Texte intégral
N'en déplaise à certains critiques pourtant avisés, les industries des biens de santé, si elles obéissent évidemment aux lois du marché, ne peuvent pas laisser indifférents les gouvernements quels qu'ils soient. Rappelons aux critiques en question que le marché de la santé est financé à 80 % par la collectivité et pèse 8 % du PIB, ce qui donne à cette dernière, quand même, un certain droit de regard sur ce marché.
Pourquoi s'indigner des propos tenus par le Premier ministre français en faveur du rapprochement entre Sanofi et Aventis ? On peut les juger au contraire particulièrement souhaitables, aussi bien au nom de l'intérêt national, de l'intérêt européen ou, tout simplement, de l'intérêt de la santé dans le monde.
C'est bien mal connaître les circuits décisionnels en vigueur dans tous les États nations que d'imaginer que la fabrication et la distribution du médicament obéiraient aux règles du marché sans que la puissance publique intervienne tout au cours du processus qui va de la recherche aux soins. Toutes les grandes institutions qui veillent à la mise sur le marché des biens de santé sont vouées à pratiquer une objectivité que seul leur statut public permet d'assurer. Cela est vrai en Europe, comme aux États-Unis ou au Japon.
Des juristes éminents peuvent théoriser sur la possibilité d'un État comme la France de prétendre influer sur les stratégies des groupes pharmaceutiques. Pourtant, la sécurité sanitaire donne des pouvoirs d'intervention, comme c'est le cas pour les industries de défense avec la sécurité nationale. En outre, nos États sont tous confrontés, les uns et les autres, à la gestion d'une distribution du médicament qui se fait sous la protection d'un système de sécurité sociale. Dès lors, à la fois pour vérifier l'efficacité d'une thérapeutique et pour en apprécier le juste coût, il est logique que ceux qui ont la charge des systèmes nationaux d'assurance-maladie, à commencer par le nôtre, puissent avoir droit au chapitre.
Il n'est pas possible pour un grand pays comme la France de se désintéresser de la manière dont les décisions sont prises en la matière. On ne peut pas reprocher à un pays, qui a malheureusement été dans le passé insuffisamment attentif à ses industries de santé, de veiller à la conservation d'un des centres de décision qui comptent dans le monde, ne serait-ce que pour avoir droit au chapitre dans le concert mondial pour la fixation des normes des médicaments.
Les deux belles entreprises que sont Sanofi et Aventis illustrent aussi par leur histoire l'intérêt d'une complémentarité et d'une coopération intereuropéenne, en l'occurrence franco-allemande. Ce n'est pas au moment où il faut à tout prix créer une Europe de la recherche que nous pouvons nous désintéresser d'une stratégie de complémentarité et de coopération des centres de recherche européens.
J'ai déploré à une époque que les administrations, les politiques n'aient pas réussi à convaincre des acteurs européens comme Siemens et la Compagne Générale de Radiologie Française de se rapprocher pour stimuler l'imagerie médicale européenne. Aujourd'hui, le rapprochement Aventis-Sanofi contribuerait à assurer une présence significative de l'Europe dans le monde de la recherche médicale par la complémentarité des gammes de produits, des réseaux de distribution et des centres de recherche.
Et cette synergie doit s'inscrire tout naturellement dans la stratégie sanitaire d'une Union européenne qui devra être de plus en plus attentive au risque des maladies émergentes, des endémies. L'accélération de la mondialisation risque tôt ou tard d'en aggraver les menaces. Pionnier de cette politique, Alain Mérieux a opportunément rappelé que ces préoccupations ont heureusement prévalu dans l'industrie des vaccins : elles expliquent d'ailleurs la volonté des grands pays que sont l'Inde, la Chine ou le Brésil, de conserver une maîtrise en la matière.
Le Premier ministre n'a pas voulu envoyer le signal d'un retour au protectionnisme au risque de faire fuir les investissements étrangers de notre pays. Il s'agit simplement d'une approche pragmatique semblable à ce qui se passe ailleurs dans le monde, y compris dans les pays jugés les plus libéraux. Il vaut mieux que tout cela soit dit publiquement. Il ne s'agit pas de faire barrage aux lois du marché.
Mais, si ces lois sont bien sûr celles de l'économie concurrentielle ouverte, elles doivent intégrer aussi les exigences des citoyens, tout aussi attachés à leur sécurité sanitaire qu'à leur protection sociale collective. Les marchés des biens de santé ne peuvent pas à coup sûr l'ignorer... Le respect de ces exigences justifie les mises en garde faites par les hautes autorités d'un État, qui ne peuvent pas renoncer à leur devoir de veille en la matière.
(source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 25 mars 2004)
Pourquoi s'indigner des propos tenus par le Premier ministre français en faveur du rapprochement entre Sanofi et Aventis ? On peut les juger au contraire particulièrement souhaitables, aussi bien au nom de l'intérêt national, de l'intérêt européen ou, tout simplement, de l'intérêt de la santé dans le monde.
C'est bien mal connaître les circuits décisionnels en vigueur dans tous les États nations que d'imaginer que la fabrication et la distribution du médicament obéiraient aux règles du marché sans que la puissance publique intervienne tout au cours du processus qui va de la recherche aux soins. Toutes les grandes institutions qui veillent à la mise sur le marché des biens de santé sont vouées à pratiquer une objectivité que seul leur statut public permet d'assurer. Cela est vrai en Europe, comme aux États-Unis ou au Japon.
Des juristes éminents peuvent théoriser sur la possibilité d'un État comme la France de prétendre influer sur les stratégies des groupes pharmaceutiques. Pourtant, la sécurité sanitaire donne des pouvoirs d'intervention, comme c'est le cas pour les industries de défense avec la sécurité nationale. En outre, nos États sont tous confrontés, les uns et les autres, à la gestion d'une distribution du médicament qui se fait sous la protection d'un système de sécurité sociale. Dès lors, à la fois pour vérifier l'efficacité d'une thérapeutique et pour en apprécier le juste coût, il est logique que ceux qui ont la charge des systèmes nationaux d'assurance-maladie, à commencer par le nôtre, puissent avoir droit au chapitre.
Il n'est pas possible pour un grand pays comme la France de se désintéresser de la manière dont les décisions sont prises en la matière. On ne peut pas reprocher à un pays, qui a malheureusement été dans le passé insuffisamment attentif à ses industries de santé, de veiller à la conservation d'un des centres de décision qui comptent dans le monde, ne serait-ce que pour avoir droit au chapitre dans le concert mondial pour la fixation des normes des médicaments.
Les deux belles entreprises que sont Sanofi et Aventis illustrent aussi par leur histoire l'intérêt d'une complémentarité et d'une coopération intereuropéenne, en l'occurrence franco-allemande. Ce n'est pas au moment où il faut à tout prix créer une Europe de la recherche que nous pouvons nous désintéresser d'une stratégie de complémentarité et de coopération des centres de recherche européens.
J'ai déploré à une époque que les administrations, les politiques n'aient pas réussi à convaincre des acteurs européens comme Siemens et la Compagne Générale de Radiologie Française de se rapprocher pour stimuler l'imagerie médicale européenne. Aujourd'hui, le rapprochement Aventis-Sanofi contribuerait à assurer une présence significative de l'Europe dans le monde de la recherche médicale par la complémentarité des gammes de produits, des réseaux de distribution et des centres de recherche.
Et cette synergie doit s'inscrire tout naturellement dans la stratégie sanitaire d'une Union européenne qui devra être de plus en plus attentive au risque des maladies émergentes, des endémies. L'accélération de la mondialisation risque tôt ou tard d'en aggraver les menaces. Pionnier de cette politique, Alain Mérieux a opportunément rappelé que ces préoccupations ont heureusement prévalu dans l'industrie des vaccins : elles expliquent d'ailleurs la volonté des grands pays que sont l'Inde, la Chine ou le Brésil, de conserver une maîtrise en la matière.
Le Premier ministre n'a pas voulu envoyer le signal d'un retour au protectionnisme au risque de faire fuir les investissements étrangers de notre pays. Il s'agit simplement d'une approche pragmatique semblable à ce qui se passe ailleurs dans le monde, y compris dans les pays jugés les plus libéraux. Il vaut mieux que tout cela soit dit publiquement. Il ne s'agit pas de faire barrage aux lois du marché.
Mais, si ces lois sont bien sûr celles de l'économie concurrentielle ouverte, elles doivent intégrer aussi les exigences des citoyens, tout aussi attachés à leur sécurité sanitaire qu'à leur protection sociale collective. Les marchés des biens de santé ne peuvent pas à coup sûr l'ignorer... Le respect de ces exigences justifie les mises en garde faites par les hautes autorités d'un État, qui ne peuvent pas renoncer à leur devoir de veille en la matière.
(source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 25 mars 2004)