Texte intégral
Monsieur le Maire,
Monsieur le Député,
Mesdames,
Messieurs,
Je me réjouis de pouvoir être aujourd'hui avec vous pour découvrir les résultats du projet Villeneuve-Santé sur les "inégalités culturelles dans le domaine de l'accès aux soins.
J'aimerais d'abord remercier l'ensemble des partenaires de cette démarche :
- Jérôme CAHUZAC et la fondation Lilly pour l'avoir initiée,
- Claude LE PEN et son équipe pour la rigueur méthodologique utilisée,
- les élèves de l'école d'infirmiers pour leur engagement sur le terrain,
- et surtout les habitants de VILLENEUVE-SUR-LOT, les professionnels de santé, les associations de malades et les élus qui, je sais, se sont fortement mobilisés sur ce projet et ont bien joué le jeu.
Je crois qu'au-delà des chiffres et des résultats, cette mobilisation à elle seule confirmé la pertinence de votre démarche.
C'est cette même mobilisation, ce même intérêt qui ont fait le succès des Etats Généraux de la Santé. Permettez-moi de vous en rappeler les principaux enseignements :
- D'abord, comme pour le projet VILLENEUVE-SANTE, une extraordinaire mobilisation de nos concitoyens sur les thèmes de santé : l'usager de l'hôpital et du système médical estime qu'il a son mot à dire et que nous devons l'entendre.
- Ensuite, une grande émotion à chaque fois : la maladie ne peut-être réduite à un chiffre, une statistique. C'est toujours une histoire vécue, une expérience humaine, un malheur, une souffrance qui a marqué une famille, une vie, plusieurs vies.
- Comme pour le projet VILLENEUVE-SANTE, un dialogue s'est établi : la santé, ce bien collectif est discuté entre usagers et professionnels, administratifs, élus. Un véritable débat, avec une attention particulière à la parole de chacun.
Les citoyens veulent que le système de santé s'organise autour et au service des personnes. Ils veulent mieux comprendre les stratégies thérapeutiques qui leur sont proposées, participer à un effort à la fois personnel et collectif de prévention, veiller à ce que les choix de société, les comportements et les consommations ne nuisent pas à la santé, n'étaient pas leurs déterminants.
Mais en même temps, on découvre toujours des niveaux d'information, une adhésion variable et la persistance de déficit de connaissance du corps et de ses manifestations auxquelles on ne s'attend pas.
Les Etats Généraux de la Santé ont permis, par la concertation qui a été mise en oeuvre, d'identifier les attentes des Français vis-à-vis du système de santé exprimées par les plus motivés d'entre eux.
Mais maintenant, nous avons besoin de mieux comprendre comment et quel est le niveau d'information des Français ? Quelles sont leurs préoccupations dominantes ? Quels sont leurs comportements ?
C'est cette seconde étape que nous voyons exposée aujourd'hui. Je suis convaincue que d'autres projets de ce type sont nécessaires pour progresser dans notre objectif prioritaire : la réduction des inégalités devant les troubles, la maladie, la prise en charge et l'amélioration de l'accès au système de santé de tous les citoyens.
C'es l'objet, même des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS).
Il s'agit avant tout de lutter contre les exclusions -et même si à VILLENEUVE-SUR-LOT les problèmes sont moins exacerbés que dans les grandes cités urbaines- je suis convaincue qu'il existe ici comme ailleurs, des situations de vulnérabilité, de précarité qu'il nous faut combattre. Votre enquête le montre.
En 1998, le Gouvernement a fait adopter une importante loi contre les exclusions.
L'objectif est de garantir l'égalité d'accès aux droits fondamentaux. Peu importe que ces droits soient nombreux et en théorie protecteurs, si nous ne savons pas en garantir l'efficacité pour chacun de nos concitoyens.
La cohésion sociale n'est qu'une illusion si on ne donne pas à chacun les droits de tous, en particulier le droit à la santé.
Cette loi a notamment permis :
- L'inscription dans les textes et dans les faits, de la mission sociale de l'hôpital.
- L'élaboration systématique de programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS) et je connais la qualité de celui qui a été réalisé dans cette région, à l'initiative du DDASS dont je salue ici l'implication de qualité.
Des dispositions permettent également :
- De conférer une place plus explicite aux associations à la fois dans l'analyse des besoins et dans la définition prioritaire des programmes régionaux de santé et vous pouvez compter sur la détermination de J. CAHUZAC.
- D'éclairer plus précisément les axes prioritaires d'intervention des programmes régionaux ; par l'attention particulière qui doit être apportée aux problèmes de santé des femmes dans le domaine de la contraception, de la procréation et de la prévention des maladies qui leur sont spécifiques, par exemple.
Dans ce domaine, la démarche de votre département est exemplaire. Ensemble, vous avez analysé les besoins des populations les plus vulnérables : détenus, personnes âgées, personnes handicapées, migrants, gens du voyage.
Dans chaque cas, cela vous permettra de rechercher les meilleures solutions pour freiner l'émergence des problèmes de santé, permettre une prise en charge précoce et adaptée aux besoins, améliorer l'information et agir pour renforcer l'efficacité du système de santé.
Votre démarche débute mais, je suis convaincue que cette dynamique permettra de répondre à ces préoccupations et s'inscrira dansles objectifs que je poursuis, à savoir définir et offir une politique de santé globale équilibrée sur Education pour la santé, prévention, qualité et sécurité des soins.
La loi contre les exclusions a été une première étape.
Elle a été complétée par la Couverture Maladie Universelle qui, permettra de faire réellement progresser l'accès à la prévention et aux soins dans notre pays.
La CMU n'est pas seulement destinée aux plus exclus. Elle s'adresse aussi à ceux qui, pour des raisons de revenus, restreignent leurs soins. Elle leur permet de bénéficier d'une couverture complémentaire complète.
Sa mise en place est effective depuis le 1er janvier.
Même s'il s'agit d'avances incontestables, ces dispositifs ne mettront pas -et les interventions précédentes l'ont parfaitement souligné-, un terme définitif aux inégalités en matière de santé.
Les inégalités régionales, les inégalités sociales, les inégalités d'accès à l'information restent importantes et tous les Français ne sont pas égaux devant la maladie et la mort.
En France aujourd'hui, il existe à l'âge de 30 ans, un écart d'espérance de vie de 12 ans entre un manoeuvre et un cadre supérieur ou un enseignant. De même, cinq années d'espérance de vie séparent les hommes résidant dans le Nord-Pas de Calais, de ceux vivant dans la région Midi-Pyrénées.
Réduire ces inégalités : la démarche est difficile, mais c'est une priorité pour le Gouvernement.
Pour cela, il nous faut mieux connaître, mieux observer l'état de santé des régions mais également mieux répartir les moyens.
Nous avons la volonté de renforcer la coordination des Observatoires Régionaux de la Santé et des organismes de recherche pour élargir le champ de l'observation et de pouvoir rassembler les informations disponibles.
Je voudrais insister sur l'importance, dans les disparités régionales et socio-professionnelles constatées, des facteurs de risque en rapport avec les conduites individuelles. La consommation excessive d'alcool, de tabac, les accidents, les suicides, autant de facteurs expliquant une large part de cette surmortalité.
L'importance de la mortalité prématurée, définie comme la mortalité survenue avant 65 ans, place la France loin derrière nos voisins européens comparables.
La prévention et la promotion de la santé doivent constituer un des piliers de notre politique. C'est une préoccupation et une demande de nos citoyens comme on a pu le voir encore aujourd'hui avec les résultats présentés. D'importants programmes ont été initiés cette année, et je souhaite m'y arrêter un instant.
Pour insister sur les orientations importantes en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie et sur le plan triennal d'actions pour les années 1999-2001 adopté en juin dernier.
La situation que connaît notre pays est, en effet, préoccupante ; en 1997, la moitié des jeunes de 15 à 19 ans s'est vu proposer une drogue, un produit psychoactif, le tiers en a déjà consommé une fois et parmi ceux-ci la moitié en a consommé dix fois plus.
La polyconsommation, l'arrivée de plus en plus fréquente des drogues de synthèse sont des sujets de préoccupation importante.
Nous avons décidé de faire prévaloir une approche globale visant à faire appliquer la loi et à protéger la santé de nos concitoyens.
Il s'agit tout à la fois de répondre systématiquement à toute transgression de l'interdit fixé par la loi, de respecter les impératifs de santé publique, de prévenir l'usage de drogues et, lorsqu'il existe, d'éviter le passage à l'usage abusif qui conduit à la dépendance.
Toutes les dépendances doivent être traitées.
L'alcool ou le tabac ne sont certes pas des drogues, mais l'abus, tabagisme et alcoolisme, entraînent des comportements de dépendance dangereux pour l'usager comme pour la société. Il en est de même de l'usage excessif ou détourné de médicaments psychoactifs ou du mélange de plusieurs de toutes ces substances.
L'information du public mais aussi des intervenants, gendarmes, travailleurs sociaux, enseignants, élus, médecins est -la démarche VILLENEUVE-SANTE le confirme- essentielle mais pas suffisante.
Le contexte familial, le niveau socio-professionnel et l'exemple amical jouent un rôle majeur dans le passage à l'acte.
On sait que chez les jeunes, il existe un lien évident entre les pratiques de consommation des différentes substances, la consommation de tabac étant plus fréquente chez les enfants des parents fumeurs, l'usage des drogues illicites étant plus répandu chez ceux qui consomment également le plus d'alcool et de tabac.
Il nous appartient d'arriver à décloisonner les dispositifs de prévention pour les mettre réellement au service du jeune dans sa globalité.
Un second axe de notre politique de prévention consiste à mieux prendre en charge les personnes souffrant de maladies chroniques.
Nous voulons promouvoir une politique volontariste d'éducation thérapeutique du malade pas seulement pour leur apprendre le bon usage de son traitement mais pour l'aider à développer son projet de vie avec sa maladie.
Il s'agit d'améliorer l'efficacité de la prise en charge, la connaissance des contraintes quotidiennes pour mieux aider la personne et lui permettre une plus grande autonomie au quotidien. Le diabète et l'asthme feront l'objet dès cette année d'expérimentations.
Troisième axe : diminuer le nombre de grossesses non désirées par le renfort de la politique de contraception.
Le renforcement de la contraception chez les adolescentes est une priorité. Des contraceptifs d'urgence délivrés sans ordonnance sont aujourd'hui disponibles. Ils permettront, j'en suis sûre, d'éviter un certain nombre de grossesses non désirées.
Un plan national d'information et d'actions vient d'être mis en place.
Il s'agit, d'une part, de mieux informer, pour mieux maîtriser la contraception par une campagne nationale de communication qui, puisque c'est un droit en cas d'échec de contraception et d'absence de maternité, de la fécondité mais aussi de garantir l'accès à l'IVG sur l'ensemble du territoire.
Enfin, une autre grande cause doit mobiliser nos énergies : la diminution des morts dues au suicide.
Le suicide est encore cause de trop de morts évitables. Un jeune sur dix y a pensé. La moitié de ceux qui y pensent ne se confient à personne. Un chiffre qui illustre bien le mur de silence qui se construit autour de cette souffrance psychique.
Les conséquences, vous le savez, sont graves. Le suicide est la seconde cause de décès en France chez les jeunes de 15 à 24 ans et la première cause chez les jeunes adultes de 25 à 34 ans.
C'est dans ce cadre que nous avons mis en place un programme national de prévention du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes.
La lutte contre l'infection VIH, le dépistage précoce de l'hépatite C sont également des préoccupations constantes.
L'étude qu'on nous a présentée montre bien le long chemin qui reste à parcourir pour l'avancée des connaissances fasse évoluer les comportements.
Soyez assurés que votre démarche me conforte -si besoin était- dans ma conviction que les prochains progrès réalisés dans l'amélioration de la qualité de vie, le seront grâce à la prévention et à la promotion et l'éducation à la santé, en mettant en place, comme vous l'avez souligné, une information scientifique valide et transparente à la disposition des citoyens.
Avant de terminer, je vous remercie sur les paroles du premier ministre à la clôture des Etats Généraux de la Santé qui a décidé de jeter les fondements de ce qu'il a appelé une "démocratie sanitaire".
Souhaitons que cette démocratie s'épanouisse.
Facilitons les échanges.
Responsabilisons nos concitoyens en les faisant participer à la réflexion sur eux-mêmes, leur état de santé, leur comportement, sur l'exclusion des techniques et l'avenir de l'homme.
C'est une constatation que ne pourra partager, j'en suis convaincue, après nos échanges comme nous partageons l'éthique de la connaissance.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2000).