Interview de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, à "France 2" le 19 novembre 2007, sur la préparation d'une réunion tripartite gouvernement-syndicats-entreprises pour dénouer la grève dans les transports et sur la situation politique en Polynésie.

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Texte intégral

R. Sicard.- Secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, mais aussi proche fidèle de N. Sarkozy. Alors, avec la grève dans les transports, la grève aux universités, la grève demain chez les fonctionnaires, on a l'impression qu'on est à un tournant dans le quinquennat de N. Sarkozy.
R.- Oh, je ne crois pas que nous soyons à un tournant, simplement, nous sommes dans l'esprit de réforme qui nous anime depuis ce 6 mai, où il y a eu une volonté de changement de la part des Français, où le président de la République et le Gouvernement ont parfaitement respecté et leurs engagements et le calendrier, on n'est pas du tout dans les mêmes cas de figure qu'on a pu connaître par le passé : volonté de réformes et volonté de dialogue. C'est nouveau.
Q.- Mais on a quand même le sentiment qu'il y a un changement dans la mesure où le mécontentement, les mécontentements sont en train de monter ?
R.- Il est normal que les organisations syndicales s'expriment toujours dans des moments comme ceux-ci, mais je crois que ça fait très longtemps qu'on n'avait pas connu dans notre pays une telle volonté de dialogue, de concertation, de négociation de la part d'un Gouvernement. D'ailleurs, la réponse se fait dans les transports avec cette reprise du travail, qui se fait sentir un peu plus tous les jours.
Q.- Ce n'est pas quand même ce qu'ont dit les syndicats la semaine dernière, qui disaient : le Gouvernement cherche en fait l'épreuve de force.
R.- Je n'ai pas le sentiment que ce soit l'image qu'a offerte le Gouvernement. D'abord X. Bertrand qui a fait un travail relationnel de tous les instants, avec l'ensemble des syndicats, le fil a toujours été ouvert, la discussion permanente, et puis, cette grande rencontre de mercredi qui démontre que sans préalable, chacun a accepté de se mettre autour de la table, c'était une volonté du Gouvernement, il faut cette reprise de la négociation, et nous n'avons cessé de l'afficher.
Q.- Sans préalable, pas tout à fait, puisque le Gouvernement dit qu'il faut une reprise progressive du travail, et les syndicats disent qu'ils ne viendront pas si le Gouvernement n'est pas là. Donc il y a un préalable, et on ne sait pas si ça va aboutir ?
R.- X. Bertrand a dit très clairement qu'il fallait qu'il y ait une dynamique de reprise du travail. On voit bien qu'elle est en route. Trois données, je veux quand même les préciser : plus les jours passent et moins il y a de grévistes, plus les jours passent, plus les Français sont mécontents, et je pense à tous ceux-là qui se lèvent à 4 heures du matin pour prendre leur métro, mais qui, en même temps, continuent à nous dire : tenez bon, tous ceux-là qui sont désespérés pour placer leurs enfants en crèche, trouver une nounou, prendre leurs RTT en lieu et place de leurs congés. Et puis, troisième donnée, c'est quand même qu'il y a eu le 6 mai, avec le suffrage universel qui s'est exprimé, et aucun de ces Français ne comprendrait que nous ne respections pas nos engagements.
Q.- Mais vous parlez de la négociation de mercredi. Pourquoi mercredi ? Pourquoi pas tout de suite, puisque, comme vous le disiez, pour les usagers, c'est la galère ?
R.- Mais parce que chacun comprend que dans une négociation, il faut trouver un accord, une date. On a voulu qu'il y ait trois partenaires, c'était les organisations syndicales qui souhaitaient la présence d'un représentant de l'Etat ; il fallait que l'entreprise donne aussi son accord. Quand on doit se mettre à trois autour de la table, il faut trouver le meilleur dénominateur commun pour chacun, ça a été mercredi.
Q.- Mais pour les usagers, on ne pouvait pas aller plus vite ? Il n'y avait aucune solution ?
R.- Il y a urgence à répondre aux usagers qui ne supportent plus cette situation, et chacun doit le comprendre. Le Gouvernement souhaite qu'il y ait une reprise la plus rapide possible du travail. On a annoncé encore un jour de grève, et puis encore un jour de manifestations et de mouvements sociaux demain, ce n'est pas du fait du gouvernement, qui n'a cessé d'avoir sa porte ouverte au dialogue et à la discussion. Il y a une date de négociations qui est fixée à mercredi, c'est tant mieux. Mais en tout cas, j'appelle chacun à assumer ses responsabilités face aux Français, qui ne peuvent plus comprendre que des grèves quelquefois se transforment en blocages.
Q.- Quelles concessions le Gouvernement peut faire pour justement sortir de cette crise ?
R.- D'abord, je veux le dire, nous serons fermes, et ouverts. Fermes pour les 40 ans pour tous. C'est une exigence. C'est l'égalité, chacun doit comprendre que dans un pays comme le nôtre, tout le monde - c'est un principe d'égalité -...
Q.- Mais dans une négociation, il faut faire des concessions, alors sur quoi ?
R.- Et en même temps, nous avons dit clairement que nous étions ouverts à toute discussion, d'abord branche par branche, dans l'entreprise, sur l'augmentation des salaires en fin de carrière, sur la pénibilité, sur beaucoup d'autres sujets où le Gouvernement est ouvert à toutes les discussions possibles, à condition qu'on ne nous impose pas un préalable sur ce qu'est l'essentiel : revenir en arrière sur les 40 ans. C'était un engagement, et ce serait un mauvais service rendu à notre pays que de ne pas le respecter.
Q.- N. Sarkozy, sur cette affaire, n'est pas intervenu personnellement. Est-ce que vous avez le sentiment qu'il doit intervenir lui-même ?
R.- Vous savez, chacun connaît le président de la République, qui intervient toujours à bon escient. Donc ça n'est pas à moi de le dire ici, ce sera...
Q.- Est-ce que vous le souhaitez ?
R.- Ce sera à lui, mais le président de la République n'a pas à être en première ligne sur tous les sujets, tous les jours. On ne peut pas un jour l'accuser d'être omniprésent, et puis, parce que pendant une semaine ou dix jours, le Président n'interviendrait pas, tout en restant très présent, très actif, comme chacun peut le voir, sur un dossier, et dire : eh bien, tiens, le Président n'est pas suffisamment présent. Le Président choisira le jour, l'heure, la manière, en fonction de l'évolution de la situation.
Q.- Mais ce jour va venir, d'après vous ?
R.- Chacun connaît le Président, son engagement, son souhait de dialoguer avec les Français. Donc forcément, il y aura, à un moment, une grande rencontre, sous une forme ou sous une autre, entre lui et les Français. En tout cas, c'est le sentiment personnel - je dis bien « personnel » - que j'en ai.
Q.- Les syndicats ont dit que le Gouvernement cherchait l'épreuve de force pour briser justement les syndicats et changer le rapport social, le rapport de dialogue social, avec des syndicats très affaiblis. Est-ce que vous avez l'impression que c'est une stratégie qui a été mise en place ?
R.- Non. Nous avons beaucoup de respect d'abord pour un certain nombre de responsables syndicaux, je ne vais pas tous les citer, mais monsieur Thibault, monsieur Chérèque et bien d'autres encore, qui se montrent assez responsables, me semble-t-il, dans cette négociation que nous avons voulue. Nous ne voulons pas de crise, nous ne voulons humilier personne, chacun doit être respecté pour ce qu'il est. Nous savons qu'il y a aussi des difficultés au coeur des syndicats avec un noyau dur. Et j'appelle ce noyau dur à comprendre que les Français ne pourront pas accepter longtemps d'être pris en situation d'otage comme ils le sont aujourd'hui.
Q.- Une question sur la Polynésie, vous êtes secrétaire d'Etat aux Dom Tom. La Polynésie est en crise politique depuis des mois. Il y a un projet de loi qui va être discuté cette semaine, à l'Assemblée nationale. Comment est-ce que vous allez sortir de cette crise ?
R.- La Polynésie est une terre de France qui a son histoire, sa culture, son identité, qui a besoin que nous l'engagions vers la voie de la prospérité. Et je redis à tous nos compatriotes polynésiens qu'il est temps que nous leur donnions la transparence, que nous leur donnions les moyens de pouvoir, dans notre partenariat avec ceux qui assument l'autonomie, de cette prospérité, de ce développement économique ; voilà pourquoi nous leur donnerons l'opportunité de re-choisir leur propre destin au mois de janvier prochain, avec des réformes institutionnelles, qui assureront une garantie de transparence.
Q.- Un des hommes forts de la Polynésie, G. Flosse, UMP, n'a pas voté au Sénat votre projet de loi. On dit que c'est la fin du système Flosse.
R.- Oh, ça n'est la fin ni de l'un ni de l'autre. Simplement, la Polynésie française doit, comme tout territoire de France, avoir une démocratie qui puisse s'exprimer librement, de manière épanouie, pour garantir une équité et une condition sociale justes pour chacun de ses concitoyens. C'est ce à quoi je me suis engagé. Et c'est ce que je ferai respecter au nom du Gouvernement.
Q.- Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 novembre 2007