Interview de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, à France 2 le 10 et message, en date du 11 novembre 2000, sur la commémoration du 11 novembre 1918.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

G. Morin Vous êtes, auprès du ministre de la Défense, chargé des Anciens combattants et aussi des jeunes, au titre du service national. On va parler de la mémoire et puis de l'actualité, de l'avenir. Vous êtes le dernier sur la liste du Gouvernement. Mais le dernier, comme diraient les Anglais c'est : "Last but not least." Vous sentez-vous un rôle dans cette équipe ?
- "Le rôle de la gestion de la mémoire, des valeurs de solidarité et de la citoyenneté républicaine à travers la connaissance des mouvements de ce pays au cours du XXème siècle. Il est important que les jeunes aient une idée claire de ce qu'il s'est passé au XXème siècle : les deux conflits mondiaux, difficiles, dramatiques. C'est leur histoire. Le fait que des hommes et des femmes se soient engagés au service de la nation, quelque chose qui dépasse leur destin personnel, c'est important pour assumer ses responsabilités de citoyens. Je gère donc la mémoire, la solidarité, mais également, vous l'avez indiqué, tout un pan nouveau qui est le service national, le lien de la nation avec ses armées, la citoyenneté républicaine."
Cela veut dire aussi, d'une certaine façon, que votre ministère est appelé à disparaître si c'est le seul ministère des Anciens combattants, car il y en aura de moins en moins malheureusement.
- "Si le monde est en paix, c'est quand même mieux que d'être en guerre. La guerre est une somme de souffrances indescriptibles. Donc, le jour où il n'y aura plus d'anciens combattants, cela voudra dire que le monde et l'Europe seront en paix, ce sera bien. Mais pour autant, on a également besoin de défense."
Il reste combien d'anciens combattants de 1914-1918 ?
- "Entre 200 et 300. C'est très difficile de faire une comptabilité qui évolue malheureusement presque chaque jour."
Et 1939-1945 ?
- "800 à 900 000 personnes qui sont encore largement concernées en termes de personnes gérées par le département ministériel."
Vous supervisez aussi les anciens d'Algérie .
- "1,7 million de personnes. Au total, c'est à peu près 4 millions de personnes qui ressortent du département ministériel."
Vous gérez les retraites, les pensions.
- "Les pensions militaires d'invalidité."
Les anciens de la guerre du Golfe existeront-ils un jour ?
- "Ils existent déjà. La moitié des soldats qui ont été engagés dans le Golfe sont titulaires de la carte du combattant."
Cela veut dire qu'un jour ils auront peut-être des pensions au titre d'invalidité ou à la suite de maladies qu'ils auront contractées pendant la guerre du Golfe ?
- "Il y en a déjà et tous les dossiers sont examinés par les experts. A chaque fois que l'on peut considérer qu'une maladie ou un handicap est lié à l'engagement militaire, il y a effectivement la reconnaissance de la nation et éventuellement une pension."
Vous parliez du devoir de mémoire, du travail que vous faites vous-même pour la mémoire. Ce sera un signe fort que vous voulez donner pour ce 11 Novembre 2000. Il y a beaucoup de jeunes, notamment des jeunes issus de l'immigration en France. Sont-ils sensibles à ces actes-là ?
- "Ils sont sensibles, mais il y a aussi la gestion du monde des harkis. On essaie non pas d'enseigner que les ancêtres sont les Gaulois, mais que la France est une nation. Elle est organisée sur les valeurs de la République qui transcendant les différences, les divergences. Donc, l'histoire du XXème siècle, c'est aussi l'histoire de ces jeunes. La France n'est pas une addition de communautés, mais une nation bâtie sur des valeurs. Ce que j'essaie de faire, c'est de donner le sens à l'engagement, en disant aux jeunes : "que pouvez-vous faire, vous, aujourd'hui, dans la France du XXIème siècle, pour faire écho aux engagements des aînés, défendre les valeurs de la République, notamment dans la période 1940 à 1945 ?""
Une journée de préparation à la défense, c'est un peu court évidemment ...
- "On met en contact les jeunes avec des questions essentielles, des questions de défense et la prise en compte des intérêts vitaux d'un pays, de l'Europe. C'est important."
Il y aura, demain, des cérémonies qui commencent aujourd'hui, à Paris, Verdun, dans un certain nombre de villes. Il y aura des retransmissions, demain matin, sur France 2, de l'ensemble de ces cérémonies du souvenir pour le 11 Novembre. Vous portez à la boutonnière un bleuet ; vous l'arborez particulièrement cette année ?
- "Pas particulièrement cette année. Cette fleur est l'équivalent du coquelicot anglais. Le bleuet, c'est l'expression de la mémoire, de la solidarité à l'endroit du monde combattant. Il faut que la France se réappropie aussi cette fleur de mémoire et de solidarité. Et donc, sous l'égide de Monsieur le Président de la République, du Premier ministre, tous les officiels, demain comme l'an dernier, auront à la boutonnière le bleuet. Nous espérons que dans la France entière l'ensemble des collectivités territoriales participeront à cette promotion de cette fleur de la mémoire et de la solidarité."
On a beaucoup parlé de l'anniversaire la mort de C. De Gaulle - c'était hier le 30ème anniversaire - avec l'inauguration d'une statue sur les Champs-Elysées. Vous y étiez.
- "J'y étais."
Aujourd'hui, pensez-vous que De Gaulle suscite un intérêt qui va dans le même sens que le vôtre ?
"J'imagine pour une part. De Gaulle, c'est d'abord l'Appel du 18 Juin, l'organisation de la résistance à la barbarie nazie. C'est la partie sublime de De Gaulle. Mais la reconstruction de la France, c'est aussi la IVème République. Ensuite, de Gaulle c'est l'homme qui termine la décolonisation, une oeuvre importante. Après, chacun peut porter un jugement sur la politique économique et sociale menée par le Général après 1958. Mais ce qu'il restera dans l'histoire, c'est quand même l'homme du 18 Juin. Un acte sublime au service de la France."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 novembre 2000)
Ce 11 novembre 2000, qui clôt un siècle, ne doit pas ouvrir la page de l'oubli.
Personne ne doit ignorer la somme d'épreuves que la France et l'Europe ont connue tout au long de ce siècle, en particulier lors des deux guerres mondiales.
Ce 11 novembre 2000 nous renvoie au 11 novembre 1918, à la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle la France a tout exigé de sa jeunesse.
Abnégation et sens du Devoir,
Courage et vaillance,
Désintéressement et don de soi,
Lucidité et sens de la solidarité.
Telles sont les vertus que les soldats de 1914, leurs chefs et la Nation ont montrées.
L'exemplarité de leur comportement a marqué les générations suivantes et constitue toujours une référence.
Au franchissement du siècle, sur les valeurs illustrées par la devise de notre République et dans une Europe apaisée, ce message s'adresse aux jeunes.
Ces jeunes sont héritiers et comptables de l'engagement de ces générations qui, répondant à l'Appel de la Nation, acceptaient que leur destin personnel s'efface devant les intérêts vitaux de la France.
La France a un rôle à jouer pour faire du XXIe siècle, un siècle de paix, de démocratie et de progrès.
Pour ce faire, elle doit mettre en uvre de multiples ressorts et d'abord être exigeante et exemplaire pour elle-même : " le travail de mémoire " ramène à l'essentiel, au sens et à la portée de la citoyenneté, à ses Devoirs, miroirs des Droits.
Les chemins de la mémoire sont les chemins de la citoyenneté.
A l'évidence, la paix, la démocratie, l'Etat de droit, sont des situations fragiles au destin souvent incertain et le Monde qui se révèle à nous, chaque jour, le confirme.
Le 21ème siècle sera peut être différent du XXe siècle si l'on n'oublie pas ce qu'ont fait et démontré les poilus de 1914-1918.
Jean-Pierre MASSERET secrétaire d'Etat à la Défense chargé des Anciens Combattants
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 03 novembre 2000).