Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la connaissance de l'entreprise à l'école, le partenariat entre les entreprises et l'enseignement par les stages de formation et la découverte des métiers par les élèves, Paris le 13 octobre 2005.

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Intervenant(s) : 
  • Gilles de Robien - Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Circonstance : Colloque de l'association "Jeunesse et entreprises" à Paris le 13 octobre 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de prendre ce soir la parole devant vous.
Heureux parce que je retrouve ici un ami, Yvon Gattaz, qui conduit votre association depuis bientôt vingt ans, avec une jeunesse et une passion pour l'entreprise qui ne se démentent pas !
Heureux parce que la cause qui nous réunit ce soir - la meilleure connaissance de l'entreprise à l'école - me tient particulièrement à cur.
Et cela pour une raison bien simple, qui est une raison de bon sens :
Pour au moins les d'entre eux, les élèves de nos collèges et lycées travailleront un jour dans une entreprise, ou souhaiteront le faire le jour où ils entreront sur le marché du travail. Dans ces conditions, on ne peut se satisfaire que le premier contact réel avec l'entreprise n'ait lieu que le jour même de l'embauche, et qu'en attendant ce jour, les adolescents ignorent tout du fonctionnement quotidien et de la vie d'une entreprise.
Bien sûr, les professeurs de sciences économiques et sociales font découvrir l'entreprise à leurs élèves, mais cet enseignement, par nature, ne peut leur faire toucher du doigt la réalité concrète. En outre, les professeurs eux-mêmes sont souvent désireux de mieux connaître l'entreprise (les résultats de votre enquête, cher Président, le prouvent très clairement !).
J'ajoute qu'aujourd'hui, nous faisons face sur le marché du travail à une situation paradoxale : des jeunes sans emplois d'un côté, et des emplois sans jeunes, de l'autre. 400 000 offres d'emplois restent en effet non pourvues, faute de main d'uvre qualifiée, faute aussi de susciter l'intérêt spontané des jeunes.
Or, ces métiers ne sont pas, contrairement à une idée reçue, des " petits boulots " peu qualifiés ou mal payés ! Il s'agit au contraire de métiers techniques qualifiés, qui, compte tenu de la très forte demande, sont de surcroît rémunérateurs.
Or, je crois (même si ce n'est pas la seule cause) que l'on peut attribuer le manque d'offre dans ces différents secteurs à un manque de connaissance générale des métiers techniques ; un manque de connaissance de tous ces métiers, qui ont été trop longtemps dénigrés !
Enfin, tout le monde reconnaît aujourd'hui que l'entreprise est la première source de création de richesse, et partant, de création d'emplois. Beaucoup d'entreprises, c'est beaucoup d'emplois. La création d'entreprise ne doit donc pas être considérée comme réservée à une quelconque élite minoritaire ; la France a besoin d'entrepreneurs nombreux, jeunes, pleins d'idées. Mais encore faut-il que les jeunes ne sortent pas du système scolaire avec en tête l'idée que " l'entreprise, c'est pour les autres " ! Voilà pourquoi il faut permettre à l'esprit d'entreprise de s'imprégner partout, y compris à l'école !
Aujourd'hui, l'Education nationale tombe d'accord sur ces trois constats et ces trois objectifs :
o découvrir l'entreprise,
o découvrir les métiers,
o développer l'esprit créateur.
Sur ces trois points, nous sommes animés par une volonté commune. Je suis très heureux d'en faire ce soir à la fois le constat et la déclaration : l' " abîme " dont vous parliez en commençant, cher Président, est en voie de comblement !
Depuis longtemps déjà, votre association lance des passerelles, en étroit partenariat avec l'Education nationale. Et je veux saluer ce travail considérable.
Des rencontres, des visites d'entreprises, des stages, des sessions d'informations ont été mis en place, dans de nombreuses académies.
Mais, à présent, nous devons aller plus loin ! Agir de manière plus globale, plus unifiée, plus concertée.
Car une prise de conscience a eu lieu dans tout le système, et dans tout le pays.
J'irais jusqu'à dire que l'esprit d'entreprise souffle à nouveau sur la France depuis trois ans : en 2004, la création d'entreprise a fait un saut de près de 13 % !
Le moment est donc venu de renforcer le partenariat entre l'Education nationale et " L'Association Jeunesse Entreprises ".
Toutes les conditions sont réunies :
> De votre côté, grâce à votre réseau de correspondants et de clubs, très actifs et en relation directe avec des milliers d'entreprises.
> Du côté de l'Education nationale, les conditions sont également réunies, en particulier grâce à la récente mise en place d'une option de découverte professionnelle en classe de troisième. Ce module, décidé au niveau national, doit beaucoup aux démarches menées par une association comme la vôtre. Son but est clair : permettre aux élèves de prendre connaissance des différents métiers, et de s'orienter en connaissance de cause.
Sur d'aussi bonnes bases, je vous propose de conclure un " accord national " (actuellement en cours de rédaction), qui liera l'A.J.E. à l'Education nationale.
Un accord pour quoi faire ?

Essentiellement deux choses :
o Faciliter le travail de l'A.J.E. et de ses représentants locaux auprès des établissements.
Pour cela, nous allons désigner des correspondants dans chaque académie, ou inspection générale concernée. Ils permettront aux établissements et à vos propres correspondants d'entrer en contact facilement et d'accélérer la mise en place des projets.
o Mettre en uvre des actions concertées, qui s'inscrivent harmonieusement dans le cadre des enseignements, des programmes, des emplois du temps des élèves. Je suis en effet très vigilant sur ce point : les activités de ce genre, qui ne sont pas classiques jusqu'ici, ne doivent pas perturber le déroulement normal des différentes scolarités. C'est un point capital pour la réussite de tous nos projets.
Dans l'immédiat, j'attire votre attention sur deux actions qui me tiennent à cur :
1. Comme je le disais il y a un instant, une option de découverte professionnelle a été mise en place lors de cette rentrée. Trois heures hebdomadaires en classe de troisième. Dans ce cadre, les établissements ont besoin d'entrer en contact avec des entreprises ; votre réseau peut nous aider à le faire dans les meilleures conditions.
C'est une action capitale pour susciter des vocations ; car nous le savons trop bien : certains élèves, faute de connaître ce qui pourrait leur plaire, s'engagent par défaut dans des filières qui ne les conduisent nulle part. C'est une action qui, il faut le noter, bénéficie aussi aux professeurs de collège qui l'animent - choisis parmi ceux du collège. Ils ne sont nullement " spécialistes ", mais développent leur enseignement au contact de leurs partenaires entreprises.
2. Deuxième action : L'opération " objectif stages " : elle cible les élèves de troisième et de lycées professionnels qui ont du mal à trouver un stage, (stage de découverte de l'entreprise en troisième, ou stage validant leur diplôme en lycée professionnel). Soit parce que leur entourage manque de " réseau ", soit - quelquefois, hélas - pour des raisons de discrimination. L'opération vise, avec des entreprises mobilisées pour donner leur chance à ces élèves, à leur fournir des stages dans un cadre de confiance mutuelle et avec un suivi opéré par les professeurs. Là aussi, nous avons besoin de vous pour réussir !
Vous le voyez, je vous propose des actions ciblées. Je suis convaincu que c'est la bonne méthode ; une chose à la fois, un pied devant l'autre.
Ainsi nous rapprocherons ces deux mondes, qui ne se connaissent pas encore très bien, mais ne demandent qu'à mieux se comprendre, dans l'intérêt des élèves, et dans l'intérêt de notre pays !
Je vous remercie.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 19 octobre 2005)