Déclarations de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur le rôle de la recherche dans le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment pour l'interconnexion des réseaux de recherche et d'éducation européens et le lancement du projet GEANT, Nice le 6 novembre 2000.

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Circonstance : Colloque IST 2000 "une société de l'information pour tous" et lancement du projet GEANT à Nice le 6 novembre 2000

Texte intégral

Je me réjouis de vous accueillir aujourd'hui pour l'ouverture de cette troisième conférence annuelle consacrée au programme du PCRD dédié aux Technologies de la Société de l'Information (IST) .
Cette conférence a pour but de promouvoir les réalisations concrètes de ce programme et de débattre de ses orientations futures. Elle présente également les principales actions réglementaires de l'Union européenne dans le domaine des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC).
Je suis particulièrement heureux que cette conférence se déroule en Provence-Alpes Côte d'Azur, une des régions qui constitue l'un des principaux pôles d'excellence européens dans le domaine des Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication :
- C'est sur le site de Sophia Antipolis en 1969 qu'à été créée une des premières technopôles européenne sous l'impulsion de Pierre Laffitte. Elle regroupe aujourd'hui plus de 1200 entreprises (grands groupes, PME et nombreuses start-up), centres de recherche et établissements de formation.
- C'est dans la région de Marseille-Aix en Provence que se développe un pôle important en micro-électronique, avec en particulier des entreprises comme ST Microelectronics ou Gemplus et que sera mise en place une école de l'internet.
Je remercie vivement la commission européenne, et plus spécifiquement M. Liikanen, d'avoir organisé cette manifestation sur le territoire français à l'occasion de la présidence française de l'Union Européenne.
L'an dernier la conférence avait mis en exergue l'avance technologique de l'Europe dans le domaine des terminaux mobiles (téléphones portables,) et la nécessité d'en tirer parti pour développer l'usage de l'internet dans la vie quotidienne et dans la vie des entreprises, et faire ainsi émerger une véritable société de l'information.
Cette conférence avait ainsi contribué à la prise de conscience par l'ensemble des acteurs européens de la nécessité d'une initiative forte dans ce domaine. L'Union Européenne y a répondu, d'abord au niveau de la commission avec la présentation par Romano Prodi de l'initiative e-Europe - une société de l'information pour tous -, ensuite au niveau des ministres de la recherche le 11 avril dernier à Lisbonne, où cette initiative a été discutée, enfin au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement les 19-20 juin dernier à Feira, où les différents Etats membres de l'Union l'ont adoptée et se sont engagés à la mettre en uvre rapidement.
Je voudrais ici devant vous rappeler brièvement le rôle central de la recherche dans le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, souligner les progrès accomplis grâce au programme IST avant d'aborder la perspective globale dans laquelle doit se situer ce programme : l'avènement de la société de l'information pour tous.
La recherche et développement joue un rôle central dans le développement des technologies de l'information et de la communication(TIC).
Historiquement, la recherche a joué un rôle clé pour le développement des technologies de l'information. Il est important de rappeler ce rôle, à l'heure où l'opinion publique a plutôt tendance à se focaliser sur les réussites ou les déboires de quelques start up à succès dans le domaine du commerce électronique :
la commutation de paquets, à l'origine de l'Internet que nous connaissons aujourd'hui, a été proposée vers la fin des années 60 par des universitaires visionnaires et soutenue pendant une vingtaine d'années par les pouvoirs publics américains
la technologie du Web a été mise au point au début des années 90 au CERN
les technologies en matière de systèmes cryptographiques ont été développées à l'origine par des universitaires américains.
Ces recherches ont en grande partie été menées au sein des organismes publics et, même si le cycle d'innovation liant recherche fondamentale et développement de nouveaux produits et de nouveaux services s'accélère et est de plus en plus rapide dans le secteur des STIC, le rôle de la recherche fondamentale, qui est souvent menée dans les organismes publics, est de plus en plus fondamentale pour le développement des technologies de l'information et de la communication de demain.
Ainsi, s'il est naturel que les entreprises se focalisent sur des développements susceptibles d'être mis sur le marché à un horizon de 1 à 3 ans, il ne faut pas oublier que ces développements peuvent être conduits pour une part à partir de résultats de recherche existants ; mais que pour une autre part ils nécessitent des efforts de recherche supplémentaires pour compléter les technologies disponibles.
C'est là que les pouvoirs publics, les universités et les organismes de recherche ont un rôle à jouer.
Ce lien constant entre la recherche publique et l'industrie - qui s'est avéré particulièrement efficace aux Etats-Unis - est ainsi un facteur important de succès. Notre présence commune ce matin de M. Liikanen, commissaire en charge des entreprises et de la société de l'information, et de moi-même, en tant que président du conseil recherche témoigne de ce lien étroit auquel nous sommes attachés.
Demain soir, le commissaire Liikanen remettra les prix européens IST aux lauréats 2001, témoignant ainsi du dynamisme de la recherche et de l'industrie en Europe : vous me permettrez j'espère d'être satisfaits de la place qu'occupe de la France, avec plus du tiers des entreprises primées au sein des entreprises lauréates.
Au-delà des seules technologies de l'information et des bienfaits qu'elles amènent pour le développement économique et social - j'y reviendrai dans un instant - c'est l'ensemble des disciplines scientifiques qui bénéficient des avancées de la recherche dans les STIC et qui connaissent du fait de ces avancées des bouleversements profonds.
Les interactions entre les STIC et tous les autres domaines de la recherche scientifique sont en effet de plus en plus nombreuses: la compréhension des fonctions des gènes ou la conception de nouveaux médicaments, la prédiction des incidents météorologiques ou la réduction de la pollution, le traitement de l'information dans les entreprises ou les administrations, toutes ces questions soulèvent des problèmes de recherche pluridisciplinaires où les STIC jouent un rôle central.
Parce qu'elles concernent la modélisation et le traitement de l'information - son transport, son codage, sa représentation mais aussi, de plus en plus, le sens et l'organisation qu'il faut lui donner - les STIC seront au cur de la science du 21ème siècle.
C'est autour de ces enjeux et de ces domaines d'implication des STIC que vous débattrez ces prochains jours à l'occasion de cette conférence IST 2000: le programme chargé de ces journées témoigne, s'il en était encore besoin de ce rôle central joué par les STIC et des enjeux qu'elles représentent.
Si l'importance des STIC est aujourd'hui unanimement reconnue en Europe , je crois que c'est au programme IST que nous le devons.
Je voudrais ici rappeler brièvement l'importance qu'a eue ce programme dans la mise en place d'un véritable effort de l'Union européenne en faveur des technologies de l'information et de la communication.
Sans ce programme et sans ses acteurs que vous êtes, nous ne pourrions pas aujourd'hui parler de société de l'information au plan européen.
Grâce au programme IST, l'Europe a commencé à rattraper son retard dans le domaine des technologies de l'information.
Jusqu'en 1998, l'Europe n'avait pas mesuré l'ampleur des efforts nécessaires et consacrait un montant insuffisant aux nouvelles technologies de l'information et de la communication : 2 milliards d'Ecus sur un budget de 13,2 milliards dans le quatrième PCRD (1994-1998), soit à peine 15 % de l'effort de recherche de l'Union Européenne.
Surtout, ces financements étaient éclatés entre différents programmes, ce qui ne facilitait ni l'établissement de synergies, ni l'élaboration d'une stratégie complètement cohérente. Un premier programme, ACTS (Advanced Communications Technologies and Services) , était consacré aux Technologies et services avancés de télécommunication, un second, ESPRIT, portait plus sur les technologies logicielles et le multimédia, un troisième, TAP, était consacré aux applications télématiques
Il n'y avait pas de lien suffisant entre les différents piliers des technologies de l'information et de la communication : les infrastructures, le matériel, les logiciels, les services et les contenus.
Lancé en 1999, le cinquième PCRD a constitué une rupture avec cette situation, en intégrant au sein d'un seul programme, IST, l'ensemble des actions de soutien aux recherches dans le domaine des technologies de l'information. Ce programme a permis à l'Europe de rattraper son retard, et d'acquérir un avantage compétitif décisif dans certains secteurs par rapport aux Etats Unis et au Japon :
Les montants financiers consacrés aux STIC dans le PCRD ont été augmentés de 80% et dépassent 3,5 milliards d'euros. Le programme IST représente aujourd'hui près du quart du budget du PCRD.
Près de 800 projets ont été soutenus à ce jour, sur les quatre actions clé, dont quelques uns vous sont présentés à l'occasion de cette conférence.
En matière de technologies, l'Europe est leader dans la téléphonie mobile ou dans les systèmes à carte à puce.
Dans le domaine du multimédia, l'Europe a acquis une position forte pour les jeux et le multimédia éducatif.
Il restait toutefois un handicap important à combler : l'absence d'un réseau à très haut débit reliant l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Cette absence d'une infrastructure performante et compétitive pénalisait la recherche européenne, et limitait à terme ses retombées positives pour le progrès social et le développement économique.
Le lancement du projet GEANT (Gigabit European Academic NeTwork), que nous officialiserons dans quelques instants avec le commissaire Liikanen, répond à ce besoin. Il permettra l'interconnexion des réseaux de recherche et d'éducation européens avec, dès 2001, une capacité de 2,5Gigabits par seconde - soit une multiplication par 16 des débits actuels -. Cette capacité pourra rapidement atteindre plusieurs dizaines de Gigabits par seconde.
Ce réseau sera sans équivalent au plan mondial. Il réunira en effet l'ensemble des centres de recherche et d'enseignement supérieur, quel que soit leur domaine d'activité scientifique, et favorisera ainsi les échanges entre les différentes disciplines, échanges qui sont facteurs d'innovation et de progrès.
Il couvrira, avec les réseaux nationaux, l'ensemble du territoire de l'Union. Il permettra de relier à grande vitesse les universités d'Aix Marseille avec celles d'Heidelberg ou d'Oxford, les centres de recherche en informatique de Rennes avec ceux de Stockholm ou de Göteborg. C'est un premier pas vers la société de l'information telle que la conçoit l'Union Européenne, partagée par tous, accessible à chacun.
Parallèlement au développement de cette infrastructure de réseau, l'Union Européenne va se doter dans les prochaines années de capacités de calcul et de traitement de données décuplées grâce à la mise en réseau de moyens de calculs . Ces " grilles de calcul " (comme DATAGRID) permettront d'analyser les grandes quantités de données en répartissant la charge entre les différents centres de calcul.
Elles seront tout particulièrement utilisées dans des domaines comme :
la biologie, avec les nombreuses études sur le génome,
la météorologie et la climatologie, avec les puissants modèles de prévision,
la physique des particules, avec l'entrée en service en 2005 au CERN du plus puissant collisionneur du monde - le LHC (Large Hadron Collider) -
ou encore l'environnement, avec l'exploitation des données fournies par les satellites.
Le bilan du programme IST à mi-parcours est donc particulièrement satisfaisant, même si des progrès peuvent naturellement encore accomplis d'ici la fin du 5ème PCRD.
Ainsi, très récemment, une mission d'évaluation présidée par le professeur Pompidou, a été conduite sur le programme IST, dont le rapport nous a été présenté en septembre dernier au commissaire Liikanen et à moi-même avant d'être publié. Cette mission a mis en évidence les avancées notables que ce programme a permis et l'ensemble des succès rencontrés. Elle a aussi proposé un certain nombre de recommandations afin d'améliorer encore le dispositif d'ici la fin du 5ème PCRD ou à moyen terme dans le cadre du nouveau 6ème PCRD.
Je vois pour ma part plusieurs propositions concrètes qui pourraient être mises en uvre dans des délais relativement rapides :
un raccourcissement du délai de traitement des réponses aux appels d'offres, afin que celui-ci n'excède pas 6 mois entre le dépôt des dossiers et le premier versement des fonds pour les projets retenus. Cela est particulièrement important dans ce secteur où les cycles de recherche et de production s'accélèrent de plus en plus et où les PME sont nombreuses à concourir,
une ouverture du programme IST à des projets de grande ampleur sur des domaines stratégiques et particulièrement structurants, comme les terminaux d'accès à l'Internet de la prochaine génération : nous ne devons pas hésiter pour ce faire à prendre plus de risques et à soutenir des projets plus importants financièrement mais essentiels pour l'avenir,
une focalisation plus forte des soutiens sur des axes stratégiques correspondant à des besoins économiques et sociaux. Ainsi, il me paraît essentiel de "mettre le paquet" sur la mise au point de matériels moins coûteux afin de rendre les technologies de l'information et de la communication accessibles à tous
A plus long terme, il faut peut-être réfléchir à réserver dans le programme IST, comme dans l'ensemble des actions clés du PCRD, une part de soutien pour des initiatives remontant des acteurs de terrain, entreprises ou laboratoires.
Même si des améliorations peuvent encore lui être apportées, les premiers résultats du programme IST montrent bel et bien que l'Europe est en train de réussir la nouvelle révolution industrielle des technologies de l'information, qu'elle est en train de réussir son entrée dans le XXIème siècle.
Il est temps de passer à une deuxième phase et de réussir le passage de l'Europe à la société de l'information pour tous.
Pour l'Europe, l'objectif central, c'est une société de l'information accessible à tous et solidaire, qui mette ses avantages et ses atouts à la portée de tous et à la disposition de tous.
Cet enjeu est au cur des préoccupations de la présidence française.
Nous ne voulons pas d'une société duale, d'une société à deux vitesses, avec d'un côté ceux qui maîtriseraient les technologies de l'information et ceux qui n'y accéderaient pas, faute d'avoir les aptitudes requises et les moyens nécessaires.
Il faut à tout prix éviter la fracture numérique, l'exclusion numérique qui seraient une nouvelle forme de l'exclusion sociale et de l'inégalité des chances.
L'essor de la société de l'information ne doit pas s'accompagner de fractures sociales comme la coupure entre les générations. Comme la coupure entre les régions, les régions économiquement favorisées et les autres. Comme la coupure entre les pays, notamment entre les pays de l'Union européenne et les pays limitrophes ou les pays en voie de développement, qui ne doivent pas être laissés au bord de la route et devenir des laissés pour compte de la société de l'information.
Tel est l'objet de l'initiative e-Europe, approuvée lors du Conseil européen de Feira en juin dernier, dans le cadre de laquelle s'inscrit cette conférence IST 2000 et qui en reprend la thématique principale "une société de l'information pour tous".
Je voudrais ici en rappeler les principaux axes, sur lesquels vous allez débattre lors des différentes tables rondes. Les suggestions que vous serez amenés à formuler nous seront particulièrement utiles pour l'avancement des travaux de l'Union européenne, dans le cadre de la présidence française d'abord, de la présidence suédoise ensuite.
Le premier enjeu de la société de l'information pour tous est un enjeu humain : il faut développer la formation aux nouvelles technologies, dans le cadre de la formation initiale ou de la formation continue. Nous devons former les élèves, les étudiants, les enseignants pour préparer l'avenir et également former chacun tout au long de la vie, par l'enseignement à distance notamment.
Dans ce cadre :
Les Etats membres se sont engagés à relier tous leurs établissements scolaires d'ici la fin 2001 à Internet,
Les établissements d'enseignement seront progressivement reliés au réseau transeuropéen à très haut débit GEANT,
D'ici à 2002, la plupart des enseignants devront être capables d'utiliser l'Internet et les ressources multimedia dans leurs pratiques pédagogiques,
Les méthodes d'enseignement doivent intégrer progressivement l'usage des NTIC,
Les entreprises doivent également consentir un important effort de formation.
Le deuxième enjeu de la société de l'information est un enjeu social : pour que les technologies de l'information pénètrent la société, il faut développer leur usage par la société, il faut que ces technologies répondent à des besoins sociaux.
Je citerai plusieurs exemples où l'introduction des nouvelles technologies apporte un plus à la société, où elle permet d'améliorer le service apporté au citoyen :
la santé : les technologies de l'information permettront de développer les bases de donnée interactives utiles pour la prévention, le diagnostic et le traitement des malades. Elles permettront de passer d'un système traditionnel de soins à un système de santé intelligent où l'ensemble des acteurs travaillera en réseau,
les transports : les technologies de l'information permettront de développer des systèmes de guidage ou de gestion de flux, d'améliorer au sein des véhicules les systèmes de sécurité,
le commerce : le commerce en ligne se développe, quoique de façon inégale, dans les différents pays de l'Union europénne. Son essor nécessite que soit améliorée la sécurité des transactions.
Le troisième enjeu est un enjeu économique. Les nouvelles technologies nous permettent d'entrevoir de nouvelles possibilités d'organisation du travail et de répartition des tâches.
Elles libèrent l'homme des tâches automatiques et répétitives et lui permettent de se consacrer à des travaux à plus forte ajoutée. Elles permettent de casser les hiérarchies trop lourdes, de rapprocher les différents niveaux de responsabilité, de déconcentrer les niveaux de décision et ainsi de favoriser les initiatives individuelles et l'épanouissement de chacun dans son travail. Elles aboutissent à un nouvel équilibre, encore instable et en construction, entre la vie professionnelle et la vie familiale.
Les nouvelles technologies entraînent également le développement de nouveaux marchés et de nouveaux services auxquelles il est impératif que les entreprises s'adaptent pour rester compétitives.
Cette transformation économique et sociale est une des plus importantes que nous ayions connue, et en tout cas la plus importante des homme de ma génération.
J'insiste sur ce fait. Avec les nouvelles technologies, nous mettons définitivement fin à un modèle d'organisation du travail qui a imprégné pendant plus d'un siècle l'imaginaire social, celle du travail à la chaîne, de l'ouvrier à l'usine, du col blanc dans les bureaux ou de Charlie Chaplin dans "Les Temps modernes".
J'en viens au dernier enjeu, qui est l'enjeu politique.
Comme toutes les grandes révolutions industrielles et les avancées scientifiques, les nouvelles technologies ont des conséquences sur le plan politique et peuvent entraîner de nouvelles fractures et l'accroissement de certaines inégalités.
Il ne suffit pas de dire que les nouvelles technologies doivent profiter à tous et être à la disposition de tous, il faut effectivement que l'Union et les Etats se dotent des moyens nécessaires pour faire profiter l'ensemble des citoyens de leurs avantages et de leurs atouts.
C'est d'abord le chantier de l'administration en ligne. Les administrations publiques doivent désormais être au premier rang des organismes et des institutions qui offrent des services en ligne à leurs usagers et leur permettent de disposer d'informations à jour sur les règlements, les données, les procédures existantes. L'administration du XXIème siècle, ce n'est plus le Journal Officiel publié par l'Imprimerie Nationale, ce sont des données accessibles à tous en temps réel.
Les administrations publiques doivent également développer les formulaires en ligne et permettre les échanges de données avec leurs administrés, que ce soit en matière d'aides aux entreprises ou en matière fiscale. L'administration du XXIème siècle, ce n'est plus la file d'attente derrière un guichet, c'est le contact personnel et interactif d'un service public voire d'un agent identifié avec l'usager.
La France est particulièrement active dans ce domaine. Récemment, nous avons ouvert un portail donnant accès à l'ensemble des services publics disponibles en ligne. Nous développons aussi les télé-procédures, notamment au ministère de la Recherche, par exemple pour les recrutements et les aides à la recherche.
C'est ensuite et surtout le chantier du gouvernement en ligne. Nous devons être capable, dans quelques années, d'utiliser massivement l'Internet pour animer des débats publics, recueillir les réactions des citoyens sur les grandes initiatives politiques et ainsi améliorer la participation de chacun au fonctionnement de la démocratie.
Je crois personnellement qu'Internet est un outil majeur pour enrayer la désaffection croissante des citoyens de l'Europe par rapport à la politique et permettre, en complément du vote qui reste évidemment la colonne vertébrale de la vie démocratique, d'autres modes d'expression et de lien politique.
Qu'il est un outil majeur pour lutter contre l'abstention, en permettant une prise en compte plus nuancée des avis et des opinions, en faisant accéder tous les citoyens à la prise de parole politique.
Dans une démocratie moderne, le vote ne peut plus être le seul moment où le citoyen exprime son adhésion à des idées ou à un projet politique.
Je voudrais pour conclure rappeler ce vieux rêve d'une démocratie proche des citoyens, d'une démocratie pleinement participative, porté par les philosophes grecs de l'Antiquité avec le concept de "cité" d'abord, puis par Rousseau dans son "contrat social" et dans son éloge du gouvernement genevois ensuite.
Longtemps nous avons cru qu'une telle démocratie n'était possible qu'à un échelon territorial de proximité immédiat, au niveau de la ville ou du canton peut-être mais guère au-delà. Non qu'au niveau des régions ou des Etats il n'y eût plus de démocratie mais parce que la démocratie à ce niveau était plus représentative et moins participative, et que le citoyen était moins en contact direct avec ses représentants.
Je crois que ce que les nouvelles technologies nous apportent, ce qu'elles rendent possible, c'est précisément une démocratie proche des citoyens à tous les niveaux et pas simplement au plan local. Une démocratie où le citoyen peut intervenir et réagir à tous les niveaux et qui ne s'exerce pas simplement au plan local, qui dépasse le plan local et même national. Il y a là une chance à saisir pour l'Europe, afin d'avancer dans la construction d'un espace politique.
Et c'est un heureux hasard qu'au moment même où les frontières entre les Etats membres sont supprimées, au moment même où des craintes sur la disparition de la souveraineté se font entendre, le développement des nouvelles technologies nous permettent d'avancer dans la voie d'une démocratie à l'échelle européenne, en permettant à terme de rapprocher l'Europe et ses institutions de tous les citoyens de l'Union.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 9 novembre 2000)
Lancement du projet GEANT(Gigabite European Academic Network
Le lancement du projet GEANT aujourd'hui constitue l'une des étapes décisives de la construction de l'Espace Européen de la Recherche. Le projet d'Espace Européen de la Recherche ouvre en effet de nouvelles et fécondes perspectives pour la politique de recherche en Europe. Le rôle de la recherche au 21ème siècle sera plus déterminant que jamais. La recherche est, d'abord, la matrice de nouvelles connaissances, de nouveaux savoirs. Ensuite, par ses applications concrètes, par la manière dont elle irrigue l'économie de ses résultats, la recherche est le moteur principal de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi.
Cette recherche doit acquérir une forte dimension de coopération européenne. Car c'est la dimension souhaitable, et souvent nécessaire, pour que la recherche européenne puisse pleinement s'épanouir, à parité de succès avec les Etats-Unis notamment. Aujourd'hui, la recherche est la "nouvelle frontière" de l'Europe.
Comme nous l'évoquions le 20 septembre dernier à Strasbourg lors de la Conférence Européenne sur les infrastructures de Recherche la tendance actuelle , dans toutes les disciplines de recherche, est à l'ouverture vers une large communauté pour des instruments qui ne sont plus nécessairement focalisés sur un seul lieu, mais peuvent fonctionner en réseau : banques de données, bibliothèques, musées, centres de compétences, codes de calcul.
La montée en puissance significative des débits d'interconnexion des réseaux de recherche européens avec une multiplication par 16 de leurs performances d'ici quelques mois à peine dans le cadre du projet GEANT permettra de répondre aux enjeux qui se posent à la recherche européenne, dans des domaines comme les recherches sur le Genome ou la physique des particules. Cette capacité pourra rapidement atteindre plusieurs dizaines de Gigabits par seconde.
Ces réseaux servent également de vecteur essentiel à l'évolution en cours dans les pratiques d'enseignement, avec l'émergence de nombreuses offres de formations en ligne, comme les prochains campus numériques lancés à l'initiative du Ministère de la Recherche et du Ministère de l'Education Nationale français.
Plus que les performances de ces réseaux, je tiens à souligner ce qui en fait l'originalité, et surtout la force, par rapport à ce que l'on peut trouver aux Etats Unis ou en Asie par exemple :
L'impulsion, notamment financière, donnée par la commission, et j'en remercie ici vivement M. Liikanen, a permis l'émergence d'une approche cohérente et coordonnée, au sein du consortium GEANT ainsi constitué, entre tous les Etats Membres qui prennent en charge leurs réseaux nationaux pour la recherche et l'éducation.

L'Europe dispose ainsi d'un réseau unique et performant, reliant l'essentiel de ses centres de recherche et d'enseignement, quelle que soit leur discipline. Lorsque l'on sait que la plupart des progrès de la recherche et de l'innovation se situent aujourd'hui à la frontière de plusieurs disciplines, on comprend l'atout que cela représente.

L'implication étroite des réseaux nationaux dans GEANT permet d'obtenir une couverture assez homogène de l'ensemble du territoire européen, et de contribuer ainsi à fournir réellement une société de l'information pour tous au sein de l'Europe. La mobilité des chercheurs à travers l'Europe, et tout particulièrement celle des jeunes chercheurs, est un enjeu majeur. C'est un point capital pour la construction des réseaux, des pôles scientifiques et technologiques et pour le renforcement de l'excellence. La possibilité qui leur est ainsi offerte de pouvoir disposer de leur environnement de travail quelle que soit leur localisation en Europe et d'accéder à l'ensemble des informations et équipements nécessaires à leur recherche, est essentielle pour la construction d'une réelle identité culturelle européenne.
La mise à disposition de ces réseaux sera complétée sous peu par la mise à disposition de moyens de calculs décuplés : là encore, l'Union doit faire la force, et c'est au travers d'un projet européen d'importance comme DATAGRID, porté par une vingtaine de partenaires européens, parmi lesquels le CNRS, le CERN et l'ESA, que l'Europe pourra disposer, avec le soutien de la commission et des Etats membres, des ressources nécessaires pour sa recherche. Dans des domaines de recherche qui suscitent de fortes attentes de la société, les besoins des équipes de recherche en capacité de stockage de très grandes quantités de données et de traitement de celles-ci explosent littéralement. Parmi ces domaines, on peut citer :
la biologie, avec les nombreuses études sur le génome, la météorologie et la climatologie, avec les puissants modèles de prévision,
la physique des particules, avec l'entrée en service en 2005 au CERN du plus puissant collisionneur du monde - le LHC (Large Hadron Collider)
ou encore l'environnement, avec l'exploitation des données fournies par les satellites
Pour répondre à ces enjeux, la solution réside dans la répartition de façon dynamique et optimale, en fonction des besoins, de la ressource de calcul nécessaire en s'appuyant sur l'ensemble des moyens de calculs déjà disponibles et répartis sur le territoire européen. La mise en place d'une infrastructure réseau à très haut débit comme GEANT était un préalable.
Il s'agit maintenant de mettre au point et de perfectionner les applications logicielles qui permettront de répartir de façon optimale les charges de calcul entre différents sites, tout en garantissant une grande simplicité d'utilisation : c'est l'enjeu d'un projet comme DATAGRID.
La France appuie tout particulièrement ces initiatives qui démarrent sous sa présidence, et confirme le rôle moteur qu'elle compte y jouer aux côtés de ses partenaires européens. Cette action s'inscrit dans le cadre de l'effort sans précédent que j'ai décidé en juillet dernier pour développer l'effort de recherche public dans les sciences et technologies de l'information et de la communication. Une action Concertée Incitative sur les " MégaRessources " sera ainsi lancée pour soutenir et développer la contribution des équipes de recherche françaises dans le domaine des moyens de calculs et des méga-bases de données.
Je conclurai par une volonté, que M. Liikanen partagera j'en suis sûr : la mise à disposition de telles infrastructures doit bénéficier à l'ensemble de la recherche européenne, mais a vocation à contribuer également à soutenir, dans le cadre de projets de recherche communs, la compétitivité des industriels européens, et notamment des PME les plus innovantes.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 9 novembre 2000)