Texte intégral
Merci de votre accueil. Je suis très heureuse de venir ici aujourd'hui. Ce n'était pas prévu. Normalement, je devais être en vacances à l'autre bout de la France avec ma famille, donc je n'avais pas confirmé ma présence ici dans les temps nécessaires, mais comme Yvette vous l'a dit, mon emploi du temps a été un petit peu bousculé depuis le 28 juillet dernier. J'étais à Paris depuis quelques jours, à travailler ardemment, et je me suis dit que je ne pouvais pas rester loin de vous, que j'avais vraiment besoin de reprendre contact rapidement, à la fois avec mes amies parlementaires et avec un certain nombre d'entre vous que j'ai pu côtoyer à de nombreuses reprises.
J'ajouterai un mot à ce qu'a dit Yvette sur le fait que des femmes députées peuvent entrer au gouvernement et participer à la gestion de la France : quand on est femme, engagée militante, on peut devenir député. Quand on a fait la preuve de son engagement sur des questions de société, sur des dossiers qui nous ont rassemblées collectivement d'une manière intense ces deux dernières années, à un moment donné, on peut être reconnu pour cet engagement, pour sa force dans les convictions et participer au gouvernement de la France. C'est là que j'en suis arrivée aujourd'hui, et je tenais à venir, pour ma première sortie publique, devant vous, parce que c'est un changement de statut qui me donne beaucoup de fierté, beaucoup de bonheur, mais aussi beaucoup de responsabilités. J'ai besoin de sentir encore le soutien et l'amitié de celles avec qui j'ai fait un très long parcours depuis que je suis engagée dans ma vie de femme et dans ma vie militante.
A la responsabilité où je suis aujourd'hui, après avoir remis en place l'observatoire de la parité, j'ai vraiment eu le souci de me préoccuper très vite de la place des femmes dans ce secteur dont je prends la responsabilité aujourd'hui, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale. J'ai demandé tout de suite quels étaient les indicateurs que nous possédions sur la situation sanitaire et sociale des femmes, et la santé des femmes nous donne des indications très précises sur les obligations et les exigences qui sont les miennes aujourd'hui sur la mise en uvre des conclusions des États généraux de la santé. Cela a été une période intense de consultation de la population, avec une préfiguration de la démocratie sanitaire que Lionel Jospin veut mettre en place et imprimer pour l'avenir, et qui montre bien qu'il y a une réelle différence entre les préoccupations exprimées par les Français, par les usagers, les patients, les malades, et ce qui ressort habituellement de l'expression des experts consultés. Il me semble que la parole des femmes dans cette prise en compte des exigences des Français doit prendre une place très importante et je vais m'y employer.
Pour développer une réelle égalité d'accès aux soins, une médecine plus humaine et une politique de la santé longue, complète et globale, on dispose quand même déjà d'un certain nombre d'études qui se sont chargées de rassembler et de mettre en valeur les données sur la santé des femmes en France et de mieux comprendre les différents déterminants qui agissent sur la santé.
La santé se définit (ce n'est pas Catherine qui me contredira), non pas seulement comme le fait de ne pas être malade, mais comme l'ensemble des ressources physiques et mentales qui permettent à chacun d'être en capacité de développer, dans les meilleures conditions, les différentes étapes de sa vie.
Cela peut se définir par : être heureux, être bien dans sa peau, être en bonne forme Pour les uns et les autres, cela revêt différentes expressions, mais le capital de santé qu'on a en partage au départ, il faut être capable de l'entretenir, de le préserver, voire de le réparer quand il est mis à mal.
La synthèse des différents travaux montre qu'il y a notamment un paradoxe entre l'espérance de vie beaucoup plus longue pour les femmes que pour les hommes, alors qu'à tous les âges de la vie, les femmes déclarent plus de maladies que les hommes, et qu'elles ont aussi plus d'invalidités et plus d'incapacités, surtout après 70 ans. Il y a des différences aussi dans les expressions du mal-être, des dépressions chez les femmes qui sont de plus grandes consommatrices de psychotropes, alors que les hommes expriment ces malaises par des conduites violentes ou l'utilisation de produits tels que l'alcool.
Il y a, chez les femmes, une meilleure capacité à gérer des situations d'exclusion sociale. De nombreux travaux, notamment de sociologues, montrent que les femmes sont en capacité de dépasser, de s'inscrire elles-mêmes et d'inscrire leur entourage dans un processus de progrès social.
En revanche, la consommation de tabac et d'alcool est plus importante chez les femmes de niveau d'études supérieures, contrairement à ce qui est observé chez les hommes (peut-être parce que la consommation de tabac et d'alcool est plus récente chez les femmes et qu'elles n'ont pas encore fait suffisamment leur autocritique par rapport à ces comportements qui peuvent avoir des conséquences graves sur l'état de santé.
On observe aussi une mortalité prématurée (c'est-à-dire avant 65 ans) moins élevée chez les femmes que chez les hommes, mais une mortalité vitable* liée aux habitudes de vie et au recours aux soins, plus faible chez les femmes que chez les hommes.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je ne donnerai pas tous les chiffres qui étayent ces différentes constatations. Sachez simplement que, si la longévité des femmes est exceptionnelle parmi les pays développés en France, l'espérance de vie sans incapacité est plus longue chez les femmes que chez les hommes dans notre pays. C'est-à-dire que, au-delà de 70 ans, les femmes souffrent de handicaps physiques plus longtemps que les hommes.
La mortalité prématurée est moins élevée chez les femmes que chez les hommes.
Cependant, presque toutes les maladies sont plus fréquentes chez les femmes. Elles s'expriment par des maladies graves, mais aussi des conséquences de ce qu'on appelle généralement les misères de la vie quotidienne qui, sans être graves, sont des facteurs de mal-être et de consommation médicale qui entraînent ensuite une dépendance et une fragilité à des pathologies plus lourdes.
C'est dans le domaine des troubles mentaux et des problèmes de santé mentale qu'on trouve une différence plus marquée entre les hommes et les femmes : 22,8 % des femmes, soit plus d'une femme sur cinq, déclare souffrir d'un trouble psychique ou du sommeil, alors que les hommes ne sont que 12 % à dé se déclarer dans ce cas. Les troubles les plus fréquents sont les insomnies, les dépressions, l'anxiété. Là, je ne vous apprends rien, mais c'est important que les travaux de santé publique puissent s'appuyer sur des données vérifiées dans ce domaine.
La consommation de médicaments psychotropes, qui est le reflet d'une morbidité en santé mentale et du mal-être, est donc nettement plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Ce n'est pas sans conséquences sur l'état de santé et sur l'état dans la longévité des femmes.
Les femmes consomment globalement plus de soins que les hommes, et leur dépense médicale est d'environ 12 % plus élevée que celle des hommes. Cependant, chaque âge présente un profil spécifique de consommation médicale.
Concernant le tabac, tout à l'heure je disais que les femmes consomment maintenant plus que précédemment. La consommation de tabac était très marginale jusque dans les années 40, mais aujourd'hui, les femmes fumeuses représentent près d'un tiers de la population féminine. Le tabagisme féminin est devenu, en quelques décennies, un véritable problème de santé publique auquel nous devons nous atteler compte tenu des conséquences graves que cela entraîne. On voit dans les études que cet accroissement de la consommation du tabac chez les femmes a une conséquence sur le rétrécissement de l'écart de longévité entre les femmes et les hommes.
Les femmes restent peu consommatrices d'alcool et prennent plus rapidement conscience du problème, sont plus sensibles au processus de prévention et de réadaptation.
Concernant l'activité sexuelle, les femmes, dans l'ensemble, déclarent moins de partenaires que les hommes. Cependant, si l'on en croit l'interprétation des chercheurs, les hommes s'attribuent vraisemblablement plus de partenaires qu'ils n'en ont eu, et les femmes moins. Mais cela est vraisemblablement une survivance des pratiques culturelles Il faut être deux, et puis les femmes gardent quand même une certaine discrétion et n'ont pas besoin de témoigner de leurs exploits pour garder un équilibre physique, sentimental et psychique.
Après la révolution induite par la contraception, les demandes des femmes ont changé ces vingt dernières années, notamment sur le plan de la fertilité et de la sexualité. La natalité n'a pas cessé de diminuer depuis 1980. En même temps, l'âge du premier enfant a augmenté, de même que le nombre de grossesses tardives.
Ce qui est notable également, c'est que l'inquiétude d'infertilité, qui était quasiment exclusivement féminine il y a plus de quinze ans, est devenue aujourd'hui une affaire de couples. On constate même que des femmes expriment clairement leur non-désir de grossesse alors que le conjoint souhaite un enfant. Donc il y a une affirmation de la volonté des femmes dans la définition de leur parcours et dans leurs choix personnels qui est perçue maintenant comme une affaire de couples ou même une affaire de différences entre les couples.
Sur le plan des relations sexuelles, les changements sont encore plus perceptibles. On peut aussi constater que les femmes ont des comportements qui se rapprochent de plus en plus de ceux des hommes, ce qui nous entraîne à avoir une attention particulière à la sexualité adolescente, qui a aussi changé et qui n'est pas sans comporter de risques (on le verra dans les propositions que je vous ferai en conclusion).
Ce qui a surtout changé ces dernières années, c'est l'expression haut et fort du désir féminin, qui ne doit plus rencontrer de barrières aujourd'hui. Les femmes souhaitent s'exprimer librement dans leur vie sociale, professionnelle, affective et sexuelle. Cette ouverture induite par les changements féminins se révèle être profitable aux deux partenaires le plus généralement.
Quand on a fait le tour de ces différents constats et des études qui les vérifient, on s'aperçoit que, par le rôle qu'elles jouent dans la transmission des habitudes de santé dans la famille, les femmes sont incontestablement des acteurs de promotion de la santé, que ce soit dans le domaine de l'alimentation, du sommeil, de l'activité physique ou de l'information sexuelle, elles transmettent des messages, des conseils, des modes de vie, tant auprès de leurs enfants que de leurs conjoints, de leurs compagnons ou de leurs parents vieillissants.
En dehors de cette fonction d'éducation de la santé dans la famille, les femmes sont aussi particulièrement nombreuses à exercer des activités professionnelles qui les placent dans une mission de transmission de savoir sur la santé. Les métiers d'infirmières, de garde-malade, de sages-femmes, médecins, aides à domicile, institutrices, professeurs, puéricultrices, éducatrices de jeunes enfants sont extrêmement féminisés, et on voit bien que ce sont des vecteurs de transmission de savoir-faire et de comportements sur lesquels nous devons nous appuyer pour développer une véritable politique de santé publique.
Plus que les hommes, les femmes sont préoccupées et sensibles aux questions qui concernent la qualité de la vie (Michèle Rivasi est un bel exemple de cette prise de conscience et de prise de pouvoir sur ces questions-là). Si le rôle des femmes dans la transmission des savoirs populaires a longtemps été relégué aux mères et aux grands-mères est en déclin, les études montrent que la femme reste tout de même le principal responsable de la santé de la cellule familiale.
Donc, les politiques de promotion de la santé, qui sont maintenant de ma responsabilité, je souhaite vraiment les appuyer sur cette capacité, en valorisant davantage le rôle des femmes, en cherchant à mieux préparer les jeunes femmes à assumer leurs responsabilités et à développer ce vecteur de transmission qui est important pour garantir une meilleure qualité de la vie.
Il y a un certain nombre de choses que je peux déjà vous annoncer, même si elles ne sont pas dans un programme défini.
L'amélioration de l'accès aux soins des femmes, c'est engagé depuis la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998. Cela a été réaffirmé et précisé par la mise en place de la CMU, loi votée le 27 juillet dernier, qui va permettre que les femmes, y compris dans la grande précarité, bénéficient, comme toutes, d'un accès aux soins, d'un accès à la prévention et au suivi de leur santé, qui garantissent leur bonne santé et leur capacité à véhiculer des comportements de santé publique tels que je les évoquais précédemment.
Une autre préoccupation, c'est d'assurer des soins de qualité aux femmes en âge de procréer. Tout à l'heure, Nicole Péry vous fera état des mesures concrètes qui ont été prises au début de l'été pour la campagne pour la contraception.
Nous avons travaillé aussi cet été à vérifier que les procédures, les accès pour des IVG dans de bonnes conditions dans des établissements publics soient réservés dans les meilleures conditions aux femmes qui en ont besoins, et force est de constater que, dans certains endroits, l'accès n'est pas satisfaisant et que des femmes sont en difficulté pour trouver un accueil satisfaisant. Il faut absolument que les droits des femmes à la conduite de la grossesse ou à l'interruption de leur grossesse soit égaux sur l'ensemble du territoire. Or, nous constatons que ce n'est pas le cas, et j'attends les conclusions d'une étude que j'ai demandée à la direction des hôpitaux dès le début du mois d'août.
De même, sur la contraception d'urgence, vous avez pu voir aujourd'hui dans la presse quotidienne que la pilule du lendemain a été reprise car les pharmaciens se conformaient à une nomenclature qui avait été appliquée sur l'emballage avant la décision de mise en vente libre, et que les pharmaciens se retranchaient derrière cela pour dire : " Il nous faut une ordonnance. On ne peut pas le délivrer. " Donc un certain nombre de femmes ne pouvaient pas accéder à ce contraceptif d'urgence, alors que c'est la volonté des pouvoirs publics de le permettre.
Par ailleurs, la santé des femmes en âge de procréer, ce n'est pas simplement garantir les interruptions volontaires de grossesse dans les meilleures conditions, c'est aussi garantir la bonne conduite et le bon environnement de l'épanouissement d'une grossesse, désirée ou non, de manière à préserver à la fois la santé de la mère de famille et la santé du nouveau-né. Là, des programmes sont en cours et je resterai très très attentive à les renforcer et à faire en sorte qu'on ne mette pas dix ans avant que les effets soient efficaces.
Un effort particulier doit être aussi mené en direction de la santé des adolescents. Tout à l'heure, j'évoquais l'évolution des pratiques sexuelles dans le milieu adolescent, mais je pense que les filles sont particulièrement à suivre dans ce secteur-là. Nous devons mettre en place des actions de lutte contre les conduites à risque et la prévention du suicide des adolescents. On sait que les femmes, qu'elles soient adultes ou adolescentes, sont plus sujettes à des tentatives de suicide (quasiment le double). Il faut donc s'interroger sur ces comportements, à la fois sur le traitement des conséquences et sur les raisons qui conduisent ces jeunes filles à porter atteinte à leurs jours, et quelquefois à réussir.
Des actions de proximité doivent aussi être développées. C'est également dans le cadre de l'action de la lutte contre l'exclusion, lutte contre le sida et prévention.
La relance de la contraception : Nicole Péry le traitera.
Par railleurs, un certain nombre de programmes ont été mis en place au moment de l'adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999, qui prévoient que les examens de prévention, notamment de cancer du sein et de cancer de l'utérus, doivent être pris en charge et remboursés au même titre que des actes médicaux. Il est absolument indispensable que cet engagement de l'assurance maladie passe dans les faits. C'est l'un de mes engagements immédiats. Je souhaite vraiment qu'on aille très vite sur cette mise en uvre-là.
Une autre préoccupation que vous partagez avec moi certainement, c'est le développement d'un programme de prévention de l'ostéoporose, qui est un fléau sanitaire qui touche les femmes à partir de 65 ans, mais surtout au-delà de 75 ans. Il y a vraiment à prévenir cela, en informant le public et les professionnels en matière de santé sur les apports en calcium et en vitamines aux différentes étapes de la vie.
Porter une attention particulière aux personnes à risque, détecter les personnes qui sont le plus sensibles aux problèmes d'ostéoporose, de façon à corriger les carences détectées.
Favoriser l'activité physique. D'un côté, on dit que le vieillissement est un progrès de notre société, que cela va entraîner une révolution des conditions de vie, qu'il faut se préparer à cette nouvelle étape de la vie, que le vieillissement n'est pas une maladie, mais par ailleurs, on n'a pas suffisamment pris en compte la préparation de cette étape du vieillissement, de telle sorte qu'on aborde cette étape de la vie en pleine possession de ses capacités.
Puis mettre en place des programmes de prévention des chutes et des accidents domestiques, qui sont très dommageables et qui conduisent aux chiffres que j'évoquais tout à l'heure sur la longévité de la vie avec une incapacité augmentée pour les femmes parce que ce sont elles qui sont le plus soumises à ces accidents de vie quotidienne.
Un autre sujet qui me tient très à cur, c'est la lutte contre les mutilations génitales des femmes. Il faut qu'on accélère, on ne peut pas rester dans l'attente des initiatives des associations. Il faut partir des initiatives des associations repérées comme efficaces et les généraliser sur l'ensemble du territoire pour que cessent ces pratiques-là et qu'on puisse avoir une véritable prévention avec des résultats fiables.
Les violences faites aux femmes, Nicole Péry vous en parlera tout à l'heure.
Je voudrais terminer en parlant que quelque chose d'essentiel, c'est la solidarité internationale en matière de thérapie et d'intervention en direction des femmes porteuses du virus VIH et qui sont enceintes. Un programme ambitieux a été lancé par Bernard Kouchner en direction des pays africains. Il va permettre de suivre 20 000 femmes africaines enceintes et porteuses du VIH, de telle manière qu'elles puissent mener à terme leur grossesse et rester en meilleure santé possible pendant les premières années de vie de leur enfant pour garantir des chances de vie stable à ces enfants qui, sinon, son menacés. La traînée de contamination en Afrique est très préoccupante. Nous ne pouvons pas rester insensibles à ce fléau alors même que, chez nous, l'épidémie de sida est en régression, que la contamination au VIH est en stagnation. Nous ne devons pas nous endormir et considérer que ce qui est en voie de progrès chez nous doit nous suffire. Il y a une solidarité internationale à mettre en place.
Voilà très rapidement
(source http://www.assemblee-des-femmes.com, le 25 février 2002)
J'ajouterai un mot à ce qu'a dit Yvette sur le fait que des femmes députées peuvent entrer au gouvernement et participer à la gestion de la France : quand on est femme, engagée militante, on peut devenir député. Quand on a fait la preuve de son engagement sur des questions de société, sur des dossiers qui nous ont rassemblées collectivement d'une manière intense ces deux dernières années, à un moment donné, on peut être reconnu pour cet engagement, pour sa force dans les convictions et participer au gouvernement de la France. C'est là que j'en suis arrivée aujourd'hui, et je tenais à venir, pour ma première sortie publique, devant vous, parce que c'est un changement de statut qui me donne beaucoup de fierté, beaucoup de bonheur, mais aussi beaucoup de responsabilités. J'ai besoin de sentir encore le soutien et l'amitié de celles avec qui j'ai fait un très long parcours depuis que je suis engagée dans ma vie de femme et dans ma vie militante.
A la responsabilité où je suis aujourd'hui, après avoir remis en place l'observatoire de la parité, j'ai vraiment eu le souci de me préoccuper très vite de la place des femmes dans ce secteur dont je prends la responsabilité aujourd'hui, secrétaire d'État à la santé et à l'action sociale. J'ai demandé tout de suite quels étaient les indicateurs que nous possédions sur la situation sanitaire et sociale des femmes, et la santé des femmes nous donne des indications très précises sur les obligations et les exigences qui sont les miennes aujourd'hui sur la mise en uvre des conclusions des États généraux de la santé. Cela a été une période intense de consultation de la population, avec une préfiguration de la démocratie sanitaire que Lionel Jospin veut mettre en place et imprimer pour l'avenir, et qui montre bien qu'il y a une réelle différence entre les préoccupations exprimées par les Français, par les usagers, les patients, les malades, et ce qui ressort habituellement de l'expression des experts consultés. Il me semble que la parole des femmes dans cette prise en compte des exigences des Français doit prendre une place très importante et je vais m'y employer.
Pour développer une réelle égalité d'accès aux soins, une médecine plus humaine et une politique de la santé longue, complète et globale, on dispose quand même déjà d'un certain nombre d'études qui se sont chargées de rassembler et de mettre en valeur les données sur la santé des femmes en France et de mieux comprendre les différents déterminants qui agissent sur la santé.
La santé se définit (ce n'est pas Catherine qui me contredira), non pas seulement comme le fait de ne pas être malade, mais comme l'ensemble des ressources physiques et mentales qui permettent à chacun d'être en capacité de développer, dans les meilleures conditions, les différentes étapes de sa vie.
Cela peut se définir par : être heureux, être bien dans sa peau, être en bonne forme Pour les uns et les autres, cela revêt différentes expressions, mais le capital de santé qu'on a en partage au départ, il faut être capable de l'entretenir, de le préserver, voire de le réparer quand il est mis à mal.
La synthèse des différents travaux montre qu'il y a notamment un paradoxe entre l'espérance de vie beaucoup plus longue pour les femmes que pour les hommes, alors qu'à tous les âges de la vie, les femmes déclarent plus de maladies que les hommes, et qu'elles ont aussi plus d'invalidités et plus d'incapacités, surtout après 70 ans. Il y a des différences aussi dans les expressions du mal-être, des dépressions chez les femmes qui sont de plus grandes consommatrices de psychotropes, alors que les hommes expriment ces malaises par des conduites violentes ou l'utilisation de produits tels que l'alcool.
Il y a, chez les femmes, une meilleure capacité à gérer des situations d'exclusion sociale. De nombreux travaux, notamment de sociologues, montrent que les femmes sont en capacité de dépasser, de s'inscrire elles-mêmes et d'inscrire leur entourage dans un processus de progrès social.
En revanche, la consommation de tabac et d'alcool est plus importante chez les femmes de niveau d'études supérieures, contrairement à ce qui est observé chez les hommes (peut-être parce que la consommation de tabac et d'alcool est plus récente chez les femmes et qu'elles n'ont pas encore fait suffisamment leur autocritique par rapport à ces comportements qui peuvent avoir des conséquences graves sur l'état de santé.
On observe aussi une mortalité prématurée (c'est-à-dire avant 65 ans) moins élevée chez les femmes que chez les hommes, mais une mortalité vitable* liée aux habitudes de vie et au recours aux soins, plus faible chez les femmes que chez les hommes.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je ne donnerai pas tous les chiffres qui étayent ces différentes constatations. Sachez simplement que, si la longévité des femmes est exceptionnelle parmi les pays développés en France, l'espérance de vie sans incapacité est plus longue chez les femmes que chez les hommes dans notre pays. C'est-à-dire que, au-delà de 70 ans, les femmes souffrent de handicaps physiques plus longtemps que les hommes.
La mortalité prématurée est moins élevée chez les femmes que chez les hommes.
Cependant, presque toutes les maladies sont plus fréquentes chez les femmes. Elles s'expriment par des maladies graves, mais aussi des conséquences de ce qu'on appelle généralement les misères de la vie quotidienne qui, sans être graves, sont des facteurs de mal-être et de consommation médicale qui entraînent ensuite une dépendance et une fragilité à des pathologies plus lourdes.
C'est dans le domaine des troubles mentaux et des problèmes de santé mentale qu'on trouve une différence plus marquée entre les hommes et les femmes : 22,8 % des femmes, soit plus d'une femme sur cinq, déclare souffrir d'un trouble psychique ou du sommeil, alors que les hommes ne sont que 12 % à dé se déclarer dans ce cas. Les troubles les plus fréquents sont les insomnies, les dépressions, l'anxiété. Là, je ne vous apprends rien, mais c'est important que les travaux de santé publique puissent s'appuyer sur des données vérifiées dans ce domaine.
La consommation de médicaments psychotropes, qui est le reflet d'une morbidité en santé mentale et du mal-être, est donc nettement plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Ce n'est pas sans conséquences sur l'état de santé et sur l'état dans la longévité des femmes.
Les femmes consomment globalement plus de soins que les hommes, et leur dépense médicale est d'environ 12 % plus élevée que celle des hommes. Cependant, chaque âge présente un profil spécifique de consommation médicale.
Concernant le tabac, tout à l'heure je disais que les femmes consomment maintenant plus que précédemment. La consommation de tabac était très marginale jusque dans les années 40, mais aujourd'hui, les femmes fumeuses représentent près d'un tiers de la population féminine. Le tabagisme féminin est devenu, en quelques décennies, un véritable problème de santé publique auquel nous devons nous atteler compte tenu des conséquences graves que cela entraîne. On voit dans les études que cet accroissement de la consommation du tabac chez les femmes a une conséquence sur le rétrécissement de l'écart de longévité entre les femmes et les hommes.
Les femmes restent peu consommatrices d'alcool et prennent plus rapidement conscience du problème, sont plus sensibles au processus de prévention et de réadaptation.
Concernant l'activité sexuelle, les femmes, dans l'ensemble, déclarent moins de partenaires que les hommes. Cependant, si l'on en croit l'interprétation des chercheurs, les hommes s'attribuent vraisemblablement plus de partenaires qu'ils n'en ont eu, et les femmes moins. Mais cela est vraisemblablement une survivance des pratiques culturelles Il faut être deux, et puis les femmes gardent quand même une certaine discrétion et n'ont pas besoin de témoigner de leurs exploits pour garder un équilibre physique, sentimental et psychique.
Après la révolution induite par la contraception, les demandes des femmes ont changé ces vingt dernières années, notamment sur le plan de la fertilité et de la sexualité. La natalité n'a pas cessé de diminuer depuis 1980. En même temps, l'âge du premier enfant a augmenté, de même que le nombre de grossesses tardives.
Ce qui est notable également, c'est que l'inquiétude d'infertilité, qui était quasiment exclusivement féminine il y a plus de quinze ans, est devenue aujourd'hui une affaire de couples. On constate même que des femmes expriment clairement leur non-désir de grossesse alors que le conjoint souhaite un enfant. Donc il y a une affirmation de la volonté des femmes dans la définition de leur parcours et dans leurs choix personnels qui est perçue maintenant comme une affaire de couples ou même une affaire de différences entre les couples.
Sur le plan des relations sexuelles, les changements sont encore plus perceptibles. On peut aussi constater que les femmes ont des comportements qui se rapprochent de plus en plus de ceux des hommes, ce qui nous entraîne à avoir une attention particulière à la sexualité adolescente, qui a aussi changé et qui n'est pas sans comporter de risques (on le verra dans les propositions que je vous ferai en conclusion).
Ce qui a surtout changé ces dernières années, c'est l'expression haut et fort du désir féminin, qui ne doit plus rencontrer de barrières aujourd'hui. Les femmes souhaitent s'exprimer librement dans leur vie sociale, professionnelle, affective et sexuelle. Cette ouverture induite par les changements féminins se révèle être profitable aux deux partenaires le plus généralement.
Quand on a fait le tour de ces différents constats et des études qui les vérifient, on s'aperçoit que, par le rôle qu'elles jouent dans la transmission des habitudes de santé dans la famille, les femmes sont incontestablement des acteurs de promotion de la santé, que ce soit dans le domaine de l'alimentation, du sommeil, de l'activité physique ou de l'information sexuelle, elles transmettent des messages, des conseils, des modes de vie, tant auprès de leurs enfants que de leurs conjoints, de leurs compagnons ou de leurs parents vieillissants.
En dehors de cette fonction d'éducation de la santé dans la famille, les femmes sont aussi particulièrement nombreuses à exercer des activités professionnelles qui les placent dans une mission de transmission de savoir sur la santé. Les métiers d'infirmières, de garde-malade, de sages-femmes, médecins, aides à domicile, institutrices, professeurs, puéricultrices, éducatrices de jeunes enfants sont extrêmement féminisés, et on voit bien que ce sont des vecteurs de transmission de savoir-faire et de comportements sur lesquels nous devons nous appuyer pour développer une véritable politique de santé publique.
Plus que les hommes, les femmes sont préoccupées et sensibles aux questions qui concernent la qualité de la vie (Michèle Rivasi est un bel exemple de cette prise de conscience et de prise de pouvoir sur ces questions-là). Si le rôle des femmes dans la transmission des savoirs populaires a longtemps été relégué aux mères et aux grands-mères est en déclin, les études montrent que la femme reste tout de même le principal responsable de la santé de la cellule familiale.
Donc, les politiques de promotion de la santé, qui sont maintenant de ma responsabilité, je souhaite vraiment les appuyer sur cette capacité, en valorisant davantage le rôle des femmes, en cherchant à mieux préparer les jeunes femmes à assumer leurs responsabilités et à développer ce vecteur de transmission qui est important pour garantir une meilleure qualité de la vie.
Il y a un certain nombre de choses que je peux déjà vous annoncer, même si elles ne sont pas dans un programme défini.
L'amélioration de l'accès aux soins des femmes, c'est engagé depuis la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998. Cela a été réaffirmé et précisé par la mise en place de la CMU, loi votée le 27 juillet dernier, qui va permettre que les femmes, y compris dans la grande précarité, bénéficient, comme toutes, d'un accès aux soins, d'un accès à la prévention et au suivi de leur santé, qui garantissent leur bonne santé et leur capacité à véhiculer des comportements de santé publique tels que je les évoquais précédemment.
Une autre préoccupation, c'est d'assurer des soins de qualité aux femmes en âge de procréer. Tout à l'heure, Nicole Péry vous fera état des mesures concrètes qui ont été prises au début de l'été pour la campagne pour la contraception.
Nous avons travaillé aussi cet été à vérifier que les procédures, les accès pour des IVG dans de bonnes conditions dans des établissements publics soient réservés dans les meilleures conditions aux femmes qui en ont besoins, et force est de constater que, dans certains endroits, l'accès n'est pas satisfaisant et que des femmes sont en difficulté pour trouver un accueil satisfaisant. Il faut absolument que les droits des femmes à la conduite de la grossesse ou à l'interruption de leur grossesse soit égaux sur l'ensemble du territoire. Or, nous constatons que ce n'est pas le cas, et j'attends les conclusions d'une étude que j'ai demandée à la direction des hôpitaux dès le début du mois d'août.
De même, sur la contraception d'urgence, vous avez pu voir aujourd'hui dans la presse quotidienne que la pilule du lendemain a été reprise car les pharmaciens se conformaient à une nomenclature qui avait été appliquée sur l'emballage avant la décision de mise en vente libre, et que les pharmaciens se retranchaient derrière cela pour dire : " Il nous faut une ordonnance. On ne peut pas le délivrer. " Donc un certain nombre de femmes ne pouvaient pas accéder à ce contraceptif d'urgence, alors que c'est la volonté des pouvoirs publics de le permettre.
Par ailleurs, la santé des femmes en âge de procréer, ce n'est pas simplement garantir les interruptions volontaires de grossesse dans les meilleures conditions, c'est aussi garantir la bonne conduite et le bon environnement de l'épanouissement d'une grossesse, désirée ou non, de manière à préserver à la fois la santé de la mère de famille et la santé du nouveau-né. Là, des programmes sont en cours et je resterai très très attentive à les renforcer et à faire en sorte qu'on ne mette pas dix ans avant que les effets soient efficaces.
Un effort particulier doit être aussi mené en direction de la santé des adolescents. Tout à l'heure, j'évoquais l'évolution des pratiques sexuelles dans le milieu adolescent, mais je pense que les filles sont particulièrement à suivre dans ce secteur-là. Nous devons mettre en place des actions de lutte contre les conduites à risque et la prévention du suicide des adolescents. On sait que les femmes, qu'elles soient adultes ou adolescentes, sont plus sujettes à des tentatives de suicide (quasiment le double). Il faut donc s'interroger sur ces comportements, à la fois sur le traitement des conséquences et sur les raisons qui conduisent ces jeunes filles à porter atteinte à leurs jours, et quelquefois à réussir.
Des actions de proximité doivent aussi être développées. C'est également dans le cadre de l'action de la lutte contre l'exclusion, lutte contre le sida et prévention.
La relance de la contraception : Nicole Péry le traitera.
Par railleurs, un certain nombre de programmes ont été mis en place au moment de l'adoption de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999, qui prévoient que les examens de prévention, notamment de cancer du sein et de cancer de l'utérus, doivent être pris en charge et remboursés au même titre que des actes médicaux. Il est absolument indispensable que cet engagement de l'assurance maladie passe dans les faits. C'est l'un de mes engagements immédiats. Je souhaite vraiment qu'on aille très vite sur cette mise en uvre-là.
Une autre préoccupation que vous partagez avec moi certainement, c'est le développement d'un programme de prévention de l'ostéoporose, qui est un fléau sanitaire qui touche les femmes à partir de 65 ans, mais surtout au-delà de 75 ans. Il y a vraiment à prévenir cela, en informant le public et les professionnels en matière de santé sur les apports en calcium et en vitamines aux différentes étapes de la vie.
Porter une attention particulière aux personnes à risque, détecter les personnes qui sont le plus sensibles aux problèmes d'ostéoporose, de façon à corriger les carences détectées.
Favoriser l'activité physique. D'un côté, on dit que le vieillissement est un progrès de notre société, que cela va entraîner une révolution des conditions de vie, qu'il faut se préparer à cette nouvelle étape de la vie, que le vieillissement n'est pas une maladie, mais par ailleurs, on n'a pas suffisamment pris en compte la préparation de cette étape du vieillissement, de telle sorte qu'on aborde cette étape de la vie en pleine possession de ses capacités.
Puis mettre en place des programmes de prévention des chutes et des accidents domestiques, qui sont très dommageables et qui conduisent aux chiffres que j'évoquais tout à l'heure sur la longévité de la vie avec une incapacité augmentée pour les femmes parce que ce sont elles qui sont le plus soumises à ces accidents de vie quotidienne.
Un autre sujet qui me tient très à cur, c'est la lutte contre les mutilations génitales des femmes. Il faut qu'on accélère, on ne peut pas rester dans l'attente des initiatives des associations. Il faut partir des initiatives des associations repérées comme efficaces et les généraliser sur l'ensemble du territoire pour que cessent ces pratiques-là et qu'on puisse avoir une véritable prévention avec des résultats fiables.
Les violences faites aux femmes, Nicole Péry vous en parlera tout à l'heure.
Je voudrais terminer en parlant que quelque chose d'essentiel, c'est la solidarité internationale en matière de thérapie et d'intervention en direction des femmes porteuses du virus VIH et qui sont enceintes. Un programme ambitieux a été lancé par Bernard Kouchner en direction des pays africains. Il va permettre de suivre 20 000 femmes africaines enceintes et porteuses du VIH, de telle manière qu'elles puissent mener à terme leur grossesse et rester en meilleure santé possible pendant les premières années de vie de leur enfant pour garantir des chances de vie stable à ces enfants qui, sinon, son menacés. La traînée de contamination en Afrique est très préoccupante. Nous ne pouvons pas rester insensibles à ce fléau alors même que, chez nous, l'épidémie de sida est en régression, que la contamination au VIH est en stagnation. Nous ne devons pas nous endormir et considérer que ce qui est en voie de progrès chez nous doit nous suffire. Il y a une solidarité internationale à mettre en place.
Voilà très rapidement
(source http://www.assemblee-des-femmes.com, le 25 février 2002)