Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, à France 2 le 6 décembre 2000, sur la "remise en ordre de marche" du RPR, les propositions du RPR, les candidatures à l'élection présidentielle en 2002 et la mise en examen de Michel Roussin.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

G. Morin J'allais vous dire bon anniversaire.
- "C'est gentil."
Cela fait un an maintenant que vous présidez le RPR, avez-vous l'impression qu'on ne vous a fait que des misères depuis un an ?
- "Non, je crois que cela a été une période pas facile certes, mais une période également très intéressante et une période où j'ai beaucoup appris, parce qu'être Président du premier parti d'opposition, cela implique aussi d'apprendre des choses."
On vous a présenté parfois comme cafouillant, hésitant. Vous avez vraiment l'impression de tenir le parti et de lui donner un axe de travail maintenant ?
- "Oui, je crois qu'il faut bien voir qu'il y avait plusieurs choses à faire. Pendant l'année qui vient de s'écouler, je me suis surtout attachée à reconstituer et à remettre en ordre de marche le RPR, qui était resté pendant plusieurs mois sans direction, qui avait subi pas mal de contrecoups du fait du départ de mes prédécesseurs. Par conséquent, ce qu'il fallait, c'était d'abord remettre la maison en ordre de marche, apaiser les querelles - il y en avait un certain nombre entre les personnes - et vous constatez qu'on en voit moins aujourd'hui ; avoir une équipe qui ait vraiment le sens de l'équipe, qui travaille d'une façon groupée ; et puis moderniser ce parti, à la fois en l'informatisant, en mettant sur Internet toutes les relations internes, en faisant davantage participer les gens. C'est la première phase, elle n'était pas spectaculaire, elle n'était pas médiatique, mais elle était absolument indispensable. Il faut construire sur du solide. Maintenant, nous allons passer à la deuxième phase."
La deuxième, c'est 2002 ?
- "Non, 2002 sera la troisième phase. La deuxième phase commence en quelque sorte aujourd'hui. C'est celle où je vais m'attacher à convaincre les Français, c'est-à-dire à être plus présente certainement sur les médias et à leur dire ce que nous voulons pour eux, c'est-à-dire notre conception d'une République moderne. Nous avons beaucoup de propositions sur lesquelles nous avons travaillé depuis un an, même si cela ne s'est pas vu, par exemple pour faire en sorte de garantir à l'ensemble des salariés du privé des retraites et notamment la constitution d'une épargne retraite dans les mêmes conditions que celles qui sont accordées aux fonctionnaires, c'est-à-dire en exonérations d'impôts. Nous allons - c'était l'objet d'un colloque que nous avons fait samedi dernier - faire des propositions très concrètes pour moderniser et améliorer l'éducation, pour améliorer également la protection des Français dans le cadre de leur environnement, savoir ce qu'ils boivent, ce qu'ils mangent, l'air qu'ils respirent. Ce sont des propositions très concrètes."
Vous dites que vous allez être présente sur les médias, vous avez été volontairement absente jusque là ?
- "Oui."
Vous n'avez pas été boycottée ?
- "Non, pas du tout. C'était de mon fait, c'était un choix, il y avait d'abord des choses à faire à l'intérieur.."
C'est un choix payant ?
- "Je ne sais pas, en terme de notoriété peut-être pas, mais peu importe. Si on veut construire solidement, il fallait faire du travail, que j'ai essayé de faire, un travail de soutier en quelque sorte. Maintenant, on peut faire autre chose. Et puis la troisième phase, celle de 2002, sera celle de la reconquête et là aussi ce seront les grandes échéances électorales des législatives et des présidentielles."
Alors, un petit mot de 2002 avant de revenir à certaines affaires. Trois candidats sans doute à droite déjà, peut-être quatre
- "Et combien à gauche ? Je crois qu'il y en a beaucoup.."
UDF, Démocratie Libérale, Pasqua, J. Chirac ou quelqu'un d'autre, cela ne fait pas désordre ?
- "Il ne faut pas s'inquiéter pour cela ; à gauche il y a certainement un candidat socialiste, un candidat communiste, un candidat Vert, un candidat Chevènementiste je dirais, peut-être d'autres encore. Il y en aura aussi plusieurs à droite, je ne pense pas qu'il faille s'affoler, il y a toujours eu un candidat du centre droit de toute façon dans ces élections. L'essentiel, ce n'est pas d'empêcher des candidats d'être candidats, mais c'est de faire en sorte que les candidats à droite ne se trompent pas de cible. Ce qu'il faut effectivement, c'est savoir que l'on est contre la vision de la société que propose aujourd'hui la gauche, qui est une vision très administrée, très réglementaire, où la liberté individuelle est enserrée dans une multitude de lois et de règlements que plus personne ne finit pas comprendre. La société que proposent les socialistes est une société où finalement les gens s'affrontent les uns avec les autres. On n'arrête pas d'opposer finalement les salariés et les chefs d'entreprises, les actifs et les retraités, les agriculteurs et ceux qui vivent dans le monde urbain. Ce n'est pas la France que nous voulons, nous voulons une France plus rassemblée."
Sur l'affaire du moment, qui vous touche - pas seulement vous, mais qui vous touche - : Michel Roussin détenu qui devrait sortir aujourd'hui, vous l'aidez à payer sa caution ?
- "Si M. Roussin a besoin qu'un certain nombre de ses amis cotisent pour payer la caution, je le ferais à titre personnel très volontiers. Je me réjouis bien entendu très profondément que Michel Roussin soit libéré. Je crois que c'est juste parce qu'il n'y avait pas grand chose de sérieux retenu contre lui. Je trouvais pour le moins paradoxal que des personnes contre qui il y avait des charges, qui avaient reconnu des choses, se retrouvent en liberté, tandis que Michel Roussin, lui, se trouvait emprisonné, comme si en quelque sorte on avait voulu le faire craquer. Je crois que ce n'est pas bien, et c'est d'ailleurs ce contre quoi veut lutter la loi que nous avons votée, qui rentre en application d'ici moins d'un mois, et qui protège en quelque sorte la présomption d'innocence et qui évite que la détention préventive ne serve à faire craquer les gens. Je ne sais pas si vous le savez, mais il y a quand même 2000 personnes qui sont incarcérées chaque année et qui ensuite sont acquittées ou bénéficient d'un non-lieu. Vous voyez tout le drame que cela peut représenter pour ces personnes et tout le préjudice qu'elles subissent."
Une conséquence pour le Président de la République pourrait être une dégradation de son image de marque ? Vous le soulignez vous-même, son image reste bonne auprès des Français, pourtant s'il y avait une présidentielle aujourd'hui, c'est Jospin qui gagnerait. Comment vous expliquez ce paradoxe ?
- "Les sondages changent pratiquement à chaque fois, c'est-à-dire tous les 15 jours c'est l'un qui est en tête, l'autre qui est derrière, en fonction de différents événements. Je crois que dans tout ceci, au fur et à mesure que l'on va se rapprocher de l'élection présidentielle, que l'on distinguera mieux les projets des deux candidats, les Français feront leur distinction, c'est évident. Mais ce qui est important, comme vous le dites, c'est qu'il y a cette confiance entre les Français et le Président de la République. Dans cette période très troublée - je comprends que les Français soient troublés par des déclarations, des amalgames, des supputations, des insinuations - je crois qu'ils voient dans le Président de la République quelqu'un qui mène bien la barque de la France."
Est-ce que c'est une France en difficulté qui préside le sommet le Nice ?
"Non, je crois que c'est une France très déterminée et de ce point de vue il a été important, je crois, que le Président de la République et le Premier ministre agissent ensemble pour faire travailler les choses. Je me réjouis. Il y aura des difficultés notamment sur le plan institutionnel c'est vrai, mais je me réjouis que le Président de la République ait pu faire passer quelques-unes de ses grandes idées. Par exemple, la protection de notre environnement en matière de transports maritimes - c'était une de ses idées -, je pense que l'on arrive là dessus. C'est exactement la même chose en ce qui concerne par exemple l'affaire de la vache folle où à la suite de la mise en garde du Président de la République, finalement les Européens se sont tous rangés à son avis."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 8 janvier 2001)