Texte intégral
C. Barbier.- J.-P. Raffarin, bonjour.
R.- Bonjour C. Barbier.
Q.- Semaine cruciale pour le conflit autour des régimes spéciaux de retraite. Comme X. Bertrand, le ministre du Travail, pensez-vous que le conflit va durer ?
R.- Je pense qu'il peut durer, mais je pense que c'est un conflit qui sera réglé par l'arbitrage de l'opinion publique. Cette réforme des régimes spéciaux c'est le maillon entre la réforme de 2003, régime des fonctionnaires, et la réforme de 2008, tout le monde pour une nouvelle réforme des retraites, et donc, ce maillon là ne peut pas être un maillon faible.
Q.- "Arbitré par l'opinion" ! Entendez-vous par là que le Gouvernement ayant échoué à faire aboutir une négociation, il cherche à créer un rapport de force avec, dans la rue, des gens qui manifestent contre et dans les sondages, les Français qui manifestent pour ?
R.- Le Gouvernement ne recherche pas le rapport de force.
Q.- Il dit toujours : 25 millions d'un côté, 500.000 de l'autre.
R.- Le Gouvernement a la légitimité populaire de l'élection. Le Gouvernement ne cherche pas l'affrontement. Mais il est clair que la majorité silencieuse est aujourd'hui exaspérée et que l'UMP saura, s'il le faut, mobiliser la majorité silencieuse, pour que cette réforme aboutisse.
Q.- C'est-à-dire que vous envisageriez de contre-manifestations, par exemple comme le 30 mai 68 pour les gaullistes ?
R.- Nous ne recherchons pas le conflit, mais nous serons prêts pour que la majorité silencieuse se fasse entendre dans le pays. Nous sommes pour la négociation, pour le dialogue social, beaucoup de choses ont été faites pour le dialogue social, il est clair que cette réforme indispensable, c'est ce maillon essentiel entre la réforme de 2003 et celle de 2008. Ce devoir de réforme, que j'ai engagé en 2003, il faut aujourd'hui le continuer.
Q.- Le Gouvernement nous demande de faire grève, estime F. Chérèque ; B. Thibault ajoute que le Gouvernement cherche le conflit pour l'exemple. Il y a cette accusation qui demeure.
R.- Je ne crois pas. Le Gouvernement a été très clair et le président de la République, dans la campagne électorale, et ensuite il a dit qu'il était capable de négocier sur beaucoup de sujets. Il y a un sujet qui n'est pas négociable : c'est la même durée de cotisations pour tous les Français. Nous devons cotiser de manière équitable les uns et les autres. 40 ans c'est aujourd'hui la règle générale, il faut que les régimes spéciaux soient à cette règle générale. Et donc le Gouvernement a tendu la main, mais il est clair qu'il ne peut pas aller contre l'équité.
Q.- Alors, pour mobiliser la majorité silencieuse, pour la rendre audible, si la grève dure, est-ce que N. Sarkozy ne va pas être obligé de monter en première ligne, J. Dray le disait ce week-end, il ne doit pas se défiler sur ce dossier.
R.- Il est clair que le président de la République est en première ligne...
Q.- Discrètement, sur ce dossier.
R.- Mais il est clair aussi que les syndicats ont la tentation de la politique aujourd'hui et je crois que le premier responsable de la tentation politique syndicale, c'est la déshérence du PS, c'est le déclin du PS qui donne aux syndicats quelquefois l'intention, la tentation de faire de la politique. Si on avait un débat politique, avec un PS qui serait en forme, qui serait mobilisé par d'autres sujets que ses querelles internes, il y aurait une dialectique politique dans le pays. Aujourd'hui, les syndicats se mettent un peu en situation d'opposition politique et ça, ce n'est pas bien. Dans une démocratie sociale, l'échec syndical n'est pas une bonne chose. Et la CGT, par son intransigeance, peut conduire à l'échec syndical, ce qui n'est pas l'objectif du Gouvernement. Dans la démocratie sociale, personne n'est gagnant dans l'échec.
Q.- Pourquoi ne pas céder un peu sur la réforme ? Alors, pas sur les 40 annuités, dont vous faites un symbole, mais par exemple sur l'indexation des retraites, sur les salaires ?
R.- Ecoutez, il est clair qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels il y a discussion, notamment sur la pénibilité, qui est le sujet majeur. Beaucoup de syndicats réformistes mettent ce sujet en avant. Le Gouvernement a dit clairement que dans les entreprises il y avait une discussion, que cette discussion se déroule.
Q.- A défaut de chercher le conflit, est-ce que le Gouvernement ne cherche pas la division des syndicats, en négociant en sous-main avec les Autonomes conducteurs, la dernière fois en octobre, cette fois-ci avec la CGC, avec la CFTC ?
R.- X. Bertrand est un excellent ministre, il fait un travail remarquable, il discute, il négocie, avec ceux qui veulent bien négocier avec lui. Ce n'est pas lui qui divise, ce sont les syndicats qui, pour certains, veulent négocier, et pour d'autres veulent plutôt protester.
Q.- Enfin, les internes en médecine ou les marins pêcheurs, on les a entendus tout de suite, ou presque. Là, on bloque.
R.- On ne bloque pas. On ne bloque pas, la preuve c'est que la porte du bureau de X. Bertrand est ouverte en permanence, il a dit clairement qu'il était prêt à discuter sur les modalités, mais pas sur les 40 ans. Je pense qu'il faut être clair là-dessus. Ce sujet n'est pas négociable. La majorité toute entière, l'UMP est rassemblé, soudé, sur cet objectif de réforme, pour que le Gouvernement tienne bon.
Q.- Pendant ce temps là, certains étudiants, qui bloquent certaines Facs, veulent se mêler du conflit des cheminots. Par solidarité, ils veulent bloquer les gares demain. Est-ce qu'ils sont politiquement manipulés ?
R.- Je le pense, en tout cas on voit bien qu'il y a des militants du 3ème tour social et je pense que ces militants du 3ème tour social ne servent pas la cause syndicale, ne servent pas la cause des réformes et c'est pour ça qu'il y a une majorité, aujourd'hui, qui est exaspérée, parce qu'on donne le sentiment de vouloir systématiquement faire obstacle à la réforme. Or il faut réformer le pays.
Q.- Vous donnez l'impression que cette exaspération peut faire sauter le couvercle de la marmite, quand même.
R.- Non, je...
Q.- Il y a des risques de violences sur le terrain, de colère d'usagers, de coups de poings.
R.- Non, je ne le crois pas. Je ne le crois pas. Le Gouvernement, le président de la République réunissant les dirigeants de l'UMP la semaine dernière nous a dit : détermination mais sang-froid. Donc, évidemment, nous ferons tout ce qu'il faut pour que l'esprit de dialogue, l'esprit d'ouverture, s'impose dans ce conflit. Et nous ne sommes pas pour nier les tensions et bien sûr, pas la violence
Q.- Et dans les facultés, êtes-vous pour que le Gouvernement soit très ferme et envoie les CRS pour évacuer chaque fois qu'il y a un blocage ?
R.- Non, nous sommes pour la démocratie pure et simple. Que les étudiants exigent le vote à bulletins secrets et que ceux qui ont envie de travailler aillent voter. Et si on respecte les règles de la démocratie, les universités reprendront le travail. Il est clair qu'il y a une majorité d'étudiantes et d'étudiants qui veulent travailler, qu'ils puissent s'exprimer, et pour ça, une seule règle : le vote à bulletins secrets.
Q.- Est-ce que le Gouvernement n'est pas affaibli dans sa volonté de réforme, par l'absence de résultats, notamment en matière de pouvoir d'achat ? Il y a comme un doute, vous le dites vous-même : les élus UMP ont 7/10 seulement au niveau du moral. Ce n'est pas beaucoup après six mois.
R.- Ce n'est pas mal. Il est évident qu'on est à la veille d'une échéance sociale, donc tout le monde est prudent et tout le monde est mobilisé. Détermination et sang-froid.
Q.- Et pas de résultat.
R.- Mais les résultats, écoutez, soyons sérieux. Il est clair que l'on ne peut pas demander, dans les six premiers mois, à ce que des réformes, comme celle par exemple des heures supplémentaires, qui est appliquée seulement au 1er octobre, qu'il y ait des résultats avant la fin du mois d'octobre. Donc, il est évident qu'il faut attendre une année pour voir dans la vie concrète, les résultats d'une politique qui a été menée depuis le printemps dernier.
Q.- « Je n'ai pas peur », dit F. Fillon dans Le Journal Du Dimanche. Il a eu un peu peur, samedi, il n'est pas venu à Pornic, peur peut-être de la grogne des UMP, peur aussi des manifestations de marins pêcheurs.
R.- Il n'y a pas de grogne à l'UMP. Je vais vous dire très franchement, je pense que les difficultés sociales soudent la majorité et soudent l'UMP. Et l'UMP est rassemblé derrière le président de la République pour mener une politique de réforme. Donc il n'y a pas...
Q.- Et il y a un peu de peur à Matignon, quand même ?
R.- Il n'y a pas à avoir peur de l'UMP. L'UMP est une force de confiance, est une force engagée pour la politique de la France.
Q.- Un Premier ministre, ça doit aller quand même au contact, au choc. Là, il s'est un peu défilé samedi, non ?
R.- Il est clair que beaucoup de militants de l'Ouest, sa région, ont été déçus de ne pas voir le Premier ministre, mais comme je leur ai expliqué, c'est le premier urgentiste de France et donc il doit faire face aux urgences du pays.
Q.- Alors, urgence sur la réforme de la carte judiciaire, vous en avez parlé avec le Premier ministre la semaine dernière : est-ce que le Gouvernement va adoucir son plan de suppression de tribunaux, notamment les tribunaux d'instance, pour épargner le choc électoral aux municipales en retour ?
R.- R. Dati est très courageuse. Elle a commencé, pour son action, à la tête du ministère de la Justice par le plus difficile : la réforme de la carte judiciaire, et beaucoup de gouvernements, précédemment, n'avaient pas pu mener cette réforme. Et donc, elle s'y engage avec courage. Il est clair que la nécessité d'une justice plus rapide, moins dispersée, moins lourde, exige une réorganisation de la carte judiciaire et donc il faut mener cette réforme à son terme. Mais il est aussi évident que dans une vingtaine de sites, il y a des conséquences qui peuvent affaiblir une ville, donner le sentiment que cette ville est quelque peu... un peu déclassée, auquel cas, il faut que le Premier ministre ait une vision d'aménagement du territoire et apporte les compensations nécessaires, ici ou là, pour que personne ne se sente, par cette réforme, offensé.
Q.- Vous accueillez R. Dati, aujourd'hui, à Poitiers, est-ce que...
R.- Absolument, et volontiers.
Q.- Est-ce que vous avez négocié, avant sa venue, certaines suppressions, certains maintiens, en échange de votre présence ?
R.- Je n'ai pas négocié, mais j'ai dit clairement, fermement et gentiment, comme je sais le faire, que je tenais à un certain nombre de sujets. Donc, j'ai discuté et pour être franc avec vous, je suis content de la conclusion de nos discussions.
Q.- Elle n'est pas butée, elle n'est pas autiste.
R.- Elle n'est pas du tout butée. Il est clair qu'elle a des exigences et que la réforme, tout le monde la demande, mais quand on passe à l'acte, on passe à l'acte avec quelquefois des difficultés. Je le sais bien, j'ai beaucoup réformé dans ce pays, c'est très difficile et j'admire le courage de ceux qui s'engagent dans la réforme.
Q.- Et que dites-vous aux députés, aux sénateurs UMP qui disent qu'ils ne voteront pas le budget de la Justice ?
R.- Je leur dis qu'il faut qu'ils obtiennent pour leur ville, pour leur circonscription, pour leur territoire, les compensations nécessaires. Mais je leur dis que tout le monde, dans notre pays, est conscient de la dette de notre pays, est conscient de la difficulté des finances publiques et donc il faut bien réformer notre organisation publique, l'organisation de l'Etat. Et donc ce n'est pas en bloquant les réformes que l'on sert la France. Il faut faire les réformes et puis avoir cet oeil attentif aux territoires pour compenser ici ou là par d'autres initiatives et faire en sorte que chacun puisse ainsi trouver sa place dans la République décentralisée de manière apaisée.
Q.- Faire les réformes, par exemple les réformes des institutions, le bureau politique de l'UMP cogite demain sur ce sujet. Est-ce qu'il faut passer à l'acte et voter de nouveaux textes avant les municipales, comme le demande P. Devedjian, ou est-ce qu'il faut patiemment attendre l'après municipales ?
R.- Je pense qu'une première lecture avant les élections municipales montrera notre détermination sur ce sujet. N. Sarkozy a raison : pour mener une politique de réforme, il faut réformer la politique. Il faut donc faire une réforme des institutions et puis il y a débat avec ce comité Balladur et ses propositions. Il est clair qu'il y a une sorte de tentation présidentialiste dans ce texte et il faut peut-être corriger quelques éléments du système présidentiel qui nous est proposé, par un système équilibré, et personnellement, je défends le renforcement du rôle du Premier ministre, parce que c'est lui qui est cette forte motrice, entre le Président, dont il dépend, et le Parlement, dont il dépend également.
Q.- Le Premier ministre qui lui est plutôt pour le régime présidentiel, à rebours.
R.- Mais c'est pour ça que je lui dis qu'il faut qu'il assume pleinement sa place et il a sa place, elle est disponible, il faut qu'il l'occupe.
Q.- J.-P. Raffarin, merci, bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 12 novembre 2007
R.- Bonjour C. Barbier.
Q.- Semaine cruciale pour le conflit autour des régimes spéciaux de retraite. Comme X. Bertrand, le ministre du Travail, pensez-vous que le conflit va durer ?
R.- Je pense qu'il peut durer, mais je pense que c'est un conflit qui sera réglé par l'arbitrage de l'opinion publique. Cette réforme des régimes spéciaux c'est le maillon entre la réforme de 2003, régime des fonctionnaires, et la réforme de 2008, tout le monde pour une nouvelle réforme des retraites, et donc, ce maillon là ne peut pas être un maillon faible.
Q.- "Arbitré par l'opinion" ! Entendez-vous par là que le Gouvernement ayant échoué à faire aboutir une négociation, il cherche à créer un rapport de force avec, dans la rue, des gens qui manifestent contre et dans les sondages, les Français qui manifestent pour ?
R.- Le Gouvernement ne recherche pas le rapport de force.
Q.- Il dit toujours : 25 millions d'un côté, 500.000 de l'autre.
R.- Le Gouvernement a la légitimité populaire de l'élection. Le Gouvernement ne cherche pas l'affrontement. Mais il est clair que la majorité silencieuse est aujourd'hui exaspérée et que l'UMP saura, s'il le faut, mobiliser la majorité silencieuse, pour que cette réforme aboutisse.
Q.- C'est-à-dire que vous envisageriez de contre-manifestations, par exemple comme le 30 mai 68 pour les gaullistes ?
R.- Nous ne recherchons pas le conflit, mais nous serons prêts pour que la majorité silencieuse se fasse entendre dans le pays. Nous sommes pour la négociation, pour le dialogue social, beaucoup de choses ont été faites pour le dialogue social, il est clair que cette réforme indispensable, c'est ce maillon essentiel entre la réforme de 2003 et celle de 2008. Ce devoir de réforme, que j'ai engagé en 2003, il faut aujourd'hui le continuer.
Q.- Le Gouvernement nous demande de faire grève, estime F. Chérèque ; B. Thibault ajoute que le Gouvernement cherche le conflit pour l'exemple. Il y a cette accusation qui demeure.
R.- Je ne crois pas. Le Gouvernement a été très clair et le président de la République, dans la campagne électorale, et ensuite il a dit qu'il était capable de négocier sur beaucoup de sujets. Il y a un sujet qui n'est pas négociable : c'est la même durée de cotisations pour tous les Français. Nous devons cotiser de manière équitable les uns et les autres. 40 ans c'est aujourd'hui la règle générale, il faut que les régimes spéciaux soient à cette règle générale. Et donc le Gouvernement a tendu la main, mais il est clair qu'il ne peut pas aller contre l'équité.
Q.- Alors, pour mobiliser la majorité silencieuse, pour la rendre audible, si la grève dure, est-ce que N. Sarkozy ne va pas être obligé de monter en première ligne, J. Dray le disait ce week-end, il ne doit pas se défiler sur ce dossier.
R.- Il est clair que le président de la République est en première ligne...
Q.- Discrètement, sur ce dossier.
R.- Mais il est clair aussi que les syndicats ont la tentation de la politique aujourd'hui et je crois que le premier responsable de la tentation politique syndicale, c'est la déshérence du PS, c'est le déclin du PS qui donne aux syndicats quelquefois l'intention, la tentation de faire de la politique. Si on avait un débat politique, avec un PS qui serait en forme, qui serait mobilisé par d'autres sujets que ses querelles internes, il y aurait une dialectique politique dans le pays. Aujourd'hui, les syndicats se mettent un peu en situation d'opposition politique et ça, ce n'est pas bien. Dans une démocratie sociale, l'échec syndical n'est pas une bonne chose. Et la CGT, par son intransigeance, peut conduire à l'échec syndical, ce qui n'est pas l'objectif du Gouvernement. Dans la démocratie sociale, personne n'est gagnant dans l'échec.
Q.- Pourquoi ne pas céder un peu sur la réforme ? Alors, pas sur les 40 annuités, dont vous faites un symbole, mais par exemple sur l'indexation des retraites, sur les salaires ?
R.- Ecoutez, il est clair qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels il y a discussion, notamment sur la pénibilité, qui est le sujet majeur. Beaucoup de syndicats réformistes mettent ce sujet en avant. Le Gouvernement a dit clairement que dans les entreprises il y avait une discussion, que cette discussion se déroule.
Q.- A défaut de chercher le conflit, est-ce que le Gouvernement ne cherche pas la division des syndicats, en négociant en sous-main avec les Autonomes conducteurs, la dernière fois en octobre, cette fois-ci avec la CGC, avec la CFTC ?
R.- X. Bertrand est un excellent ministre, il fait un travail remarquable, il discute, il négocie, avec ceux qui veulent bien négocier avec lui. Ce n'est pas lui qui divise, ce sont les syndicats qui, pour certains, veulent négocier, et pour d'autres veulent plutôt protester.
Q.- Enfin, les internes en médecine ou les marins pêcheurs, on les a entendus tout de suite, ou presque. Là, on bloque.
R.- On ne bloque pas. On ne bloque pas, la preuve c'est que la porte du bureau de X. Bertrand est ouverte en permanence, il a dit clairement qu'il était prêt à discuter sur les modalités, mais pas sur les 40 ans. Je pense qu'il faut être clair là-dessus. Ce sujet n'est pas négociable. La majorité toute entière, l'UMP est rassemblé, soudé, sur cet objectif de réforme, pour que le Gouvernement tienne bon.
Q.- Pendant ce temps là, certains étudiants, qui bloquent certaines Facs, veulent se mêler du conflit des cheminots. Par solidarité, ils veulent bloquer les gares demain. Est-ce qu'ils sont politiquement manipulés ?
R.- Je le pense, en tout cas on voit bien qu'il y a des militants du 3ème tour social et je pense que ces militants du 3ème tour social ne servent pas la cause syndicale, ne servent pas la cause des réformes et c'est pour ça qu'il y a une majorité, aujourd'hui, qui est exaspérée, parce qu'on donne le sentiment de vouloir systématiquement faire obstacle à la réforme. Or il faut réformer le pays.
Q.- Vous donnez l'impression que cette exaspération peut faire sauter le couvercle de la marmite, quand même.
R.- Non, je...
Q.- Il y a des risques de violences sur le terrain, de colère d'usagers, de coups de poings.
R.- Non, je ne le crois pas. Je ne le crois pas. Le Gouvernement, le président de la République réunissant les dirigeants de l'UMP la semaine dernière nous a dit : détermination mais sang-froid. Donc, évidemment, nous ferons tout ce qu'il faut pour que l'esprit de dialogue, l'esprit d'ouverture, s'impose dans ce conflit. Et nous ne sommes pas pour nier les tensions et bien sûr, pas la violence
Q.- Et dans les facultés, êtes-vous pour que le Gouvernement soit très ferme et envoie les CRS pour évacuer chaque fois qu'il y a un blocage ?
R.- Non, nous sommes pour la démocratie pure et simple. Que les étudiants exigent le vote à bulletins secrets et que ceux qui ont envie de travailler aillent voter. Et si on respecte les règles de la démocratie, les universités reprendront le travail. Il est clair qu'il y a une majorité d'étudiantes et d'étudiants qui veulent travailler, qu'ils puissent s'exprimer, et pour ça, une seule règle : le vote à bulletins secrets.
Q.- Est-ce que le Gouvernement n'est pas affaibli dans sa volonté de réforme, par l'absence de résultats, notamment en matière de pouvoir d'achat ? Il y a comme un doute, vous le dites vous-même : les élus UMP ont 7/10 seulement au niveau du moral. Ce n'est pas beaucoup après six mois.
R.- Ce n'est pas mal. Il est évident qu'on est à la veille d'une échéance sociale, donc tout le monde est prudent et tout le monde est mobilisé. Détermination et sang-froid.
Q.- Et pas de résultat.
R.- Mais les résultats, écoutez, soyons sérieux. Il est clair que l'on ne peut pas demander, dans les six premiers mois, à ce que des réformes, comme celle par exemple des heures supplémentaires, qui est appliquée seulement au 1er octobre, qu'il y ait des résultats avant la fin du mois d'octobre. Donc, il est évident qu'il faut attendre une année pour voir dans la vie concrète, les résultats d'une politique qui a été menée depuis le printemps dernier.
Q.- « Je n'ai pas peur », dit F. Fillon dans Le Journal Du Dimanche. Il a eu un peu peur, samedi, il n'est pas venu à Pornic, peur peut-être de la grogne des UMP, peur aussi des manifestations de marins pêcheurs.
R.- Il n'y a pas de grogne à l'UMP. Je vais vous dire très franchement, je pense que les difficultés sociales soudent la majorité et soudent l'UMP. Et l'UMP est rassemblé derrière le président de la République pour mener une politique de réforme. Donc il n'y a pas...
Q.- Et il y a un peu de peur à Matignon, quand même ?
R.- Il n'y a pas à avoir peur de l'UMP. L'UMP est une force de confiance, est une force engagée pour la politique de la France.
Q.- Un Premier ministre, ça doit aller quand même au contact, au choc. Là, il s'est un peu défilé samedi, non ?
R.- Il est clair que beaucoup de militants de l'Ouest, sa région, ont été déçus de ne pas voir le Premier ministre, mais comme je leur ai expliqué, c'est le premier urgentiste de France et donc il doit faire face aux urgences du pays.
Q.- Alors, urgence sur la réforme de la carte judiciaire, vous en avez parlé avec le Premier ministre la semaine dernière : est-ce que le Gouvernement va adoucir son plan de suppression de tribunaux, notamment les tribunaux d'instance, pour épargner le choc électoral aux municipales en retour ?
R.- R. Dati est très courageuse. Elle a commencé, pour son action, à la tête du ministère de la Justice par le plus difficile : la réforme de la carte judiciaire, et beaucoup de gouvernements, précédemment, n'avaient pas pu mener cette réforme. Et donc, elle s'y engage avec courage. Il est clair que la nécessité d'une justice plus rapide, moins dispersée, moins lourde, exige une réorganisation de la carte judiciaire et donc il faut mener cette réforme à son terme. Mais il est aussi évident que dans une vingtaine de sites, il y a des conséquences qui peuvent affaiblir une ville, donner le sentiment que cette ville est quelque peu... un peu déclassée, auquel cas, il faut que le Premier ministre ait une vision d'aménagement du territoire et apporte les compensations nécessaires, ici ou là, pour que personne ne se sente, par cette réforme, offensé.
Q.- Vous accueillez R. Dati, aujourd'hui, à Poitiers, est-ce que...
R.- Absolument, et volontiers.
Q.- Est-ce que vous avez négocié, avant sa venue, certaines suppressions, certains maintiens, en échange de votre présence ?
R.- Je n'ai pas négocié, mais j'ai dit clairement, fermement et gentiment, comme je sais le faire, que je tenais à un certain nombre de sujets. Donc, j'ai discuté et pour être franc avec vous, je suis content de la conclusion de nos discussions.
Q.- Elle n'est pas butée, elle n'est pas autiste.
R.- Elle n'est pas du tout butée. Il est clair qu'elle a des exigences et que la réforme, tout le monde la demande, mais quand on passe à l'acte, on passe à l'acte avec quelquefois des difficultés. Je le sais bien, j'ai beaucoup réformé dans ce pays, c'est très difficile et j'admire le courage de ceux qui s'engagent dans la réforme.
Q.- Et que dites-vous aux députés, aux sénateurs UMP qui disent qu'ils ne voteront pas le budget de la Justice ?
R.- Je leur dis qu'il faut qu'ils obtiennent pour leur ville, pour leur circonscription, pour leur territoire, les compensations nécessaires. Mais je leur dis que tout le monde, dans notre pays, est conscient de la dette de notre pays, est conscient de la difficulté des finances publiques et donc il faut bien réformer notre organisation publique, l'organisation de l'Etat. Et donc ce n'est pas en bloquant les réformes que l'on sert la France. Il faut faire les réformes et puis avoir cet oeil attentif aux territoires pour compenser ici ou là par d'autres initiatives et faire en sorte que chacun puisse ainsi trouver sa place dans la République décentralisée de manière apaisée.
Q.- Faire les réformes, par exemple les réformes des institutions, le bureau politique de l'UMP cogite demain sur ce sujet. Est-ce qu'il faut passer à l'acte et voter de nouveaux textes avant les municipales, comme le demande P. Devedjian, ou est-ce qu'il faut patiemment attendre l'après municipales ?
R.- Je pense qu'une première lecture avant les élections municipales montrera notre détermination sur ce sujet. N. Sarkozy a raison : pour mener une politique de réforme, il faut réformer la politique. Il faut donc faire une réforme des institutions et puis il y a débat avec ce comité Balladur et ses propositions. Il est clair qu'il y a une sorte de tentation présidentialiste dans ce texte et il faut peut-être corriger quelques éléments du système présidentiel qui nous est proposé, par un système équilibré, et personnellement, je défends le renforcement du rôle du Premier ministre, parce que c'est lui qui est cette forte motrice, entre le Président, dont il dépend, et le Parlement, dont il dépend également.
Q.- Le Premier ministre qui lui est plutôt pour le régime présidentiel, à rebours.
R.- Mais c'est pour ça que je lui dis qu'il faut qu'il assume pleinement sa place et il a sa place, elle est disponible, il faut qu'il l'occupe.
Q.- J.-P. Raffarin, merci, bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 12 novembre 2007