Interview de M. Patrick Devedjian, secrétaire général délégué de l'UMP, à RTL le 26 juin 2007, sur le report du projet gouvernemental sur l'autonomie des universités et sur la gestion de l'UMP.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie Le projet de loi organisant l'autonomie des universités devait être présenté demain en Conseil des ministres et on a appris, hier, devant l'hostilité des différents acteurs du monde universitaire, que N. Sarkozy avait décidé d'en différer l'examen...
 
P. Devedjian.- ...De huit jours.
 
Q.- De huit jours, c'est une information parce qu'on ne le savait pas.
 
R.- Non, je crois...
 
Q.- Non, ce n'est pas officiel. Donc, le secrétaire général délégué de l'UMP...
 
R.- Je ne suis pas catégorique mais il m'a semblé qu'on avait pris huit jours de plus pour discuter, je trouve ça bien.
 
Q.- Ce n'est pas un premier faux pas du gouvernement quand même ?
 
R.- De quoi ? De discuter, de prendre le temps, d'approfondir alors qu'il y a des sujets en discussion ?
 
Q.- Non, de dire qu'on présente un projet en Conseil des ministres mercredi, et puis, deux jours avant, d'en différer le report. Cela veut dire que le travail n'a peut-être pas été très bien fait...
 
R.- Non, ça veut dire qu'il faut toujours prendre le temps de discuter. Il ne faut pas être catégorique comme ça.
 
Q.- Il n'avait pas été pris le temps ?
 
R.- Les partenaires dans la discussion ont demandé un peu plus de temps pour discuter, pourquoi refuser cela ? Un gouvernement qui a d'ailleurs fait du dialogue social une de ses priorités, pourquoi refuser d'allonger le délai, d'ailleurs raisonnablement, du débat ? Peut-être que cela peut permettre de déminer bien des faux problèmes, bien des faux débats.
 
Q.- Sur quoi, il faut faire évoluer le texte, d'après vous ?
 
R.- Je pense, par exemple, que sur le conseil d'administration à vingt, il ne faut pas être bloqué là-dessus. Il peut y avoir un peu de discussions sur la question de l'autonomie, dès lors qu'on en admet le principe. Les modalités de la mise en oeuvre, il faut être ouvert.
 
Q.- C'était facultatif l'autonomie, pour les universités qui voulaient. Faut-il que dans un certain délai ce soit étendu à tout le monde ?
 
R.- C'est d'ailleurs souhaitable que toutes les universités soient autonomes. Alors, le moyen d'y arriver ; pourquoi ne pas en débattre ?
 
Q.- Mais c'est si simple que ça, comment se fait-il que la ministre elle-même n'a pas intégré toutes ses données à ce texte ?
 
R.- Non, ce n'est jamais si simple. Ce n'est jamais très simple, tout le monde a des arrière-pensées stratégiques. Mais c'est pour ça qu'il faut toujours prendre un peu de temps pour débattre davantage. Moi, je trouve que le Président a été très sage dans cette affaire.
 
Q.- Le Président, oui ; le gouvernement, la ministre concernée ?
 
R.- Mais c'est le Président lui-même qui a pris la décision et je crois que c'est une bonne décision. C'est la première fois que je verrai reprocher à un gouvernement ou au président de la République de prendre un délai supplémentaire pour débattre.
 
Q.- En fait, vous dites que c'est le Président qui gouverne ?
 
R.- Mais bien sûr, c'est lui qui a été élu ! Vous découvrez ça ?
 
Q.- Non.
 
R.- C'est lui qui est porteur de la légitimité, c'est lui qui a fait adopter son projet et ça se passe d'ailleurs comme cela dans toutes les grandes démocraties du monde. Il n'y a que chez nous que quand quelqu'un est élu... Et puis, il n'a pas été élu simplement, il a été élu quatre fois le Président...
 
Q.- Ce n'est pas vrai !
 
R.- Il y a deux tours pour l'élection présidentielle, deux tours pour les élections législatives. Il faut gagner quatre fois en France pour exercer la responsabilité du pouvoir, c'est unique ça. Et moyennant quoi...
 
Q.- Je croyais qu'on avait voté pour les députés, les deux derniers tours ?
 
R.- Oui, mais il faut avoir la majorité...
 
Q.- Vous, vous votez pour le Président aussi ?
 
R.- Mais il fallait avoir la majorité absolue à l'Assemblée nationale pour pouvoir mettre en oeuvre les projets du gouvernement. Donc dans un pays où on vote quatre fois pour avoir la responsabilité du pouvoir, ensuite, on vous dit : "Non, vous ne devez pas gouverner, vous devez laisser ça à des gens que vous allez désigner à cette fin". Ce n'est pas très sérieux. Dans toutes les démocraties du monde, on a eu un tour pour gagner les élections, un seul, et c'est celui qui a été élu qui mène la politique.
 
Q.- Il faut changer la Constitution ?
 
R.- Non. Ce sont nos institutions...
 
Q.- Vous connaissez l'article 20 de la Constitution ? "Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation".
 
R.- Oui, c'est bien vrai quand il y a cohabitation mais lorsqu'on est dans le système où il n'y pas de dyarchie, disait le Général de Gaulle - je vous rappelle, c'est les sources mêmes de la Vème République - quand il n'y a pas de dyarchie, quand on est dans ce système, c'est le Président qui désigne le Premier ministre et c'est le Président qui est porteur de la légitimité. Il y a donc une certaine hypocrisie à faire croire que le Président ne gouverne pas. D'ailleurs, les Français savent que le vrai responsable, c'est le président de la République. C'est lui qu'ils ont élu.
 
Q.- Ce report du texte sur l'autonomie des universités peut donner des idées aux cheminots, d'après vous ? B. Thibault, à votre place, parlait hier d'un texte inutilement provocateur. Peut-être qu'il faut en différer l'examen aussi ?
 
R.- Il faut prendre le temps de discuter, mais ce que je pense, c'est que les Français ont approuvé ces réformes. Elles ont été explicitement démontrées, expliquées pendant la campagne présidentielle et les Français, en toute connaissance de cause, ont voté à 53 % pour le Président et pour son projet.
 
Q.- Et donc ?
 
R.- Il y a une légitimité à vouloir le mettre en oeuvre, oui, bien sûr. Je pense que les groupes de pression ne peuvent pas empêcher la mise en oeuvre de la volonté populaire.
 
Q.- Un autre problème a été posé à la majorité - celui-là il est un peu loin de la vie quotidienne des Français - c'était la gestion de l'UMP.
 
R.- Oui, c'est un petit problème. Vous avez raison, c'est loin des préoccupations des Français.
 
Q.- Mais on a noté que...
 
R.- C'est du problème de boutique.
 
Q.- On a noté qu'entre vous et J.-P. Raffarin, les problèmes de boutique avaient un peu aigris les rapports.
 
R.- Non, nous avons trouvé un accord très raisonnable. Et J.-P. Raffarin va faire vivre le débat à l'intérieur de l'UMP, c'est une très bonne chose, et moi je m'occuperai de la gestion quotidienne.
 
Q.- Puisque vous ne vous entendez pas, vous êtes condamnés à travailler ensemble...
 
R.- On s'entend, vous avez tort. Mais on peut avoir aussi des sujets de controverse, c'est normal. On les discute et puis, finalement, on trouve des solutions. On y est arrivé. Cela a été beaucoup plus vite qu'au Parti socialiste, vous avez remarqué !
 
Q.- Non, au Parti socialiste, ils ont gardé les mêmes, donc, ça a été très facile au contraire.
 
R.- Oui, mais je viens d'écouter A. Duhamel, la controverse continue.
 
Q.- Cela n'aurait pas été plus simple de nommer, d'élire - je ne sais pas - un président à l'UMP ? Pourquoi mettre deux personnes à la tête de l'UMP là où une...
 
R.- Parce que le véritable inspirateur de l'UMP, celui qui l'a transformé, c'est N. Sarkozy, c'est l'actuel président de la République. Je vous rappelle : il a été élu en 2004 président de l'UMP, il y avait 119.000 adhérents ; à la fin de cette année, il y en aura 410.000. C'est tout à fait unique dans la vie politique française. Il a complètement rénové le débat politique de ce point de vue et c'est d'ailleurs sans doute une des clefs de son succès à l'élection présidentielle. Donc, évidemment, il continue à inspirer le travail et l'action de l'UMP. Et nous ne voulons pas créer une potentialité de conflits avec lui en désignant un président qui pourrait, on ne sait jamais, se sentir pousser des ailes.
 
Q.- Europe, Darfour, universités, UMP, il s'occupe de tout N. Sarkozy ! Cela va-t-il durer tout le quinquennat comme ça ?
 
R.- Je l'espère. Tous les chefs de gouvernement ou d'Etat, dans toutes les démocraties du monde, dirigent la politique de leur pays. Pourquoi voulez-vous que le président de la République soit cantonné au rôle de Louis XVI ?!
 
Q.- Vous avez des nouvelles de F. Fillon ?
 
R.- Mais oui ! Mais je l'ai vu, hier soir, d'ailleurs...
 
Q.- C'est le Premier ministre, pour ceux qui nous écoutent, je le rappelle, parce qu'on pourrait peut-être l'oublier...
 
R.- Je pense qu'en France, on est habitués très souvent aux petits conflits larvés entre le Président de la République et le Premier ministre. Et là, ils font un duo qui marche à merveille. Alors, cela étonne et cela ne parait pas normal.
 
Q.- C'est-à-dire que dans le duo, on en entend surtout un là.
 
R.- Encore une fois, c'est lui qui est porteur de la légitimité démocratique.
 
Q.- Sarkozy n'est pas Louis XVI ou Louis XV ? Qu'est-ce que vous avez dit ? Et F. Fillon, c'est qui ?
 
R.- F. Fillon, c'est le Premier ministre, c'est-à-dire celui qui fait équipe avec le président de la République. Je pense que si on devait comparer N. Sarkozy à un monarque - ce qu'il n'est pas, il est un chef d'Etat démocratique -, on pourrait peut-être le comparer à Henri IV.
 Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2007