Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, à Europe 1 le 7 mai 2007, sur l'élection de M. Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et sur le centre.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Roland SICARD : Vous connaissez N. Sarkozy depuis 31 ans, vous êtes un de ses plus proches amis. Comment a-t-il réagi quand il a appris les résultats ?
Brice HORTEFEUX : Naturellement, il y a eu beaucoup d'émotion de sa part, mais à vrai dire je n'étais pas à ses côtés à 20 heures, puisque l'on était déjà répartis les uns et les autres sur différents plateaux, mais nous étions autour de lui entre 18h30 et 19h15, et quand on...
QUESTION : Quand il a su qu'il avait gagné.
Brice HORTEFEUX : ...quand on pressentait les résultats. Et il y avait à la fois beaucoup de gravité et de l'émotion. Nous, on a reçus ce résultat naturellement avec beaucoup de bonheur, mais en même temps, en ayant bien conscience que nous devions faire preuve tous, les uns et les autres, comme N. Sarkozy nous l'a demandé à chacun, en faisant preuve à la fois de modestie et d'humilité. C'est une victoire très large, jamais il n'y a eu, en dehors de 2002, autant de suffrages qui se sont portés sur un candidat. De toute l'histoire...
QUESTION : 2002 c'était particulier puisque c'était J. Chirac contre J.-M. Le Pen...
 
Brice HORTEFEUX : C'était très particulier. Il y a donc une réalité simple, c'est que, jamais un candidat n'a rassemblé autant de suffrages. La dernière fois, c'était F. Mitterrand en 1988, qui a rassemblé à peu près 16 millions de suffrages. Là, N. Sarkozy en a rassemblé beaucoup plus. Cela veut dire que c'est une victoire claire, c'est une victoire nette, c'est une victoire dans la clarté, c'est une victoire qui n'est pas ambiguë, c'est une victoire qui n'est pas étriquée, et cela suppose un certain nombre de devoirs.
QUESTION : Cela fait-il peser plus de responsabilités justement sur les épaules de N. Sarkozy ?
Brice HORTEFEUX : En tout cas, cela entraîne des devoirs : devoir de cohésion, devoir de rassemblement, devoir d'ouverture, et devoir de main tendue.
QUESTION : Main tendue à qui ? Au centre, à F. Bayrou ?
Brice HORTEFEUX : Dans l'esprit de N. Sarkozy c'est très simple, la main qui est la sienne est tendue, elle est ouverte, et elle est ouverte à ceux qui veulent la saisir. Donc, c'est une position, qui est une position, à la fois, sereine, très calme, et en même temps une position très claire. Si vous me permettez, il y a deuxième élément sur cette élection présidentielle, c'est la participation, parce que je trouve que l'on n'insiste pas suffisamment là-dessus. On a donné les chiffres, mais il y a la rigueur des chiffres. En réalité, il y a eu une participation massive, la plus importante aussi de toute la Vème république en dehors de 1974, donc c'est un phénomène majeur, et c'est un phénomène aussi à comparer avec nos voisins. Nous venons d'écouter le correspondant de France 2 en Allemagne, où les élections dans lesquelles il y a le plus de participation, c'est 67-68 %, en Espagne, c'est 77 %%, en Grande-Bretagne, cela a été 61 %, et aux Etats-Unis, quand on dépasse les 50 % c'est un vrai succès. Cela veut dire tout simplement qu'avec un taux de participation qui était supérieur à 84 %, que la France est redevenue un exemple civique aux yeux du monde entier. C'est la première leçon de ce scrutin, la France est redevenue un exemple civique pour tout le monde.
QUESTION : N. Sarkozy a dit qu'il allait prendre du recul pendant quelques jours. Pendant ces quelques jours, va-t-il travailler, préparer la formation du Gouvernement, que va-t-il se passer ?
Brice HORTEFEUX : Oui, il y a deux aspects naturellement. Il y a le rythme de la campagne qui est extrêmement dur, qui est extrêmement lourd, et hélas, avec le temps qui passe, étant déjà un vieux militant politique, j'observe l'évolution des campagnes présidentielles, la pression est chaque fois plus forte, le rythme est de plus en plus soutenu, les demandes sont de plus en plus pressantes, donc il y a naturellement la nécessité d'un temps et de pause. Et puis, il y a chez N. Sarkozy, c'est la première fois d'ailleurs que cela se fait sous la V ème République, la volonté de prendre un peu de recul pour préparer sa prise de fonction et les premières mesures qu'il sera amené à prendre.
QUESTION : Mais il va réfléchir à la formation du Gouvernement pendant ces jours-là ?
Brice HORTEFEUX : C'est une première sous la Vème République, que le président élu, décide de prendre un recul physique et psychologique, avant de prendre ses fonctions. Je pense que c'est une initiative heureuse et utile.
QUESTION : Le Gouvernement alors justement. F. Fillon fera-t-il un bon Premier ministre ?
Brice HORTEFEUX : Cela, le Gouvernement sera naturellement choisi... En tout cas, le premier ministre sera choisi par le président de la République, ce sont les règles constitutionnelles. Le Gouvernement sera nommé sur proposition du Premier ministre par le président de la République. Maintenant si vous m'interrogez sur F. Fillon, eh bien je vous dirais qu'il a de grandes qualités d'engagement, de conviction, de calme, de sérieux, et donc, ces qualités seront naturellement utiles à la majorité présidentielle qui se dessine.
QUESTION : On parle de vous au ministère de l'Intérieur. Est-ce une tâche qui vous intéresserait ?
Brice HORTEFEUX : La question n'est pas à ce stade de savoir si cela m'intéresserait, la question est de savoir si je serais choisi par le président de la République ou le Premier ministre. Et à ce stade naturellement, je ne peux pas vous répondre.
QUESTION : On parlait tout à l'heure du Centre et de l'ouverture au Centre. La prochaine échéance ce sont les élections législatives. Pour ces élections, l'UMP va-t-elle devoir s'élargir, rassembler ?
Brice HORTEFEUX : Naturellement. Vous seriez surpris si je vous expliquais qu'au contraire, la famille centrale de l'UMP devait se recroqueviller, devait s'étriquer, devait fermer la porte aux autres. Non. La réalité bien sûr c'est que la majorité présidentielle doit être ouverte, et dans la majorité présidentielle il y a l'UMP, bien sûr, mais il peut y avoir d'autres espaces de liberté. Et donc, c'est d'ailleurs, dans la continuité et la démarche de N. Sarkozy. Pendant toute la campagne présidentielle il a rassemblé des personnalités naturellement issues de l'UMP, mais aussi des personnalités venues du Centre, de l'UDF, de gauche, et cela doit trouver son prolongement à l'occasion de cette campagne législative qui va s'ouvrir.
QUESTION : Peut-on imaginer pour le deuxième tour des législatives, des alliances électorales avec ce Parti centriste que F. Bayrou va créer ? Est-ce que vous, vous y êtes favorable en tout cas ?
Brice HORTEFEUX : Non, mais attendez, d'abord l'imagination c'est intéressant, mais il ne faut pas la laisser vagabonder.
QUESTION : La question va se poser au deuxième tour, clairement ?
Brice HORTEFEUX : Encore une fois, la réponse est claire : la majorité présidentielle a vocation d'aller bien au-delà de l'UMP.
QUESTION : Quel est le calendrier maintenant précis ?
Brice HORTEFEUX : La prise de fonction de N. Sarkozy aura lieu le 16 mai. J'imagine qu'il nommera son Premier ministre rapidement, le Gouvernement dans la foulée, et la campagne législative sera ainsi lancée pour être close le 17 juin. Et à partir de là, si les Français le veulent, ce sera une autre étape avec une activité parlementaire particulièrement soutenue, N. Sarkozy l'a déjà dit aux futurs députés. Et encore une fois, si les Français lui font confiance, font confiance à la majorité présidentielle, ce sera un rythme très soutenu, c'est-à-dire, en clair, qu'il n'y aura pas de vacances en juillet. Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 7 mai 2007