Texte intégral
BERNARD THOMASSON
Bonsoir Michèle ALLIOT-MARIE
MICHELE ALLIOT-MARIE
Bonsoir
Merci de nous recevoir au ministère de la Défense à l'occasion du troisième colloque international du Conseil Economique de la Défense qui se penche cette année sur les défis européens de la Défense. Mais avant d'évoquer ce thème, l'actualité et la crise à EADS. EADS qui doit livrer des appareils militaires, des A400M. Est-ce que vos craignez Michèle Alliot-Marie, des retards comme pour l'A380. Est-ce que vous êtes inquiète ?
Je suis vigilante. Je suis vigilante pour ces avions comme d'ailleurs pour les hélicoptères aussi, puisque EUROCOPTER est un des éléments d'EADS et fabrique des hélicoptères de très grande qualité, qui sont appréciés dans le monde entier. Mais bien entendu, les délais de livraison sont également pour nous quelque chose d'important. Ceci dit, pour revenir à votre question, il est vrai que sur l'A380, il y a un certain nombre de retards. EADS n'est pas la seule entreprise à connaître ces retards puisque BOEING en a d'ailleurs annoncé deux jours après. Néanmoins ce qui est important, c'est de pouvoir contrôler ce qui se passe et notamment de vérifier pourquoi les informations ne remontent pas forcément suffisamment vite à la direction.
Est-ce que vous acceptez pour la ministre que vous êtes, que le co-président d'EADS, Arnaud Lagardère, assume publiquement son incompétence. Qu'il ne sache pas - il l'a dit - ce qui se passe dans ses usines ?
Je crois que c'était une formulation qui a été faite dans un cadre particulier. Ce qui est vrai, c'est que la structure actuelle de la société donne par exemple une grande autonomie à la zone AIRBUS, ce qui peut justifier les plus grandes difficultés à ce que la direction générale soit réellement informée de ce qui se passe. Mais il faudra améliorer cette situation, c'est incontestable, car les délais de livraison, encore une fois, sont un élément important d'un contrat.
Il n'y a pas lieu pour l'instant de changer des personnes à la tête de EADS ? Parce que l'Etat est quand même l'actionnaire principal.
Vous savez, quand il y a une difficulté, il vaut beaucoup mieux regarder d'où proviennent ces difficultés, essayer de voir quels sont les problèmes de structures qui ne fonctionnent pas avant de dire simplement : 'on change les personnes'. Si vous changez les personnes sans changer les structures, il y a de fortes chances pour que vous aboutissiez au résultat que vous avez voulu éviter.
Michèle Alliot-Marie, on parle beaucoup d'EADS forcément avec l'actualité, mais au-delà, quelle est la réalité industrielle de l'économie de la Défense ?
La Défense, c'est le premier investisseur économique du pays. On l'ignore souvent. C'est plus de 15 milliards d'euros qui sont investis chaque année et qui font donc vivre et tourner des entreprises, des grandes, comme des petites. Et il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises réparties sur tout le territoire national et qui, donc, constituent un maillage soutenant l'économie locale.
Combien d'emplois, vous le savez ?
Des centaines de milliers de personnes. 250 000 personnes environ travaillent directement dans les entreprises pour la Défense et 2,5 millions de personnes travaillent directement ou indirectement, notamment à travers un certain nombre de sous-traitants pour le ministère de la Défense. La Défense, ce sont également de nombreux emplois et notamment des emplois pour les jeunes. Nous sommes le premier recruteur de jeunes chaque année avec 30 à 35 000 jeunes recrutés. 7 000 de ces jeunes sont sans aucun diplôme : nous leur donnons une formation, un métier et ensuite d'ailleurs, un reclassement professionnel dont le résultat est tout à fait remarquable puisque lorsqu'ils se reconvertissent, près de 92 % d'entre eux trouvent ensuite un CDI dans le secteur privé.
J'évoquais le colloque qui se penche cette année sur la Défense. Faut-il continuer à vouloir une défense européenne ou faut-il rester dans des Défenses nationales. C'est un peu le coeur de cette réflexion.
C'est un peu plus large puisque ce colloque va d'une part, se pencher notamment sur le problème des sorties de crise et d'autre part, sur le problème de l'énergie qui est devenu un problème stratégique avec des enjeux qui sont des enjeux de sécurité en même temps que des enjeux d'approvisionnement et de sous-traitance.
On peut dire, dans la synthèse, que la politique de l'énergie est un élément de la politique de sécurité et que les systèmes de sécurité dans chaque pays ont pour mission une assurance collective de l'énergie.
Absolument. Nous devons donc y réfléchir et cela rejoint la question que vous posiez précédemment : un pays seul ne peut pas réagir immédiatement à toutes ces menaces, d'où l'importance de la Défense européenne, de la construction de cette Défense européenne qui, depuis quatre ans, est devenue une réalité. Source http://www.défense.gouv.fr, le 26 juin 2006