Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur l'acquisition de nouvelles unités pour la modernisation de la marine nationale, la coopération européenne dans l'industrie d'armement, notamment pour la marine, la restructuration des industries de défense européennes et la réforme de la DCN, Le Bourget le 24 octobre 2000.

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Circonstance : Inauguration du salon "Euronaval" au Bourget le 24 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Représentants des pays étrangers, hôtes de la France,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Délégué général pour l'armement,
Monsieur le Chef d'état-major de la marine,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup d'intérêt que je viens inaugurer aujourd'hui l'exposition "Euronaval 2000". Les chiffres que M. le président du GICAN vient de rappeler attestent de la vitalité et de l'ouverture internationale toujours grandissantes de cette exposition qui sera cette année, j'en suis persuadé, une nouvelle fois un succès.
L'exposition "Euronaval" est en effet tout à la fois une occasion de promouvoir la qualité des technologies françaises et européennes dans le domaine naval militaire et un lieu de rencontres et d'échanges de dimension internationale. Elle est désormais une référence dont aucun acteur important ne peut être absent.

La modernisation de la Marine nationale
Pour appréhender correctement la situation actuelle de notre industrie navale militaire, il faut rappeler l'environnement général de la Marine nationale, qui a aujourd'hui bien engagé sa modernisation, puisqu'elle atteindra dès la fin de cette année son nouveau format.
Grâce à son groupe aéronaval, à ses bâtiments amphibies et à ses sous-marins à propulsion nucléaire, la Marine nationale dispose d'équipements de haute technologie pour répondre au niveau d'exigence technique élevé que requiert l'exercice de ses missions.
La modernisation du groupe aéronaval se poursuit normalement : le porte-avions "Charles de Gaulle" vient d'entrer en service ; cinq "Rafale" en version "marine" seront livrés en 2001, huit seront commandés ainsi que le troisième avion de gué embarqué "Hawkeye".
S'agissant de la force océanique stratégique, j'ai décidé en juillet la commande du quatrième SNLE. Celui-ci reprendra le nom d'un de ses prédécesseurs, "Le Terrible", montrant ainsi la continuité de notre politique de dissuasion.
Une attention particulière est portée au renouvellement de la flotte de surface. Outre la commande prochaine de deux frégates "Horizon", sur lesquelles je reviendrai dans un instant, l'année 2000 sera aussi marquée par la commande relative au programme NTCD (Nouveaux Transports de Chalands de Débarquement). Les deux NTCD viendront renforcer nos capacités amphibies, dont l'importance a été clairement mise en évidence lors des opérations récentes au Kosovo et à Timor. Le contrat correspondant sera signé par DCN à la mi-novembre ; comme je l'avais déjà indiqué en mai, il entrera en vigueur dans le courant du mois de décembre, c'est-à-dire avec plus de 6 mois d'avance sur le calendrier initial du programme. Les deux NTCD seront réalisés sous la maîtrise d'oeuvre industrielle de DCN, dans le cadre d'une étroite coopération entre DCN et les Chantiers de l'Atlantique s'appuyant sur la complémentarité de leurs domaines d'excellence respectifs. Ce démarrage de la phase de conception et de production viendra ainsi renforcer l'activité du bassin brestois a brève échéance.
Je souhaite enfin souligner la collaboration exemplaire de la Marine et de l'Ifremer dans le cadre du programme de construction de deux bâtiments hydro-océanographiques décidé en 2000. Le premier navire sera à vocation très majoritairement militaire tandis que le second, armé par l'Ifremer, sera utilisé en partie par la Marine nationale. Il s'agit là d'un excellent exemple des relations que je souhaite voir se multiplier entre le secteur de la recherche civile d'une part, militaire d'autre part.

la dimension européenne
Cette modernisation de la marine lui permettra de participer activement à la construction de la défense européenne commune que nous sommes en train de construire.
Je vous rappelle qu'à Helsinki, les Européens ont décidé de se donner les moyens militaires nécessaires pour pouvoir défendre leurs intérêts et leurs valeurs de façon autonome. L'objectif est d'être en mesure, d'ici 2003, de déployer en 60 jours, pour une durée au moins égale à un an et hors du territoire de l'Union, une force de réaction rapide de l'importance d'un corps d'armée, soit cinquante à soixante mille hommes.
La prochaine étape sera la conférence d'engagement des capacités qui aura lieu le 20 novembre prochain à Bruxelles, à l'occasion de laquelle chaque Etat indiquera les contributions qu'il apporte à cette force.
Je voudrais une nouvelle fois souligner le rôle essentiel joué par les marines européennes dans ce processus. Pour que les Européens puissent se doter d'une véritable capacité d'action dans la gestion des crises, ils doivent disposer d'une autonomie d'action navale permettant d'agir loin et dans la durée pour la maîtrise du milieu aéro-maritime et le soutien des opérations terrestres.
Dans ce contexte évolutif, le salon "Euronaval" intervient à un moment important pour les industries de défense navales.

La restructuration des industries de défense européennes
La réduction durable des budgets de défense depuis dix ans a rendu nécessaire un processus de consolidation industrielle pour doter l'Europe des capacités industrielles et technologiques nécessaires à l'équipement au meilleur niveau et au moindre coût de nos forces.
Structurée autour de quatre grands groupes (BAE Systems, EADS, Finmeccanica et Thomson CSF) qui développent des liens importants entre eux et avec des industriels d'autres pays européens, l'industrie européenne de défense dans les domaines aéronautique et électronique est aujourd'hui déjà une réalité. C'est un élément important pour les marines européennes, en raison de la part croissante des systèmes de combat, des systèmes d'armes et des moyens de communications dans la conception, la réalisation et l'utilisation des navires.
S'agissant plus directement du secteur de l'industrie navale militaire européenne, une consolidation du même type a débuté avec la reprise des chantiers navals de GEC Marine par Bae Systems et la fusion de Kockums Naval Systems avec le groupe allemand HDW. De multiples partenariats existent par ailleurs, comme celui de DCN et du groupe espagnol "Bazan" sur le sous-marin de type "Scorpène".

La réforme de DCN
En France, les mutations en cours au sein de DCN sont en bonne voie. Permettez-moi de m'y arrêter un instant, car il s'agit d'un axe important de la politique de modernisation que je mène à la tête du ministère de la Défense depuis maintenant plus de trois ans.
La nouvelle organisation est en place. Depuis le 12 avril 2000, DCN est organisée en service à compétence national qui m'est directement rattaché. Ses relations avec la DGA sont désormais identiques à celle des autres industriels du secteur de la Défense.
DCN dispose en outre d'un conseil stratégique pour l'aider dans ce processus de réforme et dans la définition de sa stratégie. Il regroupe, outre les partenaires étatiques de DCN, des personnalités extérieures reconnues du monde industriel.
Le plan d'entreprise destiné à restaurer la compétitivité de DCN est en cours de mise en oeuvre. Il prévoit notamment un ambitieux programme de réduction des coûts à hauteur de 5 Mdfs sur 5 ans, notamment dans le domaine des achats et un plan de réaménagement des sites de DCN incluant 600 MF d'investissements.
D'ici la fin de l'année, les premières mesures d'adaptation du code des marchés publics seront prises pour permettre à DCN de fonctionner selon un mode aussi proche que possible de celui d'une entreprise.
Dans ce contexte, les succès récents à l'exportation, en particulier la vente de corvettes à Singapour, sont des signes particulièrement encourageants pour DCN.
DCN a mis en place avec succès une démarche d'aménagement et de réduction du temps de travail adaptée à ses missions industrielles à l'issue d'un processus de large consultation des syndicats et de l'ensemble des personnels. J'attache une importance toute particulière à ce que les représentants des salariés soient ainsi associés aux évolutions de DCN.
Au total, je suis donc confiant sur la capacité de DCN à atteindre d'ici 2 à 3 ans le niveau de compétitivité de ses principaux concurrents. DCN pourra ainsi répondre aux besoins de la Marine nationale dans les meilleures conditions de coûts, de délais et de performances, mais aussi occuper sur le marché international la place qui lui revient.
DCN sera, avec son partenaire Thomson CSF, un acteur majeur du paysage européen de la construction navale militaire. Les deux partenaires vont constituer une société commune qui assurera la commercialisation et la maîtrise d'oeuvre d'ensemble des navires et des systèmes de combat à l'exportation et des programmes en coopération. L'Etat et Thomson-CSF sont désormais d'accord sur l'activité de cette société et sur son fonctionnement ; le processus d'évaluation financière est largement engagé. La société pourra se mettre en place progressivement d'ici la fin de l'année, étant entendu, qu'en pratique, les bénéfices que nous attendons de ce rapprochement se sont déjà fait sentir depuis plusieurs mois dans la coordination commerciale des deux partenaires à l'exportation, dans la gestion du programme "Horizon" et dans la recherche de partenariats avec les autres acteurs européens.
Le paysage européen va donc progressivement évoluer entre les acteurs concernés de l'industrie navale militaire. Permettez-moi cependant d'insister sur l'intérêt pour les industriels concernés de chercher aussi des partenariats avec des acteurs civils. Il faut suivre l'exemple de l'industrie aéronautique. A ce titre, je me réjouis du souhait des Chantiers de l'Atlantique de développer des partenariats avec DCN, par exemple à l'occasion du programme "NTCD".

Le rôle des Etats dans ce processus de consolidation
S'il est vrai que les industriels doivent s'organiser, il importe aussi que les Etats européens accompagnent de leur côté ce mouvement de restructuration.
Les six Etats les plus concernés par ces questions (l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, la Suède et la France) ont signé en 1998 la LoI (Letter of intent), destinée à harmoniser et simplifier les règles applicables aux industries de défense. L'accord-cadre qui met en oeuvre cette lettre d'intention a été signé le 27 juillet dernier.
L'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement - l'OCCAR - opère aujourd'hui sa montée en puissance et suscite des marques d'intérêts de nouveaux partenaires. L'OCCAR favorisera le développement de programmes en coopération, notamment dans le domaine naval.

Les programmes en coopération
Le caractère mobilisateur de la politique décidée par les Etats pour constituer une Europe de la défense y contribuera également.
C'est déjà le cas pour le programme de frégates antiaériennes "Horizon", dont la production s'appuie sur une coopération industrielle importante entre la France et l'Italie Il constitue une avancée déterminante pour les marines des deux pays, et marque une étape importante dans le développement de la coopération européenne dans le domaine naval militaire. Un mois après la signature, le 22 septembre dernier, de l'accord de coopération franco-italien, le contrat sera notifié aux industriels concernés (DCN, Thomson CSF, Fincantieri, Finmeccanica) à l'occasion de ce salon.
Les systèmes qui équiperont ces frégates sont également réalisés en coopération européenne. C'est le cas notamment du système principal de missiles anti-aériens PAAMS. Son développement et sa production initiale ont été lancés par la France, l'Italie et le Royaume-Uni en août 1999.
L'hélicoptère de transport et de lutte anti sous-marine et anti-navire NH 90 est lui aussi issu d'une coopération fructueuse entre Etats européens (la France, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas). La phase de fabrication a été lancée fin juin.
Enfin, le programme franco-italien de torpilles légère MU 90 est en phase de fabrication. 50 exemplaires seront livrés au titre du budget 2001. C'est un excellent exemple du caractère fédérateur d'une coopération d'armement pour les industriels impliqués, en l'occurrence DCN, Thomson CSF et l'entreprise italienne WASS : en complément de la collaboration sur la MU 90, les industriels ont en effet signé en juillet 2000 un accord de commercialisation de leurs torpilles lourdes. J'espère que la multiplication des coopérations techniques et commerciales dans ce domaine entre les industries françaises et italiennes pourra déboucher, le moment venu, sur une alliance encore plus large.
La multiplication des programmes en coopération constitue donc une opportunité forte pour l'avenir de ce secteur industriel et donc pour la capacité de l'Europe de disposer de façon durable des équipements nécessaires à nos marines. Les Etats européens devront, pour les programmes à venir, tout faire pour rapprocher leur besoin et monter des programmes communs. Je pense notamment au renouvellement des frégates. D'après certaines estimations, le marché européen s'élèverait à 50 frégates. Cela constitue donc potentiellement un projet fédérateur pour l'industrie européenne dans les années à venir.
Conclusion et voeux
Pour conclure, j'adresse mes voeux de bienvenue aux nombreuses délégations officielles étrangères qui, à notre invitation, ont accepté de venir au salon Euronaval 2000. Vous trouverez ici des équipements de haute technologie de nature à répondre à vos besoins de Défense. Je souhaite que votre séjour à Paris soit l'occasion de renforcer les liens de coopération opérationnels et industriels qui existent entre nos pays et de trouver de nouveaux axes de travail en commun.
La présence de nombreux exposants étrangers que je salue également est la preuve du rayonnement et du dynamisme de ce salon.
Cette internationalisation du salon élargit le dialogue et les échanges entre les différents acteurs de ce secteur industriel. Elle permet de créer à la fois une saine émulation, source de progrès technologiques, et une confiance réciproque qui forme la base des projets de coopération.
Je souhaite enfin souligner la présence de PME-PMI. L'important tissu de petites et moyennes entreprises joue en effet un rôle fondamental pour l'avenir de notre outil de défense, au regard notamment de sa capacité d'innovation et de son poids dans l'économie.
C'est donc avec un grand intérêt que je vais maintenant visiter les stands de cette exposition pour rencontrer et écouter les partenaires./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2000)