Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur le 50ème anniversaire du Traité de Rome, la coopération culturelle entre la France et l'Italie et le rayonnement culturel, Rome le 22 mars 2007.

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Circonstance : Célébration du cinquantième anniversaire du Traité de Rome à Rome le 22 mars 2007

Texte intégral


Je suis très heureux d'être à Rome pour participer au cinquantième anniversaire du Traité, et pour lancer l'initiative du Label du patrimoine européen aux côtés de mon ami Francisco Rutelli, Vice-Président du Conseil et Ministre de la culture.
Et je tiens tout d'abord à vous remercier, Monsieur l'Ambassadeur, de nous accueillir dans ce merveilleux Palais Farnèse pour le lancement de « Luce di Pietra » dans les hauts lieux du patrimoine français de Rome, avec des artistes dont la renommée transcende les frontières.
La manifestation « Luce di Pietra » nous offre une magnifique illustration de la fécondité et de la richesse des projets issus de la collaboration entre nos deux pays. Le ministère de la Culture et de la Communication, via CulturesFrance, a apporté un soutien financier significatif à cette manifestation artistique majeure, imaginée par l'Ambassade de France.
Je tiens à remercier chaleureusement les commissaires de cette manifestation, Henry-Claude Cousseau et Marcello Smarelli, qui ont convoqué parmi les plus grands artistes français et italiens. De leur rencontre est née cette très belle manifestation, qui fait dialoguer les siècles et les pays, le patrimoine et la création, la nuit et la lumière.
Ce sont quelques-uns des monuments les plus chargés d'art et d'histoire qui sont revisités par nos artistes, mettant ainsi en exergue la place nouvelle qu'occupe l'art contemporain dans la ville éternelle.
Je suis particulièrement heureux que certains de ces sites, exceptionnellement ouverts au public à cette occasion, puissent être restitués aux Romains le temps de cette exposition, marquant ainsi l'amitié et la coopération entre nos deux pays, mais aussi la force de l'attachement des citoyens de toute l'Europe à leur patrimoine.
Demain, je représenterai le Président de la République française au Palais du Quirinal pour l'inauguration, par la Présidence de la République italienne, de l'exposition « 50 ans du Traité de Rome », pour laquelle la France a tenu à prêter une oeuvre majeure de son patrimoine muséographique, Le Penseur de Rodin. Ce cinquantième anniversaire du Traité de Rome revêt pour moi une signification particulière. Car l'action accomplie par nos précurseurs, dans une atmosphère de scepticisme quasi généralisé, après l'échec du traité relatif à la Communauté européenne de défense, est assurément un héritage commun. Un héritage qu'il nous appartient, non seulement de faire vivre, mais aussi de conquérir, pour le transmettre à nouveau à nos concitoyens.
Cinquante ans après la signature du Traité de Rome, nous avons devant nous une nouvelle étape de la construction européenne, une étape majeure, dont il appartient à notre génération d'inventer les formes et de réaliser les solidarités concrètes.
J'ai pu, hier soir, à mon arrivée à la Villa Médicis, dans ce lieu chargé d'une histoire commune à nos deux pays, insister sur l'importance de la place à accorder à la culture dans cette Europe que nous construisons ensemble.
Le référendum de 2005 sur la Constitution européenne a montré, en France, comme aux Pays-Bas, combien nos concitoyens ont le sentiment de voir leur identité perdre sa substance dans la mondialisation.
En effet, le projet qui porte l'idée européenne depuis un demi-siècle souffre sans doute d'un défaut d'attention à notre héritage culturel, alors même que la réalité de l'Europe a été culturelle, bien avant d'être économique ou politique. Si l'Europe a souvent conquis les raisons, elle doit encore gagner le coeur de nos concitoyens. Or, l'unité et la diversité sont depuis l'origine les deux fondements de la construction européenne, et ce sont des fondements dont nous savons aujourd'hui qu'ils sont d'abord culturels.
Une nouvelle étape de la construction européenne vient d'être marquée avec la victoire que nous avons remportée grâce à la mobilisation européenne, avec l'adoption, en moins de deux ans, à la quasi-unanimité de la communauté internationale, de la Convention sur la diversité culturelle, le 20 octobre 2005.
L'accord unanime intervenu en Conseil des Ministres de la culture en novembre 2004 a permis à l'Europe de parler d'une seule voix pendant le déroulement de l'ensemble de la négociation. Cette solidarité européenne a joué un rôle décisif dans la dynamique qui a conduit à l'adoption et à la ratification de cette convention.
La Convention sur la diversité culturelle, qui est entrée en vigueur le 18 mars, a d'ores et déjà été ratifiée par 52 États dans le monde, dont 19 des 27 États membres de l'Union Européenne.
Seule une Europe des projets culturels est capable de graver dans les esprits et les coeurs l'unité de l'Europe.
C'est dans cet esprit qu'ont été organisées à Paris, les 2 et 3 mai 2005, les Rencontres pour l'Europe de la culture, ouvertes par le Président de la République française. Ces Rencontres de mai 2005 ont été l'occasion de proposer et de mettre en oeuvre des projets tout à fait novateurs, une bibliothèque virtuelle européenne et un label du patrimoine européen. C'est ce label qui voit aujourd'hui le jour, pour mettre en lumière les hauts lieux de mémoire et de création, les sites et les monuments emblématiques de l'identité européenne, qu'ils évoquent notre passé commun ou qu'ils représentent l'avenir que nous bâtissons ensemble, afin que le public le plus large ressente et s'approprie cet esprit européen, cette identité culturelle, qui lie nos destinées depuis des siècles.
J'ai dévoilé la première plaque en France à l'abbaye de Cluny, le 19 mars, en présence de plusieurs de mes collègues, et je participerai à Athènes le 26 mars à la cérémonie de lancement du Label en Grèce à l'Acropole, aux côtés de mon collège grec.
Je tiens à remercier chaleureusement mon collègue, Francisco Rutelli, pour le soutien sans faille qu'il a accordé à cette initiative, et je me réjouis que la place du Capitole, site d'exception, hautement symbolique de l'Europe, reçoive le label du Patrimoine européen. Cette proposition de l'Italie témoigne brillamment de sa foi en l'avenir de ce classement, et de sa fierté d'y figurer.
L'Europe de la culture, c'est aussi la circulation, la découverte et la connaissance des artistes, des oeuvres et des idées. L'Europe est un formidable creuset de cultures, d'expressions, de représentations, de talents. En cette aube du XXIe siècle, qui est celui d'une véritable révolution des technologies de communication, cette circulation est facilitée, démultipliée, à l'ère numérique, et c'est une grande chance pour la valorisation de la diversité culturelle.
Dans cet esprit, les propositions qui avaient été faites lors des rencontres pour l'Europe de la culture en mai 2005, constituent un ensemble d'actions concrètes, susceptibles de permettre à la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008, de marquer une étape majeure pour le renforcement de l'Europe de la culture, en cette année qui sera placée sous le signe du dialogue interculturel.
Je pense en particulier à la mise en place d'un réseau de librairies européennes, sur le modèle du réseau de salles de cinéma « Europa cinémas », et dont le fonds de commerce serait composé d'oeuvres d'autres pays européens, traduites et en langue originale. Ce réseau pourrait être adossé à un observatoire européen de la traduction.
Par ailleurs, la proposition plus récente d'un Dictionnaire historique de la civilisation européenne, édité par Fayard avec un comité de rédaction européen, mérite toute notre attention.
Je souhaite que cet ouvrage mette en lumière les grandes figures politiques et littéraires, les lieux de mémoire, les idées et débats que l'Europe suscite, les grands évènements qui ont scandé son histoire. Ce projet ne peut s'entendre qu'à condition de rassembler des rédacteurs européens et d'être traduit par de grands éditeurs du continent.
Je suis convaincu que la culture a un rôle de tout premier rang à jouer dans la diplomatie internationale, c'est pourquoi je propose la création d'un mandat européen pour l'envoi de professionnels de la relance des institutions culturelles, dans les zones touchées par des crises. Je sais que l'Italie est impliquée dans plusieurs programmes de sauvegarde du patrimoine archéologique dans des zones dévastées par les guerres ou les catastrophes naturelles, et je souhaiterais qu'elle apporte cette grande expertise aux interventions européennes.
C'est par la culture que nous donnerons une âme à l'Europe, c'est par elle que nous cultiverons la conscience partagée d'appartenir à une même communauté de destin.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 26 mars 2007