné des navires qui auraient pu servir aux évacuations de ressortissants si elles avaient été nécessaires. Ils servent aujourd'hui à apporter notamment du matériel, et pourraient aussi également servir de base pour les hélicoptères que nous avons là. Cela, c'est pour la Force actuelle. Ensuite, nous verrons tous les pays sollicités et qui seront essentiellement des pays de la zone participant à cette Force multinationale, et la France, bien entendu, étant dans la zone à travers les Antilles et la Guyane, sera amenée à y participer, d'autant qu'Haïti est un pays francophone. Nous sommes donc attentifs à la situation.
Q- La France pourrait prendre le commandement de cette force multinationale ? On est demandeur ?
R- Non, nous ne sommes pas demandeurs en la matière. Nous verrons mais nous ne sommes effectivement pas demandeurs de ce commandement.
Q- Alors, revenons sur les épisodes de ces derniers jours. Le président Aristide est-il parti de son plein gré, ou a-t-il été enlevé par les militaires américains ?
R- De ce que l'on dit, je ne pense pas qu'il ait été enlevé. Cela a d'ailleurs été démenti très fermement par les Américains. Je dirais qu'il a certainement été incité, poussé à la démission, mais nous avons eu des témoignages sur sa lettre de démission.
Q- Mais il y a aussi des témoins, il y a des témoins, dans le palais présidentiel qui disent que les Américains sont arrivés avec un hélicoptère et qu'ils l'ont embarqué.
R- Ecoutez, je n'étais pas là, vous non plus. Il y a effectivement eu, si j'ai bien lu, un concierge qui a dit ceci ; il y a d'autres témoignages qui vont en sens inverse. De toute façon, je ne pense pas que le problème soit là. Ce qui est important, c'est qu'Haïti puisse sortir du chaos aujourd'hui et que la population haïtienne puisse retrouver des conditions de vie normale et un développement de vie économique qui manque depuis des années.
Q- Et aujourd'hui, il est sous la garde des militaires français, en Centrafrique ?
R- Ah non, absolument pas ! J'ai effectivement entendu, ou lu, des approximations en la matière. Il y a des militaires français en Centrafrique depuis plusieurs mois pour soutenir la Force africaine de la CEMAC qui était intervenue lorsqu'il y avait des troubles et qui connaissait de grosses difficultés - nous avions donc envoyé 300 militaires pour les soutenir -, et en même temps pour aider à la formation de l'armée centrafricaine. Cela n'a rien à voir avec la présence du président Aristide et ils n'ont en rien une mission, ni de protection, ni de sécurisation.
Q- Aujourd'hui, on peut parler d'un rabibochage avec les Etats Unis ?
R- Cette action en Haïti, qui se fait avec une parfaite entente des troupes françaises et des troupes américaines, est peut-être effectivement un symbole de l'action que nous menons ensemble. Mais je dirais que cette action, au niveau des militaires, se mène en parfaite entente depuis longtemps et notamment en Afghanistan, où nos forces spéciales travaillent aux côtés des Américains et reçoivent d'ailleurs les louanges, que ce soit des militaires américains ou des responsables politiques américains, pour l'excellence de leur travail.
Q- On a l'impression qu'il y a une sorte de fatalité qui pèse sur Haïti, depuis des années, des dizaines d'années. Comment on peut restaurer dans ce pays une vie démocratique, un développement économique ?
R- La première des choses, c'est effectivement d'avoir d'abord de vraies élections et c'est ce dont sera aussi chargée la Force multinationale intérimaire. D'autre part, il sera très important de lutter contre tous les trafics qui polluent en quelque sorte la vie politique et économique du pays. Et enfin, il faut aider au développement économique.
Q- il y a peut-être un problème d'éducation et nous, nous avons peut-être une responsabilité aussi, dans cette région ?
R- Dès lors que les conditions démocratiques seront remplies, nous pouvons effectivement jouer un rôle. Pour nous, Haïti est un pays de la francophonie, et nous avons donc tous une responsabilité. De plus, il y a la proximité des Antilles, qui nous donne un regard tout particulier sur Haïti. Nous pourrons effectivement agir pour essayer de faire en sorte que les Haïtiens retrouvent des conditions de vie et de développement économique auxquelles leur environnement, la richesse de leur pays et tout simplement leur liberté fondamentale leur donnent droit.
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Merci Michèle Alliot-Marie.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 5 mars 2004)
Stéphane Soumier :
Le ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie est en direct avec nous. Bonjour madame Alliot-Marie.
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Q- Une première question sur l'ancien président Aristide, il dit " qu'il se sent comme en prison en République Centrafricaine, sous la garde d'officiers français. "
R- Le président Aristide a demandé à être accueilli en RCA pour quelque temps, en attendant d'aller dans une destination définitive. Aujourd'hui, il est protégé et non pas emprisonné. Dès qu'il voudra partir, il pourra partir.
Q- Mais protégé par des officiers français ?
R- Actuellement, en RCA qui a connu une grave crise au cours de l'année dernière, un certain nombre d'officiers français sont présents, simplement pour encadrer et pour former les officiers et sous-officiers du pays. C'est donc un bon moyen que d'avoir la garantie que les choses se passent le plus normalement possible. Mais ce n'est pas du tout la France qui " contrôlerait " les allées et venues du président.
Q- On l'a bien compris, vous voulez le protéger, pour vous, il s'agit de protéger Aristide.
R- Il s'agit simplement que son séjour transitoire en RCA se passe dans des conditions normales.
Q- Quelle est la mission exacte, maintenant, des forces qui se déploient en Haïti ?
R- Les forces qui se déploient en Haïti ont trois missions. La première, c'est bien entendu d'assurer la sécurité de nos compatriotes et des Européens qui peuvent être en Haïti. C'est d'ailleurs ce qui nous avait entraîné depuis déjà quelques jours à envoyer un certain nombre de gendarmes en renfort, et de mettre en alerte des éléments nous permettant éventuellement d'évacuer des personnels. La deuxième action de nos forces, c'est de sécuriser en particulier l'aéroport. Et puis enfin, c'est de participer au retour à une vie normale avec les autres membres de la Communauté internationale, et notamment avec les Américains, en attendant que soit mis en place la force que l'ONU décidera d'envoyer.
Q- Alors c'est ce " participer " au retour de la vie normale qui est un petit peu ambigu. Est-ce que ça veut dire des opérations de police, précises ? On pense notamment au quartier du port ou à certains quartiers du centre ville qui sont encore dévastés par des opérations de pillage. Est ce que là les soldats français peuvent intervenir ?
R- Les soldats français peuvent intervenir dans la mesure où il s'agit de protéger des personnes, et en particulier nos ressortissants. Ensuite, c'est en application de la résolution des Nations Unies qu'ils peuvent intervenir. Mais en République haïtienne, comme d'ailleurs partout dans le monde, le rôle des soldats français, c'est souvent d'essayer de faire en sorte que les gens se parlent. Ils jouent finalement un grand rôle diplomatique en appelant à la raison les responsables de part et d'autre. Je peux vous dire que ce matin, la situation est redevenue calme à Haïti. Ceci dit, il faut savoir que c'est aussi, compte tenu du contexte, une situation extrêmement mouvante. Les forces françaises sur place sont à l'heure où je vous parle au nombre de 200 militaires.
Q- Qui parlent créole d'ailleurs pour beaucoup d'entre eux, j'ai cru comprendre ; ils viennent de Martinique, certains de ces soldats sont martiniquais, parlent créole.
R- Il y en a quelques-uns. Mais il s'agit essentiellement de détachements qui viennent, pour les uns, effectivement de Martinique, mais ce ne sont pas tous des gens originaires de Martinique, car tous les quatre mois, il y a une relève de militaires. D'autre part, il y a un certain nombre de gendarmes qui arriveront de Mont-de-Marsan ainsi qu'une compagnie de légionnaires, venant de Guyane, et qui arrivera demain.
Q- Cela veut dire que ces soldats, enfin leur commandement, va discuter directement avec les rebelles, peut-être même avec le chef des rebelles pour assurer la transition, c'est ce qui se passe en ce moment ?
R- C'est aussi le rôle des militaires de part et d'autre : essayer d'établir des contacts entre toutes les parties prenantes de façon à les convaincre de faire avancer les choses sur un plan politique, et surtout essayer de désarmer ou en tous les cas de neutraliser les gens qui sont armés et qui peuvent créer des troubles.
Q- Neutraliser, cela veut dire, ils vont pouvoir intervenir directement contre ce qu'on appelle ces chimères ?
R- Non. Ce que je disais à l'instant, c'est qu'ils parlent aux chefs des parties en présence pour les convaincre d'empêcher leurs troupes de commettre un certain nombre d'exactions ou de se battre. Ensuite, le problème d'Haïti va être celui des groupes incontrôlés, d'autant, vous le savez, qu'il peut aussi y avoir de l'alcool, voire de la drogue. Avec des gens qui peuvent être ainsi très excités, il y a toujours un danger qui se pose. Les militaires français ont donc comme but le retour au calme, au bénéfice de l'ensemble de la population qui subit déjà depuis plusieurs jours des menaces voire même des agressions.
Convaincre sans obligatoirement agir, merci Madame Alliot-Marie d'avoir été en direct ce matin. On sent quand même que la mission est complexe.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 mars 2004)
(Entretien de Michèle Alliot-Marie avec France info, le 2 mars 2004)
Jean-Michel Blier :
Michèle Alliot-Marie bonjour.
Michèle Alliot-Marie :
Bonjour.
Q- Il y a aujourd'hui environ, ou il va y avoir, à peu près 500 militaires français en Haïti où la situation semble redevenue calme. Quelle est la mission de ces militaires ?
R- Les militaires français ont été présents très tôt en Haïti. Dès le début du week-end, nous avions envoyé des renforts de gendarmerie, suivis par la suite par d'autres militaires. Les militaires français ont trois missions. La première de ces missions, c'est d'assurer la sécurité des Français, des Européens et, de façon générale, des étrangers qui risqueraient d'être pris dans des combats, ou d'être directement visés. Aujourd'hui, nous sommes d'ailleurs à peu près rassurés sur ce point. La deuxième mission, c'était de sécuriser l'aéroport de façon à permettre le retour le plus rapide possible des vols, ce qui va être fait dans les 48 heures. La troisième mission, c'était de contrôler la transition, pour assurer effectivement une certaine stabilité et éviter le chaos, la dégradation de la situation humanitaire qui n'était pas très brillante et dans l'attente de la Force internationale de l'ONU.
Q- Voilà, alors cela ne préjuge pas de la Force multinationale qui va être mise en place, dans les jours qui viennent, suite à la résolution des Nations Unies, on parle d'une Force de 3 000 à 5 000 hommes.
R- C'est effectivement ce dont on parle aujourd'hui. Le secrétariat général des Nations Unies examine actuellement les besoins pour pouvoir ensuite adapter la Force. Ces forces ont, en général, un grand rôle dissuasif ; il est donc important d'apparaître nombreux et armés pour éviter que l'on en ait besoin et si jamais quelque chose se passe, qu'il puisse y avoir effectivement un moyen d'intervention. En Haïti, aujourd'hui, la situation est calme. Mais il y a beaucoup de groupes incontrôlés, armés, et qui peuvent souvent être sous l'emprise de l'alcool et de la drogue. On peut donc toujours avoir des incidents graves. Et il faut être prêt.
Q- Combien d'hommes la France peut-elle mettre à disposition ?
R- Dans l'immédiat, nous l'avons dit, il y a un peu moins de 500 militaires qui sont prévus. Il y en a environ 400 aujourd'hui, sur terre. Et nous avions en plus pré-positionné des navires qui auraient pu servir aux évacuations de ressortissants si elles avaient été nécessaires. Ils servent aujourd'hui à apporter notamment du matériel, et pourraient aussi également servir de base pour les hélicoptères que nous avons là. Cela, c'est pour la Force actuelle. Ensuite, nous verrons tous les pays sollicités et qui seront essentiellement des pays de la zone participant à cette Force multinationale, et la France, bien entendu, étant dans la zone à travers les Antilles et la Guyane, sera amenée à y participer, d'autant qu'Haïti est un pays francophone. Nous sommes donc attentifs à la situation.
Q- La France pourrait prendre le commandement de cette force multinationale ? On est demandeur ?
R- Non, nous ne sommes pas demandeurs en la matière. Nous verrons mais nous ne sommes effectivement pas demandeurs de ce commandement.
Q- Alors, revenons sur les épisodes de ces derniers jours. Le président Aristide est-il parti de son plein gré, ou a-t-il été enlevé par les militaires américains ?
R- De ce que l'on dit, je ne pense pas qu'il ait été enlevé. Cela a d'ailleurs été démenti très fermement par les Américains. Je dirais qu'il a certainement été incité, poussé à la démission, mais nous avons eu des témoignages sur sa lettre de démission.
Q- Mais il y a aussi des témoins, il y a des témoins, dans le palais présidentiel qui disent que les Américains sont arrivés avec un hélicoptère et qu'ils l'ont embarqué.
R- Ecoutez, je n'étais pas là, vous non plus. Il y a effectivement eu, si j'ai bien lu, un concierge qui a dit ceci ; il y a d'autres témoignages qui vont en sens inverse. De toute façon, je ne pense pas que le problème soit là. Ce qui est important, c'est qu'Haïti puisse sortir du chaos aujourd'hui et que la population haïtienne puisse retrouver des conditions de vie normale et un développement de vie économique qui manque depuis des années.
Q- Et aujourd'hui, il est sous la garde des militaires français, en Centrafrique ?
R- Ah non, absolument pas ! J'ai effectivement entendu, ou lu, des approximations en la matière. Il y a des militaires français en Centrafrique depuis plusieurs mois pour soutenir la Force africaine de la CEMAC qui était intervenue lorsqu'il y avait des troubles et qui connaissait de grosses difficultés - nous avions donc envoyé 300 militaires pour les soutenir -, et en même temps pour aider à la formation de l'armée centrafricaine. Cela n'a rien à voir avec la présence du président Aristide et ils n'ont en rien une mission, ni de protection, ni de sécurisation.
Q- Aujourd'hui, on peut parler d'un rabibochage avec les Etats Unis ?
R- Cette action en Haïti, qui se fait avec une parfaite entente des troupes françaises et des troupes américaines, est peut-être effectivement un symbole de l'action que nous menons ensemble. Mais je dirais que cette action, au niveau des militaires, se mène en parfaite entente depuis longtemps et notamment en Afghanistan, où nos forces spéciales travaillent aux côtés des Américains et reçoivent d'ailleurs les louanges, que ce soit des militaires américains ou des responsables politiques américains, pour l'excellence de leur travail.
Q- On a l'impression qu'il y a une sorte de fatalité qui pèse sur Haïti, depuis des années, des dizaines d'années. Comment on peut restaurer dans ce pays une vie démocratique, un développement économique ?
R- La première des choses, c'est effectivement d'avoir d'abord de vraies élections et c'est ce dont sera aussi chargée la Force multinationale intérimaire. D'autre part, il sera très important de lutter contre tous les trafics qui polluent en quelque sorte la vie politique et économique du pays. Et enfin, il faut aider au développement économique.
Q- il y a peut-être un problème d'éducation et nous, nous avons peut-être une responsabilité aussi, dans cette région ?
R- Dès lors que les conditions démocratiques seront remplies, nous pouvons effectivement jouer un rôle. Pour nous, Haïti est un pays de la francophonie, et nous avons donc tous une responsabilité. De plus, il y a la proximité des Antilles, qui nous donne un regard tout particulier sur Haïti. Nous pourrons effectivement agir pour essayer de faire en sorte que les Haïtiens retrouvent des conditions de vie et de développement économique auxquelles leur environnement, la richesse de leur pays et tout simplement leur liberté fondamentale leur donnent droit.
(/)
Merci Michèle Alliot-Marie.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 5 mars 2004)