Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, à RTL le 10 octobre 2007, sur la polémique provoquée par les propos de Fadila Amara concernant le projet de loi sur l'immigration et le recours aux tests ADN pour le regroupement familial.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Bonjour, L. Wauquiez.
Bonjour.
Q- A propos des tests ADN, B. Hortefeux, ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, a déclaré, hier : "Evitons les caricatures, les excès et la stérilité des faux procès". F. Amara sur le même sujet des ADN, secrétaire d'Etat à la Politique de la ville, a déclaré : "L'ADN, je ne suis pas d'accord. J'en ai marre qu'on instrumentalise l'immigration. Je trouve ça dégueulasse". De quel ministre portez-vous la parole, ce matin, L. Wauquiez ?
R- Voilà un bon exercice pour le porte-parole, Monsieur Aphatie.
Q- Et pas de réponse de langue de bois, bien sûr !
R- Alors, on ne va pas se raconter d'histoire. F. Amara, elle n'a pas les codes de la langue de bois politique. Eh bien tant mieux !
Q- Vous, oui ?
R- Moi ce que j'essaie c'est d'expliquer ce qui se passe au sein du Gouvernement.
Q- Alors, qu'est-ce qui se passe ?
R- On a affaire à quelqu'un... et derrière, ce qui est en jeu c'est la conception de "l'ouverture". Je voudrais juste revenir sur un tout petit exemple, qui était la dernière ouverture politique qu'on a eue, c'est 1988 avec F. Mitterrand.
Q- Cela date, ça !
R- Oui. L'ouverture c'était quoi, à ce moment-là ? Effectivement, il y a eu une ouverture à des ministres qui venaient d'autres partis politiques. La seule chose c'est qu'on leur a dit : "Surtout, vous restez dans votre coin. Tout le monde est coulé dans le même moule de béton. Et je ne veux pas d'expressions ou de paroles différentes". Là, ce n'est pas notre approche. Notre approche c'est que précisément, l'ouverture ce n'est pas demander aux ministres qu'ils renoncent à leur différence pour se couler dans le moule politique, c'est accepter leur différence pour faire bouger le moule politique.
Q- Donc, ça va continuer ? Il y aura encore des mots comme ça ? Vous les acceptez, ça ne vous choque pas. Si un ministre dit qu'un projet du Gouvernement est "dégueulasse", vous l'acceptez ?
R- Alors là-dessus, si vous me permettez, je pense à une responsabilité conjointe et des politiques et des journalistes. Il faut être précis sur ce qu'a dit F. Amara. F. Amara elle a dit : "Je ne veux pas qu'on instrumentalise la question de l'immigration dans le débat politique". Autrement dit...
Q- Oui, donc, elle juge qu'on l'instrumentalise.
R- Oui, mais de part et d'autre. Elle dit : "Attention, n'instrumentalisons pas la politique de l'immigration". On est en plein là-dedans. Qu'est-ce qu'est en train de faire l'opposition ? L'opposition dit : "Oh là, là, F. Amara a dit qu'elle avait un problème par rapport à tel sujet sur l'immigration. Du coup, il faut qu'elle démissionne". J'ai parfois l'impression que dans l'arène politique du côté de l'opposition, on a remplacé "la guerre des boutons" par la guerre des mots. De grâce, un peu de sérénité ! Un peu moins d'oukases ! F. Amara contribue à secouer un peu les choses, eh bien tant mieux. Ça fait du bien, ça apporte de l'oxygène.
Q- Sur le fond, elle dit : "L'ADN, je ne suis pas d'accord parce que je pense qu'on touche à quelque chose qui n'est pas bon pour notre pays". Elle appartient à un Gouvernement qui met en place l'ADN. Alors quelle conséquence il faut en tirer, si elle n'est pas d'accord ?
R- C'est effectivement une différence par rapport à l'ancien schéma de fonctionnement. L'ancien schéma de fonctionnement, c'est quoi ? Un ministre n'est pas d'accord avec la moindre chose, la moindre ligne dans un projet gouvernemental, il démissionne. Nous, notre approche, c'est qu'un Gouvernement se nourrit aussi des débats qu'il y a en interne. On ne cherche pas à faire un théâtre de mascarades dans lequel on demande à tout le monde d'être exactement sur la même ligne. F. Amara n'est pas d'accord avec un point du Gouvernement. Elle exprime sa différence. Eh bien, j'ai envie de dire : ça fait vivre le débat en notre sein.
Q- Donc, il faut attendre d'autres désaccords sur d'autres problèmes. Ça ne vous gênera pas ?
R- Non, à une condition - et c'est le point d'équilibre qu'il faut qu'on arrive à trouver - c'est qu'en politique, je trouve qu'il y a un équilibre à trouver entre, d'une part l'efficacité et d'autre part le débat. Le vieux monde politique, c'était quoi ? C'était de dire : "Pour qu'on soit efficace, il faut que tout soit dans le même moule de béton". Notre approche à nous maintenant, c'est de dire : "Il peut y avoir un débat". Ce n'est pas mal de faire vivre le débat ; mais à l'arrivée, il y a une décision et il y a un choix.
Q- P. Devedjian, hier, a dit : "On insulte des députés de l'UMP". Il est dans le vieux monde politique, P. Devedjian ?
R- Non. P. Devedjian s'exprime comment ? On a F. Amara qui s'est exprimée en femme libre. On a P. Devedjian qui s'est exprimé en responsable de parti politique. Chacun son rôle !
Q- Mais il est dans le vieux monde politique ? Il n'a pas compris ?!
R- Non, il est précisément dans le débat dont on a besoin. C'est pas mal qu'il y ait du débat. Ceux qui sont à mon avis...
Q- Ils ne sont pas insultés les députés UMP, d'après vous ?
R- Si vous me permettez, Monsieur Aphatie, le vieux monde politique, je trouve, c'est l'opposition qui se rue comme la misère sur le monde, sur un petit mot, pour en faire précisément ce que j'appelle "cette guerre des boutons" ; et essayer de dire - pas débattre sur le fond, sur l'immigration - mais dire : tiens ! F. Amara, il faut qu'elle démissionne. Juste un rappel : F. Amara elle s'occupe des banlieues. Et la vraie pierre de touche pour son efficacité gouvernementale, c'est précisément le plan qu'elle est en train de faire sur les banlieues. Et je pense que c'est là-dessus que les Français l'attendent et pas sur ces espèces de querelles d'anathèmes nourries par l'opposition.
Q- Alors, sur le fond, nous avons deux versions des tests ADN : une des députés, une des sénateurs. Une commission mixte paritaire qui réunira députés et sénateurs se réunira, la semaine prochaine. Quelle est la bonne version pour le Gouvernement : celle des sénateurs ou celle des députés ?
R- La bonne version c'est précisément celle qui s'est nourrie du débat parlementaire. Donc, en clair, ça veut dire qu'on a eu une proposition de l'Assemblée. Elle a été enrichie au Sénat. Celle du Sénat est sans doute la plus équilibrée pour une raison : c'est parce qu'il y a énormément de garanties qui ont été apportées, notamment grâce au travail avec B. Hortefeux. Des garanties : ce sera un test qui sera volontaire - donc, c'est plutôt utile pour les personnes qui souhaitent le faire - ; qui sera remboursé ; il y a une expérimentation, il y a un contrôle du juge. Donc, je dirais, au total, on a vraiment quelque chose qui est très bordé.
Q- On va en revenir à des mots et des petites phrases. H. Guaino, conseiller du président de la République, hier, a qualifié B.-H. Lévy de "petit con prétentieux". Alors, la vulgarité devient-elle une marque de fabrique de l'exécutif, L. Wauquiez ?
R- En tout cas, une petite remarque. Ça me fait sourire parce que je crois que le monde politique est en profond décalage parfois avec le monde de tous les jours. Honnêtement, enfin chez nous sur le terrain, dire "dégueulasse" ce n'est pas la pire insulte du monde.
Q- Et "petit con prétentieux" ?
R- Alors, "petit con prétentieux", il faut savoir à quoi H. Guaino réagissait. A quoi réagissait-il ? Il réagissait au fait que B.-H. Lévy l'avait traité de "raciste". J'ai envie de dire, je ne suis pas sûr qu'être un intellectuel oblige à être dans l'excès et dans l'insulte. Si j'ai bonne mémoire, le philosophe-roi chez Platon, qui était la figure parfaite de l'intellectuel, c'est au contraire, celui qui avait le sens de l'équilibre et de la mesure. Je pense que ce serait bien que B.-H. Lévy s'y tienne !
Q- Et vous, vous dites des gros mots des fois, L. Wauquiez ?
R- Bien sûr que je dis des gros mots.
Q- Vous en diriez un au micro de RTL, là tout de suite ?
R- J'essaie d'éviter d'en dire un devant M. Aphatie.
Q- Couverture de "VSD", aujourd'hui, en kiosque : "Ses absences au côté du Président font débat au coeur du pouvoir. Que veut C. Sarkozy" ? Elle est en photo à la "une" de "VSD". Cela fait débat au coeur du pouvoir les absences de C. Sarkozy, L. Wauquiez ?
R- Non parce qu'il y a une chose qu'on essaie d'éviter de faire, c'est précisément de rentrer dans cet univers de rumeurs qui...
Q- Il y a beaucoup de rumeurs ?
R- Il y a beaucoup de rumeurs qui agitent la vie politique et parisienne...
Q- Et pour parler sans détours : [VSD] qui parle d'une séparation entre C. et N. Sarkozy.
R- Ecoutez, moi je trouve... Enfin, honnêtement je suis un peu consterné par ce genre de jeu. Un, sur la vie privée ; et de rumeurs dont on entoure systématiquement N. Sarkozy et Cécilia. Je trouve que tout ça est complètement déplacé et même, pour tout vous dire, un peu choquant.
Q- Pour vous, L. Wauquiez, ce que veut faire C. Sarkozy, c'est de la vie privée, et absolument pas de la vie publique ?
R- Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je trouve consternant, c'est la façon dont on instrumentalise le moindre fait et geste, le moindre déplacement. Et je me mets un tout petit peu à sa place, je pense que dans mon couple, je n'aimerais pas ça. La vie politique c'est de l'engagement, c'est dur. Cela n'autorise pas tout et n'importe quoi.
Q- L. Wauquiez, porte-parole du Gouvernement, qui n'a pas dit de gros mot et qui a cité Platon, était l'invité de RTL, ce matin. Pas mal !
R- Je me suis concentré, Monsieur Aphatie !
Bonne journée.Source:premier-ministre, Service d'information, le 10 octobre 2007