Texte intégral
Q - (inaudible)
R - Je pense qu'il faut absolument soutenir le peuple birman, les moines qui manifestent, que c'est un sursaut véritablement national et qu'il faut exercer une pression considérable pour que - le sang a déjà commencé de couler - la répression ne s'établisse pas comme lors des dernières manifestations.
Je crois que c'est la région qui est en cause et nous allons donc, à l'appel de plusieurs pays, dont la France, dont les pays d'Europe, réunir le Conseil de sécurité.
J'espère qu'il y aura une manifestation de solidarité très forte à l'égard de la Birmanie. Vous savez, il y longtemps que cela dure. Il y a longtemps que la junte des généraux exerce son triste pouvoir dictatorial, mais on se rend compte que seuls les pays de la région peuvent arrêter, peuvent faire pression sur les généraux birmans et, en particulier, nos amis chinois. C'est cela qu'il faut faire, parce que le Conseil de sécurité ne peut pas se réunir pour des raisons intérieures. C'est parce que la paix est menacée dans toute la région qu'on pourrait peut-être le faire, et c'est en tout cas ce que nous tenterons de faire, puisque la France préside le Conseil de sécurité.
Q - Quel genre de pressions ?
R - Les pressions sont politiques, on ne peut pas faire autrement. Il y a eu des tas de sanctions proposées qui n'ont pas été suffisamment déterminantes, c'est en tout cas le moins que l'on puisse dire, et même pas opératives. Les sanctions, c'est toujours ce que l'on veut faire, parce que c'est le premier degré de la protestation. Maintenant je crois qu'il faut passer à d'autres choses.
Il faut vraiment que les pays de l'ASEAN soient conscients qu'on ne peut plus laisser faire dans cette région.
Regardez ce qui se passe, il y a des emprisonnés, on ne sait même pas combien ils sont. Mme Aung San Suu Kyi ne peut plus sortir de chez elle, on ne l'a pas vue depuis des mois, et déjà on commence à tirer et l'armée se concentre autour de Rangoon. Ce n'est plus possible de tolérer cela.
Q - Pensez-vous quand même que le Conseil de sécurité peut adopter des sanctions ou, à défaut, que la France, par exemple, prendra des sanctions, demandera à Total, puisque c'est le plus gros investisseur là-bas, de se retirer ?
R - Ce n'est pas le plus gros investisseur, et puis ce n'est pas Total, on l'a déjà dit plusieurs fois. Il y a eu des sanctions exercées et des entreprises qui se sont retirées. Elles sont aussitôt remplacées par des entreprises de la région - vous voyez ce que je veux dire - et, en particulier, par des investissements venus directement des généraux, qui donc profitent de ces départs. Ce n'est donc pas cela la solution. On peut proposer des sanctions, c'est peut-être ce qui se fera, je ne préjuge pas de la discussion de cet après-midi, mais il me semble que ce n'est pas suffisant. Le président Bush a proposé hier des sanctions nouvelles, peut-être est-ce un début de solution, mais je n'y crois pas beaucoup.
Q - Et en termes franco-français, pas d'intervention sur Total pour qu'il se retire ?
R - Mais c'est pareil, cela a été fait plusieurs fois. Si Total se retirait, l'entreprise Total serait reprise immédiatement par les généraux avec des investissements qui viennent, encore une fois, de la région. Ce serait le même travail, Total retiré, et la même situation pour les Birmans. Ce n'est pas ce qu'il faut faire. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais je pense qu'il faut un autre mode de pression qui soit vraiment directement politique.
Q - On le fait bien sur en Iran, on demande à Total de se retirer d'Iran ?
R - On ne demande pas à Total de se retirer de l'Iran, on lui demande de ne plus investir. Et puis il faut que ce soit un équilibre, cela a déjà été fait dans cette région, et encore une fois, cela n'a pas été suffisant, même si on peut penser qu'il faut continuer, cela n'est pas suffisant, il faut aller plus loin.
Q - Est-ce que vous croyez que c'est un mouvement à "l'ukrainienne", par exemple, une vague que les généraux ne peuvent plus arrêter ?
R - Je l'espère beaucoup, mais en même temps, je sais que ce sera coûteux pour les Birmans. C'est à eux de décider, mais j'ai le sentiment que nous avons franchi là une étape dans le mécontentement populaire, dans le fait que vraiment, toute la population est déterminée à se débarrasser de cette dictature. Que les religieux soient en première ligne me semble à la fois évidemment très dangereux pour eux mais très positif.
Q - Vous pensez que c'est le meilleur moyen de pression justement ?
R - Je ne suis pas Birman. J'assiste à cela, je sais l'importance que la religion occupe dans la région. Et que ces jeunes moines qui sont des milliers, bravent la police, cela me semble presque irrépressible.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2007