Texte intégral
(Allocution au Conseil de sécurité de l'ONU, à New York le 25 mars 2004) :
Je me réjouis de la tenue de cette réunion, que la France a souhaitée ce mois ci, en vue d'examiner les problèmes transfrontaliers qui menacent la paix et la sécurité en Afrique de l'Ouest. Je salue la présence du ministre des Affaires étrangères du Ghana en Présidence de la CEDEAO et de M. Chambas, secrétaire exécutif de la CEDEAO.
Cette réunion du Conseil de sécurité intervient au moment où existe un espoir de règlement des crises en Afrique de l'Ouest, mais où demeurent des menaces et des éléments de fragilité.
Après la Sierra Leone, la Côte d'Ivoire et le Liberia se sont à leur tour engagés dans des processus de paix, avec les accords de Linas-Marcoussis et d'Accra.
Il nous appartient de faire en sorte que ces espoirs de paix se concrétisent. La responsabilité première, à ce titre, est bien entendu celle des signataires de ces accords, qui doivent s'acquitter pleinement et sans préalable, au Liberia comme en Côte d'Ivoire, des engagements qu'ils ont pris. La France leur lance un appel en ce sens.
La communauté internationale doit continuer à soutenir leurs efforts, comme elle l'a fait jusqu'à présent avec détermination. A cet égard, l'action de la CEDEAO doit être saluée.
Pour sa part, le Conseil de sécurité a pris de nombreuses initiatives en vue de ramener la paix dans la région.
La France a été à l'avant-garde dans nombre de ces domaines. En Côte d'Ivoire, elle maintiendra une présence substantielle au service de la paix, aux côtés de l'opération de maintien de la paix des Nations unies qui doit se mettre en place dans les jours qui viennent.
Je rappelle une nouvelle fois que la responsabilité du rétablissement de la stabilité et de la paix appartient d'abord aux parties ivoiriennes elles-mêmes.
Quand un engagement mutuel a été pris il est du devoir de chacun de le tenir.
Au moment où se tient notre réunion, des violences ont lieu en Côte d'Ivoire. La France exprime son inquiétude et lance un appel pressant à la retenue et à la responsabilité à tous les acteurs de la situation en Côte d'Ivoire.
Pour être pleinement efficace, cette mobilisation de la communauté internationale doit profiter dans la durée à la région dans son ensemble.
Nous saluons à cet égard le travail du représentant spécial du Secrétaire général en Afrique de l'Ouest. Les recommandations présentées ce matin dans le rapport du Secrétaire général et les interventions détaillées à son sujet dessinent des pistes de coopération entre les Etats de la région, les organisations régionales - notamment la CEDEAO et l'Union africaine-, les Nations unies et les autres Etats et organisations partenaires.
Quelques points méritent d'être mis en exergue :
Il faut mieux coordonner les moyens considérables engagés par la communauté internationale dans la région, et les nombreuses initiatives de soutien au processus de paix. La question se pose de façon pressante pour les processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, conduits parallèlement en Sierra Leone, au Liberia et en Côte d'Ivoire.
Il est aussi urgent de mettre un terme aux trafics d'armes légères, au recrutement de mercenaires qui déstabilisent des pays entiers. Il en va de la responsabilité de l'ensemble des Etats de la région, mais aussi, et je pense particulièrement aux trafics d'armes, de l'ensemble des autres Etats, qu'ils soient potentiellement concernés par l'exportation, le courtage, ou encore le financement de ces opérations.
Avec l'aide de la communauté internationale, les pays de la région devront également unir leurs efforts pour mieux contrôler leurs frontières, démanteler les points de contrôle illégaux qui entravent la libre circulation des personnes et des biens, lutter contre l'exploitation illégale des ressources naturelles, assurer la sécurité dans les camps de réfugiés, ou encore combattre le commerce des stupéfiants. Je pense aussi à la situation des enfants dans les conflits armés qui est un aspect particulièrement tragique de ces conflits et qui devrait faire l'objet d'actions particulières de la part des Etats de la région et de la communauté internationale.
Beaucoup de propositions très constructives sont avancées dans le rapport du Secrétaire général. Quelques pistes supplémentaires pourraient être ajoutées à celles ouvertes par le Secrétaire général :
Pourquoi ne pas envisager la mise en place, dans un cadre régional, d'un embargo sur les armes destinées aux groupes non-étatiques ?
Ne pourrait-on pas aider les pays de la région à renforcer leur contrôle sur leurs ressources naturelles, grâce à l'appui des opérations de paix des Nations Unies ou à travers d'autres mécanismes ?
Au-delà de ces propositions, les Etats de la région et la communauté internationale dans son ensemble doivent aussi mettre l'accent sur la prévention des conflits.
Pour éviter de retomber dans une spirale d'instabilité, il faut être vigilants face aux situations qui, sans constituer des crises ouvertes, sont susceptibles d'une dégradation rapide.
Le Secrétaire général a appelé l'attention sur ce point en conclusion de son rapport ; il nous invite notamment à porter une attention particulière à la situation en Guinée.
D'une manière générale, il convient d'articuler cette approche préventive dans les différentes instances internationales concernées : les Nations unies et le Conseil de sécurité, naturellement, mais aussi les organisations régionales et sous-régionales ainsi que les institutions financières internationales. Coordonnons mieux notre action collective pour prévenir les crises et les conflits.
Enfin, une mobilisation nouvelle des Africains en faveur de la paix et du développement sur leur continent doit être encore soutenue.
La stabilisation de l'Afrique de l'Ouest et du continent ne sera possible et durable que grâce à la mobilisation des partenaires africains. Il convient de rendre hommage aux initiatives déjà prises.
La CEDEAO en Afrique de l'Ouest, mais aussi la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC) en République centrafricaine, et l'Union africaine au Burundi, sont notamment des acteurs essentiels du retour à la paix, par leurs intenses efforts diplomatiques mais aussi, lorsqu'il le faut, par la mise en place d'une présence militaire de stabilisation.
L'Union africaine a décidé de se doter d'un Conseil de paix et de sécurité. Ce nouvel organe sera un partenaire privilégié du Conseil de sécurité des Nations unies, puisqu'une partie importante de l'activité de ce dernier est consacrée à l'Afrique.
Dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), les Etats africains ont choisi également de développer encore leur action collective en faveur de la paix et de la sécurité, et pour cela d'accroître leurs capacités institutionnelles et opérationnelles.
Ces initiatives témoignent toutes de la volonté africaine de répondre aux défis de leur continent. Il faut que la communauté internationale soutienne ces efforts. La France continuera à leur apporter tout son soutien. Elle restera très active avec ses partenaires au sein de l'Union européenne pour que celle-ci renforce encore sa mobilisation au service de la paix et du développement en Afrique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mars 2004)
(Conférence de presse à New York, le 25 mars 2004) :
Cette réunion du Conseil qui est destinée à examiner le rapport du Secrétaire général des Nations unies sur les problèmes transfrontaliers mettant en danger la sécurité et la stabilité de l'Afrique de l'Ouest, a été organisée à l'initiative de la France, qui préside actuellement le Conseil de sécurité. Les événements qui se déroulent aujourd'hui même à Abidjan montrent l'importance et l'urgence qui s'attachent à ces sujets.
Je voudrais mettre l'accent sur un point très important, qui est parfaitement illustré par la réunion d'aujourd'hui. La communauté internationale, en particulier dans le cadre des Nations unies et de la CEDEAO, est pleinement engagée dans la recherche de solutions aux crises et aux conflits qui se sont développés dans cette partie du contient africain, qu'il s'agisse du Liberia, de la Sierra Leone ou de la Côte d'Ivoire. Bien sûr, chacun présente des particularités et elles doivent être prises en considération si l'on veut favoriser efficacement une issue pacifique à chacune de ces crises. Mais il y a également un certain nombre de phénomènes communs, du fait de l'appartenance à la même région géographique et précisément parce que l'on passe les frontières de l'un à l'autre facilement ; ceci apparaît clairement à travers ces maux que sont les trafics d'armes, de drogue, voire d'êtres humains, le recrutement de mercenaires, d'enfants soldats, le pillage des ressources naturelles... Pour contrer ces phénomènes, à la fois inacceptables et dévastateurs pour les pays eux-mêmes, il faut mettre en oeuvre une série de solutions, notamment l'important processus de démobilisation et de réinsertion. Ce sont ces sujets qui sont au coeur du rapport du Secrétaire général qui est examiné ce matin par le Conseil de sécurité.
La France, comme les autres membres du Conseil, aborde ces questions en souhaitant que des solutions efficaces et coordonnées puissent être mises en oeuvre. La présence sur le terrain de trois opérations de maintien de la paix importantes devrait y contribuer. Au-delà de ces opérations il s'agit de créer les conditions d'une paix durable. La France, dans cette entreprise, est aux côtés de l'Afrique de l'Ouest. Vous connaissez notre engagement en Côte d'Ivoire, notamment l'aspect militaire qui sera maintenu en appui de l'opération de maintien de la paix des Nations unies jusqu'aux élections présidentielles. Nous soutenons également l'action des Nations unies au Liberia. Les règlements des crises dans ces pays, comme en Sierra Leone, sont étroitement liés.
Autre point que je voudrais souligner : il appartient avant tout aux acteurs sur place, aux parties, de respecter les engagements pris au titre des accords qu'ils ont signés, que ce soit en Sierra Leone, au Liberia ou en Côte d'Ivoire. Je le dis avec une force particulière au moment où se déroulent à Abidjan des événements préoccupants. Je voudrais à cet égard lancer un appel pressant à tous les responsables politiques ivoiriens pour que des progrès rapides et simultanés soient réalisés dans la mise en oeuvre des accords de Linas-Marcoussis, que l'ensemble des parties ont signés, avec l'adoption des textes clés qui sont prévus par cet accord, en particulier les projets de loi relatifs à la nationalité, et au régime foncier rural, et d'autre part la mise en oeuvre du processus de désarmement, démobilisation, réinsertion, et la réunification du pays par la remise en route de l'administration et des services publics sur tout le territoire. Le succès des accords de Linas-Marcoussis suppose une dynamique de paix et une volonté loyale d'aboutir de la part de tous les acteurs. La France est déterminée, au sein de la communauté internationale, à tout faire en ce sens.
Q - Est-ce que vous pourriez réagir à ce qui s'est passé aujourd'hui à Abidjan ? Comment est-ce que vous analysez la situation ? Quelles conséquences pour la suite du processus ?
R - Ce qui se passe à Abidjan renforce l'impérieuse nécessité pour l'ensemble des acteurs ivoiriens d'avancer dans la mise en oeuvre des solutions qui ont été négociées et acceptées par eux à Linas-Marcoussis. Je ne vais pas me prononcer ici sur des événements qui se déroulent peut-être en ce moment même.
En revanche sur les leçons à tirer de ce qui se passe les choses sont claires. Il y a en Côte d'Ivoire depuis presque un an et demi une situation dangereuse, qui menace l'équilibre du pays et de la région, son avenir. Quand des événements de cette importance se produisent, il y a la nécessité pour tous de dépasser les clivages et les calculs, de prendre en charge l'intérêt national, d'affronter ensemble les problèmes et de mettre en oeuvre les solutions. Ces solutions sont tracées dans les accords de Linas-Marcoussis. Ce que peuvent souhaiter la France et la communauté internationale, qui est très directement engagée dans la recherche d'une solution, c'est que tout le monde comprenne ce message et que tout le monde fasse preuve de loyauté, d'engagement pour réconcilier les Ivoiriens.
Q - Quelles mesures prendre pour mettre un terme au problème des mercenaires ?
R - Il y a effectivement le cas des mercenaires professionnels, mais cela se traite. Je prends l'exemple de la France. Nous avons récemment adopté une loi qui permet de poursuivre le mercenariat organisé. Il y a aussi et plus largement le cas évoqué par mon collègue ghanéen des soldats et des miliciens perdus, égarés et entraînés dans ces conflits, il y a le cas des enfants soldats. Tous ces phénomènes sont liés aux déplacements de populations, à la déstabilisation de l'agriculture et des structures économiques dans les pays atteints par ces conflits, le chômage, la dislocation du système éducatif... Il y a une reconstruction globale à faire, d'où la nécessité d'une mobilisation internationale forte et de moyens financiers mais aussi de formation et d'encadrement. C'est une dimension très importante de la reconstruction de l'économie de ces pays. Ce n'est pas à la dimension d'un pays seul. Il faut qu'il y ait, d'un point de vue régional et s'agissant de l'Afrique de l'Ouest, un effort global. C'est l'objet même du rapport du Secrétaire général auquel je vous renvoie parce qu'il contient des mesures concrètes et sur lesquelles la communauté internationale doit avoir le souci d'apporter des réponses.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mars 2004)
(Entretien avec RFI à New York, le 25 mars 2004) :
Q - Quelle est votre réaction aux événements d'aujourd'hui en Côte d'Ivoire ? Est-ce que cela va retarder le déploiement de casques bleus ?
R - Les évènements qui se déroulent aujourd'hui à Abidjan montrent au contraire l'urgence, l'importance aussi, de manifester le plus vite possible l'engagement sur le terrain de la communauté internationale. Cet engagement existe déjà depuis plusieurs mois sur le plan de la recherche politique d'un accord entre les différentes parties prenantes. Il existe aussi avec la décision prise par les Nations unies, par le Conseil de sécurité, de mettre en place une opération de maintien de la paix en Côte d'Ivoire dans les tous prochains jours. Et je pense qu'il apparaît clairement aujourd'hui qu'il est important et urgent que cette décision se traduise sur le terrain. Cela n'exonère pas, bien sûr, les responsables ivoiriens, quels qu'ils soient, d'assumer eux-mêmes leur part d'effort et leur responsabilité. Des engagements ont été pris par les uns et par les autres, à travers les accords de Marcoussis. Ces engagements doivent être respectés. La communauté internationale elle-même qui s'est beaucoup impliquée, qui s'implique, et continuera de s'impliquer, a naturellement un rôle important à jouer aussi.
Q - Le Conseil de sécurité se réunit aujourd'hui sur l'Afrique de l'Ouest en général. Qu'attendez-vous de cette réunion ?
R - Le Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, a présenté un rapport qui analyse les besoins et propose des solutions pour faire face aux facteurs et aux conséquences des différents conflits qui affectent les pays en Afrique occidentale, Afrique de l'Ouest, Liberia, Sierra Leone et Côte d'Ivoire. Ces conflits présentent des particularités mais aussi des points communs, qu'il s'agisse des trafics en tout genre qui alimentent et qui sont alimentés aussi par l'insécurité, l'instabilité, qu'il s'agisse des enfants soldats, de l'utilisation de mercenaires, qu'il s'agisse du pillage des ressources naturelles, de leur détournement par un certain nombre de bandes armées, ou de leur exploitation illégale, et bien d'autres sujets de ce genre. Il y a là un ensemble de mesures à prendre, par exemple à travers le processus qu'on appelle désarmement, démobilisation, réinsertion, réintégration pour les combattants, les miliciens. Il est très important par exemple que les jeunes puissent retrouver une place dans la société. Des propositions très intéressantes sont contenues dans le rapport du Secrétaire général. Le Conseil de sécurité, à l'initiative de la France, a souhaité examiner ce rapport et nous espérons qu 'il connaîtra des suites concrètes. Il y a beaucoup de dispositions à prendre, qui, elles aussi, nécessitent la mobilisation de l'ensemble de la communauté internationale et notamment des pays donateurs et des organisations financières internationales.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mars 2004)
Je me réjouis de la tenue de cette réunion, que la France a souhaitée ce mois ci, en vue d'examiner les problèmes transfrontaliers qui menacent la paix et la sécurité en Afrique de l'Ouest. Je salue la présence du ministre des Affaires étrangères du Ghana en Présidence de la CEDEAO et de M. Chambas, secrétaire exécutif de la CEDEAO.
Cette réunion du Conseil de sécurité intervient au moment où existe un espoir de règlement des crises en Afrique de l'Ouest, mais où demeurent des menaces et des éléments de fragilité.
Après la Sierra Leone, la Côte d'Ivoire et le Liberia se sont à leur tour engagés dans des processus de paix, avec les accords de Linas-Marcoussis et d'Accra.
Il nous appartient de faire en sorte que ces espoirs de paix se concrétisent. La responsabilité première, à ce titre, est bien entendu celle des signataires de ces accords, qui doivent s'acquitter pleinement et sans préalable, au Liberia comme en Côte d'Ivoire, des engagements qu'ils ont pris. La France leur lance un appel en ce sens.
La communauté internationale doit continuer à soutenir leurs efforts, comme elle l'a fait jusqu'à présent avec détermination. A cet égard, l'action de la CEDEAO doit être saluée.
Pour sa part, le Conseil de sécurité a pris de nombreuses initiatives en vue de ramener la paix dans la région.
La France a été à l'avant-garde dans nombre de ces domaines. En Côte d'Ivoire, elle maintiendra une présence substantielle au service de la paix, aux côtés de l'opération de maintien de la paix des Nations unies qui doit se mettre en place dans les jours qui viennent.
Je rappelle une nouvelle fois que la responsabilité du rétablissement de la stabilité et de la paix appartient d'abord aux parties ivoiriennes elles-mêmes.
Quand un engagement mutuel a été pris il est du devoir de chacun de le tenir.
Au moment où se tient notre réunion, des violences ont lieu en Côte d'Ivoire. La France exprime son inquiétude et lance un appel pressant à la retenue et à la responsabilité à tous les acteurs de la situation en Côte d'Ivoire.
Pour être pleinement efficace, cette mobilisation de la communauté internationale doit profiter dans la durée à la région dans son ensemble.
Nous saluons à cet égard le travail du représentant spécial du Secrétaire général en Afrique de l'Ouest. Les recommandations présentées ce matin dans le rapport du Secrétaire général et les interventions détaillées à son sujet dessinent des pistes de coopération entre les Etats de la région, les organisations régionales - notamment la CEDEAO et l'Union africaine-, les Nations unies et les autres Etats et organisations partenaires.
Quelques points méritent d'être mis en exergue :
Il faut mieux coordonner les moyens considérables engagés par la communauté internationale dans la région, et les nombreuses initiatives de soutien au processus de paix. La question se pose de façon pressante pour les processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, conduits parallèlement en Sierra Leone, au Liberia et en Côte d'Ivoire.
Il est aussi urgent de mettre un terme aux trafics d'armes légères, au recrutement de mercenaires qui déstabilisent des pays entiers. Il en va de la responsabilité de l'ensemble des Etats de la région, mais aussi, et je pense particulièrement aux trafics d'armes, de l'ensemble des autres Etats, qu'ils soient potentiellement concernés par l'exportation, le courtage, ou encore le financement de ces opérations.
Avec l'aide de la communauté internationale, les pays de la région devront également unir leurs efforts pour mieux contrôler leurs frontières, démanteler les points de contrôle illégaux qui entravent la libre circulation des personnes et des biens, lutter contre l'exploitation illégale des ressources naturelles, assurer la sécurité dans les camps de réfugiés, ou encore combattre le commerce des stupéfiants. Je pense aussi à la situation des enfants dans les conflits armés qui est un aspect particulièrement tragique de ces conflits et qui devrait faire l'objet d'actions particulières de la part des Etats de la région et de la communauté internationale.
Beaucoup de propositions très constructives sont avancées dans le rapport du Secrétaire général. Quelques pistes supplémentaires pourraient être ajoutées à celles ouvertes par le Secrétaire général :
Pourquoi ne pas envisager la mise en place, dans un cadre régional, d'un embargo sur les armes destinées aux groupes non-étatiques ?
Ne pourrait-on pas aider les pays de la région à renforcer leur contrôle sur leurs ressources naturelles, grâce à l'appui des opérations de paix des Nations Unies ou à travers d'autres mécanismes ?
Au-delà de ces propositions, les Etats de la région et la communauté internationale dans son ensemble doivent aussi mettre l'accent sur la prévention des conflits.
Pour éviter de retomber dans une spirale d'instabilité, il faut être vigilants face aux situations qui, sans constituer des crises ouvertes, sont susceptibles d'une dégradation rapide.
Le Secrétaire général a appelé l'attention sur ce point en conclusion de son rapport ; il nous invite notamment à porter une attention particulière à la situation en Guinée.
D'une manière générale, il convient d'articuler cette approche préventive dans les différentes instances internationales concernées : les Nations unies et le Conseil de sécurité, naturellement, mais aussi les organisations régionales et sous-régionales ainsi que les institutions financières internationales. Coordonnons mieux notre action collective pour prévenir les crises et les conflits.
Enfin, une mobilisation nouvelle des Africains en faveur de la paix et du développement sur leur continent doit être encore soutenue.
La stabilisation de l'Afrique de l'Ouest et du continent ne sera possible et durable que grâce à la mobilisation des partenaires africains. Il convient de rendre hommage aux initiatives déjà prises.
La CEDEAO en Afrique de l'Ouest, mais aussi la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC) en République centrafricaine, et l'Union africaine au Burundi, sont notamment des acteurs essentiels du retour à la paix, par leurs intenses efforts diplomatiques mais aussi, lorsqu'il le faut, par la mise en place d'une présence militaire de stabilisation.
L'Union africaine a décidé de se doter d'un Conseil de paix et de sécurité. Ce nouvel organe sera un partenaire privilégié du Conseil de sécurité des Nations unies, puisqu'une partie importante de l'activité de ce dernier est consacrée à l'Afrique.
Dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), les Etats africains ont choisi également de développer encore leur action collective en faveur de la paix et de la sécurité, et pour cela d'accroître leurs capacités institutionnelles et opérationnelles.
Ces initiatives témoignent toutes de la volonté africaine de répondre aux défis de leur continent. Il faut que la communauté internationale soutienne ces efforts. La France continuera à leur apporter tout son soutien. Elle restera très active avec ses partenaires au sein de l'Union européenne pour que celle-ci renforce encore sa mobilisation au service de la paix et du développement en Afrique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mars 2004)
(Conférence de presse à New York, le 25 mars 2004) :
Cette réunion du Conseil qui est destinée à examiner le rapport du Secrétaire général des Nations unies sur les problèmes transfrontaliers mettant en danger la sécurité et la stabilité de l'Afrique de l'Ouest, a été organisée à l'initiative de la France, qui préside actuellement le Conseil de sécurité. Les événements qui se déroulent aujourd'hui même à Abidjan montrent l'importance et l'urgence qui s'attachent à ces sujets.
Je voudrais mettre l'accent sur un point très important, qui est parfaitement illustré par la réunion d'aujourd'hui. La communauté internationale, en particulier dans le cadre des Nations unies et de la CEDEAO, est pleinement engagée dans la recherche de solutions aux crises et aux conflits qui se sont développés dans cette partie du contient africain, qu'il s'agisse du Liberia, de la Sierra Leone ou de la Côte d'Ivoire. Bien sûr, chacun présente des particularités et elles doivent être prises en considération si l'on veut favoriser efficacement une issue pacifique à chacune de ces crises. Mais il y a également un certain nombre de phénomènes communs, du fait de l'appartenance à la même région géographique et précisément parce que l'on passe les frontières de l'un à l'autre facilement ; ceci apparaît clairement à travers ces maux que sont les trafics d'armes, de drogue, voire d'êtres humains, le recrutement de mercenaires, d'enfants soldats, le pillage des ressources naturelles... Pour contrer ces phénomènes, à la fois inacceptables et dévastateurs pour les pays eux-mêmes, il faut mettre en oeuvre une série de solutions, notamment l'important processus de démobilisation et de réinsertion. Ce sont ces sujets qui sont au coeur du rapport du Secrétaire général qui est examiné ce matin par le Conseil de sécurité.
La France, comme les autres membres du Conseil, aborde ces questions en souhaitant que des solutions efficaces et coordonnées puissent être mises en oeuvre. La présence sur le terrain de trois opérations de maintien de la paix importantes devrait y contribuer. Au-delà de ces opérations il s'agit de créer les conditions d'une paix durable. La France, dans cette entreprise, est aux côtés de l'Afrique de l'Ouest. Vous connaissez notre engagement en Côte d'Ivoire, notamment l'aspect militaire qui sera maintenu en appui de l'opération de maintien de la paix des Nations unies jusqu'aux élections présidentielles. Nous soutenons également l'action des Nations unies au Liberia. Les règlements des crises dans ces pays, comme en Sierra Leone, sont étroitement liés.
Autre point que je voudrais souligner : il appartient avant tout aux acteurs sur place, aux parties, de respecter les engagements pris au titre des accords qu'ils ont signés, que ce soit en Sierra Leone, au Liberia ou en Côte d'Ivoire. Je le dis avec une force particulière au moment où se déroulent à Abidjan des événements préoccupants. Je voudrais à cet égard lancer un appel pressant à tous les responsables politiques ivoiriens pour que des progrès rapides et simultanés soient réalisés dans la mise en oeuvre des accords de Linas-Marcoussis, que l'ensemble des parties ont signés, avec l'adoption des textes clés qui sont prévus par cet accord, en particulier les projets de loi relatifs à la nationalité, et au régime foncier rural, et d'autre part la mise en oeuvre du processus de désarmement, démobilisation, réinsertion, et la réunification du pays par la remise en route de l'administration et des services publics sur tout le territoire. Le succès des accords de Linas-Marcoussis suppose une dynamique de paix et une volonté loyale d'aboutir de la part de tous les acteurs. La France est déterminée, au sein de la communauté internationale, à tout faire en ce sens.
Q - Est-ce que vous pourriez réagir à ce qui s'est passé aujourd'hui à Abidjan ? Comment est-ce que vous analysez la situation ? Quelles conséquences pour la suite du processus ?
R - Ce qui se passe à Abidjan renforce l'impérieuse nécessité pour l'ensemble des acteurs ivoiriens d'avancer dans la mise en oeuvre des solutions qui ont été négociées et acceptées par eux à Linas-Marcoussis. Je ne vais pas me prononcer ici sur des événements qui se déroulent peut-être en ce moment même.
En revanche sur les leçons à tirer de ce qui se passe les choses sont claires. Il y a en Côte d'Ivoire depuis presque un an et demi une situation dangereuse, qui menace l'équilibre du pays et de la région, son avenir. Quand des événements de cette importance se produisent, il y a la nécessité pour tous de dépasser les clivages et les calculs, de prendre en charge l'intérêt national, d'affronter ensemble les problèmes et de mettre en oeuvre les solutions. Ces solutions sont tracées dans les accords de Linas-Marcoussis. Ce que peuvent souhaiter la France et la communauté internationale, qui est très directement engagée dans la recherche d'une solution, c'est que tout le monde comprenne ce message et que tout le monde fasse preuve de loyauté, d'engagement pour réconcilier les Ivoiriens.
Q - Quelles mesures prendre pour mettre un terme au problème des mercenaires ?
R - Il y a effectivement le cas des mercenaires professionnels, mais cela se traite. Je prends l'exemple de la France. Nous avons récemment adopté une loi qui permet de poursuivre le mercenariat organisé. Il y a aussi et plus largement le cas évoqué par mon collègue ghanéen des soldats et des miliciens perdus, égarés et entraînés dans ces conflits, il y a le cas des enfants soldats. Tous ces phénomènes sont liés aux déplacements de populations, à la déstabilisation de l'agriculture et des structures économiques dans les pays atteints par ces conflits, le chômage, la dislocation du système éducatif... Il y a une reconstruction globale à faire, d'où la nécessité d'une mobilisation internationale forte et de moyens financiers mais aussi de formation et d'encadrement. C'est une dimension très importante de la reconstruction de l'économie de ces pays. Ce n'est pas à la dimension d'un pays seul. Il faut qu'il y ait, d'un point de vue régional et s'agissant de l'Afrique de l'Ouest, un effort global. C'est l'objet même du rapport du Secrétaire général auquel je vous renvoie parce qu'il contient des mesures concrètes et sur lesquelles la communauté internationale doit avoir le souci d'apporter des réponses.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mars 2004)
(Entretien avec RFI à New York, le 25 mars 2004) :
Q - Quelle est votre réaction aux événements d'aujourd'hui en Côte d'Ivoire ? Est-ce que cela va retarder le déploiement de casques bleus ?
R - Les évènements qui se déroulent aujourd'hui à Abidjan montrent au contraire l'urgence, l'importance aussi, de manifester le plus vite possible l'engagement sur le terrain de la communauté internationale. Cet engagement existe déjà depuis plusieurs mois sur le plan de la recherche politique d'un accord entre les différentes parties prenantes. Il existe aussi avec la décision prise par les Nations unies, par le Conseil de sécurité, de mettre en place une opération de maintien de la paix en Côte d'Ivoire dans les tous prochains jours. Et je pense qu'il apparaît clairement aujourd'hui qu'il est important et urgent que cette décision se traduise sur le terrain. Cela n'exonère pas, bien sûr, les responsables ivoiriens, quels qu'ils soient, d'assumer eux-mêmes leur part d'effort et leur responsabilité. Des engagements ont été pris par les uns et par les autres, à travers les accords de Marcoussis. Ces engagements doivent être respectés. La communauté internationale elle-même qui s'est beaucoup impliquée, qui s'implique, et continuera de s'impliquer, a naturellement un rôle important à jouer aussi.
Q - Le Conseil de sécurité se réunit aujourd'hui sur l'Afrique de l'Ouest en général. Qu'attendez-vous de cette réunion ?
R - Le Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, a présenté un rapport qui analyse les besoins et propose des solutions pour faire face aux facteurs et aux conséquences des différents conflits qui affectent les pays en Afrique occidentale, Afrique de l'Ouest, Liberia, Sierra Leone et Côte d'Ivoire. Ces conflits présentent des particularités mais aussi des points communs, qu'il s'agisse des trafics en tout genre qui alimentent et qui sont alimentés aussi par l'insécurité, l'instabilité, qu'il s'agisse des enfants soldats, de l'utilisation de mercenaires, qu'il s'agisse du pillage des ressources naturelles, de leur détournement par un certain nombre de bandes armées, ou de leur exploitation illégale, et bien d'autres sujets de ce genre. Il y a là un ensemble de mesures à prendre, par exemple à travers le processus qu'on appelle désarmement, démobilisation, réinsertion, réintégration pour les combattants, les miliciens. Il est très important par exemple que les jeunes puissent retrouver une place dans la société. Des propositions très intéressantes sont contenues dans le rapport du Secrétaire général. Le Conseil de sécurité, à l'initiative de la France, a souhaité examiner ce rapport et nous espérons qu 'il connaîtra des suites concrètes. Il y a beaucoup de dispositions à prendre, qui, elles aussi, nécessitent la mobilisation de l'ensemble de la communauté internationale et notamment des pays donateurs et des organisations financières internationales.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mars 2004)