Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, à France-Inter le 19 mars 2001, sur la victoire de la gauche aux élections municipales à Paris et Lyon et sur les bons résultats de la droite dans de nombreuses villes de province.

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Média : France Inter

Texte intégral

P. Clark Alors, heureuse ?
- "Effectivement, on ne peut qu'être satisfait des résultats sur l'ensemble de la France. Je dirais que même à Paris, où depuis très longtemps on nous annonçait à coup de sondages répétés une défaite..."
Vous avez perdu Paris.
- "Oui, nous avons perdu Paris, mais nous sommes majoritaires en voix. C'est effectivement le mode de scrutin pour la désignation du maire qui coupe - un peu comme aux Etats-Unis - la ville en plusieurs arrondissements, avec des systèmes de répartition différents qui font qu'aujourd'hui nous ne gagnerons pas la mairie de Paris. Nous sommes majoritaires en voix à Paris."
C'était la règle du jeu. On ne va pas la changer parce que vous avez perdu ?
- "Non, je ne change pas la règle du jeu. Je constate, sur le plan politique, que nous sommes majoritaires en voix à Paris, comme nous sommes majoritaires également sur l'ensemble de la France. Alors même que nous partions de très haut, puisqu'en 1995, nous surfions un peu sur la vague de la présidentielle et nous nous attendions donc à perdre un certain nombre de villes, c'est exactement le contraire qui s'est produit, c'est-à-dire que nous gagnons sur l'ensemble de la France un grand nombre de villes. Quand je dis "nous", c'est l'ensemble de l'opposition, même si le RPR est le parti qui gagne le plus de villes, puisque de 60 villes au départ, nous passons à 69. DL fait également un très bon score, puisqu'il gagne 6 villes et en a 16 maintenant. L'UDF qui avait 41 villes passe à 43 villes. On ne peut qu'être satisfaits de cela. Je tiens surtout à en féliciter les candidats, parce qu'il faut bien voir que cette victoires c'est d'abord la leur et celle de leurs équipes."
Quelles sont les victoires qui vous ont le plus fait plaisir ?
- "C'est peut-être celle de La Réunion où effectivement nous gagnons toutes les villes les plus importantes. Ce qui me paraît quelque chose de très significatif, à la fois parce que cela montre l'attachement de La Réunion à la France et parce que cela montre que les Réunionnais ont eu le sentiment, malgré le voyage récent de L. Jospin qui était venu distribuer quelques cadeaux dans cette île, que les socialistes ne répondent pas à leurs attentes. Je crois que c'est un peu la même chose sur l'ensemble de la France. Il est frappant que ce soient les ministres les plus importants du Gouvernement Jospin qui soient battus, y compris d'ailleurs quand ils se représentaient, donc quand ils étaient maires sortants. Cela a été le cas de J. Lang à Blois. J'en tire d'ailleurs un rhume, puisque je suis allée soutenir notre candidat."
C'est le prix à payer, avoir un rhume pour Blois ?
- "Un rhume pour Blois, cela va tout à fait."
Vous êtes en train de nous dire que ces élections, municipales et cantonales, avaient finalement des enjeux nationaux ...
- "Non, je ne vais pas vous dire cela. Les Français l'ont dit et en ont conscience : une municipale, c'est d'abord un enjeu local. Ceci dit, cet enjeu local ne nous empêche pas de faire un constat aujourd'hui. Ce constat, c'est qu'effectivement les électeurs de droite sont aujourd'hui majoritaires dans le pays. On ne peut plus dire le contraire."
Paris et Lyon entachent votre bonheur puisque ces deux villes tombent à gauche. C'est spectaculaire. Qui vous a appris hier soir, à quel moment, que B. Delanoë l'emportait à Paris ?
- "Je crois qu'il n'y avait que des estimations quand j'étais encore sur le plateau de TF1. C'est en rentrant au siège du RPR que nous avons eu des sorties des urnes suffisamment significatives sur le 12ème arrondissement, qui était un des arrondissements-clés. Ceci dit, encore une fois je le répète, certes le mode de scrutin fait que nous perdons en nombre de sièges à Paris, mais nous sommes majoritaires en voix à Paris. C'est un des paradoxes."
Mais cela comptera pour du beurre, puisque c'est B. Delanoë qui est maire de Paris ?
- "B. Delanoë est maire de Paris, il n'est pas question de le contester. Mais comme on a voulu aussi tirer des conséquences nationales du scrutin de Paris, je rappelle que nous sommes - la droite et le centre - majoritaires en voix à Paris."
Vous avez eu J. Chirac au téléphone depuis hier soir ?
- "Non, pas depuis hier soir. Il faut dire je suis rentrée fort tard chez moi hier soir."
Paris perdue : la faute à qui ?
- "Je ne crois pas qu'il faille dire que c'est la faute à tel ou tel."
Il n'y a pas de responsable ?
- "Ce n'est pas la personnalité des candidats qui est en cause. Je crois qu'avec un candidat qui était le candidat du RPR, de l'UDF et de DL d'une part et d'autre part, l'ancien maire de Paris qui n'a pas voulu se retirer malgré tous les efforts que nous avons faits, la situation était extrêmement difficile. De tous temps, j'ai dit à J. Tiberi qu'il risquait de faire perdre son camp. J'ai dit également aux candidats, les uns et les autres d'ailleurs, y compris dans les arrondissements, qu'il fallait faire extrêmement attention qu'il n'y ait pas d'attaques personnelles, parce que c'est cela qui laisse des traces et qui empêche les reports au deuxième tour."
Il n'y a eu que des attaques personnelles.
- "Il y a eu beaucoup trop d'attaques personnelles, j'ai eu l'occasion de le dire. J'avais demandé que l'on clarifie la situation, parce que nos électeurs ont droit à une situation claire. Ils voulaient effectivement qu'il y ait une liste unique, cela n'a pas été fait, c'est un peu dommage, puisque tout en étant majoritaires en voix à Paris, nous perdons Paris, un peu de ce fait."
Donc, la faute à la division. Est-ce que vous estimez que vous avez une part de responsabilité dans la défaite de P. Séguin à Paris ?
- "Je sais que c'est une tradition de dire qu'il faut toujours un coupable en la matière."
Pas un coupable, mais un responsable ?
- "Un responsable, peu importe. Moi, j'ai l'habitude d'assumer mes responsabilités. Mes responsabilités en la matière consistent à faire l'examen précis de la situation, à constater que nous sommes majoritaires en voix à Paris, que le système de découpage électoral et un certain nombre de querelles personnelles, que j'ai dénoncées depuis le départ, ont conduit à cela. J'en tirerai les conséquences pour la suite."
Quelles peuvent être les conséquences ?
- "D'abord, écouter ce que disent nos électeurs. Nos électeurs nous ont dit, notamment au premier tour, par leur plus faible mobilisation au premier tour, qu'ils en avaient assez des querelles personnelles, qu'ils en avaient assez des ambitions personnelles qui risquaient de faire perdre, et probablement aussi qu'ils voulaient qu'il y ait un changement de tête. Ces élections municipales ont fait apparaître de nouveaux talents dans l'ensemble de la France. Je me réjouis par exemple de voir comment à Caen, à Beauvais, à Strasbourg, ce sont trois jeunes femmes très peu connues jusque-là qui ont gagné ; comment à Blois, nous avons également vu de nouveaux talents s'exprimer ; comment également ceux qui avaient pris dans des conditions difficiles des villes dans des banlieues la dernière fois ont confirmé leur situation, que ce soit J.-F. Copé à Meaux ou R Dutreil - parce qu'il n'y a pas des RPR qui ont fait cela. Je crois qu'il y a là de nouveaux talents, et que ma responsabilité va justement être de les faire monter les uns et les autres, avec une nouvelle façon de faire la politique, sans doute plus unie, plus soucieuse de l'intérêt général, moins personnelle. Je crois que c'est cela qu'attendent les Français et j'estime de ma responsabilité de présidente de le mettre en oeuvre."
Est-ce qu'à Paris, c'est l'échec du système Chirac ?
- "Encore une fois, je ne considère pas que ce soit un échec, et je n'aime pas que l'on parle de système."
C'est F. Bayrou qui l'a dit, ce n'est pas moi.
- "Je suis tout à fait frappé de voir que l'on veut absolument mêler J. Chirac à ceci. J. Chirac n'est plus maire de Paris depuis six ans."
Mais il est intervenu tout à au long de la campagne ?
- "Ce que je constate, c'est qu'effectivement quand il était maire, nous gagnions et nous gagnions très largement, puisqu'il a même fait le grand chelem. C'est vrai que depuis son départ, les conditions ne sont pas les mêmes, probablement parce que les personnalités ne sont pas les mêmes. C'est à J. Chirac que nous devions de gagner Paris. J. Chirac n'étant plus là, on n'a pas forcément les mêmes résultats, même si, encore une fois, nous sommes majoritaires en voix à Paris."
Mais il est intervenu dans la campagne à Paris comme à Lyon ?
- "Non."
Ce n'est pas vrai ?
- "J. Chirac a fait une chose au soir et au lendemain du premier tour, comme il le fait toujours - comme c'est quelqu'un qui est très attentif aux autres : il a passé des coups de téléphone pour féliciter les gens, pour consoler également un certain nombre d'autres. Je trouve que pour tout le reste, on veut lui faire porter des responsabilités qui ne sont pas les siennes, avec sans doute des arrière-pensées qui ne paraissent pas dignes."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 20 mars 2001)