Déclaration de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur la recherche dans le domaine des sciences de la vie, la biologie et la recherche médicale et les résultats de l'Inserm, Paris le 15 janvier 2001.

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Circonstance : Réunion des directeurs d'unités de recherche de l'Inserm à Paris le 15 janvier 2001

Texte intégral

Je suis très heureux de pouvoir être parmi vous aujourd'hui pour ce rendez-vous annuel des directeurs d'unités de l'INSERM qui marque une nouvelle étape dans la dynamique de l'Institut, et je profite d'emblée de l'occasion qui m'est donnée pour vous adresser mes meilleurs vux de réussite dans vos travaux pour cette année particulière, inaugurale du siècle.
Avant d'aborder de façon plus particulière la vie de l'INSERM à l'aube de 2001, je voudrais rappeler brièvement les grandes lignes de notre action dans le domaine des sciences de la vie.
Les Sciences du Vivant sont plus que jamais la première priorité du gouvernement en matière de recherche.
Cette priorité, les Sciences du Vivant la doivent à deux titres :
D'abord, les recherches sur le vivant constituent une source de progrès considérable pour la santé et l'amélioration de la vie humaine. Pour ce qui vous concerne plus particulièrement, l'accroissement des connaissances visant à identifier la fonction des gènes devrait permettre de grandes avancées en matière de prévention, de diagnostic, de thérapeutique. Ces connaissances nouvelles se combinent avec celles issues de la cellule et du développement de l'organisme pour ouvrir de nouveaux champs d'investigation. Je pense en particulier ici aux questions mais également aux immenses espoirs que soulèvent les recherches sur les cellules souches. Ces progrès permettent aujourd'hui un retour vers la physiologie, cette étude intégrée de l'organisme. L'ensemble de ces avancées constitue un enjeu stratégique en termes de santé, pour chaque individu et pour notre société.
Ensuite, et je sais que je suis ici devant des chercheurs dits "académiques" mais qui en sont de plus en plus convaincus, les Sciences de la Vie sont aussi à l'origine de la création d'entreprises, de richesses et d'emplois. La loi sur l'innovation et la recherche, du 12 juillet 1999 permet, notamment, aux chercheurs et enseignants-chercheurs d'apporter leur concours scientifique à une entreprise qui valorise leurs recherches, de prendre une participation minoritaire dans son capital, voire d'en devenir un dirigeant.
Toutes ces raisons justifient le choix du gouvernement de soutenir à un haut niveau les Sciences du Vivant.
Je voudrais rappeler l'effort du Ministère de la Recherche dans ce domaine
Un soutien accru à la recherche fondamentale
L'avancement général des connaissances constitue le premier objectif des crédits publics. Si l'on cumule les dépenses en recherche fondamentale du domaine des Sciences de la Vie et de la Santé, c'est près de 14,7 milliards de francs en DO + AP qui ont été engagés sur le BCRD 2000, en progression de 6,5% sur 1999 pour dépasser le cap des 20% des crédits publics de Recherche, 24,8% très exactement. Sur ces crédits, 8,6 milliards sont consacrés directement à la recherche biomédicale.
Cet effort va être poursuivi en 2001, avec des progressions significatives des crédits de fonctionnements pour les EPST, au premier rang desquels l'INSERM et le CNRS, dont la nouvelle directrice générale est issue de la communauté des Sciences de la Vie et a reçu mission de mobiliser fortement l'organisme dans ce domaine.
Cet effort financier sera complété par une augmentation importante des fonds d'intervention du FNS permettant en particulier de hisser notre action en génomique au niveau nécessaire pour rester parmi les grands pays du secteur.
De plus, 2001 constituera la première année de mise en uvre d'un plan pluriannuel pour l'emploi scientifique visant à anticiper les grandes vagues de départ en retraite de la prochaine décennie. Le budget 2001 créé 265 emplois de chercheurs et d'ITA et à l'EPST dont 74 à l'INSERM. Ces postes seront affectés par priorité au domaine des Sciences de la vie et des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication. Cela devrait nous permettre de recruter dès aujourd'hui les jeunes brillants et bien formés, sans avoir à les faire attendre des années, au risque de perdre les meilleurs.
De nouveaux outils pour la recherche en Sciences de la Vie
Il est clair que la recherche en biologie vient de changer de dimension. Si la créativité reste, et restera toujours, affaire d'individu et de talent personnel, les moyens nécessaires ont cru de façon telle qu'il s'agit maintenant de mettre en uvre toutes les synergies possibles pour rester compétitif.
La politique du ministère est de mettre en cohérence notre dispositif de recherche et de lui apporter les éléments qui peuvent encore lui manquer, en particulier dans le domaine de la biologie à grande échelle.
Nous poursuivrons notre action en faveur de centres de ressources à vocation nationale ou régionale. Ainsi, dans les toutes prochaines semaines sera créé le GIP Institut National de Génomique à Evry qui associera en départements autonomes le CNS et le CNG. L'INSERM et sa filiale de valorisation INSERM-transfert sont des membres constitutifs de ce GIP, comme ils le sont déjà actuellement du CNS et du CNG.
Ce GIP national aura également pour mission d'animer le réseau des génopoles, qui comprend maintenant les génopoles d'Evry, de Strasbourg-Nancy, de Lille, de Toulouse, Montpellier, et dont le but est l'intégration de toutes les composantes de la recherche, du fondamental à la finalisation.
Au total, et sur les seuls crédits du Fonds National de la Science, l'effort en faveur de la génomique sera porté de 330 MF en AP en 2000 à 450 MF en 2001, soit une augmentation de 36%.
A une échelle plus modeste, mais significative cependant, les ACI représentent l'une des façons d'afficher clairement la priorité stratégique donnée à une discipline. Nous avons inauguré en 2000 un nouveau chapitre du FNS consacré à la biologie intégrative, avec une première action en faveur de la biologie du développement et une autre vers la physiologie, dotée chacune de 10MF. Ces actions seront portées à 15 MF chacune en 2001, permettant par exemple un développement des recherches sur les cellules souches en coordination et en soutien à l'appel d'offre qui a été lancé en 2000 à l'initiative de l'INSERM et de l'AFM. Nous avons ajouté à ce chapitre une nouvelle ligne en faveur des Neurosciences Intégratives, dotée en 2001 de 10 MF.
Parmi les nouvelles actions du ministère que nous lancerons en 2001 et auxquelles l'INSERM doit s'associer, je voudrais plus particulièrement insister sur les Centres de Ressources Biologiques et sur l'action en faveur du développement de nouvelles molécules et procédés thérapeutiques.
Les collections de matériel biologique constituent à la fois un outil indispensable à l'avancement de certaines recherches, par exemple l'analyse génomique ou protéomique de maladies multifactorielles, y compris de tumeurs, et un élément patrimonial insuffisamment pris en considération. Les recherches sur les tissus humains sont de plus encadrées par une stricte réglementation, pour d'évidentes raisons de sécurité sanitaire et des personnes, et de respect de la non commercialisation d'éléments du corps humain. Ces considérations nous ont amené à considérer comme prioritaire la constitution de Centres de Ressource Biologique qui devront permettre le recensement et/ou la constitution de collections de matériel biologique.
Dans le domaine de la recherche médicale il va de soi que cela doit être associé à un recueil des données cliniques afin de tirer le meilleur parti des informations biologiques obtenues.
Dès 2001, c'est 25 MF issus du Fonds de la Recherche Technologique (FRT) qui seront investis dans ce projet pour lequel j'installerai prochainement un Comité d'Orientation chargé d'examiner les premiers projets à soutenir en partenariat avec les EPST, et certaines grandes associations caritatives telles que la Ligue contre le Cancer ou l'Association Française contre les Myopathies. Je suis heureux que l'INSERM considère ce projet comme l'une de ses priorités 2001 et ait décidé de s'y engager à une hauteur importante.
Le médicament et plus généralement la recherche en pharmacologie sont un domaine où la France s'est illustrée. L'évolution récente de l'industrie pharmaceutique, si elle nous permet de nous réjouir d'avoir le deuxième groupe mondial avec Aventis, ou peut-être maintenant le troisième depuis la mégafusion Glaxo-Smith-Kline, nous inquiète également, car les centres de recherche de cette industrie s'éloignent ou s'amenuisent. Paradoxalement, les possibilités d'innovations thérapeutiques n'ont jamais été aussi nombreuses et variées.
Nous avons donc décidé d'engager une action en faveur des recherches sur les molécules d'intérêt thérapeutique, en nous appuyant sur plusieurs rapports de chercheurs du CNRS et/ou de l'INSERM, et par une action commune déjà initiée par le département de chimie du CNRS et l'INSERM en 2000. Pour 2001, nous mobiliserons 28 MF issus de crédits de la Direction de la Recherche et de la Direction de la Technologie en faveur de nouvelles recherches dans ce domaine.
L'INSERM
L'année 2000 a été une grande année pour la biologie, en particulier marquée par l'annonce de la première ébauche de la séquence du génome humain, et la description de plusieurs autres génomes important, allant de la mouche Drosophila Mélanogaster à la plante Arabidospsis Thaliana. Une belle année pour la biologie en France et à l'INSERM.
J'ai plaisir à saluer de nouveau devant vous quelques unes des "grandes premières" portées par des équipes de l'INSERM récemment. Le Pr. Alain Fischer, directeur de l'unité 360 de l'INSERM, nous apporte une aide précieuse comme conseiller pour la santé à la direction de la recherche du ministère. Son équipe de l'hôpital Necker a réussi la première thérapie génétique pour soigner le Déficit Immunitaire Sévère lié à l'X ou DISC-X. 4 enfants ont déjà pu retrouver une vie normale grâce à ces travaux qui viennent d'être justement reconnus par l'attribution à Alain Fischer la semaine dernière du Prix Louis-Jeantet 2001, l'une des plus prestigieuses récompenses internationales dans le domaine de la recherche médicale.
Vous savez aussi que les équipes INSERM des Prs Frydmann et Munnich ont réussi l'an dernier le premier diagnostic pré-implantatoire en France, pour éviter une maladie rare et mortelle. Vous savez que l'équipe de Marc Peschanski, directeur de l'Unité INSERM 421 de Créteil développe avec succès une approche de thérapie cellulaire pour soigner la maladie de Huntington. Citons ici encore la grande première que constitue de travail de Mme Ketty Schwartz, directrice de l'unité 523 de l'INSERM à la Salpêtrière, qui a réussi avec le Pr Philippe Menasché la première réparation cardiaque à partir de cellules musculaires peu différenciées et prélevées sur un muscle périphérique. Un nouveau chapitre essentiel s'ouvre donc pour la médecine régénératrice.
Je m'arrête ici, bien conscient que les quelques travaux que je viens d'évoquer ne sont que quelques exemples des importantes contributions des équipes de l'INSERM à l'avancement des connaissances et des progrès de la médecine et qui répondent à la mission de l'Institut, qui est de mettre en uvre les recherches destinées à améliorer la santé. Les prix que vient de remettre Mme Dominique Meyer à Mme le Dr. Ellen Van Obberghen-Schilling pour ses travaux sur la signalisation cellulaire, à Mr le Dr. Bailly pour ses études en pharmacologie antitumorale, à Mr le Pr. Amouyel dont les études portent sur les maladies multifactorielles, et à Mmes Casrouge et Beaucerf pour le développement de nouveaux outils au service de la recherche, illustrent encore la multiplicité des travaux de haut niveau international menés dans votre Institut.
Cette excellence reconnue vaut à l'INSERM, en 2001, l'effort le plus important de tous ceux consacrés aux organismes de recherche. La dotation budgétaire 2001 permettra la création de 35 emplois chercheurs, portant à plus de 100 postes la campagne de recrutement cette année, et de 39 ITA. Les crédits de recherche seront en augmentation de 13,8% (88 MF) des CP et de 16% (101 MF) des AP, avec une forte orientation vers le soutien de base aux unités de recherche et 45 MF spécialement accordés à la recherche clinique.
Je ne serais pas de ceux qui cherchent, très artificiellement à mon sens, à opposer recherche fondamentale et recherche finalisée, recherche sur des modèles cellulaires ou animaux et recherche clinique. La mission de l'INSERM est d'encourager les recherches sur les modèles les plus pertinents pour faire progresser notre compréhension de la physiopathologie et améliorer la santé humaine.
Comparées à d'autres laboratoires, les unités INSERM sont souvent caractérisées par une petite taille. Cela facilite la diversité et la flexibilité. Mais il existe également un risque de ne pas atteindre la "masse critique" sur un sujet donné, et de ne pas avoir tous les moyens nécessaires en particulier en ce qui concerne le plateau technique. C'est pourquoi il me semble essentiel que la politique des Instituts Fédératifs de Recherche, les IFR, soit poursuivie et amplifiée, et associée à une véritable politique de site et/ou de projet scientifique structurant, où l'INSERM doit dialoguer de façon libre avec les autres organismes de recherche, au premier rang desquels le département des Sciences de la Vie du CNRS, et avec ses partenaires naturels que sont d'une part l'hôpital et d'autre part l'université. Il faudra être pragmatique et privilégier la réalité du terrain, les forces réelles et les possibilités locales, pour identifier les synergies et développer les potentialités.
En parallèle, l'INSERM doit développer ses capacités d'adaptation rapide et souple à des problèmes nouveaux de santé publique et d'éthique, ou à l'émergence de nouvelles thématiques scientifiques. L'Institut devra par exemple prendre toute sa place au sein du GIS Prion qui vient d'être créé et dont j'installerai le comité directeur le 24 Janvier.
Ce GIS reprendra les missions d'expertise et d'appel d'offre de l'ancien Programme National sur les ESST et les maladies à Prions, et sera chargé de développer les recherches dans ce domaine grâce à 140 MF de mesures nouvelles inscrites au budget 2001, dont une centaine de recrutement répartis entre 25 post-doctorants et 75 ingénieurs et techniciens. Sur les trois axes prioritaires du GIS vous concerne, tout particulièrement l'axe orienté vers le diagnostic de la maladie chez l'homme et le développement de thérapeutiques.
Je terminerai en commençant par remercier le Professeur Claude GRISCELLI pour les quatre années qu'il vient de consacrer à l'INSERM avec la compétence et le dévouement du grand médecin qu'il est. L'honneur qui lui est fait en devenant conseiller d'Etat en service extraordinaire témoigne du rôle essentiel reconnu à la recherche dans notre société. En disant ensuite que l'INSERM me semble particulièrement bien placé pour mener une recherche de qualité en santé publique grâce à cette approche globale que vous avez, allant de la biologie fondamentale à l'épidémiologie et aux Sciences Sociales. Cette double compétence en physiopathologie et en recherche clinique doit être valorisée. Sur la base d'une évaluation rigoureuse de l'activité des chercheurs et des unités de recherche, l'INSERM peut accroître son efficacité et sa souplesse d'adaptation, et participer aux changements important en cours dans notre système de santé.
LE SIECLE DES LUMIERES
Le siècle qui s'ouvre doit être celui de la raison et du rationalisme.
Faisons confiance à la connaissance et ses progrès.
Nous voulons une science vivante, de plain-pied avec son époque. Une science attentive à autrui, à l'écoute des préoccupations, des interrogations des hommes et des femmes de notre temps. Bref, une science partagée par la société.
Pourquoi le XXIème siècle, qui n'a encore que 15 jours, ne serait-il pas, lui aussi, un "siècle des Lumières" ? Un siècle qui ouvre les voies du progrès et de l'espoir ?
Rechercher comment mieux soigner, comment guérir davantage, c'est à la fois un grand défi scientifique et un grand enjeu éthique.
Merci de nous ouvrir ainsi les chemins d'une société plus solidaire, plus attentive à chacun et plus humaine.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 16 janvier 2001)