Texte intégral
O. Mazerolle - Vous êtes apparue très secouée dimanche soir après votre défaite en Avignon. Les électeurs sont plus impitoyables que vous ne l'imaginiez ?
- "C'est un échec sévère pour moi et donc un grand succès pour le maire sortant. Je lui souhaite bonne chance et je souhaite bonne chance à Avignon. J'ai entendu le message des électeurs : ils veulent un maire qui ne fasse que cela. Je respecte leur volonté et j'en tirerai tous les enseignements nécessaires. C'était un combat difficile mais c'était un beau combat. Je ne regrette rien. Je me suis lancée là-dedans par passion, c'était un coup de coeur. Je n'ai pas beaucoup réfléchi aux chiffres qui étaient pourtant visibles. Si on additionne la droite et l'extrême droite, cela fait plus de 60 %, 62 %, et cela depuis des années. Maintenant, il faut que je fasse mon deuil de ce rêve. Cela prendra un peu de temps mais cela se fera."
On dit qu'E. Guigou est froide, glacée, mais vous avez des coups de coeur ?
- "C'est comme ça."
Vous êtes ministre et vous restez ministre ?
- "Je vais mettre toute mon énergie sur ce ministère qui est un grand ministère dans lequel j'ai beaucoup de choses à faire justement pour lutter pour les plus fragiles. Ce sont mes priorités depuis que je suis là, je vais les accentuer. Dans cette campagne, on a vu qu'il y avait beaucoup de demandes encore : même si on a réduit le chômage de plus d'un million de personnes, il y a encore plus de 2 millions de personnes qui sont au chômage ; il y a des emplois précaires ; des gens qui vont de stages en petits boulots. Il y a encore beaucoup de pauvres en France, notamment des mères de famille qui élèvent seules leurs enfants et qui ont des petits boulots à temps partiels, subis. Je pense que nous avons besoin d'un nouveau plan pour permettre justement à des jeunes qui n'ont ni emploi ni ressources et à ces personnes qui sont encore à la marge de la société de pouvoir l'intégrer. Je prépare donc un nouveau plan de lutte contre l'exclusion depuis des mois. J'ai soumis quelques idées fortes hier au Conseil national de lutte contre l'exclusion. Je réunirai à nouveau ce conseil en Avril et je présenterai ce nouveau plan au mois de mai. Je crois indispensable de pouvoir mieux garantir aux personnes les plus démunies l'accès véritable, l'accès réel à leur droit - beaucoup d'entre elles ne les connaissent pas - et d'autre part de faire un effort supplémentaire pour amener vers l'emploi les personnes qui en sont les plus éloignées. Cela veut dire un accompagnement vraiment personnalisé parce que ces personnes ont des difficultés de toutes sortes. Non seulement elles n'ont pas de boulot mais elles en plus, elles ont souvent des problèmes personnels qu'elles ont du mal à surmonter. Ma priorité, depuis le début dans ce ministère, est de m'occuper de plus fragiles et donc j'accentuerai cela."
Pourquoi - c'est une leçon à tirer de ces élections car il y a eu beaucoup de défaite d'autres ministres ou de candidats de la gauche pendant ces municipales - la baisse du chômage ne s'est-elle pas traduite d'avantage dans les bulletins de vote ?
- "Je pense que les électeurs ont voulu voir simplement les enjeux locaux. Et puis peut-être, les succès - réels - sont considérés comme des acquis, on a plutôt tendance à voir ce qu'il reste à faire. Ce qu'il reste à faire est important mais cela ne doit pas conduire à ignorer tout ce qui a été fait. Je pense qu'il faut nous concentrer là-dessus. Je pense qu'il y a beaucoup à faire aussi en matière de lutte contre les discriminations. Cette semaine, c'est la Semaine de lutte contre le racisme. Il y a trop de jeunes dans notre pays qui n'arrivent pas à trouver un emploi ou un logement parce que tout simplement ils ont un nom avec de consonance étrangère- le plus souvent maghrébine - ou parce qu'ils habitent dans certains quartiers."
Le Gouvernement s'était-il endormi pour que l'électorat populaire ne se porte plus sur les candidats de la gauche plurielle ?
- "Non, je ne crois pas. Je crois que les électeurs - je l'ai vu dans mes contacts lorsque j'ai fait du porte à porte - reconnaissent ce qu'a fait le Gouvernement mais nous disent qu'il y a encore plus à faire, notamment pour celles et ceux qui sont au bord de la route. Je crois que c'est ce qu'il faut faire, il faut entendre ce message sur la qualité des emplois surtout. Je vais le 3 avril au Parlement défendre la loi contre les discriminations, puis la loi contre le travail précaire et le harcèlement moral. Ces textes sont très importants et je crois qu'ils apportent beaucoup. Je pense qu'il faut faire quelque chose pour les jeunes qui n'ont ni ressources ni emplois. Nous y travaillons et nous y réfléchissons."
Il faut de l'argent or le ministère de l'Economie et des Finances dit : "Attention, finalement la croissance sera moins élevée qu'on ne pouvait l'espérer, en dessous de 3 %."
- "Je crois que Bercy est dans son rôle. Il ne s'agit pas de changer le cap de la politique du Gouvernement, qui est à la fois de faire des vrais choix de priorité sur les dépenses, de continuer à réduire les déficits et les impôts. Mais je pense qu'à l'intérieur de ce cap, nous pouvons en effet envisager des mesures concrètes - sur lesquelles d'ailleurs je travaille depuis plusieurs mois - pour mieux répondre aux aspirations de nos concitoyens."
On vous demande aussi des mesures visibles. Par exemple, il y a eu ces derniers mois le débat sur la prime pour l'emploi. Vous aviez indiqué qu'il était peut-être préférable d'augmenter le Smic. Est-ce qu'après avoir affronté M. Roig en Avignon vous allez affronter M. Fabius lors des séminaires gouvernementaux ?
- "Excusez-moi mais je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'il était important de pouvoir compenser par une diminution sous une forme ou une autre ; je n'ai jamais été contre le remboursement sous une forme ou une autre de l'ancienne CSG. Je pense que sur les bas salaires, il faut réfléchir. Nous savons par exemple qu'il y a des salaires de branches qui sont inférieurs au Smic. Je pense qu'il serait important de pouvoir avoir une réunion sur les conventions minimales de branche."
Ce n'est pas une lutte en perspective avec M. Fabius ?
- "Je ne situe pas les choses comme cela. Je pense aussi qu'il y a d'autres aspirations qui sont fortes : le besoin de sécurité est très important - et cela touche tout le monde, absolument tout le monde . Il y a aussi pour celles et ceux qui sont bien installées dans la vie et qui n'ont pas les problèmes de ces plus fragiles dont je vous parlais - je vous en parle plus parce que c'est mon travail de m'en occuper au Gouvernement - il y a une aspiration au cadre de vie, à un meilleur environnement. Il y a aussi la volonté de penser le monde globalement. Je pense que nous devons tenir compte et des plus fragiles et de celles et ceux qui sont bien dans la vie, qui aspirent aussi à ce que nous leur présentions un projet qui corresponde à leurs aspirations."
A propos des 35 heures, M. Trichet de la Banque de France dit qu'il faudrait revoir les plafonds des heures supplémentaires pour qu'il y ait plus de candidats qui se présentent à certains boulots.
- "M. Trichet est gouverneur de la Banque de France, qu'il nous fasse une bonne politique monétaire. La politique économique et sociale, c'est le rôle du Gouvernement."
Ce n'est pas le cas ? Ce n'est pas une bonne politique économique ?
- "Je n'émets aucune critique. Sur les 35 heures, nous allons lancer très vite un plan que j'ai préparé. Je vais envoyer un parlementaire, G. Gorce, en mission pour pouvoir animer dans toutes les régions et les départements des réunions pour expliquer aux plus petites entreprises, celles qui ont moins de 20 salariés, qu'elles devront passer aux 35 heures à partir du 1er janvier de l'année prochaine, que la loi sera appliquée mais que cette loi leur permet d'avoir des aides et des souplesses."
Avec quel argent car il n'y a pas d'argent paraît-il pour payer ?
- "C'est financé."
Avec la Sécurité sociale ?
- "C'est financé, le Gouvernement a pris des engagements pour financer les 35 heures et par conséquent pour financer des allégements de charges sociales. Ce n'est en effet pas un coût, ce sont des allégements de charges sociales au bénéfice des entreprises, pour leur permettre justement, sans nuire à leur compétitivité, de passer aux 35 heures c'est-à-dire de pouvoir participer à ce qui est un grand projet de société : la liberté d'avoir du temps pour vivre, pour s'occuper de ses enfants, pour faire autre chose dans la vie. Je n'ai pas noté sur le terrain qu'il y avait un rejet ou même des inquiétudes très fortes. Il faut simplement aider les entreprises à passer aux 35 heures. Encore une fois, nous nous donnons les moyens de le faire. J'accompagnerai moi-même ces déplacements pour expliquer aux entreprises que beaucoup d'entre elles - des toutes petites, des boulangeries, des pâtisseries, ces métiers dont on imagine qu'ils ont des difficultés à appliquer les 35 heures - l'ont fait et que par conséquent, nous allons faire en sorte que cela puisse se faire dans la sérénité d'ici à la fin de l'année."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mars 2001)
- "C'est un échec sévère pour moi et donc un grand succès pour le maire sortant. Je lui souhaite bonne chance et je souhaite bonne chance à Avignon. J'ai entendu le message des électeurs : ils veulent un maire qui ne fasse que cela. Je respecte leur volonté et j'en tirerai tous les enseignements nécessaires. C'était un combat difficile mais c'était un beau combat. Je ne regrette rien. Je me suis lancée là-dedans par passion, c'était un coup de coeur. Je n'ai pas beaucoup réfléchi aux chiffres qui étaient pourtant visibles. Si on additionne la droite et l'extrême droite, cela fait plus de 60 %, 62 %, et cela depuis des années. Maintenant, il faut que je fasse mon deuil de ce rêve. Cela prendra un peu de temps mais cela se fera."
On dit qu'E. Guigou est froide, glacée, mais vous avez des coups de coeur ?
- "C'est comme ça."
Vous êtes ministre et vous restez ministre ?
- "Je vais mettre toute mon énergie sur ce ministère qui est un grand ministère dans lequel j'ai beaucoup de choses à faire justement pour lutter pour les plus fragiles. Ce sont mes priorités depuis que je suis là, je vais les accentuer. Dans cette campagne, on a vu qu'il y avait beaucoup de demandes encore : même si on a réduit le chômage de plus d'un million de personnes, il y a encore plus de 2 millions de personnes qui sont au chômage ; il y a des emplois précaires ; des gens qui vont de stages en petits boulots. Il y a encore beaucoup de pauvres en France, notamment des mères de famille qui élèvent seules leurs enfants et qui ont des petits boulots à temps partiels, subis. Je pense que nous avons besoin d'un nouveau plan pour permettre justement à des jeunes qui n'ont ni emploi ni ressources et à ces personnes qui sont encore à la marge de la société de pouvoir l'intégrer. Je prépare donc un nouveau plan de lutte contre l'exclusion depuis des mois. J'ai soumis quelques idées fortes hier au Conseil national de lutte contre l'exclusion. Je réunirai à nouveau ce conseil en Avril et je présenterai ce nouveau plan au mois de mai. Je crois indispensable de pouvoir mieux garantir aux personnes les plus démunies l'accès véritable, l'accès réel à leur droit - beaucoup d'entre elles ne les connaissent pas - et d'autre part de faire un effort supplémentaire pour amener vers l'emploi les personnes qui en sont les plus éloignées. Cela veut dire un accompagnement vraiment personnalisé parce que ces personnes ont des difficultés de toutes sortes. Non seulement elles n'ont pas de boulot mais elles en plus, elles ont souvent des problèmes personnels qu'elles ont du mal à surmonter. Ma priorité, depuis le début dans ce ministère, est de m'occuper de plus fragiles et donc j'accentuerai cela."
Pourquoi - c'est une leçon à tirer de ces élections car il y a eu beaucoup de défaite d'autres ministres ou de candidats de la gauche pendant ces municipales - la baisse du chômage ne s'est-elle pas traduite d'avantage dans les bulletins de vote ?
- "Je pense que les électeurs ont voulu voir simplement les enjeux locaux. Et puis peut-être, les succès - réels - sont considérés comme des acquis, on a plutôt tendance à voir ce qu'il reste à faire. Ce qu'il reste à faire est important mais cela ne doit pas conduire à ignorer tout ce qui a été fait. Je pense qu'il faut nous concentrer là-dessus. Je pense qu'il y a beaucoup à faire aussi en matière de lutte contre les discriminations. Cette semaine, c'est la Semaine de lutte contre le racisme. Il y a trop de jeunes dans notre pays qui n'arrivent pas à trouver un emploi ou un logement parce que tout simplement ils ont un nom avec de consonance étrangère- le plus souvent maghrébine - ou parce qu'ils habitent dans certains quartiers."
Le Gouvernement s'était-il endormi pour que l'électorat populaire ne se porte plus sur les candidats de la gauche plurielle ?
- "Non, je ne crois pas. Je crois que les électeurs - je l'ai vu dans mes contacts lorsque j'ai fait du porte à porte - reconnaissent ce qu'a fait le Gouvernement mais nous disent qu'il y a encore plus à faire, notamment pour celles et ceux qui sont au bord de la route. Je crois que c'est ce qu'il faut faire, il faut entendre ce message sur la qualité des emplois surtout. Je vais le 3 avril au Parlement défendre la loi contre les discriminations, puis la loi contre le travail précaire et le harcèlement moral. Ces textes sont très importants et je crois qu'ils apportent beaucoup. Je pense qu'il faut faire quelque chose pour les jeunes qui n'ont ni ressources ni emplois. Nous y travaillons et nous y réfléchissons."
Il faut de l'argent or le ministère de l'Economie et des Finances dit : "Attention, finalement la croissance sera moins élevée qu'on ne pouvait l'espérer, en dessous de 3 %."
- "Je crois que Bercy est dans son rôle. Il ne s'agit pas de changer le cap de la politique du Gouvernement, qui est à la fois de faire des vrais choix de priorité sur les dépenses, de continuer à réduire les déficits et les impôts. Mais je pense qu'à l'intérieur de ce cap, nous pouvons en effet envisager des mesures concrètes - sur lesquelles d'ailleurs je travaille depuis plusieurs mois - pour mieux répondre aux aspirations de nos concitoyens."
On vous demande aussi des mesures visibles. Par exemple, il y a eu ces derniers mois le débat sur la prime pour l'emploi. Vous aviez indiqué qu'il était peut-être préférable d'augmenter le Smic. Est-ce qu'après avoir affronté M. Roig en Avignon vous allez affronter M. Fabius lors des séminaires gouvernementaux ?
- "Excusez-moi mais je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'il était important de pouvoir compenser par une diminution sous une forme ou une autre ; je n'ai jamais été contre le remboursement sous une forme ou une autre de l'ancienne CSG. Je pense que sur les bas salaires, il faut réfléchir. Nous savons par exemple qu'il y a des salaires de branches qui sont inférieurs au Smic. Je pense qu'il serait important de pouvoir avoir une réunion sur les conventions minimales de branche."
Ce n'est pas une lutte en perspective avec M. Fabius ?
- "Je ne situe pas les choses comme cela. Je pense aussi qu'il y a d'autres aspirations qui sont fortes : le besoin de sécurité est très important - et cela touche tout le monde, absolument tout le monde . Il y a aussi pour celles et ceux qui sont bien installées dans la vie et qui n'ont pas les problèmes de ces plus fragiles dont je vous parlais - je vous en parle plus parce que c'est mon travail de m'en occuper au Gouvernement - il y a une aspiration au cadre de vie, à un meilleur environnement. Il y a aussi la volonté de penser le monde globalement. Je pense que nous devons tenir compte et des plus fragiles et de celles et ceux qui sont bien dans la vie, qui aspirent aussi à ce que nous leur présentions un projet qui corresponde à leurs aspirations."
A propos des 35 heures, M. Trichet de la Banque de France dit qu'il faudrait revoir les plafonds des heures supplémentaires pour qu'il y ait plus de candidats qui se présentent à certains boulots.
- "M. Trichet est gouverneur de la Banque de France, qu'il nous fasse une bonne politique monétaire. La politique économique et sociale, c'est le rôle du Gouvernement."
Ce n'est pas le cas ? Ce n'est pas une bonne politique économique ?
- "Je n'émets aucune critique. Sur les 35 heures, nous allons lancer très vite un plan que j'ai préparé. Je vais envoyer un parlementaire, G. Gorce, en mission pour pouvoir animer dans toutes les régions et les départements des réunions pour expliquer aux plus petites entreprises, celles qui ont moins de 20 salariés, qu'elles devront passer aux 35 heures à partir du 1er janvier de l'année prochaine, que la loi sera appliquée mais que cette loi leur permet d'avoir des aides et des souplesses."
Avec quel argent car il n'y a pas d'argent paraît-il pour payer ?
- "C'est financé."
Avec la Sécurité sociale ?
- "C'est financé, le Gouvernement a pris des engagements pour financer les 35 heures et par conséquent pour financer des allégements de charges sociales. Ce n'est en effet pas un coût, ce sont des allégements de charges sociales au bénéfice des entreprises, pour leur permettre justement, sans nuire à leur compétitivité, de passer aux 35 heures c'est-à-dire de pouvoir participer à ce qui est un grand projet de société : la liberté d'avoir du temps pour vivre, pour s'occuper de ses enfants, pour faire autre chose dans la vie. Je n'ai pas noté sur le terrain qu'il y avait un rejet ou même des inquiétudes très fortes. Il faut simplement aider les entreprises à passer aux 35 heures. Encore une fois, nous nous donnons les moyens de le faire. J'accompagnerai moi-même ces déplacements pour expliquer aux entreprises que beaucoup d'entre elles - des toutes petites, des boulangeries, des pâtisseries, ces métiers dont on imagine qu'ils ont des difficultés à appliquer les 35 heures - l'ont fait et que par conséquent, nous allons faire en sorte que cela puisse se faire dans la sérénité d'ici à la fin de l'année."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mars 2001)