Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, à France 2 le 12 octobre 2006, sur la manifestation "Rue au Grand Palais" du 13 au 15 octobre, la signature d'un accord sur l'assurance chômage des intermittents du spectacle et la préparation de l'élection présidentielle au sein de l'UMP.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Avec R. Donnedieu de Vabres, ce matin, nous allons parler musique, nous allons parler Hip Hop, nous allons parler slam, nous allons parler rap... Vous n'avez pas amené votre casquette, vous êtes-vous entraîné un peu... ?
R- Non, je ne me déguise jamais mais je tends la main, et je veux réconcilier. Et donc, c'est la raison pour laquelle je suis heureux d'accueillir, tout ce week-end, vendredi, samedi, dimanche, dans la journée, le soir, tout le monde du Hip Hop, du rap, du slam, du skate, des rollers. C'est une forme de reconnaissance artistique d'une pratique culturelle qui existe dans notre pays, et qui est vivante, joyeuse, libre, qui parfois effectivement "décoiffe", provoque. Les accueillir au Grand Palais, cela a valeur de symbole.
Q- En effet, le Grand Palais ce n'est pas vraiment un quartier où, d'habitude, les slameurs et les rappeurs se réunissent. Il va y avoir beaucoup de monde, beaucoup d'activités. Comment tout cela va-t-il s'organiser, puisque j'imagine qu'il peut y avoir aussi une foule
considérable.
R- L'entrée est libre. Il y a une jauge maximum à l'intérieur du Grand Palais, c'est de 5.500 personnes, donc j'espère que tout cela va être fluide. Il y aura des performances artistiques, c'est-à-dire des professionnels, qui vont, le vendredi soir dans le domaine de la danse, le samedi soir et le dimanche pour la musique, dans la journée aussi pour toutes les pratiques, artistiques et sportives. Donc, à la fois, des artistes, et puis aussi, des jeunes qui peuvent venir avec leur planche s'entraîner, découvrir ce lieu. Je crois à la rencontre, je crois nécessaire que, dans ces lieux de patrimoine exceptionnels, au coeur de la capitale, des formes d'expression artistique nouvelles, contemporaines, qui parfois dérangent, qui sont nées en banlieue, qui sont nées comme un mouvement de révolte, d'expression libre, soient reconnus comme une grande discipline artistique. Ce qui se passe à Paris a vocation ensuite à s'étendre, et à faire en sorte que l'on trouve de nouveaux espaces. C'est une fête de la liberté.
Q- Ce n'est pas une réunion à caractère social, certains pourraient y voir un côté un peu démagogique, genre "après la crise des banlieues, on fait venir les jeunes à Paris". Il faut rappeler que le Hip Hop et le rap c'est quand même, aujourd'hui, un art à part entière, avec des gens qui font cela avec beaucoup d'efforts et de mérite.
R- Il y a d'immenses artistes, de très grands chanteurs, de très grands danseurs. J'étais il y a deux ans à la Biennale de la danse. Á l'ouverture, j'avais vu un groupe qui s'appelle Pokemon, qui était vraiment des artistes incroyables. Oui, c'est une reconnaissance artistique avant toute chose, et c'est très important. Et puis, vouloir accueillir, vouloir tendre la main c'est très important. Et ceux qui aiment Mozart, je leur dis : vous avez le droit d'aimer Mozart, mais découvrez aussi le rap et le Hip Hop. Et ceux qui pensent qu'il n'y a que la scène électro, le Hip Hop ou le rap, je leur dis : regardez aussi la fierté de votre pays, de vos racines, de votre identité, ce Grand Palais, tous ces lieux exceptionnels qui transmettent de l'énergie. J'espère que ce sera une énergie positive.
Q- Y a-t-il un vrai savoir-faire français dans ces catégories-là, parce que ce sont des tempi et des danses qui nous viennent plutôt des Etats-Unis ?
R- Bien sûr qu'initialement, ce sont les Etats-Unis, et cela a été très fortement développé en France. Et donc, oui, il y a d'immenses talents qui rayonnent aujourd'hui de par le monde, de très grands artistes. Internet aussi permet leur diffusion et de multiples échanges.
Q- Et on le voit d'ailleurs, parce qu'on a diffusé, il n'y a pas très longtemps, hier même, à Télématin dans ce journal, un jeune qui fait un disque de rap et qui rencontre un grand succès... Passons maintenant à autre chose. La proposition de loi sur les intermittents du spectacle, c'est aujourd'hui, à l'Assemblée nationale ?
R- C'est aujourd'hui à l'Assemblée nationale. On est à quelques jours je crois de la signature par les partenaires sociaux d'un accord définitif sur l'assurance chômage des artistes et des techniciens, c'est très important. Cet accord fondera des bases rénovées, je le compléterai au titre de l'Etat par un fonds permanent de professionnalisation. Je crois au dialogue social. C'est la raison pour laquelle, tout à l'heure, je vais demander aux parlementaires de ne pas légiférer dans l'immédiat, de laisser les partenaires sociaux prendre leurs responsabilités. L'Etat prendra les siennes en ajoutant et en articulant des moyens supplémentaires. Bref, j'essaie d'être le plus efficace possible pour les artistes et les techniciens de notre pays. S'il le faut, on envisagera autre chose. Je fais confiance aux partenaires sociaux. Je ne veux pas miser sur l'échec de la négociation collective.
Q- Donc, pour l'instant vous souhaitez que le dialogue, la concertation pour employer un mot...
R- On est dans la phase finale, la négociation entre les partenaires sociaux est terminée. Ils se sont adressés à l'Etat, ils nous ont posé des questions. G. Larcher et moi nous venons de répondre. La CFDT et les autres syndicats signataires ont dit qu'on était très, très proches de l'accord. Nous avons répondu à toutes les questions qu'ils ont posées. Bref, voilà, on est, j'espère, en phase finale de règlement de cette crise qui aura duré longtemps.
Q- A propos de crise justement, parlons un petit peu de l'état de la majorité - je ne parle pas simplement de la crise de migraine de N. Sarkozy hier - mais on a quand même le sentiment que c'est de plus en plus tendu entre N. Sarkozy, Mme Alliot-Marie qui pousse un peu sa candidature, D. de Villepin qui calme sans calmer...
R- Moi je vais vous dire clairement, le Gouvernement travaille, c'est-à-dire que l'on a tous des objectifs...
Q- C'est normal.
R- C'est la moindre des choses. D'abord c'est la feuille de route que nous a fixé le président de la République, donc on bosse, on travaille et on veut avoir des résultats. Sur l'atmosphère politique ; vous savez il y a une chanson de V. Sanson qui dit "Besoin de personne". Moi je crois que pour l'élection présidentielle, c'est l'inverse, celui qui sera candidat aura besoin de chacun. Il aura besoin si ce n'est pas lui, de l'engagement du président de la République, de l'engagement de tous les anciens Premiers ministres, de J.-P. Raffarin, d'A. Juppé - si c'est N. Sarkozy qui est candidat, de l'engagement fort de D. de Villepin - et de chacune et de chacun de nos concitoyens. La maxime gagnante c'est le rassemblement et l'unité. Et moi, je m'applique la chose suivante : avant de m'exprimer de manière politique sur les présidentielles, je me dis "est-ce que l'idée que j'ai dans le crâne est utile à la victoire ?". Si elle est utile à la victoire, si elle est une pierre dans l'édifice, je la livre en pâture sinon je ferme ma gueule, je pense que c'est une bonne méthode. Encore une fois, chacun a le droit d'être candidat. Nous avons fixé une procédure au sein de l'UMP, tout le monde était présent, D. de Villepin, N. Sarkozy, M. Alliot-Marie, J.-P. Raffarin, votre serviteur, on était tous présents, on a fixé ensemble une règle du jeu : le parti s'engagera, le moment venu, pour soutenir le meilleur ou la meilleure. Le rendez-vous pour cela est pris au début du mos de janvier. Laissons faire les choses et respectons nos engagements. La parole tenue, c'est déjà une première étape de crédibilité pour la victoire.
Q- Donc, ce matin, vous rappelez chacun à ses engagements précédents et vous dites : "il n'est pas question une fois que l'UMP aura choisi un candidat que quelqu'un prenne un chemin de traverse et soit candidat", parce que ce que laisse entendre l'entourage de M. Alliot-Marie, c'est que même si l'UMP désignait N. Sarkozy, après tout pourquoi n'irait-t-elle pas avec d'autres systèmes...
R- Cela va être une bataille difficile, donnons-nous des chances de la gagner, c'est très important parce que si c'était les socialistes, notre pays va prendre du retard. Ce sont des vieilles idées même si c'est une nouvelle candidate qui se profile, elle arrive j'allais dire bardée de vieilles certitudes. Nous, donnons-nous les moyens de gagner, veillons à être identifiés parce qu'il y a beaucoup de violence, de passions dans la société française d'aujourd'hui. Donc, il faut être très clair dans nos convictions mais il faut tendre la main à chacun, c'est ce que j'appelle "l'arc en ciel de la société française". Il faut que le champion ou la championne que l'on désignera ait à la fois de l'énergie à revendre mais aussi un grand rayonnement humaniste. L'un plus l'autre.
Q- Vous faites référence à une sorte de radicalité que l'on sent un peu monter comme cela en France. Y a t il un "risque Le Pen" que l'on sous-évalue aujourd'hui ?
R- J'espère que non mais en tout cas nous, on doit être rassemblés et unis et encore une fois sur nos valeurs, nos convictions, avancer, aller de l'avant, faire en sorte que notre fierté nationale, nos racines, notre identité soient confortées et de comprendre que la France est un arc en ciel.
Q- Aujourd'hui, à gauche, la candidate la plus embarrassante pour vous c'est en effet S. Royal ou cela n'a pas d'importance ?
R- Je ne sais pas si elle est embarrassante ou pas, je pense qu'elle sera désignée et je pense que cela va être un très grand combat. J'espère que le débat va être intéressant. Il y a plein de sujets qui sont sur la table, il y a plein de sujets pour lesquels il faut qu'une campagne présidentielle soit une chance pour faire avancer les idées. On voit que c'est difficile de réformer un pays. J'espère que cette campagne sera une chance.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 octobre 2006