Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à RTL le 11 septembre 2007, sur la menace terroriste et les violences entre bandes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, M. Alliot-Marie.
 
R.- Bonjour.
 
Q.- Nous sommes le 11 septembre 2007, Oussama ben Laden court toujours. Des terroristes sont arrêtés en Allemagne, en Angleterre. Quel est l'état, aujourd'hui, de la menace terroriste en France ?
 
R.- La menace terroriste est réelle. Elle est permanente. Elle est constante. Elle concerne la France comme d'autres pays, pas plus que d'autres pays, pas moins que d'autres pays.
 
Q.- On a l'impression, en Allemagne, en Angleterre, que les choses s'aggravent, que les terroristes sont découverts dans des circonstances que l'on a vues et qui sont inquiétantes. En France, pas grand chose ne filtre du travail de la police dans ce dossier.
 
R.- Non. Mais nos services de Renseignements font un travail remarquable. Ils le font d'ailleurs en étroite liaison avec les services des autres pays européens, voire d'autres pays encore puisque, bien entendu, le terrorisme ne trouve pas sa source uniquement dans nos pays. Bien entendu, ce sont parfois des gens - et de plus en plus, d'ailleurs - qui sont intégrés dans les pays, et on l'a vu récemment encore en Allemagne. Ce sont des gens qui ont la citoyenneté, la nationalité des pays concernés, qui sont impliqués dans ces tentatives d'attentat. Pour autant, on sait très bien que la cause, voire l'organisation des attentats terroristes, se fait à l'extérieur. La cause, bien entendu, ce sont un certain nombre de crises : le conflit entre Israël et la Palestine, l'Irak, l'Afghanistan, etc.
 
Q.- Arrêtez-vous des gens, neutralisez-vous des groupes sur lesquels vous ne communiquez pas ? Sur lesquels les pouvoirs publics ne communiquent pas ?
 
R.- On arrive... On suit d'abord des groupes sans communiquer, bien entendu. C'est quand même la base du renseignement. Quand il y a des opérations importantes, en général elles sont connues.
 
Q.- L'insécurité demeure une préoccupation en France. Des bandes sont venues récemment en plein Paris porter leur conflit. On a l'impression d'une situation qui se dégrade de manière continue en banlieue depuis quelques années maintenant. C'est l'impression dominante ? La partagez-vous, M. Alliot-Marie ?
 
R.- D'abord, je pense qu'il faut bien distinguer les deux sujets : le terrorisme dont nous venons de parler...
 
Q.- Ah oui, non, non il n'y a pas de liens ! ...
 
R.- L'insécurité... Ce qu'il faut bien voir en matière d'insécurité, c'est que finalement il n'y a pas de progrès ou de développement continu. Notre société évolue, et il est vrai aussi que les manifestations de la violence ou de l'insécurité évoluent. C'est la raison pour laquelle il faut être toujours être très vigilant. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé la création au ministère de l'Intérieur d'une direction qu'on appelera des "affaires stratégiques" qui est chargée de suivre dans notre pays, mais en regardant également ce qui se passe à l'étranger, cette évolution, les nouvelles formes de violence, de façon à pouvoir anticiper. En ce qui concerne le phénomène des bandes que vous venez d'évoquer, c'est un phénomène qui n'est pas nouveau. Quand j'étais ministre de la Jeunesse et des Sports, il y a à peu près une dizaine d'années, on avait déjà vu, souvenez-vous, c'était notamment sur le Parvis de la Défense, des affrontements extrêmement violents et qui avaient débordé d'ailleurs dans les magasins autour. Aujourd'hui, nous avons...
 
Q.- Et on a l'impression d'une impuissance des pouvoirs publics face à ces phénomènes.
 
R.- Non, ça n'est pas ça le problème. C'est-à-dire que ce sont des phénomènes qui disparaissent à certains moments, qui réapparaissent à d'autres. Et puis, les phénomènes de bandes aujourd'hui sont extrêmement complexes. Vous avez plusieurs types de phénomènes de bandes, c'est-à-dire que dans un certain nombre de quartiers, vous avez des bandes qui peuvent être pour certaines plus ou moins communautaristes ou d'origine ethnique, pour d'autres qui sont simplement la manifestation de concurrence commerciale, si je puis dire, autour d'un certain nombre de produits illicites comme les trafics de drogue ou autres. Et là, vous avez effectivement des bagarres, voire des combats à certains moments, qui se font entre deux bandes rivales sur un même marché. Dans d'autres cas...
 
Q.- Et le pouvoir politique n'est pas dépassé par ces phénomènes ?
 
R.- Non, puisqu'au contraire, je tiens à souligner que notamment la police au cours des derniers affrontements qu'il a pu y avoir, est intervenue... est intervenue extrêmement rapidement à séparer les bandes, à éviter qu'il y ait des blessés voire des morts, et je crois qu'il convient de saluer le travail des policiers à la fois pour la sécurité des personnes qui vivent dans ces endroits ou qui se trouvaient, par exemple, à la Gare du Nord mais également leur travail pour éviter qu'il y ait des morts à l'intérieur de ces bandes.
 
Q.- La semaine dernière, des policiers qui exécutaient une décision de justice à Aubervilliers en expulsant des squatters, ont eu la surprise de voir arriver la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, R. Yade, qui semblait plutôt défendre les squatters. Qu'avez-vous pensé de l'intervention de votre collègue du gouvernement, M. Alliot-Marie ?
 
R.- Eh bien, écoutez, je crois qu'il y a eu beaucoup d'expressions sur ce sujet...
 
Q.- C'est la vôtre qui nous manque.
 
R.-...Et je pense qu'il est absolument inutile que je m'exprime sur ce sujet.
 
Q.- Non ! ce n'est pas inutile.
 
R.- Mais c'est tout à fait inutile. Je crois que tout a été dit...
 
Q.- Pourquoi vous ne souhaitez pas en parler ? Elle a fait une erreur, R. Yade ?
 
R.- Non, le problème n'est absolument pas là. Je pense qu'essayer de créer des polémiques en entretenant des problèmes... Il y a eu un problème. Le Premier ministre s'est exprimé. D'autres ministres se sont exprimés. Cela remonte maintenant à plusieurs jours. Nous n'en sommes plus là. Nous sommes tournés vers l'avenir. Et il me semble que ce qu'attendent les Français, ce n'est pas qu'il y ait éventuellement des divergences d'appréciation sur telle ou telle attitude au sein du Gouvernement, ce qu'ils attendent c'est que nous agissions et nous agissions d'une façon coordonnée.
 
Q.- L'avenir. Faut-il réformer rapidement les régimes de retraite spéciaux, M. Alliot-Marie ?
 
R.- Je crois qu'il y a un vrai sujet et qu'on ne peut pas non plus toujours remettre à demain les vrais sujets. Alors, le gouvernement a travaillé, a aujourd'hui un certain nombre de choses qui permettent que les discussions soient ouvertes et que le sujet soit abordé. Eh bien, je pense que le président de la République décidera du moment opportun, de la forme et du contenu de ce qu'il conviendra de mettre sur la table.
 
Q.- Le Gouvernement attend le feu vert du Président.
 
R.- Ca me paraît tout à fait normal. C'est conforme à nos institutions.
 
Q.- C'est la formule consacrée. Avez-vous lu le livre que Yasmina Reza a consacré au candidat N. Sarkozy, M. Alliot-Marie ?
 
R.- J'ai lu une partie de ce livre. Je n'ai pas réussi à aller encore jusqu'au bout parce que vous savez, au ministère de l'Intérieur, de l'Outre Mer et des Collectivités territoriales, il y a beaucoup de choses qui se passent en permanence, et c'est vrai que ça nuit un peu à la lecture en continu.
 
Q.- Avez-vous lu les passages qui vous concernent, M. Alliot-Marie, où N. Sarkozy n'est pas sympathique avec vous ?
 
R.- Ecoutez, je crois que vous avez là l'appréciation d'une personne qui a vu un certain nombre de choses. Je peux vous dire que mes relations avec le président de la République sont extrêmement sympathiques.
 
Q.- Si vous le dites ! Yasmina Reza n'a pas vu cela, mais si vous le dites, on vous croit sur parole. Craignez-vous, M. Alliot-Marie, d'être mise en examen dans l'affaire Clearstream ?
 
R.- Je ne vois pas sur quelle base. Je crois d'ailleurs que tous ceux qui connaissent ce dossier, ont depuis longtemps écarté toute éventualité dans ce domaine.
 
Q.- Etes-vous convoquée par les juges prochainement ?
 
R.- Non, pas du tout. Les juges m'ont demandé de témoigner sur un certain nombre de choses pour les éclairer. Je l'ai fait très volontiers. J'ai dit que, bien entendu, s'ils en avaient le souhait ou le besoin, je me tenais à la disposition et à leur demande... Bon, et puis un point c'est tout. Moi je pense que c'est au contraire... J'ai eu l'occasion de le dire, en quelque sorte, un donneur que l'on vous demande effectivement de donner un éclairage sur quelque chose dont on a pu connaître certains éléments. Un point c'est tout.
 
Q.- Mais pas de convocation, pour l'instant ?
 
R.- Non. Il n'y en a pas.
 
Q.- M. Alliot-Marie, qui n'a pas le temps de lire au ministère de l'Intérieur, c'est un peu triste quand même !
 
Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 septembre 2007