Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l'UMP, à France 2 le 31 mars 2004, sur le remaniement ministériel après les élections régionales, la politique de réforme du futur gouvernement et le rappel de leurs responsabilités aux élus de gauche.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q- F. Laborde-. Nous allons évoquer la composition du gouvernement Raffarin III, qui est en train de se faire en ce moment même. Mais d'abord, la confirmation de J.-P. Raffarin à son poste de Premier ministre a créé franchement le mécontentement à gauche et on dit aussi la surprise dans les rangs même de la majorité.
R- "Je pense que c'est une bonne nouvelle, parce que J.-P. Raffarin est un républicain authentique, humaniste, quelqu'un de généreux, quelqu'un qui écoute. Pas un idéologue, et quelqu'un qui veut tout simplement servir son pays. Le président de la République lui fait confiance et je suis heureux de ce lien de confiance entre eux deux. On est dans une période très difficile, on est dans une période où il y a beaucoup de violence en fait, où les gens ont envie de réagir, de critiquer, de démolir, de détruire, et nous, nous essayons de tendre la main, de réconcilier pour agir, et pour convaincre tout simplement les Français du bien fondé de ce que l'on veut faire..."
Q- C'est ce qui explique le vote sanction des régionales ?
R- "Il y a deux aspects, à mon avis, dans le vote des régionales. Il y a - ce que je comprends parfaitement - l'électorat de gauche qui a voulu tourner la page du premier tour de l'élection présidentielle, de l'éviction de Jospin, parce qu'évidemment, cela ne correspondait pas au rapport de force normal de la vie politique française. Et donc, l'éviction de Jospin a eu sa réponse il y a quelques jours. Et il y a le deuxième aspect : je ne nie pas une part de responsabilité ; chacun dans la majorité présidentielle a sa part de responsabilité, il y a des erreurs que nous avons pu commettre ou de l'absence suffisante de résultats. Mais nous ne sommes pas des magiciens, c'est-à-dire que nous ne sommes pas des gens qui sont capables, comme ça, de transformer dans cet air du temps, encore une fois très électrique, la situation économique, sociale. Parce que quand on prononce le terme de réforme, les gens se disent : "Qu'est-ce qu'il va encore nous piquer celui là, quel effort il va encore nous demander ?!"..."
Q- Oui, dans l'inconscient collectif, la réforme, c'est un mieux, c'est un progrès, alors que là, la réforme c'est un peu des difficultés à venir...
R- "Au service de quoi cela doit-il être fait ? D'une garantie économique et sociale. C'est-à-dire qu'on explique très clairement si on veut maintenir un bon système de retraite, eh bien voilà, il faut faire un effort, il faut bouger, mais c'est au service d'une garantie. Sur la santé, cela va être la même chose, cela veut dire qu'il faut qu'on annonce que concrètement, notre objectif est de garantir à chaque Français, qu'il soit riche ou pauvre, le même accès aux soins."
Q- Mais J.-P. Raffarin, après ce vote, n'est-il pas usé, affaibli ?
R- "On est tous affaiblis, tous. Je veux dire que le suffrage universel s'est prononcé, et donc il y a eu un résultat fort dans un certain nombre de régions. Ceci dit, on regarde le nombre de voix au plan national, ce n'est pas la Bérézina, ce n'est pas apocalyptique. Mais ceci dit, la gauche est en mesure de gérer 21 régions. Et de ce point de vue-là aussi, nous leur tendons la main. Libre à eux s'ils veulent faire des régions des bunkers, s'ils veulent ne pas faire la pédagogie nécessaire vis-à-vis des français, des difficultés des temps actuels ; cela a un nom : c'est de la démagogie et de l'irresponsabilité. Nous ne sommes pas dans cet état d'esprit, c'est-à-dire que nous tendons la main. La majorité présidentielle, parlementaire et gouvernementale travaillera évidemment avec les patrons des régions françaises. Il y a des moments où les réformes ne sont pas de droite ou de gauche. Réussir la réforme de l'assurance maladie, c'est-à-dire garantir à chaque française et à chaque français un bon système de soins, ce n'est pas la droite contre la gauche ; c'est tous ensemble, tous ensemble, au-delà des étiquettes, au-delà des étiquettes, que nous devons mettre sur la table les nécessités, en convaincre les Français et faire en sorte que pour 10 ou 15 ans, on ait enfin un bon système."
Q- Mais c'est ce que la gauche vous reproche. Elle dit que J. Chirac a été élu au deuxième tour, y compris avec des voix de gauche et elle demande ce qu'il en a fait, elle dit que des réformes ont été faites mais qu'on n'a tenu compte de ses observations etc.
R- "Quelles sont les propositions qu'ils mettent sur la table sur la santé, sur la culture, sur la recherche, sur l'économie ? On est prêt à écouter toutes les bonnes propositions. Je veux dire qu'il y a des moments où il faut avoir conscience quand même de ce qu'on a sur les épaules - encore une fois, j'insiste là-dessus -, de la violence de l'air du temps actuel. Et donc je demande un tout petit peu aux élus de gauche d'avoir la victoire modeste, parce que la réalité, si elle est aussi difficile, eux aussi en ont une part de responsabilité..."
Q- Il y avait des années de croissance ?
R- "Il y a les années de croissance, mais au-delà de ça, ils nous ont laissés, beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à faire..."
Q- J.-P. Huchon qui était ici même hier disait que si les 20 présidents de région se réunissent à un moment donné pour dire telle réforme n'est pas acceptable, c'est effectivement un contre-pouvoir. Que lui répondez-vous ?
R- "Mais attendez ! S'ils veulent bloquer, heureusement, il y a la loi de la République, c'est-à-dire que pour les décisions de la politique nationale, c'est au Parlement que les décisions se prennent, pour soutenir ou ne pas soutenir le Gouvernement. Donc je demande tout simplement aux élus de gauche de mesurer leurs responsabilités. Nous sommes respectueux du suffrage universel, je crois que c'est très important, parce qu'il faut toujours vouloir écouter nos concitoyens. Je leur demande d'être un peu respectueux des institutions et de ne pas mélanger tout. Ils ont la charge maintenant d'un certain nombre de collectivités ; qu'ils les gèrent avec créativité, qu'ils lancent des expériences intéressantes, pourquoi pas ? Vous ne pensez pas que dans la France d'aujourd'hui, tout le monde est à la recherche de bonnes solutions ? Quiconque pense qu'il a la vérité révélée et la science infuse, il fait erreur, il se trompe et il trompe les Français. Nous sommes des gens volontaires, nous avons des convictions, mais on a aussi plein d'antennes."
Q- Et que dites-vous à F. Bayrou qui dit que l'UDF ne veut pas participer au Gouvernement s'il n'y a pas un changement de cap plus majeur, plus important ?
R- "Mais dans les temps difficiles, on a besoin de chacun, mais on a besoin de la loyauté, de l'énergie, de l'authenticité de chacun. On ne va pas se donner indéfiniment des leçons ou se faire des crocs-en-jambe. Ce qui est nécessaire, c'est de vouloir agir et réussir ensemble, dans des temps difficiles."
Q- Vous dites au fond à Bayrou la même chose que vous dites à Huchon : soyez raisonnables !
R- "Non, ce n'est pas la même chose, parce que F. Bayrou et l'UDF, dans la plupart des moments, appartiennent à la majorité présidentielle. Donc je dis à toutes celles et à tous ceux de la majorité présidentielle que l'heure n'est pas aux étiquettes, l'heure est au rassemblement des énergies, des bonnes volontés de ceux qui acceptent de se coltiner la réalité, sans ambition personnelle particulière."
Q- "Se coltiner la réalité", c'est précisément ce que J.-P. Raffarin est en train de faire avec la composition de son nouveau gouvernement. Cela traîne un peu, c'est normal ? Les délais sont normaux ? Cela se passe comment ? Il y a des coups de fil, le téléphone sonne, un ministre dit "oui, moi je prends ça, à condition qu'il y ait ça avec" ? Ou "je veux bien si j'ai tel secrétaire d'Etat" ? Vous-même, on sait que vous êtes cité très régulièrement, on peut le dire, pour la Culture et la Communication ?
R- "Ecoutez, je vais vous répondre avec humour: j'ai pris un énorme risque en faisant votre émission, là maintenant, parce que j'ai débranché mon portable..."
Q- Ah ! oui, c'est embêtant !
R- "Et dans ce genre de période, il ne faut pas que les portables tombent en panne ! Et pour le moment, franchement, je n'ai pas encore reçu de coup de téléphone du Premier ministre..."
Q- Mais il regarde l'émission, donc il sait que vous êtes disponible !
R- "Je suis prêt à exercer toutes les responsabilités, ce que j'ai fait m'a passionné. L'activité politique, c'est-à-dire être au cur de la mêlée et essayer de transformer la réalité, cela me passionne. Et la valeur suprême pour moi aujourd'hui, les deux valeurs, c'est la réconciliation et le respect du pluralisme."
Q- A quelle heure connaîtra-t-on la composition du Gouvernement ? Cela va être dans la journée, la fumée blanche sortira ?
R- "Je n'en sais strictement rien. Pour le moment, ce qui est certain - il n'y a pas besoin de coup de téléphone - : je ne suis ni président de la République, ni Premier ministre."
(source http://www.u-m-p.org, le 31 mars 2004)