Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, à itélévision le 5 septembre 2007, sur la TVA sociale, le système scolaire français et le service minimum.

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Média : I-télévision

Texte intégral

N. Iannetta : Notre invité politique ce matin est le porte-parole du
Gouvernement. Dieu sait que ce n'est pas un métier facile. L.
Wauquiez nous a rejoint sur ce plateau. Bonjour, merci d'être avec
nous.
Bonjour.
Q- N. Iannetta : Pas de conseil des ministres aujourd'hui, c'est reporté à Strasbourg, délocalisé.
R- C'est vendredi.
Q- N. Iannetta : On va parler de la TVA sociale, si vous le voulez bien. La revoilà. E. Besson a été chargé d'une étude, d'un rapport. Il a annoncé qu'il le remettrait la semaine prochaine mais lui, à titre personnel, il a déclaré qu'il était favorable à cette TVA sociale. Ça va recommencer le pataquès sur la TVA sociale ou pas, L. Wauquiez ?
R- J'espère que ça va recommencer parce que tout simplement le but, c'est d'avoir un débat. Quelle est un peu la feuille de route qu'on s'est fixé ? C'est de dire, c'est un sujet que des pays comme l'Allemagne ou le Danemark ont expérimenté.
Q- N. Iannetta : Pas de la même manière qu'en France.
R- Pas de la même manière. En France pour l'instant, on n'a rien fait. Et c'est vrai pas de la même manière que notre sujet de réflexion.
Q- N. Iannetta : Voilà.
R- Et donc on a demandé à E. Besson : "Regarde un peu quelles sont les conditions. Est-ce que ça te semble positif ou négatif ?" Donc Eric remet son rapport la semaine prochaine. Il y a eu aussi, vous avez vu, des contributions, en plus et en moins : X. Bertrand est plutôt plus. J.-F. Copé ou P. Méhaignerie sont plutôt contre. Et puis il y a un autre sujet, c'est tout simplement quelles sont les conditions économiques ? On a quand même cette question de la crise financière américaine, l'impact sur le pouvoir d'achat.
Q- N. Iannetta : Et puis la croissance qui est faible, qui est molle en France.
R- La croissance elle est faible et elle est molle en France mais ça, j'ai envie de dire, c'est le diagnostic qu'on a depuis 15 ans. Et tout notre problème c'est de faire en sorte de gagner un vrai point de croissance en plus.
Q- L. Bazin : Autrement dit- je veux bien comprendre- vous avez prononcé un mot qui fait tilt en ce moment dans les oreilles des consommateurs donc des téléspectateurs. On est tous des consommateurs. Vous avez dit "pouvoir d'achat". Est-ce qu'il est possible d'augmenter le taux de TVA sans faire baisser le pouvoir d'achat ? Il n'y a pas une quadrature du cercle là ?
R- Je pense que la question, elle est exactement celle-là. C'est-à-dire d'un côté la TVA, elle a un intérêt : c'est de faire en sorte que notre Sécurité sociale ne soit pas uniquement financée à partir de nos salaires et de nos cotisations. Pour faire clair, le faire financer par les produits qui viennent de la Chine, pour faire très simple. De l'autre côté, elle peut avoir un inconvénient, c'est est-ce qu'elle a un impact sur le pouvoir d'achat ? Et c'est pour ça qu'en même temps, le Gouvernement travaille sur les questions de pouvoir d'achat. Qu'est-ce qui reste dans le portefeuille des ménages ? Vous avez vu X. Darcos qui est intervenu sur les questions de rentrée scolaire. Vous avez vu tous les projets qui ont été annoncés par le président de la République sur toutes les questions de loi Galland, de concurrence entre les grandes surfaces, comment faire en sorte d'agir sur des questions comme les numéros d'appel...
Q- L. Bazin : Oui mais si tout ça est fait pour faire passer 2% de hausse de la TVA, vous comprendrez bien que les Français vont rester perplexes.
R- C'est bien pour ça qu'on ne peut faire la TVA sociale qu'en étant bien sûrs et en évaluant bien si elle aura ou non un impact sur le pouvoir d'achat.
Q- L. Bazin : Mais vous êtes contre ou pas, vous ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Moi je vais être très simple et vous le disiez : le job de porte-parole est un dur métier.
Q- L. Bazin : Donc maximale langue de bois alors.
R- Non pas maximale langue de bois. Je ne suis pas un économiste donc précisément ce que j'attends, c'est d'avoir le rapport d'Eric.
Q- L. Bazin : Mais vous étiez un député de terrain, vous savez ce qu'ont dit les gens sur le terrain. Vous avez fait campagne.
R- Bien sûr.
Q- L. Bazin : Vous avez été réélu et d'autres n'ont pas été réélus et ils accusent la TVA sociale. Donc voilà. C'est pourquoi J.-F. Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée, est contre parce que les députés ne sont pas hyper favorables.
R- C'est un peu facile ça, je trouve, parce que n'empêche que ce que moi j'entends aussi, c'est les inquiétudes qu'on a par rapport au fait de se dire comment est-ce qu'on fait pour garder de l'emploi chez nous ? Et de ce point de vue, on a une vraie question parce que si on porte uniquement à partir de nos seuls salariés le fardeau du financement de la Sécurité sociale, ça devient de plus en plus lourd. Et on voit tous les problèmes de délocalisation.
Q- L. Bazin : Donc cette TVA sociale ne concernera que les produits importés ?
R- Non. Vraiment, enfin surtout ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler le rapport d'E. Besson à l'avance. Mais j'ai envie de dire...
Q- N. Iannetta : Cela veut dire, pardon L. Wauquiez, c'est qu'on en a parlé il y a quatre mois. On a demandé un rapport pour, justement, trancher. On se rend compte que finalement même avec ce rapport, ce n'est pas tranché. On va être clair, vous allez reporter ça après les municipales ? Ça a fait perdre des sièges de députés, on ne va peut-être pas perdre des mairies. C'est peut-être ça le deal ?
R- Je vais être clair avec vous. On n'a même pas le rapport, donc j'ai envie de dire on en reparle la semaine prochaine quand on a le rapport. On aura les éléments clairement posés. Ce qu'a dit E. Besson aujourd'hui c'est : moi j'y suis favorable. Après je suis attentif aux conditions et je vois quand même qu'on a un problème de pouvoir d'achat, comme vous l'avez dit.
Q- L. Bazin : Voilà, c'est bon pour la compétitivité, bon pour l'emploi mais on ne sait pas ce que ça donne du côté des prix. Et, sous entendu et N. Sarkozy l'a dit, si ça change quoi que ce soit au niveau des prix, il n'y aura pas de TVA sociale.
R- Exactement. C'est-à-dire que c'est clairement, pour nous, une des pierres de touche : l'impact sur le pouvoir d'achat. Si on peut passer sans un impact sur le pouvoir d'achat, tant mieux. Sinon il faut qu'on attende.
Q- L. Bazin : Ca c'est dit. Hier, N. Sarkozy a fait une grande lettre ouverte aux enseignants sur l'éducation. Il y a beaucoup de réactions ce matin, évidemment, à gauche, chez les syndicats. Les profs dénoncent les artifices de communication. Le PS dénonce une conception libérale. Et ils disent, en gros : comment peut-on faire moins d'heures de cours avec moins de profs et avoir des enfants meilleurs à l'école et en particulier des enfants qui arrivent en 6ème avec le bagage nécessaire ?
R- Je ne sais pas si vous, vous le vivez mais à travers nos enfants, je pense que c'est une question qu'on se pose tous. On a un peu l'impression en France d'avoir des rythmes scolaires qui sont démentiels. C'est-à-dire surcharge d'emplois du temps, des enfants qui font entre 35 et 45 heures de cours. Donc vraiment lourd à porter. A côté de ça, ouvrons un tout petit peu les fenêtres. On va voir ce qui se passe ailleurs en Europe. Finlande : au maximum entre 25 et 30 heures de cours. C'est la meilleure performance du système scolaire européen.
Q- L. Bazin : On ne redouble pas en Finlande en plus.
Q- N. Iannetta : Il n'y a pas de notes et il n'y a pas de sanctions.
Q- L. Bazin : On ne redouble pas mais en Finlande, vous savez ce qui se passe ? En Finlande, en l'occurrence, les élèves qui ont du mal à suivre on leur donne des heures complémentaires.
R- Ça tombe bien, c'est ce qu'on vient de faire sur la rentrée avec les suivis qui sont pour 25% des collèges.
Q- L. Bazin : Heures supplémentaires volontaires de profs pour ceux qui le souhaitent.
R- Oui, enfin non. Nous ce qu'on a mis en place...
Q- N. Iannetta : C'est des études surveillées ?
R- Non, c'est plus que des études surveillées, ce n'est pas seulement mettre des enfants dans une classe et puis avoir un pion qui est au but de la classe, et qui surveille tout le monde pour éviter que vous fassiez des caricatures.
Q- L. Bazin : Ca c'est l'ancien pion qui parle.
R- Oui. Le but, là, c'est vraiment de faire des études qui sont des études avec des professeurs en lien avec des associations. Aussi travailler sur tout ce qui est les activités sportives, culturelles, à côté. Donc c'est typique d'idées qui sont venues aussi en regardant un peu ce qui se passe à l'extérieur.
Q- L. Bazin : Donc ce n'est pas une logique libérale ?
R- Moi ça me fait toujours rigoler ces trucs. Ouh, la, la ! On sort tout de suite le gros fanion rouge : vous faites une logique libérale. Je ne sais pas si la Finlande est un modèle ultra libéral. C'est plutôt considéré comme étant un modèle de démocratie sociale assez performante. Regardons un peu ce qu'ils font. Je trouve qu'il y a une vraie interrogation là-dessus.
Q- L. Bazin : Il n'y aura pas plus de sélection ? On ne va pas casser le collège unique ou au contraire, tout est sur la table ?
R- Le vrai sujet qu'on a aujourd'hui, c'est qu'on voit bien quand on regarde notre système éducatif, il tourne un peu à blanc. Et moi... J'en suis le pur produit. Vous avez un peu une reproduction...
Q- L. Bazin : L. Wauquiez, il est Normalien. Pour vous dire donc qu'il était parti pour être prof, je dis ça comme ça.
R- Il y a un peu une reproduction des élites. Il y a un moment où il faut qu'on s'interroge. On a un système qui est soi-disant calé sur la IIIème République : le mérite du concours républicain. Et ce dont on s'aperçoit, en fait, c'est que grosso modo, si vous venez d'un département rural ou d'un quartier défavorisé, vous avez très peu de chance de réussir à travers notre système. Il y a peut-être un moment où il faut qu'on se pose des questions.
Q- N. Iannetta : On va se poser des questions également pour la mise en place du service minimum et de la prévisibilité du trafic, parce que le langage économique est ce qu'il est et invente des mots.
Q- L. Bazin : Oui c'est magnifique.
N. Iannetta : J'adore ça.
R- C'est joliment dit.
Q- N. Iannetta : Aujourd'hui, les syndicats de la SNCF sont en discussion et ils promettent une rentrée très agitée si on ne rediscute pas de ce service minimum et de cette prévisibilité. Est-ce que vous, vous y croyez ? Est-ce que vous allez le faire ? La loi a été votée.
R- Je trouve ça un peu surréaliste. Le service minimum, on en a parlé avant l'élection présidentielle. On a l'élection présidentielle qui s'est faite notamment sur ce sujet. Les Français sont majoritairement favorables à ça. La plupart des pays européens ont tous un système d'alerte qui permet de faire un peu de prévisibilité.
Q- N. Iannetta : On est tous d'accord avec ça. Le problème c'est que les syndicats, ils n'ont pas envie de ce service minimum et de cette prévisibilité des trafics. Comment vous allez faire
avec eux ?
R- On va essayer de leur expliquer qu'aujourd'hui, il y a une fenêtre de tir. C'est-à-dire qu'on a fait une loi dans laquelle on a dit : "Voilà nous, on a fixé un objectif". Après, on prend le temps pendant les quatre mois qui viennent, de la discussion avec les partenaires sociaux pour faire un système de prévision. C'est-à-dire grosso modo, puisque prévisibilité...
Q- L. Bazin : Et si en décembre, ce n'est pas fait ?
R- On prendra nos responsabilités mais j'ai envie de dire, chacun a ses
responsabilités.
Q- N. Iannetta : La responsabilité c'est, ça passera quand même ?
R- La responsabilité c'est de dire sur le service minimum, c'est-à-dire sur la prévisibilité, on ne lâchera pas. Mais quelque part, il y a un moment où il faut aussi se rappeler que le service public, et j'ai bien aimé d'ailleurs ce qu'a dit monsieur Mailly là-dessus, le responsable de FO. Il a dit : il faut s'interroger sur les valeurs du service public. La première valeur du service public c'est la continuité. C'est pour ça qu'on a fait le service public en France. C'était de dire : c'est tellement important qu'il faut que les usagers soient assurés quand ils prennent le train le matin, d'avoir effectivement un train qui les emmènera là où ils doivent travailler. C'est pour ça qu'on a créé, en France, le service public à la fin du 19ème. Il faut peut-être, à un moment, ne pas oublier ses origines.
Q- L. Bazin : On a des nouvelles à vous demander de la santé de F. Fillon parce que N. Domenach, ce matin, nous disait : "il a des aigreurs d'estomac, il est ulcéré par la communication de l'Elysée. Il a détesté voir le secrétaire général de l'Elysée rappeler une ministre à l'ordre alors que lui, Premier ministre, n'avait pas encore parlé". Il y a un problème de cohabitation entre l'Elysée et Matignon ?
R- C'est vraiment un truc...
Q- L. Bazin : Ne me faites pas le coup : "Ah ! Les journalistes, vous n'en pouvez plus parce que vous ne parlez que de ça dans les couloirs !"
R- Non ça me fait un peu rigoler. Alors à chaque fois, je réponds très poliment sur : oui, oui, bien sûr ne vous inquiétez pas, il n'y a aucun problème.
Q- L. Bazin : Est-ce qu'il y a un problème de réglage, c'est ce qui avait été dit avant l'été. Il y a un problème de réglage de communication, est-ce que maintenant la règle c'est que l'Elysée
a le dessus ?
R- C'est toujours la règle. Evidemment que l'Elysée a le dessus. Le seul problème, enfin à l'Elysée c'est le président de la République. F. Fillon n'a pas fait d'ambiguïté dessus.
Q- N. Iannetta : Oui mais en l'occurrence c'est C. Guéant, il ne s'agit pas de N. Sarkozy. Il s'agit de C. Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, celui dont D. de Villepin, qui l'a été lui-même et qui ensuite a été Premier ministre, dit qu'il n'a pas à l'ouvrir. Pardon, il ne l'a pas dit comme ça parce qu'il est beaucoup plus poète que moi mais...
R- Beaucoup plus "rhomérien". Juste, si vous me permettez, je vais prendre un tout petit peu de champ pour une fois. Je fais chaque semaine des déplacements parce que çà fait un peu partie de mon travail de porte-parole où je vais sur le terrain. Et on fait des réunions avec une cinquantaine de personnes, démocratie participative.
Q- L. Bazin : Tiens !
Q- N. Iannetta : La revoilà.
R- Et je propose, enfin à chaque fois on expose un peu l'action du Gouvernement et on prend deux heures pour répondre aux questions. Je n'ai jamais cette question. On ne me demande pas de savoir si Guéant s'entend bien avec Fillon, si Fillon s'entend bien avec Sarkozy.
Q- L. Bazin : Tout ça c'est parisien, c'est ça ?
R- Sincèrement oui là, je le crois. Alors je comprends, c'est des vraies questions sur le fonctionnement institutionnel mais je n'ai jamais eu cette question.
Q- L. Bazin : Donc F. Fillon va bien ?
R- F. Fillon va très bien, je le vois tout à l'heure.
Q- N. Iannetta : Il est un collaborateur heureux ?
R- Il est toujours aussi exigeant avec ses ministres et avec ses collaborateurs. Hier, on travaillait sur le financement de la Sécurité sociale. La semaine dernière, on réfléchissait à ce qu'on va faire sur le Grenelle de l'environnement. Voilà, on est sur le pont. Après, je ne sais pas si N. Domenach lui a pris son pouls ce matin, je vais lui demander tout à l'heure.
L. Bazin : Ca battait un peu vite d'après N. Domenach ce matin. Merci d'avoir été là. Restez pour le zapping politique. Vous pourrez ainsi écouter ce que les autres et quelques autres ministres d'ailleurs ont dit ce matin sur les plateaux de télévision et dans les studios de radio.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 septembre 2007