Texte intégral
C'est un grand plaisir d'ouvrir cette 12ème conférence annuelle Défense-aéronautique. Votre conférence est désormais un rendez-vous incontournable des acteurs de la défense française et européenne. Après quatre ans à la tête du ministère, je peux aujourd'hui faire ce constat : la Défense, dans ses dimensions institutionnelle et opérationnelle, s'est profondément transformée. Cette évolution concerne aussi l'industrie de défense. Elle permet aujourd'hui à la Défense française d'être un acteur crédible ; elle nous permet de regarder l'avenir avec volontarisme.
La Défense de 2006 n'est plus celle de 2002 : elle est plus performante, plus réactive, plus européenne, plus tournée vers l'avenir.
Le ministère est en ordre de marche :
La loi de programmation militaire, rigoureusement appliquée depuis 2003, a relancé l'effort de défense et lui a redonné une lisibilité. Elle a remobilisé les personnels autour d'une ambition forte.
Avec la réforme de la conduite des programmes et le renforcement des pouvoirs du CEMA, le ministère de la Défense est aujourd'hui mieux structuré. Il est devenu un interlocuteur plus réactif, plus apte à arbitrer. L'action stratégique, la préparation de l'avenir, sont, grâce à la LPM appliquée, davantage prises en compte, et la réforme de la DGA permet d'amplifier le mouvement. A la Défense, la LOLF est perçue comme un véritable accélérateur de réformes, permettant de développer des modes de gestion innovants.
Dans le même temps, les capacités de nos armées sont en voie de redressement :
Je n'ai pas besoin de revenir sur l'état dans lequel j'ai trouvé les matériels à mon arrivée. L'amélioration de la disponibilité des matériels est aujourd'hui incontestable, même si nous pouvons encore beaucoup progresser. Et ce sera un des points les plus problématiques, dans l'avenir. Des programmes majeurs ont été lances, comme celui des FREMM. Des équipements tels que le Rafale, les hélicoptères Tigre, les satellites Hélios II et Syracuse III, sont entrés en service. Tout en maîtrisant parfaitement ses engagements, la Défense consomme tous ses crédits et la « machine administrative » est lancée à plein régime. J'insiste sur ce point. On nous a reproché de ne pas consommer nos crédits par le passé. Nous les consommons, ainsi que les reports.
La Défense joue pleinement son rôle d'acteur économique et social :
La LPM nous a donné l'opportunité d'une relance de la politique industrielle et de création d'emploi. Les activités de recherche et développement de la Défense, qui dépassent bien souvent le domaine militaire, représentent l'avenir technologique de notre pays. C'est ce qui m'a conduit à décider la sanctuarisation des crédits des études amont. Forte de son dynamisme retrouvé, la Défense a également su se mobiliser dans la politique des pôles de compétitivité. Nous y jouons, je l'ai vu en allant dans le bassin méditerranéen ou en Bretagne, pleinement notre rôle, grâce à nos centres de recherche, nos écoles, nos experts.
Les institutions européennes sont opérationnelles :
Certains voudraient que la dynamique européenne aille plus loin et plus vite, moi la première !
Ma conviction, c'est que nous ne résisterons à la compétition internationale qu'en ayant toujours une avance technologique, et que nous ne l'aurons qu'avec une politique européenne de l'industrie d'armement.
Le chemin parcouru est important. Il convient de saluer la mise en place rapide de l'Agence européenne de défense en quelques mois. Nous devons maintenant inciter l'Agence à être une force de proposition. Cette dynamique ne se maintiendra que si la France continue son propre effort budgétaire. C'est ainsi que nous avons et aurons la légitimité lui permettant d'entraîner nos partenaires. Il faut une volonté, et que cette volonté se concrétise dans les engagements budgétaires.
Ces succès ne sont pas des motifs de satisfaction personnelle. Ce sont autant d'exigences à satisfaire dans la durée.
L'effort engagé porte ses fruits. Alors que des échéances importantes se profilent à l'horizon, chacun doit être conscient qu'il devra être poursuivi. Il serait illusoire de croire qu'on peut assurer le redressement de l'équipement de nos forces, poursuivre les réformes engagées, tenir le rang de la France en Europe et dans le monde, sans maintenir l'effort budgétaire. Et il faut que tous ceux qui aspirent à jouer un rôle majeur prennent des engagements devant les citoyens.
De mon expérience, je retiens certains domaines prioritaires sur lesquels il faudra mettre l'accent :
- La maîtrise des coûts de MCO : j'ai engagé plusieurs actions de long terme (aéronautique, naval et maintenant terrestre).
La préservation des crédits destinés aux équipements nouveaux suppose un engagement de tous !
- Un effort tout particulier et supplémentaire devra être fait pour l'espace.
Vous savez que c'est une de mes convictions : l'espace est un élément de la puissance de notre pays, ainsi qu'une condition de notre autonomie. Je prépare dès maintenant ce grand chantier au plan des concepts stratégiques et des technologies. La France devra convaincre ses partenaires européens de relever ce défi, notamment sur le plan financier, avec elle.
- La préparation de l'avenir doit demeurer une priorité, pour contribuer à l'excellence technologique de l'industrie française et européenne, qui n'a pas de complexes à avoir.
L'industrie française de défense a elle aussi profondément évolué : nos objectifs ont été tenus. Il est possible, maintenant, d'envisager avec ambition de nouvelles étapes.
J'ai voulu donner des impulsions nouvelles autour d'une ambition commune. Elle passe par la maîtrise de nos dépendances et une politique active de recherche et d'innovation. Elle repose sur le recours aux mécanismes d'économie de marché, pour des industries performantes et compétitives. Elle a l'Europe comme cadre de référence.
Partant de ces priorités, nous avons franchi des étapes décisives.
Le secteur de l'armement terrestre est redressé :
Après des décisions difficiles, mais réalistes, sur le plan humain, financier, industriel, politique, nous recueillons les premiers fruits de notre action pour GIAT Industries. Le plan de restructuration est en phase finale de mise en oeuvre. Dès les comptes 2005, on constate le retour à l'équilibre financier, qui n'avait jamais été atteint depuis dix ans, avec un résultat d'exploitation positif. Les programmes CAESAR et VBCI se déroulent nominalement.
De bonnes perspectives de succès s'ouvrent à l'export, notamment du CAESAR. De premières pistes de coopération traduisent bien cette légitimité retrouvée : le partenariat technologique avec Krauss Maffei sur les véhicules blindés est une bonne perspective d'avenir.
J'encourage des discussions entre industriels, sans exclusive et sans a priori.
Les Etats doivent également réfléchir aux moyens dont ils disposent pour accompagner ces réflexions de long terme, notamment en crédits d'étude et de R&T.
Le secteur naval se prépare à des consolidations européennes exemplaires :
DCN parvient aujourd'hui au terme de quatre ans de réformes réussies : changement de statut, transformation en société, ouverture significative du capital, entrée d'un industriel privé comme actionnaire de référence aux côtés de l'Etat. DCN peut désormais aborder en bonne situation de nouveaux partenariats, que ce soit avec les industriels allemands, italiens ou espagnols. Il faut être ambitieux dans la vision stratégique et pragmatique dans les modalités. C'est comme cela que l'on peut avancer dans l'industrie, comme en politique.
Partenariat commercial ou technologique, création de sociétés communes, entrée au capital ou échanges de participation : tout doit être examiné sans tabou.
Dans le domaine des équipements navals, il nous faut également lancer de nouvelles réflexions : « créer un MBDA des torpilles », réfléchir à la propulsion classique des sous-marins...avec toujours la même exigence à l'esprit : ce n'est qu'ensemble que nous pourrons relever ces défis d'avenir.
Préparer l'industrie de défense française aux enjeux futurs :
Il est essentiel pour cela d'assurer la protection des intérêts stratégiques de la Défense ; de tirer les avantages d'une offre industrielle plus duale entre le civil et le militaire ; de placer l'industrie française au coeur des consolidations européennes.
Dans le cadre de la fusion Alcatel-Lucent, nous nous devions d'ancrer nos actifs stratégiques au sein de groupes européens. J'ai obtenu des garanties, qui permettent d'accompagner ce grand projet industriel.
Simultanément, Alcatel et Thales ont présenté un projet qui faisait sens. Il contribue également à placer, au sein d'un groupe européen de défense, le pilotage de l'évolution du secteur spatial. Le projet industriel renforce Thales dans des métiers-clés. Il développe son positionnement dual, civil et militaire. La défense a, en effet, besoin d'une offre plus duale dans le domaine des réseaux d'information. Ce projet, enfin, est ouvert à d'autres partenariats et permet de placer Thales au coeur des consolidations futures et donc dans une perspective résolument européenne. C'est avec ce type de projets que l'on peut avancer : j'invite donc tous les industriels à discuter de manière franche et pragmatique.
Les efforts que nous avons faits ces dernières années en faveur du secteur de la défense commencent résolument à porter leurs fruits.
Cette remise en ordre de notre outil et de notre industrie de défense était nécessaire.
Elle n'est en rien un réflexe étroitement nationaliste. C'est au contraire, la prise en compte des évolutions du monde. C'est, j'en suis convaincue et je sais que vous l'êtes tout autant, un investissement avisé, un investissement d'avenir.
Il est impensable que cet investissement soit remis en cause.
Il en va de la sécurité de nos concitoyens, de la protection de nos intérêts stratégiques, de nos entreprises, en France et en Europe.source http://www.defense.gouv.fr, le 28 avril 2006