Interviews de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "Libération" du 26 mai 2005, à RTL le 7 juin et LCI le 9, sur les résultats du référendum et la politique de l'emploi du gouvernement Villepin.

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Texte intégral

26 mai 2005 LIBÉRATION
Qu'est-ce qui ne va pas dans la campagne du oui ?
François Chérèque. Nous payons d'abord l'absence de débat sur l'Europe depuis le référendum sur Maastricht, en 1992. Regardez : ni à l'occasion de la présidentielle de 2002, ni même pour les européennes, l'an dernier, on n'a parlé vraiment de l'Europe. Les débats sont restés concentrés sur les problèmes hexagonaux. De plus, dès qu'il y a une réforme difficile à faire, on dit : " C'est la faute de l'Europe ". Ensuite, les salariés ont l'impression de ne pas être entendus sur leurs revendications. L'histoire du lundi de Pentecôte, de ce point de vue, est une caricature. Le rejet de la journée de solidarité était l'expression d'un ras-le-bol social. Le gouvernement n'entend rien.
Q - Durant cette campagne, on parle bien d'Europe, quand même ?
R - Oui. Mais le débat est trop centré sur les difficultés des Français face à la mondialisation, et non sur les enjeux européens. Ce débat a, de fait, commencé l'an dernier lorsqu'on a vue monter le thème des délocalisations. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Économie à l'époque, fustigeait déjà la Pologne et sa fiscalité. De son côté, Laurent Fabius s'en prenait à l'Estonie. On utilise une peur légitime et on la projette sur l'Europe.
Q - Pourtant, depuis deux mois, on n'entend pas ou peu les syndicats ?
R - Parce que nous sommes le seul pays où deux des trois principales organisations (CGT et FO, ndlr) ont pris position contre le projet de traité. La CFDT est bien seule à porter le message.
Q - Mais vous êtes-vous suffisamment engagés ?
R - À partir du moment où la CFDT a donné un avis positif, c'était une orientation forte. Cependant, pour respecter le principe de l'indépendance syndicale, nous nous sommes refusés à faire campagne avec des partis. J'aurais voulu débattre avec les syndicalistes du non. Je n'ai pas pu. Cela montre leur gêne. Par contre, j'ai le soutien de la quasi unanimité des syndicats européens.
Q - Pourtant la question sociale est au coeur des débats...
R - Oui, et quelquefois avec des relents quasiment nationalistes de la part de certains responsables. Stigmatiser le plombier polonais, c'est inadmissible pour un syndicaliste. C'est d'abord un travailleur qui a droit à la défense syndicale là où il travaille, et pas à être montré du doigt. Et justement la Constitution est un outil qui nous aidera pour qu'un jour ces salariés aient les mêmes droits que les nôtres. Quant aux partis qui soutiennent le oui, ceux de droite ont bien du mal à donner des réponses aux questions sociales, vu les politiques qu'ils mènent en France. Et à gauche, le PS est divisé, ce qui ajoute à la confusion.
Q - Le non représentera-t-il une défaite pour le camp réformiste que vous représentez ?
R - La partie n'est pas perdue. Le oui peut gagner. Si le non l'emporte, ce sera un échec pour tous les salariés et un échec pour les syndicalistes européens. Je rappelle qu'à Nice, en 2000, nous exigions tous l'inclusion de la charte des droits fondamentaux dans les traités. La CGT et FO étaient là, elles aussi. Alors le pôle réformiste devra s'atteler à expliquer les enjeux et les solutions. Nous savons depuis longtemps que la voie réformiste dans notre pays nous oblige à nous battre pour mener le débat. Il faudra qu'on en revienne là.
Propos recueillis par Frédéric Nathan
(Source http://www.cfdt.fr, le 30 mai 2005)
RTL Le 7 juin 2005
" Redonner confiance, c'est construire du nouveau "
Jean-Michel Aphatie. Bonjour François Chérèque. La priorité de l'action du nouveau Premier ministre, c'est la lutte contre le chômage. Beaucoup d'économistes et de chefs d'entreprise préconisent un assouplissement du Code du travail. Licencier plus facilement pour pouvoir embaucher plus facilement. C'est ce qui se passe en Angleterre. Et à la sortie du bureau de Dominique de Villepin, tous les syndicats ont dit : " ça, c'est un chiffon rouge ". Les syndicats sont-ils conservateurs ?
R- François Chérèque. La France, en règle générale, est conservatrice.
Q- Et la CFDT aussi ?
R- La CFDT a fait déjà la preuve depuis pas mal de temps qu'elle était en capacité de s'engager, et même courageusement, pour faire évoluer ce qu'on appelle " le modèle social français ". Mais la difficulté dans notre pays, c'est qu'entre le statut quo, le " je ne touche à rien ", et " je mets tout en cause, et je transforme tout ", on est en incapacité de se mettre d'accord sur une voie médiane. Une voie médiane qui, dans le cas présent, celui de la lutte contre le chômage, est celui de l'accompagnement, de l'aide, et du retour à l'emploi. Donc on est dans une opposition de style qui ne produit rien. C'est une des grandes difficultés dans un pays où quand même le taux de chômage est à 10 %.
Q- Pour favoriser l'embauche, est-ce qu'il faut toucher au Code du travail aujourd'hui ?
R- Vous savez, il évolue tous les ans le Code du travail. Tous les ans, les gouvernements changent les choses. Donc, à l'inverse de ce que l'on pense, le Code du travail ne date pas d'il y a cinquante ans.
Q- Est-ce qu'il faut simplifier les règles, les lois, les droits ?
R- La question qu'il faut poser aujourd'hui est : dans cette situation de chômage et d'exclusion, que propose-t-on pour aider d'une façon plus forte chaque individu face à la situation d'exclusion ou de chômage et pour l'aider dans la formation ? Donc, il faut d'abord se demander : que construit-t-on de nouveau pour adapter notre système à la réalité du chômage ? Avant de réfléchir à : que va-t-on va supprimer et que va-ton détruire ? Réfléchissons à ce qu'on peut faire de positif et de nouveau pour aider, beaucoup plus, les salariés qui sont en situation difficile.
Q- Et que fait-on pour aider les chefs d'entreprise à embaucher ? Est-ce que c'est aussi une question que vous vous posez François Chérèque ?
R- Mais bien évidemment.
Q- Et alors que fait-on ?
R- Tout le monde se pose cette question-là. Il y a, bien évidemment, des réflexions à avoir. Par exemple, on a seize milliards d'allégements de charges actuellement dans notre pays. Est-ce qu'on ne peut pas réfléchir à une répartition de ces allégements de charges d'une façon plus positive. Au lieu de les faire simplement en fonction du niveau de salaires, est-ce qu'on ne peut pas le faire en fonction des professions ?
Je prends un exemple, puisqu'on est dans le débat européen. On a le débat sur la baisse de la TVA pour les hôtels/cafés/restaurants. Voilà une réflexion : est-ce qu'on ne peut pas conditionner cet allégement de charges, par exemple à une revalorisation des métiers, à une qualification des professionnels, à une augmentation de leurs salaires et aussi bien évidemment à une aide au consommateur pour que l'assiette soit moins chère. Voilà des mesures ciblées qu'on peut avoir sur des professions qui sont en difficulté, où il y a des difficultés d'embauches, qui peuvent aider les employeurs à trouver des salariés, et peut-être embaucher plus facilement.
Q- On a l'impression que tout ça n'est pas à la hauteur du problème. 10 % de chômeurs, et on a l'impression qu'on ne sait pas quoi faire pour résoudre ce problème et faire baisser significativement le chômage.
R- Vous savez, on prend beaucoup d'exemples actuellement dans les autres pays. Vous avez cité le modèle anglo-saxon...
Q- Comme repoussoir le modèle anglais tout le temps, jamais comme modèle.
R- Oui, mais dans le modèle anglais il y a des choses à prendre aussi. Je prends un exemple : l'accompagnement du chômeur. Il y a deux fois plus de moyens dans le service public de l'emploi en Grande Bretagne, qu'en France. Quand un agent de l'ANPE anglaise - qui ne s'appelle pas comme ça d'ailleurs - mais l'ANPE anglaise a cinquante chômeurs à accompagner au retour à l'emploi, un agent français en a cent. Donc, on voit bien qu'il y a des choses à chercher.
Prenons l'exemple danois. Il y a deux grandes différences entre l'exemple danois et l'exemple français. C'est que, d'une part, dans ce pays-là on a maintenu un système avec un État fort, une fiscalité élevée, avec des aides massives et des indemnisations fortes pour aider les chômeurs à retrouver un emploi, et on a aussi un patronat et des syndicats qui ont une capacité de faire des compromis positifs, pour justement permettre cette démarche-là. C'est tout l'inverse de ce qui se passe dans notre pays. Donc essayons de regarder ce qui marche à l'extérieur et adaptons-le à notre réalité française, mais surtout engageons-nous parce qu'autrement on est en train de refuser de regarder la réalité, et la réalité pour des syndicalistes elle est difficile à regarder. 70 % des embauches se font en contrat à durée déterminée. On a inévitablement les jeunes et les femmes qui sont les plus atteints par ces systèmes-là. Donc moi je suis prêt à regarder les évolutions - y compris du Code du travail - mais faisons-le en construisant du nouveau, en particulier en accompagnant, en aidant chaque personne en difficulté à retourner au plus vite à l'emploi et à l'entreprise.
Q- Vous avez vu le Premier ministre hier, il vous a donné le sentiment de savoir ce qu'il voulait faire ? Il vous a dit ce qu'il voulait faire ?
R- Vous savez, pour le Premier ministre, ce type de réunion n'est pas fait pour faire des annonces au niveau des syndicats, il les réservera pour mercredi. Il a essayé de nous rassurer en nous disant : on va faire des évolutions dans le cadre du modèle social français. Mais je crois que c'était pour rassurer les syndicats. Mais cela ne nous rassure pas du tout à la CFDT. Qu'est-ce que c'est que le modèle social français ? C'est un système de redistribution entre les personnes qui sont le plus en difficulté et les personnes qui ont des aléas de la vie, que ce soit la maladie ou l'assurance-chômage, pour pouvoir combler leurs difficultés mais qui a été fait il y a une quarantaine d'années, alors qu'on était dans un système de plein emploi, et qu'on était dans un système démographique qui n'était pas celui d'aujourd'hui. Or, comment on peut regarder les bases de ce système-là et le faire évoluer en fonction de la réalité d'aujourd'hui ? La réalité d'aujourd'hui, c'est qu'on est en train de créer deux salariats : celui où les syndicats sont présents, dans les grandes entreprises, dans les services publics, dans les fonctions publiques, dans lesquelles les salariés ont des contrats à durée indéterminée et le droit à une protection sociale complémentaire et celui des petites entreprises, dans lesquelles les salariés sont souvent en CDD et n'ont pas de couverture maladie complémentaire. Le modèle social français est défaillant donc on veut le faire évoluer nous aussi à la CFDT.
Q- On prédit qu'après ce référendum qu'il y aura beaucoup de tensions, beaucoup de mauvaise humeur sur le terrain. Vous craignez cela François Chérèque ?
R- Ce que nous avons dit au Premier ministre, c'est qu'il ne fallait pas qu'il se trompe de message. Les salariés de notre pays craignent le chômage et n'ont plus confiance en l'avenir. Ils se rendent compte que la précarité se développe, la pauvreté aussi. ll faut donner des réponses, c'est-à-dire redonner confiance. Et redonner confiance, ce n'est pas détruire ce qui existe, mais c'est construire quelque chose de nouveau.
Q- La confiance en cent jours, vous y croyez François Chérèque ?
R- Oh vous savez s'il faut deux cent jours pour redonner la confiance, prenons le temps, plutôt que de terminer les cent jours par une mauvaise bataille !n
(Source http://www.cfdt.fr, le 8 juin 2005)
LCI Le 9 juin 2005
Q- Est-ce que vous accordez un préjugé favorable au nouveau plan de lutte contre le chômage décrété hier par D. de Villepin ?
R- Vous avez dit dans votre éditorial, il y a quelques instants, que c'était une suite de mesures hétéroclites et c'est un peu cela. C'est-à-dire que l'on a un plan en demi teinte, d'une part, des mesures qui renforcent le traitement social du chômage. Il ne faut pas oublier que le gouvernement Raffarin avait abandonné tout traitement social du chômage en 2002 ; M. Borloo, en 2004, avait redémarré cette démarche-là. Et là, on a des mesures qui renforcent, dont certaines qui vont dans le bon sens - l'accompagnement des jeunes, l'accompagnement des chômeurs de longue durée, ceux qui sont en revenus d'insertion et puis, d'un autre côté, des mesures que l'on critique plus, qui sont même très critiquables, en particulier, avec l'introduction d'une plus grande flexibilité dans certains contrats de travail. Donc, c'est vraiment en demi teinte.
Q- Mais d'une manière générale, avez-vous le sentiment qu'il y a un changement de cap ou que l'on s'inscrit dans la continuité de ce qui a été fait par J.-P. Raffarin, du moins dans la dernière période ?
R- Il n'y a pas, par rapport à la démarche de M. Borloo dans son plan de cohésion sociale, de changement de cap. Sur ce point-là, il y a un renforcement de ce qu'il a déjà fait, avec des mesures nouvelles, en particulier, ces formations "service militaire" pour les jeunes en difficulté, avec une démarche de formation. Mais il y a une petite rupture quand même sur le Code du travail, avec ce nouveau contrat d'embauche pour les petites entreprises.
Q- On va y venir dans un instant. Une précision auparavant : vous avez entendu le Premier ministre annoncer un effort financier de la part de l'Etat, de 4,5 milliards d'euros. Est-ce que vous vous avez une information, est-ce que vous savez, puisque vous avez rencontré le Premier ministre avant son discours, si cet effort de l'Etat vient s'ajouter à l'effort déjà considérable qui avait été annoncé pour le plan de cohésion sociale Borloo, ou est-ce que, de fait, c'est inscrit dans cet effort ?
R- C'est un des flous du discours du Premier ministre hier. On nous parle de "fin" ou d'arrêt de la baisse des impôts - la CFDT l'avait demandé -, donc, c'est...
Q- Là, vous êtes satisfait.
R- ... On est satisfaits sur ce point-là. On nous parle de moyens supplémentaires, mais seulement 300 millions de redéploiement, donc c'est largement insuffisant pour financer. Donc, on ne sait pas comment le Gouvernement va financer. Et, effectivement, comme vous le laissez entendre...
Q- Ah non, je ne laisse rien entendre, je demandais si vous aviez eu des précisions...
R- On voit bien, mais tout le monde va se poser la question : est-ce que c'est simplement des dépenses déjà décidées ou de nouvelles dépenses ? On n'en sait rien. Donc, là, on a une vraie question sur : comment le Gouvernement va-t-il financer ce plan de 4 milliards d'euros, en année pleine, ce qui n'est pas rien ?
Q- Vous doutez qu'il puisse y arriver ? En disant que les équilibres financiers seront
respectés ?
R- On se demande comment il va faire ? Est-ce qu'il va - comment dirais-je ? - jouer sur une rentrée supplémentaire d'impôts avec la croissance ? Mais on n'est pas dans ce cas-là. Donc, on a une vraie inquiétude, une vraie interrogation. D'autant plus qu'il n'a pas parlé des fonctionnaires de la fonction publique, de la modernisation de la fonction publique. Donc, est-ce, à nouveau, un frein ou une baisse des effectifs de la fonction publique pour financer cela ? On n'en sait rien. Et là, il y a un élément d'inquiétude que l'on a tout de suite remarqué.
Q- Et là, vous demandez des clarifications et des explications au Premier ministre ?
R- Mais on a beaucoup de clarifications et d'explications à demander au Premier ministre. Je suis tout de suite intervenu auprès du ministre délégué au Travail, M. Larcher, en disant : par exemple, sur le contrat nouvelle embauche, vous prévoyez beaucoup de flexibilité au bénéfice de l'entreprise, vous nous aviez promis des sécurités, c'est-à-dire des verrous qui permettent d'aider le salarié s'il est en difficulté, on n'a rien dans le discours. Vous prévoyez des dépenses supplémentaires, pas de recettes. Normalement, dès la semaine prochaine, on doit rencontrer le ministre du Travail pour travailler sur ces points-là, parce que, on ne peut pas accepter une flexibilité accrue pour certains salariés sans qu'il y ait des garanties, bien sûr, en cas de difficulté pour ces mêmes salariés.
Q- Précisément, les trois mesures les plus spectaculaires, si l'on peut dire, qu'a prises le Premier ministre : donc, ce contrat nouvel embauche, les deux années d'essai au lieu des six mois, critiquez-vous ou acceptez-vous pour une certaine fluidité du travail ?
R- La CFDT avait dit, très clairement : entre le " on ne touche à rien ", la possibilité de faire évoluer les choses alors qu'en France on a quand même 10 % de chômeurs, et la libéralisation totale, la remise en cause totale du Code du travail, il faut trouver une voie médiane qui amène plus de fluidité sur le marché du travail, mais aussi des sécurités supplémentaires pour les salariés. Or, là, on amène une forme de fluidité dans le marché du travail parce que les employeurs vont pouvoir licencier comme ils le veulent dans les deux premières années de travail, mais on n'amène pas de sécurité pour le salarié. Que va-t-il se passer si le salarié est licencié ? Il n'aura plus de prime de précarité. Est-ce qu'il aura un suivi au chômage, avec une indemnité qui compensera ce qu'il perdra au travail ? On n'a pas les réponses là-dessus. Donc, on ne peut pas s'engager dans ces systèmes-là tant que l'on n'a pas créé la sécurité aussi pour le salarié face à la fluidité pour l'employeur.
Q- Et "le chèque emploi" pour les petites, très petites entreprises ?
R- Si on est dans le cadre d'un respect du Code du travail, que c'est simplement une facilité administrative, oui, il n'y a pas de difficulté. C'est-à-dire, l'employeur peut embaucher d'une façon plus facile, mais il y a un respect, bien évidemment, du Code du travail, un respect du droit à la convention collective, cela ne pose pas de problème, c'est simplement une facilité d'embauche. Mais comme vous l'avez dit, aussi, tout à l'heure, ce sont beaucoup de mesures qui ont déjà été discutées mais qui avaient déjà été décidées. Donc, il n'y a rien de nouveau.
Q- Et enfin, une dernière mesure : c'est la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales au-dessus du dixième salarié dans une entreprise.
R- Alors, on le sait, et la CFDT l'a toujours remarqué, il y a une difficulté pour les petites entreprises de passer le cap des neuf à dix salariés, parce qu'il y a des taxes supplémentaires, des droits sociaux supplémentaires.
Q- Donc, cela, c'est plutôt une bonne chose ?
R- Que l'Etat aide les entreprises à passer ce cap pour embaucher, c'est une mesure favorable à l'emploi. Par contre, derrière, il y a une mesure que l'on conteste : c'est que l'on ne compte plus les salariés de moins de 25 ans dans les effectifs des entreprises, dans le calcul de ces seuils. Ce qui amènera une remise en cause du droit syndical et des droits collectifs. Donc, d'un côté, il y a une aide aux entreprises pour passer ce cap, OK ! De l'autre côté, il y a une remise en cause du droit syndical, on n'est pas d'accord. Donc, là aussi, ce sont des mesures que l'on veut modifier. Il n'y a pas de raison que l'embauche dans une petite entreprise fasse reculer le droit collectif, parce que l'on sait très bien que l'on a besoin aussi de dialogue social dans ces entreprises.
Q- Le Premier ministre a annoncé hier également les privatisations, ou plus exactement, la reprise de privatisation des autoroutes, et l'ouverture du capital de GDF voire d'EDF. Est-ce que ce sont des mesures qui peuvent aider et ces entreprises, et les finances de l'Etat. C'est plutôt une bonne chose ?
R- GDF, la décision était déjà prise. Là aussi, le Premier ministre n'a pas annoncé une nouveauté. La loi de M. Sarkozy prévoyait cette démarche-là. Les syndicats, dont la CFDT, s'y sont opposés, mais là, la loi a décidé. Donc, il n'y a rien de nouveau. Ce qui nous intéresse
maintenant, c'est le programme industriel de GDF. Que va faire GDF comme programme industriel pour que l'on ait un vrai service public, un meilleur service public au bénéfice des usagers, pour qu'il y ait une évolution aussi pour l'emploi ? Là, pour le moment, comme d'habitude dans ce pays, on décide des moyens financiers on ne décide pas du programme industriel. Donc, ce qu'attend la CFDT maintenant, c'est ce programme industriel pour GDF.
Q- Les ordonnances : le fait de légiférer rapidement ou de pouvoir prendre des mesures rapidement, est-ce que vous le critiquez ou est-ce que vous estimez que, précisément, parce qu'il y a urgence, c'est plutôt une bonne méthode ?
R- Le Premier ministre s'est enfermé dans ses cent jours. Que ce soit cent jours ou cent cinquante jours, cela ne change pas beaucoup de choses dans la dynamique. Nous avions, et il nous avait promis, de favoriser le dialogue social. On ne favorise pas le dialogue social en passant par ordonnances. Là, il faut être quand même réaliste...
Q- Mais vous allez pouvoir discuter pendant l'été ?
R- On va pouvoir discuter pendant l'été avec des moyens de pression qui sont quand même limités pendant l'été. Et nous, ce que l'on souhaitait, la CFDT, c'est la construction d'un pacte social qui...
Q- Mais c'est trop tard...
R- ... c'est trop tard, oui. Mais de cette façon-là...
Q- A 22 mois des présidentielles ?
R- Non, mais attendez...Oui, mais cela c'est le problème. Nous, notre rythme syndical, ce n'est pas le rythme des politiques. Si on a réduit la durée du mandat présidentiel à cinq ans, pour avoir un pays plus dynamique, et qu'au bout de trois ans, à chaque fois, on ne peut rien faire, à ce moment-là il ne fallait pas faire cette réduction-là. La dynamique sociale d'un pays ne peut pas suivre la dynamique du politique. Donc, il n'est pas trop tard pour construire un pacte social. Il sera prêt pour après les présidentielles mais il faut s'y mettre maintenant. Or la décision de faire, d'une façon unilatérale, par ordonnances, inévitablement, ne favorisera pas le dialogue.
Q- Serez-vous aux côtés de la CGT le 21 juin, dans les rues, pour manifester ?
R- La CGT a décidé d'une manifestation toute seule ; elle a décidé la date, elle a décidé le lieu, elle a décidé le contenu. Elle envoie une forme d'injonction aux autres organisations syndicales. Ce n'est pas comme cela que l'on fait le dialogue intersyndical. Donc, on ne répond pas à la CGT pour ce qu'elle a décidé, on répond en fonction du contenu et de nos objectifs. La semaine prochaine, nous rencontrerons le ministre du Travail pour réfléchir sur ces solutions-là. En fonction des réponses du ministre du Travail et des perspectives, la CFDT décidera. Mais on ne épond pas aux injonctions des autres organisations syndicales, surtout
quand il n'y en a qu'une qui s'engage toute seule.
Q- Vos affaires ne s'arrangent pas avec B. Thibault.
R- Sur la méthode, si l'on veut qu'il y ait du dialogue entre les organisations syndicales, au moment où et on a recommencé en début de semaine à dialoguer avec la CGT, on ne prend pas des décisions seule sans informer ses partenaires.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 juin 2005