Entretien de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans "Ouest-France" du 12 mai 2006, sur le démantèlement de l'ex-porte-avions Clémenceau.

Prononcé le

Circonstance : Réunion de la Commission locale d'information et de concertation (CLIC), à Brest (Finistère) le 12 mai 2006

Média : Ouest France

Texte intégral


Q - Malgré sa mésaventure indienne, vous souhaitez médiatiser le retour du Clemenceau à Brest. Pourquoi ?
R - Je n'aime pas les choses faites à la sauvette. La France ne doit pas avoir honte de cette affaire. L'attitude de l'État a été exemplaire. Pour la première fois, un armateur désamiantait autant que possible un navire avant son démantèlement, en garantissant sa navigabilité, et avec le souci de préserver la santé des ouvriers chargés de le découper. Un certain nombre de gouvernements et d'associations de défense de l'environnement l'ont d'ailleurs reconnu. S'il y a eu des problèmes, ils relevaient principalement de la communication. Cette fois, je prends les devants, et je veux montrer que nous agissons dans une totale transparence.
Q - Brest accueille-t-il le Clemenceau, l'ancien navire de guerre, ou le déchet toxique Q 790 ?
R - Il ne reçoit pas le Clemenceau, pas davantage un déchet toxique. Il reçoit la coque Q 790, désamiantée partiellement. À Brest, nous allons immédiatement procéder à une expertise de tous les déchets restants. Des chiffres farfelus ont été lancés. Cette expertise me permettra de vérifier ce qu'il en est réellement.
Q - Demeure la question du démantèlement. Le Clemenceau devra-t-il attendre la création d'une filière spécialisée, française ou européenne ?
R - Non. C'est un cas à part, mais dont la méthode sera utilement observée : les enseignements que nous tirerons du Clemenceau serviront à préparer la future filière de démantèlement. Quoi qu'il en soit, j'ai pris un engagement vis-à-vis des élus brestois. Je le tiendrai : le Clemenceau ne sera plus à Brest dans deux ans, en juillet 2008, au moment de la grande parade navale.
Q - Des groupes industriels sont-ils déjà candidats à son démantèlement ?
R - Des industriels ont manifesté leur intérêt. Pour l'instant, la priorité est à l'expertise. Plusieurs cabinets ont répondu à l'appel d'offres. Nous déciderons avant l'été. L'expertise sera achevée cet automne.
Q - Cette future filière de démantèlement peut-elle être rentable, le marché pour ce type d'acier étant en Asie ?
R - Les derniers chantiers de démantèlement sont en Chine, en Inde et au Bangladesh. Pourquoi ? Parce que la main-d'oeuvre y est moins chère et, surtout, parce qu'ils disposent de débouchés pour l'acier recyclé. La présidence européenne est saisie de la question de la création d'une filière. J'ai rencontré mes homologues européens sur ce sujet. Il nous semble nécessaire que cette filière de démantèlement soit utilisable pour les navires de guerre mais aussi pour les navires civils. Il n'est pas non plus exclu que l'on imagine une filière intercontinentale, car toutes les marines du monde, tous les armateurs, sont confrontés à cette question de la fin de vie des navires. Des milliers de bateaux rouillent dans des ports, au détriment de l'environnement.
Q - Pourquoi ne pas suivre la voie des États-Unis ? De temps à autre, ils coulent un de leurs navires trop encombrants...
R - Quand la question s'est posée pour le Clemenceau, les experts m'ont assuré que ce serait dangereux pour l'environnement, comme pour les plongeurs. Aujourd'hui je lis, dans la presse anglo-saxonne, que ces épaves sont des paradis pour les poissons et les plongeurs. Qui est de bonne foi ? Couler le Clemenceau en haute mer serait de toute façon contraire à nos engagements internationaux, pour l'Atlantique Nord et la Méditerranée.
source http://www.defense.gouv.fr, le 15 mai 2006