Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur l'hommage de Nantes à Olivier Guichard, Nantes le 29 juin 2007.

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Texte intégral

Madame le ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Je voulais remercier le président Auxiette de m'avoir associé à cette cérémonie et saluer la famille d'Olivier Guichard.
Il fallait bien le bronze pour que, à nouveau, Olivier Guichard soit présent. Il faut bien le bronze pour que, à nouveau, la puissance qui émanait de sa puissante personnalité se dégage de la stèle, et nous ramène intactes sa force et sa mémoire.
Ce buste conserve plus que les traits de l'ancien président de la région : il en restitue aussi la belle allure ; la matière solide, faite d'expérience, de fidélité et d'attachements ; l'épaisseur humaine. Olivier Guichard était de ce métal noble, massif, durable. Sa personnalité, par delà l'apparente nonchalance, la bienveillance et la cordialité, commandait à tous, amis ou opposants, l'estime et la déférence.
Je dis "même à ses opposants", et je sais qu'Olivier Guichard qui mettait son coeur à réunir, à associer, à se faire comprendre de tous sans aucune condescendance, aurait été heureux de nous voir réunis ainsi pour honorer sa mémoire.
Gaulliste historique - gaulliste de conviction et d'action, gaulliste sans états d'âme, sans défaillance -, il avait ce talent gaullien de saisir dans un embrassement large nos familles politiques. Il en surplombait les frontières, les clivages. Il réconciliait sous l'autorité sage du ministre qu'il était, du "baron", comme on disait, les volontés et les projets les plus divers.
Il n'y perdait jamais sa propre unité de coeur et de pensée.
Président de la région, il a su, à partir de 1974, faire de la gestion des Pays-de-la-Loire un véritable outil de croissance. Au-delà de ces murs, une part importante de son action guide toujours la relance de l'économie régionale, l'aménagement portuaire, le développement touristique. Olivier Guichard, maire, conseiller général, conseiller régional, député de Loire-atlantique durant trente ans, n'avait rien d'un conservateur. C'était un homme de longs desseins, pour qui l'attachement à ses terres d'élection avait la force d'un pacte.
Encore l'amour d'Olivier Guichard pour le territoire français dépassait-il largement notre Ouest.
Décentralisateur avant la loi de décentralisation, Olivier Guichard connaissait la France comme peu de Français, pour l'avoir défendue durant la guerre, parcourue, aménagée. Il l'aimait de toute son âme et de toute sa sensibilité. Son jacobinisme originel y avait gagné un respect fervent pour les collectivités locales, respect qui récusait l'opposition trop convenue entre les collectivités et le centralisme de l'Etat.
Aucune commune n'était petite à ses yeux. Néac, sa première mairie, les communes de la presqu'île guérandaise, La Baule, Nantes, Paris dessinaient pour lui les échelons également admirables d'un même dévouement au service public. Il ne s'embarrassait pas, à cet égard, de hiérarchies, de procédures ou de protocoles. Quand, dans le village le plus modeste - qu'il connaissait comme s'il en avait été l'enfant -, le suffrage universel parlait, il conférait à ses yeux la même et intransigeante autorité démocratique qu'aux plus hauts responsables. Il fallait ce respect de tous les élus pour qu'enfin collaborent, comme il le souhaitait, les différents niveaux de notre démocratie territoriale. Pour cette raison, il avait voulu que la répartition de leurs compétences fût ordonnée, efficace et lisible.
Dans l'exercice de ses fonctions locales, régionales et nationales, je garde la mémoire de ce rapport exemplaire au pouvoir : un pouvoir qu'Olivier Guichard exerçait pour servir - sans l'idolâtrer, sans le goûter pour lui-même, sans s'abaisser jamais à en devenir dupe.
Ce pouvoir, Olivier Guichard savait aussi, quand il le fallait, lui imprimer une fermeté de ton, une volonté, une conviction indispensables. Il écartait résolument les idéologies, l'esprit de chapelle, les mainmises locales, les blocages administratifs ; il déjouait tout ce qui, sous les apparences d'un héritage ou d'une organisation subtile, servait en réalité l'immobilisme. Olivier Guichard a fait bouger la France.
Il savait, pour le dire en un mot, inventer.
Dans l'après-guerre, peu de responsables politiques ont compris comme Olivier Guichard la nécessité d'inventer pour accompagner l'évolution historique du pays ; d'en renouveler les infrastructures, les institutions, les pratiques ; de relancer infatigablement la machine à progrès.
Sans doute parce que son caractère s'y prêtait : les contre-pieds inattendus, les inspirations déconcertantes, parfois même les vers impromptus faisaient ses délices, et donnaient de la saveur aux travaux qu'il animait.
Mais aussi parce qu'au delà du style personnel, Olivier Guichard avait un style politique - un style qui a toujours inspiré ses collaborateurs, et dont je continue de me réclamer aujourd'hui : celui qui consiste à ouvrir les portes, à réunir les compétences, à saisir les occasions, à mettre en contact, sans préjugés, toutes les énergies et toutes les solutions possibles.
Avant tout, Olivier Guichard était un bâtisseur.
Bâtisseur de nos maisons communes - ici, de la mairie de la Baule, de l'hôtel de région où nous nous trouvons ; mais aussi, dans la France entière, de ces logements collectifs auxquels la circulaire "Ni tours, ni barres" de 1973 voulait avant l'heure rendre une dimension humaine.
Bâtisseur de notre modernité industrielle, avec la zone portuaire de Fos-sur-Mer et l'aménagement de la Basse-Loire ; territoriale, avec l'extension du réseau français d'autoroutes concédées ; scientifique et technologique, avec la fameuse Université autonome de Compiègne, son projet chéri ; environnementale avec les parcs nationaux, et surtout avec le Conservatoire du littoral.
Olivier Guichard aimait le littoral, ce patrimoine naturel dont il savait la fragilité. Il en avait confié la sauvegarde à un organisme qu'il n'a jamais cessé d'appuyer, d'encourager, d'enrichir. Sa protection jalouse, presque amoureuse, continue de lui incomber.
Conservatoire du littoral, Délégation à l'Aménagement du Territoire (créée à l'initiative de son ami, Georges Pompidou), Conférence des présidents d'université... : elles sont nombreuses, les créations d'Olivier Guichard qu'une sorte d'évidence auréole à présent, comme si elles avaient toujours existé ; nombreuses, ses intuitions et visions, inabouties à l'époque, et que l'avenir de la France rend aujourd'hui indispensables de poursuivre.
Car Olivier Guichard fut aussi, et plus largement, bâtisseur de notre société moderne. Dès 1976, en nous présentant les grandes lignes du "Vivre ensemble", il faisait souffler dans une société administrée, centralisée, parisienne, menacée par l'accusation de technocratie, un air vivifiant de liberté. Il rendait aux collectivités locales leur initiative, avec la disposition de moyens propres. Il préfigurait l'organisation de leurs rapports avec l'Etat. Mais il leur rappelait aussi le devoir de responsabilité, et les engageait à une politique de résultats.
Ces intuitions n'ont pas perdu leur sens. Elles ont permis les lois de décentralisation de 82-84. Elles restent un modèle pour notre action.
Innovation, respect des libertés locales, confiance large accordée aux élus et aux proches : tels étaient les maîtres mots d'Olivier Guichard. Pour que le personnage soit complet, il faut parler de sa tendresse, de sa sensibilité. Elle le conduisait, nous le savons bien, à faire preuve d'une attention, d'une infinie délicatesse dans les relations humaines.
Mesdames et messieurs,
Avec le temps, certaines figures historiques se figent en icônes aux traits conventionnels, solennels, immuables. Vous conviendrez qu'Olivier Guichard n'est pas de celles-là. Telle est sans doute la richesse du personnage : à chacun, il a légué son image particulière, le souvenir d'une confiance personnelle, l'émotion d'une chaleur ou d'une indulgence qui rendent l'admiration encore plus vive.
Cette bienveillance, cette force d'inspiration constante, ce don d'apprécier et de comprendre, le bronze ne les possède pas, mais il les rappelle. Et c'est à une communion des souvenirs qu'il nous invite, dans une fidélité que nous allons maintenant partager avec un grand Français.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 juillet 2007