Entretiens de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec Europe 1, RTL et France-Info le 8 août 2005, sur la crise suscitée par le refus iranien de suspendre ses activités nucléaires sensibles, en violation de l'accord signé à Paris en 2004.

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Média : Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - France Info - RTL

Texte intégral

(Entretien avec Europe 1 le 8 août 2005) :
Q - Philippe Douste-Blazy, vous êtes notre ministre des Affaires étrangères, vous avez trouvé porte close du côté iranien ?
R - Ecoutez, l'Iran a pris ce soir une décision unilatérale qui est très grave et préoccupante, parce que nous avons reçu une réponse officielle négative à la proposition globale que nous avions formulée le 5 août. Le ton de cette réponse est d'ailleurs particulièrement alarmant, totalement contraire à l'esprit dans lequel nous avions conduit le dialogue avec l'Iran. Nous avons, par ailleurs, appris il y a quelques heures que des opérations de conversion de l'uranium avaient repris à l'usine d'Ispahan. Il s'agit tout simplement d'une violation claire de l'Accord de Paris et des résolutions de l'Agence internationale de l'Energie atomique qui prévoyaient la suspension des activités sensibles.
Q - Qu'est-ce qui va se passer demain, précisément à Vienne pour cette réunion de l'AIEA ?
R - D'abord nous allons dire que, s'agissant de la reprise des activités liées à la production de matières fissiles nucléaires, l'Iran n'a jamais pu expliquer la nécessité de procéder à la conversion et à l'enrichissement de l'uranium dans un pays où il n'y a justement pas de réacteur de production d'électricité. Donc cette situation nouvelle ne fait qu'accroître les doutes sur les objectifs du programme iranien. Nous étions pour un programme nucléaire civil, mais pas pour un programme nucléaire militaire.
Q - Cela veut dire, Philippe Douste-Blazy, pardonnez-moi, que vous ne croyez pas à la bonne foi des Iraniens quand ils disent que c'est pour produire du nucléaire civil ?
R - Comme il n'y a pas de réacteur de production d'électricité, évidemment c'est difficile de le penser. En fait cette situation nouvelle va à l'encontre du rétablissement de la confiance qui était au cur du processus engagé par l'Europe avec le soutien actif de la communauté internationale. Et ce soir, j'appelle une dernière fois l'Iran à entendre la voix de la raison, du dialogue, de la concertation et à revenir sans délai au plein respect de l'Accord de Paris. Sachez que la France et ses partenaires restent, pour leur part, totalement attachés à ce document et à cet esprit. Demain, se tient le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique. J'avais demandé, nous avions demandé cette réunion extraordinaire. Elle a été convoquée et se tiendra demain à Vienne. La communauté internationale va réagir, elle va décider des suites à donner à la décision iranienne. Je souhaite personnellement qu'elle se montre unie et ferme, face à une crise grave, provoquée délibérément par l'Iran.
Q - Philippe Douste-Blazy, c'est le dernier rappel que vous faites au nom de la Troïka ce soir ?
R - Oui, c'est le dernier appel que je fais, parce que nous y avons cru, jusqu'au bout. Le Conseil des gouverneurs va discuter du texte d'une résolution demandant à l'Iran de revenir à la suspension de ses activités sensibles, que l'Agence lui demande de façon répétée depuis longtemps. Après se posera le problème du Conseil de sécurité. J'ai toujours dit que le Conseil de sécurité pourrait devoir traiter du dossier iranien.
Q - Vous êtes favorable maintenant comme les Etats-Unis, à ce qu'on en arrive à la saisine du Conseil de sécurité ?
R - En tout cas si l'Iran ne répond pas aux négociations demandées, je suis prêt, personnellement, à vraiment me mettre à la disposition des uns et des autres pour pouvoir sauver ce dossier. Il y a trop de gens dans le monde aujourd'hui qui veulent radicaliser leurs positions, d'un côté ou de l'autre. L'Europe, qui est justement cette seule entité au monde à être une entité de paix, veut y croire jusqu'au bout. Donc c'est au Conseil des gouverneurs de l'AIEA de déférer, le moment venu, cette question au Conseil de sécurité, au vu de l'évolution de la situation. Nous sommes membres du Conseil des gouverneurs, on y fera valoir nos vues demain, de manière ferme, sachez-le, avec nos partenaires.
Q - Donc il reste 24 heures pour que l'Iran se rallie à votre demande.
R - Absolument !
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 août 2005)
(Entretien avec RTL le 8 août 2005) :
Q - L'Iran et le dossier du nucléaire. Les autorités de Téhéran sont passées à l'acte : le pays a repris, cet après-midi, ses activités nucléaires ultra sensibles. L'usine de conversion de l'uranium d'Ispahan a redémarré. L'Union européenne n'a pas réussi à convaincre l'Iran qui, désormais, est menacée d'être traînée devant le Conseil de sécurité de l'ONU. On va vers une crise internationale. Première réaction du ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy.
R - Nous avons reçu une réponse officielle négative à la proposition globale que nous avions formulée avec les Anglais, les Allemands et le Haut Représentant de l'Union européenne, le 5 août. Le ton de cette lettre est particulièrement alarmant. Je le trouve contraire à l'esprit dans lequel nous avons conduit le dialogue avec l'Iran au cours des 2 dernières années. Nous regrettons que l'Iran n'ait pas pris le temps nécessaire pour examiner notre proposition d'une façon approfondie et qu'il n'ait pas souhaité en discuter avec nous, comme nous l'avions proposé. Donc, j'appelle l'Iran, encore une fois, à entendre la voix de la raison, à revenir sans délai au plein respect de l'Accord de Paris.
Que va-t-il se passer ? Le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique a été convoqué et se réunira demain à Vienne. La communauté internationale décidera des suites à donner à la décision iranienne. Mais je souhaite qu'elle se montre unie et ferme face à une crise grave provoquée délibérément par l'Iran. Vous savez que ce dossier aurait pu être transmis au Conseil de sécurité dès l'automne 2003. Mais nous avions décidé d'ouvrir, nous Européens, je dirais, une parenthèse, qui malheureusement se referme ce soir, au moment où je vous parle. C'est au Conseil des gouverneurs de l'Agence de déférer, le moment venu, cette question au Conseil de sécurité, au vu de l'évolution de la situation. Nous sommes membre du Conseil des gouverneurs, nous y ferons valoir nos vues avec nos partenaires.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 août 2005)
(Entretien avec France-Info le 8 août 2005) :
Q - L'inquiétude de la communauté internationale après l'annonce par Téhéran de la reprise de son programme de conversion de l'uranium, aujourd'hui, dans une usine d'Ispahan. Les négociateurs européens - France, Allemagne et Royaume-Uni - avaient demandé aux Iraniens de ne pas reprendre ce programme en échange de collaborations politiques et économiques. Téhéran a, donc, refusé cette offre, ce qui vous inquiète Philippe Douste-Blazy?
R - Je considère que l'Iran a pris, ce jour, deux décisions unilatérales graves et préoccupantes. Nous venons de recevoir une réponse officielle négative à la proposition globale que nous avions formulée avec les Anglais, les Allemands et le Haut Représentant de l'Union européenne, le 5 août. Son ton est particulièrement alarmant et contraire à l'esprit dans lequel nous avons conduit le dialogue avec l'Iran au cours des deux dernières années. Nous avons appris, il y a quelques heures, que des opérations de conversion de l'uranium avaient repris à l'usine d'Ispahan. Il s'agit d'une violation claire de l'Accord de Paris et des résolutions de l'Agence internationale de l'Energie atomique qui prévoyaient la suspension des activités sensibles. C'est une violation.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 août 2005)