Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les actions en faveur de l'industrie d'armement, à Paris le 22 mai 2006.

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Circonstance : Colloque Yves Fromion/CEIS "Les conditions du rayonnement international de l'industrie française de défense", à Paris le 22 mai 2006

Texte intégral

Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à saluer Yves Fromion d'avoir eu l'heureuse initiative de ce colloque sur « Les conditions du rayonnement international de l'industrie française de défense ».
Cette journée est l'occasion de rassembler des acteurs français et étrangers du plus haut niveau sur un thème essentiel pour l'économie de notre pays, ses exportations d'armement.
Les exportations font pleinement partie de notre politique de défense.
La relation d'armement est partie prenante des relations de défense que nous entretenons avec nos alliés et partenaires dans le monde.
Les exportations sont indispensables à la vitalité de l'industrie de défense. Celles-ci représentent près de 30 % de son chiffre d'affaires.
Elles concourent indirectement à la maîtrise des coûts de nos programmes nationaux. Des séries de production plus longues améliorent les performances techniques et financières.
Les exportations ont enfin une dimension politique, parfois sous-estimée par les industriels. Elle suppose une relation de confiance avec les pays acheteurs.
La promotion de nos exportations engage les autorités politiques.
Aussi, les exportations de défense font l'objet d'un suivi attentif et d'un réel encadrement réglementaire, notamment par la CIEEMG en France. Ce sont des procédures exigeantes mais indispensables. C'est une assurance pour le politique.
La France n'a pas à rougir de ses résultats actuels.
L'échec de quelques dossiers à forte visibilité ne doit pas cacher notre dynamisme à l'export. Chacun a évidemment en tête quelques négociations qui n'ont pas abouti : le RAFALE à Singapour, le LECLERC en Arabie saoudite, le SCORPENE au Portugal.
Ces regrets ne doivent pas nous faire oublier que l'activité de la France représente entre 10 et 15% du marché mondial de l'armement.
Les chiffres témoignent du maintien à un haut niveau des prises de commandes et des livraisons, s'établissant en moyenne à plus 4 milliards d'euros par an. J'ai bon espoir pour 2006 que nous dépassions cette moyenne.
Nous avons de belles réussites à notre actif : le SCORPENE en Inde, les contrats TIGRE ou NH90, les ventes de satellites d'observation en Thaïlande et en Algérie.
Ces ventes ont confirmé la place de la France sur des secteurs des plus stratégiques.
Je ne doute pas que d'autres succès importants sont à venir, même pour des produits n'ayant pas encore de référence export confirmée.
Je pense aux RAFALE, aux frégates multi-missions, aux missiles MICA dits « VL », aux avions ravitailleurs.
Si je suis peu encline au pessimisme, je n'en suis pas moins consciente que les évolutions, tant politiques que stratégiques et techniques (1), exigent la mobilisation de chacun et la mise à niveau permanente de nos stratégies face à la concurrence (2).
Le marché mondial de l'armement s'est profondément transformé.
Nous faisons face à de nouveaux acheteurs et de nouvelles demandes.
Le Moyen-Orient continuera à être un acheteur important de produits français.
Mais de nouvelles zones s'imposent comme des marchés porteurs : Asie du Sud et du Sud-Est, Amérique latine, Afrique du Nord, nouveaux membres de l'Union européenne.
Du côté des opérationnels, il existe une demande accrue pour une offre plus complète et globale, incluant un accompagnement en amont et du service en aval.
A cet égard, tous mes homologues expriment leur souci d'un MCO dans la durée et au meilleur prix.
Les clients sont de plus en plus professionnels, et donc de plus en plus exigeants.
On constate que la relation entre clients et fournisseurs est davantage inscrite dans la durée.
Il faut changer nos mentalités.
L'époque des « coups commerciaux », sans considération des conséquences dans la durée, est révolue.
Au plan économique, il y a une volonté de transferts de technologie et d'off-sets à plus haute valeur ajoutée, à laquelle il faut apporter une réponse adaptée et équilibrée.
Le contexte actuel est également marqué par l'entrée de nouveaux acteurs et une concurrence très vive.
La place dominante des Etats-Unis demeure bien sûr forte dans certains secteurs, notamment l'aéronautique. Elle n'est pas exclusive dans tous les secteurs.
De nouveaux pays entrent ou reviennent sur le marché : Israël, la Chine, les pays de l'ex-URSS.
Les Européens doivent faire face à une combinaison particulière de coopération et concurrence vive.
C'est d'ailleurs dans l'Union européenne que se trouvent la plupart des concurrents majeurs de la France, hors Etats-Unis : avec l'Allemagne sur le naval et l'électronique ; avec l'Italie et le Royaume-Uni sur les hélicoptères ; avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne sur les avions de combat.
La construction de la PESD ne réglera pas dans un futur proche cette question de la concurrence à l'export entre industries européennes.
C'est un sujet qui nécessite un regard pragmatique et sans naïveté.
Pour faire face à cette nouvelle donne, la mobilisation de chacun et l'adaptation de nos méthodes de travail et de nos produits, sont les clefs du succès.
Chacun doit se mobiliser dans le rôle qui lui est propre
Il y a une « équipe France » qui joue collectif pour l'export, mais chacun dans un rôle bien défini et complémentaire. Cela suppose une responsabilité individuelle et collective.
L'Etat doit être un soutien politique, non pas en jouant les VRP, mais en fixant le cadre d'une relation diplomatique et de défense.
C'est donner du sens à l'acquisition d'armement, au-delà de l'achat sur étagère.
L'expérience de nos armées et leur référence en tant que client sont des atouts non négligeables.
Cette mission de soutien mobilise de nombreux acteurs au sein de la Défense : la Direction du Développement International de la DGA, le représentant ministériel, les armées.
Je veille à ce que l'Etat assume la part qui est la sienne, en étant réactif et organisé.
L'industrie, de son côté, doit répondre au mieux aux attentes de nos clients, à la fois en termes de produit, de service et de coût.
Si l'Etat n'est pas en soutien, l'industriel a du mal à vendre.
Si l'industriel ne satisfait pas le client, la crédibilité de l'Etat, qui apporte son image et sa caution, est remise en cause. Je le vois bien dans mes déplacements à l'étranger.
La manière dont chacun assume son rôle est déterminante.
Une adaptation est nécessaire, du côté étatique comme du côté de l'industrie.
Le travail que j'ai engagé :
J'ai déjà engagé il y a un an des réflexions et des propositions dans le cadre du Conseil Défense-Industrie, qui a tracé l'année dernière de premières pistes d'amélioration.
Mes priorités étaient de réaffirmer le rôle des armées, de soutenir les PME-PMI.
Celles-ci ont notamment un rôle à jouer sur des matériels plus rustiques, pour lesquels il y a, j'en suis sûre, une demande.
Il faut davantage une approche globale de l'export, de favoriser un accompagnement des clients en phase amont, de renforcer le rôle de coordination de la DDI au sein du ministère et en interministériel, et de simplifier les procédures CIEEMG.
Toutes ces actions ont été mises en oeuvre. Pour autant, j'ai constaté qu'il fallait aller plus loin, avec un regard plus politique sur l'export et nos dispositifs de soutien.
Ce que j'attends aujourd'hui de la mission du député Fromion et de votre journée de travail :
Nous devons réfléchir à la meilleure adéquation possible de notre offre et notre organisation à la nouvelle donne en matière d'acheteurs et de concurrents.
Une attente particulière doit être portée à la continuité de notre gamme de produits. Matériels d'occasion et produits plus rustiques, matériels de très haute technologie : tous concourent à une offre complète de l'industrie française et permettent de répondre de manière flexible aux attentes des clients.
Il faut éviter à tout prix les concurrences franco-françaises, et faire les bons choix de priorités en matière de produits et de pays.
Pour cela, l'Etat doit être organisé au mieux pour assumer son rôle de soutien, en cohérence avec un bon dispositif de contrôle.
Je connais l'investissement d'Yves Fromion, et je sais pouvoir compter sur lui pour assumer la tâche qui lui a été confiée.
J'attends avec intérêt ses conclusions pour fin juin.
Cette journée est une étape importante pour avancer dans la réflexion et l'action sur nos exportations d'armement.
Je compte sur vous pour trouver ensemble des solutions pour ce secteur capital de l'avenir industriel de la France.Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 mai 2006