Interview de M. Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, à RTL le 5 septembre 2007, sur la TVA sociale et l'ouverture politique du gouvernement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour, E. Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. C'est effectivement un beau titre et c'est au nom de ce secrétariat d'Etat que vous auriez dû rédiger pour cette semaine, rendre public un rapport sur la TVA sociale et puis.... non. Il n'y aura rien cette semaine. Pourquoi ?
R- D'abord, parce que le Premier ministre me proposera vraisemblablement de le lui remettre la semaine prochaine. Je crois que l'actualité est chargée, que le président de la République et le Premier ministre veulent, j'imagine, recevoir, à la fois, mon rapport, d'ailleurs probablement aussi celui de C. Lagarde...
Q- Tout cela, dès la semaine prochaine ?
R- ... et annoncer vraisemblablement...
Q- Les deux, la semaine prochaine ?
R- .... et annoncer leur décision en même temps. Honnêtement, cela ne me paraît pas très important de différer de quelques jours la remise de ce rapport...
Q- Est-ce que ça dit une hésitation ?
R- ... Le système de financement de protection sociale sur lequel on vit est né, il y a soixante ans, on n'est pas à six jours près !
Q- Tout le monde en conviendra, E. Besson. Est-ce que cela dit une hésitation au moment de passer à l'acte et de prendre des décisions ?
R- Je ne sais pas si c'est une hésitation. En tout cas, une réflexion. Mais moi, je ne peux pas parler à la place du président de la République et du Premier ministre, qui diront leur décision. Je peux éventuellement vous dire, d'abord le contexte dans lequel on travaille parce que tout le monde se polarise sur la TVA sociale. Moi, je trouve au demeurant d'ailleurs que c'est le premier problème, c'est un très mauvais mot. Les Français n'y comprennent pas grand chose parce que, qu'est-ce que ça veut dire, TVA sociale ? Ils l'ont compris. Ils le disent, d'ailleurs parfois, dans les sondages : comme un impôt nouveau. Or, ce serait - si cela devait être appliqué - un transfert. Un transfert pour l'emploi, un transfert pour alléger le coût du travail, pour assurer le financement de la protection sociale et si possible, favorable au pouvoir d'achat. Donc, ça n'a rien à voir...
Q- On baisse les charges sociales, et...
R- ... avec un impôt nouveau.
Q- ... Et on augmente la TVA sur certains produits. Comment vous voulez l'appeler ?
R- ... Je suis assez peu créatif en matière de sémantique. Donc, ce n'est pas moi qui trouverai le nouveau nom mais je crois qu'il a contribué à la complexité. La deuxième chose, c'est qu'il ne faut pas confondre un outil avec l'objectif. L'objectif, il a été rappelé par N. Sarkozy lorsqu'il était candidat et il le redit depuis qu'il est président de la République et vous savez, combien il tient à ses engagements. Il dit deux choses : "Je veux alléger le coût du travail, baisser les charges pour l'emploi et pour le pouvoir d'achat". Et deuxièmement, il a la préoccupation légitime, comme dans toutes les grandes démocraties aujourd'hui, d'assurer l'avenir du financement de la protection sociale. Il faut assurer à la fois notre compétitivité. Nous ne ferons rien à l'avenir sans une compétitivité forte et en même temps, assurer un haut niveau de protection sociale. Donc, la TVA sociale, comme on dit malheureusement, c'est un outil ; mais un outil parmi d'autres. Ce qui est beaucoup plus important, c'est de débattre de cette question-là : comment, à vingt ans, à trente ans, financerons-nous un haut niveau de protection sociale tout en restant très compétitif ? Parce qu'on ne va pas nier la mondialisation et fermer nos frontières.
Q- Dans une semaine, qu'est-ce que vous dites, vous, E. Besson, en quoi la TVA sociale est-elle une bonne chose et en quoi elle n'est pas une bonne chose ? Qu'est ce que vous rendez public dans une semaine ?
R- Moi, comme j'avais eu l'occasion de vous le dire, je suis rentré dans cette question de façon neutre. Je n'avais pas d'idées préconçues. J'en ressors, je dirais, plutôt favorable.
Q- A la TVA sociale...
R- Exactement. Mais encore une fois, c'est la décision de Nicolas Sarkozy et de François Fillon qui primera. Moi, à titre personnel, j'en ressors plutôt favorable parce que j'ai eu le sentiment, après avoir regardé les expériences étrangères - l'Allemagne, le Danemark - et les simulations qu'on a faites avec un certain nombre d'experts et d'économistes que ce serait plutôt bon pour la compétitivité et plutôt bon pour l'emploi. Mais il faut des conditions pour que la mesure et la réforme passent et soient une réussite comme cela a été le cas en Allemagne puisqu'on considère globalement que cela a plutôt mieux marché que cela n'avait été prévu en Allemagne. Il faut que les entreprises jouent le jeu ; cela veut dire qu'elles répercutent dans leur prix, la baisse des cotisations sociales. Il faut que les perspectives économiques internationales soient bonnes. Or, vous savez qu'il y a question sur ces perspectives et sur cette conjoncture internationale du fait...
Q- On ne voit pas bien le rapport, mais bon...
R- ... Du fait de la crise... Non, mais ça n'est pas mon rapport qui le dit...
Q- Non, on ne voit pas bien le rapport entre la conjoncture internationale et le financement de la protection sociale française.
R- Ah si, si quand même parce qu'il faut qu'il y ait croissance mondiale forte, ne serait-ce que pour nos entreprises tirent partie d'une éventuelle de leurs cotisations sociales à l'export. Et il faut surtout - et je voudrais insister d'un mot, si vous le permettez sur ce point - un accord assez large. Dans beaucoup de pays, l'accord est politique. Pourquoi cela a bien marché en Allemagne ? Parce qu'il y avait eu, ce qu'on appelle, la grande coalition, parce que les conservateurs et les sociaux-démocrates s'étaient mis d'accord. En France, l'accord politique, vous en conviendrez, il a assez peu de chance de se produire. Mais ce qui est plus important...
Q- Si vous cherchez l'accord de l'opposition, il n'y aura pas la TVA sociale.
R- Absolument. Mais ce qui est plus important, c'est le dialogue avec les partenaires sociaux. Et là, je sais que le président de la République et le Premier ministre veulent de toute façon qu'il y ait une concertation très large sur l'avenir du financement de la protection sociale. Et là, on ne pourra pas dire que c'est né de ces derniers jours et que cela expliquerait le report. Lorsqu'en mai et juin, le Premier ministre nous a demandés à C. Lagarde, d'abord à J.-L. Borloo, puis C. Lagarde et moi, de travailler sur cette question, il nous a expressément demandé de ne pas rencontrer, dans un premier temps, les partenaires sociaux parce qu'il voulait pouvoir organiser une concertation sur la base de documents concrets d'un certain nombre de rapports. Donc, j'imagine qu'il voudra ouvrir cette concertation. Comme je vous l'ai dit en début d'entretien, notre système de financement de la protection sociale basée essentiellement sur les salaires date du lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Là, on est en train de réfléchir sur les vingt ans ou les trente ans qui viennent. Je pense que ça vaut le coup de prendre le temps d'une concertation qui doit être très approfondie.
Q- On va synthétiser votre propos, E. Besson. Vous êtes plutôt favorable à la TVA sociale. Une concertation va s'ouvrir. Et donc, on n'est pas prêt de voir la TVA sociale. Et en tout cas, ceux qui disent qu'il n'y aura rien avant les élections municipales, ils ont bien compris ce que va faire le gouvernement.
R- Je ne sais pas. Moi, je ne préjuge pas. Il y a des journalistes qui sont apparemment mieux informés que je ne le suis. Moi, je ne préjuge pas de la décision du Président et du Premier ministre.
Q- Vous vous sentez bien dans ce gouvernement, cent jours après son installation, E. Besson ?
R- Je vous laisse juge ; mais je vous remercie, tout va bien.
Q- On passe le test de l'ouverture, ce matin, E. Besson.
R- Si vous le voulez.
Q- Vous savez ce que c'est le test de l'ouverture ?
R- On va voir.
Q- C'est une question simple qui appelle une réponse simple. B. Delanoë depuis hier candidat à la mairie de Paris, renouvellement, et il aura en face de lui, l'UMP F. de Panafieu ? Vous souhaitez la victoire de qui, E. Besson ?
R- Je vote dans la Drôme, puisque je vais être candidat à Donzères, ce qui va m'éviter ce type de test. En revanche, je peux vous dire...
Q- C'est embêtant, hein !
R- ... Mais l'ouverture, ce n'est pas un gadget.
Q- Non. L'ouverture, ce n'est pas un gadget, c'est de savoir si dans une compétition électorale, désormais vous soutenez un candidat socialiste ou un candidat de l'UMP ?
R- J'appartiens à la majorité présidentielle, désormais. J'en assume les conséquences. Mais quand je dis que l'ouverture, ce n'est pas un gadget. Pourquoi un certain nombre de femmes et d'hommes de gauche dont moi - je ne suis pas le seul loin s'en faut - ont choisi de soutenir N. Sarkozy et de le rejoindre ? Parce que nous avons eu le sentiment - on peut être critiqués pour ça -qu'une fenêtre s'ouvrait pour la réforme en France, pour le progrès parce que la France était dans un statu quo impossible et qu'il nous paraissait nécessaire d'essayer d'accompagner. Lui-même est un transgresseur, N. Sarkozy. Il a accepté sur un certain nombre de sujets de transgresser les idées de sa famille d'origine. Il a tendu la main à un certain nombre d'entre nous, en disant : voilà, pour les réformes que je veux faire dans les années qui viennent, j'ai besoin d'élargir le socle d'idées de personnes sur lesquelles je veux m'appuyer. Je pense que cela ne fonctionne pas si mal ! Si vous me permettez un exemple, un seul : le Traité Simplifié dont on n'a pas assez parlé, c'est une immense avancée dont la France a été à l'initiative.
E. Besson, premier membre du gouvernement, s'est déclaré favorable à la TVA sociale, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 septembre 2007