Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la rénovation du quartier de Chaoué à Allonnes (Sarthe), le 13 octobre 2007.

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Circonstance : Signature d'une convention de rénovation urbaine à Allonnes (Sarthe), le 13 octobre 2007

Texte intégral

Madame la secrétaire d'Etat,
Monsieur le maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver à Allonnes, parmi vous. Ici, nous avons monté des projets ensemble. Nous avons développé de nouvelles infrastructures, réhabilité des quartiers, développé des activités. Tout ne fut pas facile, mais nous avons avancé d'un même pas, quelles que soient nos étiquettes politiques.
Depuis cinq mois, le Gouvernement est à la tâche. Et conformément à notre mandat, nous sommes engagés dans un large mouvement de réformes qui a pour but de créer les conditions d'une France plus audacieuse, plus unie et plus sûre.
Durant la campagne présidentielle, nos concitoyens ont largement approuvé le principe de la rupture. Cette rupture, c'était et c'est pour eux une façon de refuser la fatalité et l'impuissance. C'était une façon de dénoncer une société où les destins sont figés. Figés par le milieu social, figés par les origines, figés par le quartier où vous vivez ou l'école que vous fréquentez. Tout cela n'est pas la République que nous aimons et que nous voulons.
C'est un fait : au cours des dernières décennies, la France s'est progressivement bloquée, faute de réformes, mais aussi faute de croissance suffisamment forte et durable. La persistance du chômage, le blocage de l'ascenseur social, la montée de la culture de la violence ont alors, pas à pas, miné notre contrat national.
Ce que l'on appelle "les quartiers" ont été frappés de plein fouet par ce ralentissement général du pays. L'insécurité s'y est déployée, des communautarismes ont surgi, des discriminations scandaleuses sont apparues.
C'est avec cette logique de l'échec et de la défiance qu'il nous faut collectivement rompre. Je dis "collectivement" car nous avons tous une part de responsabilité, mais aussi tous une part de pouvoir pour changer les choses.
Ce gouvernement d'ouverture - au sein duquel j'ai l'honneur de pouvoir compter sur l'expérience et la ferveur de Fadela Amara - répond à cette nécessité de fédérer les énergies et les intelligences d'où qu'elles viennent.
Je dis aussi "collectivement" car tout ne peut se décider ni venir du sommet de l'Etat. Il y a, monsieur le maire, les collectivités locales. Et il y a surtout nos concitoyens.
Il faut faire confiance à l'énergie positive et créative qui existe dans les quartiers et qui ne demande qu'à trouver les chemins de la reconnaissance et de la réussite.
Oui, il faut rompre avec cette logique de l'échec et de la défiance, et nous pouvons notamment le faire en rehaussant un certain nombre de valeurs : celle du civisme, celle de l'autorité, celle de la responsabilité, celle de l'effort.
C'est parce que nous voulons la France pour tous, celle où les barrières sociales et les discriminations sont balayées, que je défends, avec le chef de l'Etat, la République de l'éducation, du travail et du mérite.
La République de l'éducation parce qu'elle est le moyen de s'affranchir.
La République du travail parce qu'il est le moyen de libérer sa famille et soi-même de sa situation sociale. Dans le travail, chacun est jugé sur ce qu'il fait et non sur ce qu'il prétend être. Là où le travail est dévalorisé, alors ce sont les privilèges de la naissance qui commandent !
Et enfin la République du mérite parce que le mérite n'est le privilège d'aucune classe ni d'aucune race. Qu'importe le lieu de naissance, le milieu social, la couleur de peau, ce qui compte, c'est ce qu'il y a au fond du coeur de chaque individu. Ce qui importe, c'est la part d'effort, de talent et de courage qui est en chacun.
Au coeur de cette République, il y a l'égalité des chances. Elle se bâtit au quotidien, sur le terrain. En voyant ce matin à quel point le quartier de Chaoué a changé, en quelques années, je dis que l'avenir est ouvert.
Ce quartier illustre la politique de la ville que nous voulons : une politique pragmatique, attentive au bien-être de nos concitoyens, portée de concert par l'ensemble des acteurs.
Nous le savons tous ici, Chaoué a hérité des difficultés que les banlieues françaises ne connaissent que trop : il abrite une population fragilisée, à bas revenus, souvent issue d'une immigration récente ; il concentre à lui seul 9 400 habitants sur 12 300 que comporte la commune ; il connaît un habitat dégradé, et un chômage qui frappe environ deux fois plus durement le quartier que le reste de la commune.
Parce que l'essentiel était en jeu, tous les acteurs ont conjugué leurs efforts. Commune, communauté urbaine, département, région, bailleurs sociaux, Etat : personne n'a manqué à l'appel.
Je sais l'implication qu'a demandée aux élus un tel dossier, m'étant moi-même beaucoup engagé lorsque j'étais président du conseil général.
Entre 1999 et 2003, ce sont 230 logements insalubres qui ont été démolis, 246 logements nouveaux qui ont été reconstruits et 2 050 logements qui ont été réhabilités. Ce volontarisme partagé porte aujourd'hui ses fruits : le cadre de vie des habitants s'améliore ; des résultats importants ont été obtenus en matière de lutte contre l'insécurité ; la délinquance baisse régulièrement depuis 2006.
Cet effort, il se poursuit aujourd'hui avec un programme de rénovation urbaine qui engage 65 millions d'euros, dont 18 provenant de l'Etat, via l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Ce programme est ambitieux : c'est la création de nombreux équipements publics ; c'est la construction d'un "jardin des cultures" ; c'est l'installation d'un "espace forme" ; c'est l'aménagement de locaux associatifs ; c'est le pari de l'esthétique, avec le recours à un architecte de grande renommée, Alexandre Chémétoff ; c'est la démolition de 228 logements qui seront reconstruits dans des proportions strictement identiques. Cette reconstruction à l'identique, c'est une règle scrupuleuse qui s'applique à tous les quartiers qui bénéficient d'un programme de rénovation urbaine encouragé par l'Etat.
La règle est claire : nous reconstruisons ce que nous démolissons, mais nous amplifions en parallèle notre effort en faveur d'un habitat de qualité. J'ai annoncé la construction de 120 000 logements sociaux par an pendant 5 ans. Nous ferons tout pour que cet engagement soit tenu.
La réussite collective de Chaoué, je veux la voir dans les 386 quartiers qui sont concernés par la politique de rénovation urbaine. Voilà pourquoi le Gouvernement a décidé de ne pas freiner ses efforts. Voilà pourquoi, malgré la contrainte budgétaire, j'ai tenu à donner plus de moyens à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, dont le budget passera de 10 à 12 milliards d'euros.
Voilà pourquoi le Gouvernement présentera d'ici à la fin de l'année un plan d'action pour les quartiers les plus fragiles. Ce plan sera d'un genre nouveau. Nouveau dans l'esprit et dans la méthode. Vous le savez, jusqu'à présent, on s'est beaucoup occupé de la pierre ; maintenant nous allons aussi mettre l'accent sur les personnes. On s'est concentré sur l'urbain ; nous allons mettre la priorité sur "l'humain".
Ce plan comportera des mesures concrètes en faveur des habitants telles que l'accompagnement éducatif des enfants après 16 heures les jours de classe ; l'activité d'éveil à dominante artistique et sportive ; et, naturellement, un volet formation et emploi conséquent.
Pour élaborer ce plan, nous avons choisi une méthode à laquelle Fadela Amara tenait particulièrement : celle de la concertation, du débat et de l'initiative locale, bref celle qui consiste à écouter ce qui se dit et se propose dans les quartiers. C'est une large concertation nationale qui est engagée.
Madame la secrétaire d'Etat l'animera sur le terrain en se rendant partout où le souffle des idées et des propositions la portera. Elus, associations, habitants pourront exprimer leurs attentes, formuler leurs critiques, imaginer des solutions. Un site internet est ouvert depuis le 1er août. 11 000 personnes y ont déjà posté une contribution, sur près de 100 000 visiteurs.
Sur le terrain, depuis le 15 septembre, les préfets organisent le dialogue dans les quartiers en liaison avec les élus et les acteurs concernés.
Chère Fadela, sache que dans la Sarthe, nous sommes, depuis longtemps, convaincus de l'utilité de cette méthode. J'ai le souvenir qu'en 1988, nous avons installé les premiers conseils de réhabilitation, élus par les locataires dans chaque bâtiment.
Mesdames et messieurs,
Avec le président de la République, nous voulons libérer l'immense potentiel de notre pays. Nous voulons donner à chacun le sentiment que tout est possible. Possible de partir en bas de l'échelle pour se hisser au sommet. Possible de s'appeler Khaled, Kim ou Romain, et d'être jugé sur ses seuls mérites.
Possible de travailler plus pour gagner plus car il doit être permis pour chacun d'aller plus haut que ses parents et plus loin pour ses enfants. Possible de connaître l'échec sans pour autant basculer dans la résignation ou l'assistance car nul ne doit être condamné à dépendre des autres.
Possible de vivre dans sa cité sans avoir à choisir entre la peur et le repli. Possible de donner à notre pays autant que nous recevons de lui.
Voilà notre perspective, voilà notre ambition, et, à l'évidence, la force de cette ambition doit être redoublée là où l'idéal républicain est mis à l'épreuve. Là où sa concrétisation, est, plus qu'ailleurs, espérée.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 octobre 2007