Texte intégral
S. Paoli Peut-il encore y avoir un chevalier blanc en politique ? Le scandale des marchés publics truqués - énième variation sur le thème des affaires, presque tous partis confondus - organisera-t-il différemment la hiérarchie des candidatures présidentielles ? F. Bayrou bientôt en liste pour les centristes, estimait hier en conclusion du congrès UDF qu'il n'est plus possible de conjurer la crise des institutions avec ceux qui exercent aujourd'hui le pouvoir. Les affaires et la course présidentielle, vous disiez implicitement hier - enfin vous ne l'avez pas dit implicitement, vous l'avez dit tout court d'ailleurs - , qu'il faut changer d'homme ?
- "Je n'ai pas employé cette expression. Mais l'idée qui s'impose dans l'opinion, c'est que la crise que nous vivons ne ressemble à aucune de celles que nous avons vécues depuis 1958. Cette crise a trois visages : celui des affaires dont vous avez parlé à l'instant, qui se répand à droite comme à gauche ; celui des institutions qui sont non seulement en panne, mais vidées de leur contenu par la cohabitation avec ses pièges perpétuels d'un bord contre l'autre - que nous avons dénoncé depuis la première heure. Le troisième aspect, c'est un doute profond des citoyens sur la politique et ce qu'elle peut faire. quand vous mélangez ces trois ingrédients, vous avez un cocktail délétère et corrosif qui ronge comme une rouille l'ensemble des institutions et l'esprit civique. Est-ce qu'on peut en sortir comme les autres élections depuis 30 ans, c'est-à-dire : on prend les mêmes et on recommence ? Ma conviction est que non, et qu'il faut trouver dans le fond du peuple français une ressource nouvelle, une énergie nouvelle et un projet nouveau avec des équipes nouvelles. "
Comment allez-vous faire ? La question est sans malice parce que l'enjeu est important, il s'agit de la présidentielle. Comment allez-vous faire pour convaincre les citoyens au moment où ils doutent, que votre posture à vous n'est pas une posture d'opportunisme politique ?
- "D'abord parce que vous témoignerez que ce que je dis là, je le dis pour ma part depuis des années. Lorsque j'ai été élu à l'Assemblée nationale pour la première fois, en 1986, je suis un jeune député d'une heure ; mon groupe m'a envoyé à la tribune de l'Assemblée nationale ; pour dire quoi ? Pour dire : "la cohabitation qui commence est un danger immense pour les institutions". Je n'ai jamais changé d'avis - je suis un ami de R. Barre et j'étais un de ses amis et soutiens à cette époque - ce point. Nous sommes le seul pays du monde qui s'offre ce luxe incroyable d'avoir un pouvoir, un gouvernement, un pouvoir exécutif coupé en deux moitiés dont l'une est hostile à l'autre. Cela ne peut pas marcher. "
Mais il y a encore deux ans à tenir ! Ils vont se regarder pendant deux ans et se parler d'homme à homme ?
- "C'est la responsabilité de chacun d'entre eux, je n'ai pas à intervenir. Je sais que ce qui se passe en France aujourd'hui est nocif ; que le regard que l'on porte sur la politique, que le soupçon - quelquefois nourri par les faits et par ce qui se passe - est très lourd ; qu'une démocratie ne peut pas supporter que cette rouille la ronge tous les jours. Voilà ce que je dis, je ne dis pas autre chose. On n'est donc pas dans la question d'une alternance normale ; on est à la fin d'un cycle. Les citoyens vont vouloir en sortir et leur mouvement de renouveau, leur appel au renouvellement de la politique va être très important. Encore faut-il qu'en matière de projets, en matière de comportements, sans être "chevalier blanc" - comme vous le dites - qu'on montre que par une simplicité, par une force dans l'expression, qu'on montre, qu'en effet, les ressources pour en sortir existent. "
Mais avec quels projets ? vous dites " fin d'un cycle ", fin d'une République ?
- "Si on ne remet pas la Vème République sur ses pieds, on aura la VIème République. Or la Vème République, son mérite a été de montrer qu'on pouvait avoir un pouvoir démocratique assez fort pour changer les choses. c'est bien ce qui s'est passé après 1958 et c'est bien ce qui a fait que la République a traversé intacte des crises lourdes. Cela, c'est la première question. Il y a une deuxième question très importante à mon avis : on a besoin d'un civisme nouveau. On a des institutions auxquelles personne ne comprend rien - on vient de parler de la cohabitation à l'instant. La présidence française s'achève, elle sera finie dans trois semaines ; est-ce que vous avez l'impression que la France a donné un modèle à l'Europe, a exprimé un modèle pour l'Europe ? Poser la question, c'est évidemment y répondre : personne ne l'a fait. Les pouvoirs locaux sont dans un maquis inextricable. Je ferai dans quelques jours une proposition de simplification pour que les pouvoirs locaux redeviennent lisibles par les citoyens, qu'ils sachent ce qui s'y passe et qu'ils y participent. C'est le premier le disais à l'instant, on a besoin d'un pacte civique nouveau, on a besoin d'un pacte social nouveau"
Et surtout que les citoyens comprennent de quoi on leur parle. On a vu ce que le débat sur le quinquennat a donné ; vous n'avez pas peur que le débat sur le calendrier électoral soit un peu de même nature et qu'il provoque le même ennui ?
- "Mais parce que le débat sur le quinquennat, si les Français s'en sont écartés, si moi-même je l'ai dénoncé dans son organisation avec vigueur, c'est pourquoi ? Parce qu'on n'était pas allé au bout de la réflexion. les Français voient très bien, comprennent très bien, que quand on pose une question aussi importante que la durée du mandat présidentielle, cela a des conséquences sur la suite. Souvenez-vous de ce que je disais il y a deux mois au moment du référendum : on n'a pas voulu résoudre la question de la date, cette question s'imposera d'elle-même. Eh bien nous y sommes ! Nous avons un calendrier pour 2002, - les citoyens Français ne s'en sont pas encore aperçus - qui nous conduit droit dans le mur. Les événements ont fait que, M. Jospin qui était contre, a fini par se rallier à l'idée que nous exprimions. C'est très important qu'on retrouve un calendrier des institutions où les citoyens retrouvent le pouvoir de leur bulletin de vote. Il suffit de dire une seule chose : si on maintenait le calendrier comme il est aujourd'hui, le bulletin de vote pour élire le Président de la République serait sans portée, sans influence, puisque le président serait élu alors que tout est déjà décidé. Simplement, il faut avoir la force et le courage, malgré les pressions ou les invectives, de dire clairement ce qu'il en est pour que les Français le sachent et choisissent."
Vous vous êtes créé un espace de liberté hier ? quand R. Barre dit : "On peut voter avec les socialistes quand c'est une idée qui fait du bien à la République" ?
- "Surtout quand, en plus, ce sont les socialistes qui votent avec vous ! De plus, cette idée - je le répète -, c'est la nôtre ! Il n'y a pour moi jamais aucune honte - surtout sur ses propres idées - à faire qu'on se retrouve de part et d'autres de cette frontière qui, à mes yeux, est totalement archaïque ; la frontière avec laquelle on voudrait nous faire lire l'ensemble de la vie politique française, les uns d'un côté, les autres de l'autre et toujours les uns contre les autres, est absurde. Cela ne veut pas dire "ouverture" ou je ne sais quelle "magouille", mais se retrouver et se rejoindre par-dessus la ligne de cette frontière absurde, pour moi, c'est un acte civique."
Une dernière chose : dites-vous qu'en politique l'hélicoptère, décidément, cela ne porte pas bonheur ?
- "Je ne sais pas ce que vous voulez dire. "
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 décembre 2000)
- "Je n'ai pas employé cette expression. Mais l'idée qui s'impose dans l'opinion, c'est que la crise que nous vivons ne ressemble à aucune de celles que nous avons vécues depuis 1958. Cette crise a trois visages : celui des affaires dont vous avez parlé à l'instant, qui se répand à droite comme à gauche ; celui des institutions qui sont non seulement en panne, mais vidées de leur contenu par la cohabitation avec ses pièges perpétuels d'un bord contre l'autre - que nous avons dénoncé depuis la première heure. Le troisième aspect, c'est un doute profond des citoyens sur la politique et ce qu'elle peut faire. quand vous mélangez ces trois ingrédients, vous avez un cocktail délétère et corrosif qui ronge comme une rouille l'ensemble des institutions et l'esprit civique. Est-ce qu'on peut en sortir comme les autres élections depuis 30 ans, c'est-à-dire : on prend les mêmes et on recommence ? Ma conviction est que non, et qu'il faut trouver dans le fond du peuple français une ressource nouvelle, une énergie nouvelle et un projet nouveau avec des équipes nouvelles. "
Comment allez-vous faire ? La question est sans malice parce que l'enjeu est important, il s'agit de la présidentielle. Comment allez-vous faire pour convaincre les citoyens au moment où ils doutent, que votre posture à vous n'est pas une posture d'opportunisme politique ?
- "D'abord parce que vous témoignerez que ce que je dis là, je le dis pour ma part depuis des années. Lorsque j'ai été élu à l'Assemblée nationale pour la première fois, en 1986, je suis un jeune député d'une heure ; mon groupe m'a envoyé à la tribune de l'Assemblée nationale ; pour dire quoi ? Pour dire : "la cohabitation qui commence est un danger immense pour les institutions". Je n'ai jamais changé d'avis - je suis un ami de R. Barre et j'étais un de ses amis et soutiens à cette époque - ce point. Nous sommes le seul pays du monde qui s'offre ce luxe incroyable d'avoir un pouvoir, un gouvernement, un pouvoir exécutif coupé en deux moitiés dont l'une est hostile à l'autre. Cela ne peut pas marcher. "
Mais il y a encore deux ans à tenir ! Ils vont se regarder pendant deux ans et se parler d'homme à homme ?
- "C'est la responsabilité de chacun d'entre eux, je n'ai pas à intervenir. Je sais que ce qui se passe en France aujourd'hui est nocif ; que le regard que l'on porte sur la politique, que le soupçon - quelquefois nourri par les faits et par ce qui se passe - est très lourd ; qu'une démocratie ne peut pas supporter que cette rouille la ronge tous les jours. Voilà ce que je dis, je ne dis pas autre chose. On n'est donc pas dans la question d'une alternance normale ; on est à la fin d'un cycle. Les citoyens vont vouloir en sortir et leur mouvement de renouveau, leur appel au renouvellement de la politique va être très important. Encore faut-il qu'en matière de projets, en matière de comportements, sans être "chevalier blanc" - comme vous le dites - qu'on montre que par une simplicité, par une force dans l'expression, qu'on montre, qu'en effet, les ressources pour en sortir existent. "
Mais avec quels projets ? vous dites " fin d'un cycle ", fin d'une République ?
- "Si on ne remet pas la Vème République sur ses pieds, on aura la VIème République. Or la Vème République, son mérite a été de montrer qu'on pouvait avoir un pouvoir démocratique assez fort pour changer les choses. c'est bien ce qui s'est passé après 1958 et c'est bien ce qui a fait que la République a traversé intacte des crises lourdes. Cela, c'est la première question. Il y a une deuxième question très importante à mon avis : on a besoin d'un civisme nouveau. On a des institutions auxquelles personne ne comprend rien - on vient de parler de la cohabitation à l'instant. La présidence française s'achève, elle sera finie dans trois semaines ; est-ce que vous avez l'impression que la France a donné un modèle à l'Europe, a exprimé un modèle pour l'Europe ? Poser la question, c'est évidemment y répondre : personne ne l'a fait. Les pouvoirs locaux sont dans un maquis inextricable. Je ferai dans quelques jours une proposition de simplification pour que les pouvoirs locaux redeviennent lisibles par les citoyens, qu'ils sachent ce qui s'y passe et qu'ils y participent. C'est le premier le disais à l'instant, on a besoin d'un pacte civique nouveau, on a besoin d'un pacte social nouveau"
Et surtout que les citoyens comprennent de quoi on leur parle. On a vu ce que le débat sur le quinquennat a donné ; vous n'avez pas peur que le débat sur le calendrier électoral soit un peu de même nature et qu'il provoque le même ennui ?
- "Mais parce que le débat sur le quinquennat, si les Français s'en sont écartés, si moi-même je l'ai dénoncé dans son organisation avec vigueur, c'est pourquoi ? Parce qu'on n'était pas allé au bout de la réflexion. les Français voient très bien, comprennent très bien, que quand on pose une question aussi importante que la durée du mandat présidentielle, cela a des conséquences sur la suite. Souvenez-vous de ce que je disais il y a deux mois au moment du référendum : on n'a pas voulu résoudre la question de la date, cette question s'imposera d'elle-même. Eh bien nous y sommes ! Nous avons un calendrier pour 2002, - les citoyens Français ne s'en sont pas encore aperçus - qui nous conduit droit dans le mur. Les événements ont fait que, M. Jospin qui était contre, a fini par se rallier à l'idée que nous exprimions. C'est très important qu'on retrouve un calendrier des institutions où les citoyens retrouvent le pouvoir de leur bulletin de vote. Il suffit de dire une seule chose : si on maintenait le calendrier comme il est aujourd'hui, le bulletin de vote pour élire le Président de la République serait sans portée, sans influence, puisque le président serait élu alors que tout est déjà décidé. Simplement, il faut avoir la force et le courage, malgré les pressions ou les invectives, de dire clairement ce qu'il en est pour que les Français le sachent et choisissent."
Vous vous êtes créé un espace de liberté hier ? quand R. Barre dit : "On peut voter avec les socialistes quand c'est une idée qui fait du bien à la République" ?
- "Surtout quand, en plus, ce sont les socialistes qui votent avec vous ! De plus, cette idée - je le répète -, c'est la nôtre ! Il n'y a pour moi jamais aucune honte - surtout sur ses propres idées - à faire qu'on se retrouve de part et d'autres de cette frontière qui, à mes yeux, est totalement archaïque ; la frontière avec laquelle on voudrait nous faire lire l'ensemble de la vie politique française, les uns d'un côté, les autres de l'autre et toujours les uns contre les autres, est absurde. Cela ne veut pas dire "ouverture" ou je ne sais quelle "magouille", mais se retrouver et se rejoindre par-dessus la ligne de cette frontière absurde, pour moi, c'est un acte civique."
Une dernière chose : dites-vous qu'en politique l'hélicoptère, décidément, cela ne porte pas bonheur ?
- "Je ne sais pas ce que vous voulez dire. "
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 décembre 2000)