Entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec la presse française le 29 juin 2006 à Moscou, sur le dossier nucléaire iranien et sur l'escalade de la violence au Proche-Orient après l'enlèvement d'un soldat israélien.

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Circonstance : Rencontre des ministres des affaires étrangères du G8 à Moscou le 29 juin 2006

Texte intégral

Q - Y a t-il une évolution des positions sur l'Iran ?
R - Concernant l'Iran, nous avons fait, vous le savez, tous unis, une proposition positive aux Iraniens. C'était le 6 juin, par l'intermédiaire de Javier Solana, à Téhéran. Nous attendons aujourd'hui la réponse des Iraniens. Nous leur avons dit que ce n'était pas une affaire de mois, mais de semaines, puisqu'il est souhaitable que les Iraniens répondent avant la mi-juillet, c'est à dire avant la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement du G8. Javier Solana rencontrera M. Laridjani, le négociateur iranien, le 5 juillet. En fonction des résultats de cette réunion, nous verrons s'il y a une deuxième réunion ou pas, et nous prendrons nos responsabilités, nous aussi, dès que nous connaîtrons la réponse iranienne.

Q - L'enrichissement sous le contrôle de l'AIEA est-il envisageable ?
R - Aujourd'hui, celui qui représente la communauté internationale, en tout cas les Russes, les Chinois, les Américains et les Européens c'est Javier Solana qui va rencontrer M. Laridjani le 5 juillet. Il l'a déjà rencontré le 6 juin à Téhéran. Il lui a fait des propositions en notre nom, des propositions positives. L'Iran est mis devant un choix très clair : ou il s'isole de la communauté internationale, ce qui est très négatif, ou, au contraire, il profite de cette proposition à la fois sur le plan commercial, mais aussi sur le plan du nucléaire civil à des fins pacifiques puisque la grande proposition de la communauté internationale est la reconnaissance du droit à l'Iran de disposer du nucléaire, mais civil et pacifique.

Q - C'est toujours l'idée que les Russes le feraient ?
R - L'idée que nous avons c'est de faire une proposition, non seulement les Européens, les Russes, les Chinois, mais depuis le 31 mai, on sait qu'il y a eu un virage historique puisque les Américains ont accepté l'idée de pouvoir négocier aux côtés des Européens avec les Iraniens, si les Iraniens rétablissent la confiance vis-à-vis de la communauté internationale. Et pour rétablir la confiance, c'est très simple : il faut suspendre tout enrichissement de l'uranium, et en particulier, arrêter avec les "cascades" de centrifugeuses qui sont aujourd'hui faites en Iran, en particulier dans l'usine de Natanz.

Q - Sur Gaza, vous demandez à Israël de modérer sa réaction militaire ?
R - Nous condamnons l'augmentation de la violence, en particulier ces dernières heures, de part et d'autre. J'ai par ailleurs dit à quel point nous la condamnions parce que cela nous éloigne du processus politique. Il n'y a que le processus politique qui soit susceptible de permettre la négociation dans le conflit israélo-palestinien. Ce ne sont pas les mitraillettes, ce n'est pas la guerre qui pourra résoudre ce problème-là, c'est uniquement le dialogue politique.
Après les élections législatives palestiniennes, après les élections législatives israéliennes, il nous paraît important de combattre toutes les violences, de condamner cet enlèvement du soldat israélien - il est d'ailleurs également de nationalité française - nous avons demandé sa libération aux Palestiniens. Il nous paraît très important de condamner l'augmentation des violences dans les Territoires palestiniens, de condamner les violences qui viennent des deux parties. Il est absolument à condamner qu'un soldat israélien puisse avoir été enlevé dimanche matin. La France exige sa libération. D'autre part nous avons condamné le fait que l'on puisse arrêter des ministres, des parlementaires, parce que ce qu'il faut éviter, c'est radicaliser la population palestinienne. La population palestinienne a voté. Nous ne reconnaissons pas le Hamas, nous exigeons de la part du gouvernement du Hamas le renoncement à la violence, la reconnaissance d'Israël, la reconnaissance des accords de paix de l'OLP avec Israël. Nous pensons également que ces élections ont eu lieu, qu'elles ont permis d'élire les députés avec une forte participation et personne n'a mis en cause la légitimité de cette élection. Nous condamnons les arrestations d'hommes politiques, d'une part, et d'autre part, les conditions dans lesquelles ces arrestations sont faites. Nous les condamnons, comme nous condamnons les actions palestiniennes violentes.

Q - Si l'on considère les déclarations de Vladimir Poutine selon lesquelles il ne s'associera pas à un ultimatum à l'Iran, cela signifie-t-il qu'il y a quelques dissonances ?
R - Je peux noter avec satisfaction l'unité du G8 sur l'affaire iranienne. Que ce soient les Américains, les Japonais, les Européens ou les Canadiens, tout le monde a accepté l'idée d'être fermes avec les Iraniens, et en même temps de demander à M. Javier Solana de porter cette parole de la communauté internationale, de tendre la main aux Iraniens en espérant et en étant persuadés qu'ils la prendront, parce qu'il n'y a aucune autre possibilité pour eux sauf à s'isoler de la communauté internationale.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juillet 2006