Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les actions en faveur de l'industrie de défense aux niveaux français et européen, à Colmar le 13 septembre 2005.

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Circonstance : 3ème Université d'été de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées à l'Assemblée nationale, à Colmar (Haut-Rhin) le 13 septembre 2005

Texte intégral

L'Université d'été de la Commission de la Défense nationale et des Forces Armées de l'Assemblée nationale se réunit pour sa troisième édition.
Je salue une nouvelle fois l'initiative du Président Teissier.
Je tiens à remercier les principaux acteurs de la défense française et les grands responsables européens de prendre part à cette manifestation.
Sa réputation n'est maintenant plus à faire et mérite désormais, à juste titre, son surnom de " Davos de la Défense ".
Le thème choisi : " Coopération-exportation : quelles capacités, quelle industrie, quelle Europe ? ", est au coeur des problématiques de l'industrie européenne.
Répondre à ces questions, c'est :
- contribuer à notre dynamisme économique et technologique
L'industrie de défense est en effet source de retombées économiques et de nombreux emplois directs et indirects de haute technologie sur le territoire national.
- c'est garantir la défense de nos territoires et de nos intérêts
En développant pour la France, et pour l'Europe, les technologies nécessaires à notre propre défense et qui nous permettent d'être leader sur une opération militaire : les domaines de l'information et de l'espace, les grands systèmes de commandement.
- c'est enfin assurer notre rayonnement mondial
L'industrie de défense est une pièce essentielle de la présence de la France sur les marchés à l'export.
Pour relever ces trois défis, il faut à la Défense une politique ambitieuse autour du concept d'autonomie compétitive (1), lui permettant ainsi se positionner au cur de la nouvelle politique industrielle du gouvernement (2), en faisant partager cette ambition à l'Europe (3).

L'autonomie compétitive peut s'appuyer sur la LPM 2003-2008.
Il fallait redonner à l'Etat un rôle de stratège en lui rendant de la visibilité.
Où, mieux qu'à la Défense, pouvait-on commencer à lui rendre ce rôle ?
La LPM permet une politique volontariste, une vision de l'avenir.
Les quatre axes que j'ai définis pour que l'Etat retrouve son rôle de premier rang dans cette relance de l'action stratégique sont autant d'obligations :
- Eclairer l'avenir : c'est l'objet du plan prospectif à 30 ans. Le ministère identifie ainsi les besoins de demain.
- Conduire l'action : j'ai confié à la DGA la préparation des " feuilles de route " pour chacune des technologies importantes.
- Communiquer notre ambition : cela passe par sa présentation auprès d'une audience élargie d'industriels, de chercheurs, ainsi que de nos partenaires européens.
- Relancer l'effort de recherche pour préparer l'industrie aux défis du futur.
Comme annoncé au Salon du Bourget, j'ai donc sanctuarisé les crédits des études amont. J'ai également défini nos secteurs prioritaires de maintien des compétences : celui des lanceurs sera traité dès cette année ; ensuite viendront les secteurs des hélicoptères et des missiles tactiques.
Depuis trois ans, j'ai voulu pour ce ministère exemplaire une administration performante et responsable, capable d'accompagner notre politique en matière industrielle
C'est la garantie pour le contribuable que ses impôts sont utilisés au mieux.
La réforme de la conduite des programmes d'armement a remobilisé la DGA, lui a donné de nouvelles perspectives.
Le renforcement des pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major est un accompagnement normal de cette réforme.
Les compétences et les attributions des chefs d'état-major des trois armées sont véritablement complémentaires de celles du CEMA.
Que les esprits chagrins se rassurent : le Ministre de la Défense est bien, peut-être plus encore qu'avant, le patron de ce ministère, sous l'autorité du Président de la République.
J'entends disposer ainsi d'un mode de fonctionnement plus efficace et plus réactif.
En France, dans certains milieux, on adore parler de la réforme de l'Etat...à condition surtout de ne pas la faire !
Ici, au ministère de la Défense, en moins de 2 ans, nous aurons réformé de fond en comble la part militaire et la part industrielle du ministère, et ce, me semble-t-il à la satisfaction réciproque de toutes les parties... Et surtout du pays et de ses finances!
Le choix de l'efficacité, je ne le fais pas seulement pour l'administration.
Je le fais aussi pour nos industries : en engageant les évolutions nécessaires de GIAT Industries, en permettant l'ouverture du capital de DCN, en privatisant SNECMA et permettant des rapprochements comme SAFRAN.
Ainsi, la Défense est positionnée de façon optimale pour jouer un rôle incontournable dans la nouvelle politique industrielle lancée par notre gouvernement.
Le ministère de la Défense a été très présent comme expert dans l'évaluation des projets de pôles de compétitivité
Il le sera demain comme acteur sur le terrain.
Dans la quinzaine de pôles les plus importants, neuf intéressent ou impliquent la Défense.
Je pourrais citer les pôles " Aéronautique-Espace " d'Aquitaine et Midi-Pyrénées, les pôles " mer " en Bretagne et PACA, ou encore le projet " Lyonbiopôle " en Rhône-Alpes.
J'irai en voir plusieurs sur le terrain prochainement.
Avec ses écoles (ENSIETA, Polytechnique, Sup'Aero), ses organismes de recherche comme l'ONERA, la Défense jouera un rôle de premier plan dans ces pôles de compétitivité.
La Défense est aussi impliquée au plus haut niveau dans l'Agence de l'innovation industrielle, dans laquelle je place de grands espoirs.
Par ailleurs, j'entends favoriser la synergie recherche civile - recherche de défense.
Les passerelles se sont développées ces dernières années.
La sécurité étant un thème dual d'importance croissante, j'ai crée une Mission pour la Recherche et l'Innovation Scientifique au sein de la DGA pour assurer une liaison spécifique entre recherche civile et recherche militaire.
Notre deuxième apport dans la nouvelle politique industrielle, c'est la protection des intérêts stratégiques et la maîtrise des investissements étrangers.
Nous avons largement contribué à la refonte du décret sur les investissements étrangers.
Maîtriser les investissements étrangers, ce n'est pas avoir un réflexe protectionniste frileux.
Faire preuve d'ouverture d'esprit, de volontarisme, ce n'est pas être naïf.

Renforcer nos capacités d'export.
L'export est une source de revenus essentielle.
C'est aussi un bon indicateur de notre compétitivité, de notre capacité collective à gagner.
Le Conseil Défense-Industrie s'est déjà réuni sur le sujet de l'export et un vaste plan de travail a été lancé.
Au-delà, je souhaite travailler, en liaison avec les industriels, sur nos priorités en matière de produits et de pays et sur notre organisation.
Je ferai des propositions au Président de la République et au Premier ministre sur ce sujet.
L'actualité récente du Rafale doit nous conduire à analyser comment être meilleurs.
Nous avons des raisons d'être optimistes.
Nous pouvons en premier lieu nous réjouir de l'annonce faite hier par le Président de la République, confirmant la décision de l'Inde d'acquérir six sous-marins du programme franco-espagnol Scorpène.
Il suffit également de se rappeler certains grands succès comme l'A400M, le Tigre, le NH90 : les Européens savent gagner lorsqu'ils mettent en commun leurs efforts.
Nous avons les cartes en main pour renouveler ces succès.
Je pense notamment aux FREMM, et je souhaite que l'on se mobilise dès maintenant pour ces programmes d'avenir.
Le contexte actuel n'autorise plus la dispersion des industries européennes de défense ou les compétitions stériles.
Notre objectif doit être au contraire un effort partagé, valorisant nos domaines d'excellence, garantissant notre autonomie stratégique, permettant de faire face aux géants économiques qui se profilent à l'horizon des dix prochaines années.
C'est pour cette raison que l'Europe est l'horizon de référence de la politique que je mène pour la Défense.
C'est pour cela que mon ambition industrielle pour la France, j'entends la faire partager à l'Europe.
L'Europe doit avoir une ambition industrielle.
L'Europe doit aborder les questions de marché de l'armement avec volontarisme et sans tabou
Je souhaite, comme beaucoup d'entre vous j'en suis sûre, l'émergence d'un véritable marché européen de l'armement.
C'est une nécessité industrielle, technologique et opérationnelle.
Encore une fois, ce n'est pas une vision frileuse et protectionniste des choses.
C'est bien plutôt une ambition pour l'Europe.
Nous devons concilier deux impératifs :
- d'un côté, permettre le jeu équitable et normal de la concurrence entre les industries européennes ;
- de l'autre, reconnaître la spécificité d'un marché européen de l'armement, et permettre à l'Europe de construire sa propre politique industrielle.
Dans ce cadre, le concept que je souhaite promouvoir, l'autonomie compétitive, est par essence européen.
A cet égard, je veux faire avancer résolument et rapidement la question du code de conduite.
C'est un moyen d'empêcher les pratiques de protectionnisme étroit, qui sont sources d'inefficacité et de surcoûts.
Le code de conduite accompagnerait utilement les travaux de l'Agence sur la convergence des besoins capacitaires et opérationnels.
Il inciterait également la consolidation des industries.
En menant de front ces trois chantiers, nous permettrons la constitution d'un marché européen intégré et fluide, dont notre défense a besoin.
L'Europe doit prendre en main son destin avec l'Agence européenne de l'armement.
L'innovation est un moteur de l'industrie et une source de croissance.
En termes budgétaires, les crédits de R D ne sont pas des sommes exorbitantes, et davantage de pays doivent prendre conscience de leur importance.
J'en appelle à une mobilisation commune.
Il faut à cet égard se poser la question de l'opportunité d'apporter des crédits à des programmes qui développent des technologies hors d'Europe.
Mobiliser des crédits pour la recherche, c'est créer de la richesse sur nos territoires, et donc des emplois pour demain.
Pour cela, il faut une Agence ambitieuse, capable d'entraîner les pays membres de l'Union.
L'exemple du NEURON montre que l'on sait travailler ensemble.
En confiant le projet du drone MALE à l'Agence, je souhaite poursuivre cette dynamique. La France ne revendique aucun leadership exclusif sur ce programme.
Elle souhaite bien au contraire un authentique projet européen dans un secteur stratégique pour l'avenir.
Plus généralement, l'Agence dispose déjà cette année d'un budget opérationnel.
Si son directeur nous propose des programmes stimulants, concrets, ambitieux, dans le cadre d'un tour de table, je suis prête à apporter des crédits significatifs aux côtés de nos partenaires.
J'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises ma résolution à poursuivre la construction de l'Europe de la défense.
Je ne me contente pas d'un discours volontariste.
Je fais des propositions concrètes pour appuyer cette volonté.
J'ai voulu aujourd'hui vous faire part de mon ambition pour l'industrie de défense française et européenne.
J'espère vous avoir convaincu que la France a la volonté, et se donne les moyens, de créer les conditions de notre autonomie stratégique et d'une croissance durable de l'espace européen.
J'espère que vous serez tous ici les ambassadeurs de cette ambition.
Je vous remercie.

(Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 septembre 2005)